Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 juin 2018, 17-20.280, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 3 mars 2017), que les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements sont propriétaires, à Saint-Denis, de parcelles sur lesquelles elles ont créé un lotissement traversé par la rue des Marquis ; que la société Colline des Camélias est propriétaire des parcelles voisines issues de la division du même ensemble foncier, sur lesquelles elle a entrepris l'aménagement d'une ZAC portant sur quatre cent cinquante logements ; que la société Colline des Camélias a assigné les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements en reconnaissance d'une servitude de passage conventionnelle et autorisation d' effectuer en sous-sol des travaux d'installation de tous réseaux et conduits nécessaires à la desserte de la ZAC ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements font grief à l'arrêt d'accueillir la demande en reconnaissance d'une servitude de passage, alors, selon le moyen :

1°/ que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements contestaient expressément l'emplacement d'une servitude de passage sur la rue des Marquis pour la desserte du lotissement de la société Colline des Camélias ; qu'elles soutenaient, en effet, que, contrairement à la mention figurant dans l'acte de vente du 30 juin 2005 au profit de cette société et à ce que les premiers juges avaient retenu, il résultait à la fois de cet acte mais aussi de l'acte d'apport des consorts Z... A... du 1er février 1962 et de l'acte de vente du 20 mars 1980 au profit de la société Maison Ah Sing, que cette servitude correspondait en réalité non à la rue des Marquis mais à la rue des Capucines située à l'Ouest du lotissement Les Rosiers et que le projet initial de voie de desserte de la Zac se situait d'ailleurs exactement dans le prolongement de cette allée avec création d'une voie afin de franchir le rempart existant ; qu'en se contentant de retenir, pour dire que la Sarl Colline des Camélias bénéficie d'une servitude de passage qui s'exerce notamment sur la rue des Marquis pour accéder au boulevard de la Providence à Saint-Denis , que le droit de passage prévu dans le titre de la société Colline des Camélias est conforté par l'acte de propriété de la société Maison Ah Sing et que ces deux titres faisaient expressément référence à l'acte du 1er février 1962 incluant l'existence de voies réservées à un lotissement ou à des zones particulières du vaste terrain ayant appartenu aux consorts A... sans répondre aux conclusions des exposantes contestant la mention de l'acte d'acquisition de la Sarl Colline des Camélias du 30 juin 2005 et l'analyse du tribunal sur l'emplacement même de cette servitude de passage sur la rue des Marquis, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'au surplus l'acte d'acquisition de la Sarl Colline des Camélias en date du 30 juin 2005 se bornait à mentionner en page 8, de façon laconique, « le droit de passer sur la rue de la Colline, la rue des Longozes et la rue des Marquis [...] en conformité avec la réserve faite sous l'article 20 de l'acte reçu [...] le 19 novembre 1965 » ; que, dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements soutenaient que le renvoi, dans cet acte, à l'article 20 du cahier des charges du 19 novembre 1965 ne rappelait que la servitude de passage établie en faveur de M. Clovis B... mais ne permettait d'établir ni l'existence, ni l'étendue ni les modalités d'exercice d'une servitude de passage sur la rue des Marquis au profit du fonds acquis par la Sarl Colline des Camélias ; qu'en ne s'expliquant pas sur cette mention de l'acte d'acquisition de la société Colline des Camélias du 30 juin 2005 renvoyant à l'article 20 du cahier des charges du 19 novembre 1965 et, en particulier, sur sa portée au regard de l'existence d'une prétendue servitude de passage sur la rue des Marquis en faveur de cette société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ qu'en tout état de cause, dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements avaient fait valoir que, contrairement à ce qu'avait retenu le tribunal ayant confondu la rue de la Colline avec la rue de la Glacière, la Zac de la Colline des Camélias dispose d'un accès direct à la voie publique, ce qui empêchait de lui reconnaître la qualité de fonds enclavé, dès lors qu'il résulte des documents issus du service de la Documentation nationale du cadastre et de Google Maps que la rue des Longozes, incluse dans parcelle [...] appartenant à la Sarl Colline des Camélias débouche directement au Sud sur la rue de la Glacière ; qu'en se contentant de relever, par motif éventuellement adopté, pour considérer qu'il n'existerait pas d'autres dessertes de la Zac de la Colline des Camélias, qu'il ressortait du rapport d'expertise judiciaire que l'extrémité Sud de la rue de la Colline se termine en impasse de sorte qu'un raccordement avec les terrains de la Zac situés au-dessus est difficilement envisageable compte tenu du rempart existant sans répondre à ce moyen des exposantes, le fait que le fonds de la Sarl Colline des Camélias ne soit pas désenclavé au Nord par un raccordement à la rue de la Glacière n'excluant nullement qu'il le soit au Sud par un accès direct rue de la Glacière, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le droit de passage prévu dans l'acte de propriété de la société Colline des Camélias était conforté par l'acte de propriété des sociétés Fascom international et Ah Sing investissements et que ces deux titres faisaient expressément référence à un acte du 1er février 1962 qui excluait l'existence de voies réservées à un lotissement ou à des zones particulières du vaste terrain ayant appartenu à leur auteur commun, la cour d'appel, qui a interprété souverainement les titres de propriété des parties et qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a pu retenir que la servitude dont bénéficie la société Colline des Camélias s'exercera sur la nouvelle assiette du chemin créé par la société Ah Sing et constitué par la rue des Marquis et une partie de la rue de la Colline ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour accueillir la demande en autorisation d'installation des réseaux en sous-sol, l'arrêt retient que, l'acte du 1er février 1962 assignant aux terrains concernés une vocation à recevoir des constructions destinées au logement, leur desserte dépasse le seul passage et s'étend aux besoins inhérents à toute construction, que, l'acte instituant une unité de circulation sur l'ensemble des lotissements à créer, celle-ci vaut pour le passage des canalisations et réseaux inhérents à l'équipement des logements et que, l'acte établissant la réciprocité des servitudes, le terrain grevé bénéficie de la même servitude lorsqu'elle s'exerce sur les terrains voisins ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'une servitude de passage ne confère le droit de faire passer des canalisations dans le sous-sol de l'assiette de la servitude que si le titre instituant cette servitude le prévoit et que l'acte constitutif du 1er février 1962 ne conférait pas le droit de faire passer des canalisations dans le sous-sol de l'assiette de la servitude, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 702 du code civil ;

Attendu que l'arrêt rejette la demande de dommages-intérêts formée par les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements et destinée à réparer l'aggravation de la servitude de passage en raison de la desserte de la ZAC ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la création, sur le fonds dominant, d'une ZAC conduisant à la desserte de plusieurs centaines de logements n'entraînait pas une aggravation de la servitude conventionnelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions relatives au bénéfice pour la société Colline des Camélias d'une servitude de passage qui s'exerce sur la rue des Marquis pour accéder au boulevard de la Providence à Saint-Denis, l'arrêt rendu le 3 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;

Condamne la société Colline des Camélias aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Colline des Camélias et la condamne à payer aux sociétés Fascom international et Ah Sing investissement la somme globale de 3 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Fascom international et la société AH Sing investissements.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la Sarl Colline des Camélias bénéficie d'une servitude de passage qui s'exerce notamment sur la rue des Marquis pour accéder au boulevard de la Providence à Saint Denis (Réunion), dit que cette servitude s'exercera selon le tracé figurant sur le plan à l'échelle 1/500 de l'expert judiciaire Talibart en annexe 9 de son rapport du 28 mars 2013 selon un tracé suivant partiellement la rue de la Colline de C 9 vers C 6, puis de la rue des Marquis de C 6 vers C 1 et sur une emprise de 7 m de largeur, la chaussée centrale étant destinée aux véhicules et les bandes latérales de 1 m de largeur aux piétons et autorisé en tant que de besoin la Sarl Colline des Camélias à faire réaliser tous travaux en vue de l'installation sur cette servitude et dans son sous-sol de tout réseau et conduit nécessaire à la desserte des constructions de la Zac Colline des Camélias.

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur l'existence de la servitude, la société Colline des Camélias se prévaut d'une servitude de passage sur la rue des Marquis et une partie de la rue de la Colline pour la desserte du lotissement qu'il a créé ; que le terrain qui supporte ce lotissement, d'une superficie de 17 ha 78 a 85 ca lui a été vendu par les consorts A... par acte authentique du 30 juin et cet acte lui accorde expressément le droit de passer sur la rue de la Colline, la rue des Marquis et la rue des Longoses pour accéder au Boulevard de la Providence ; que la rue des Marquis et une partie de la rue de la Colline sont situées sur la parcelle de terrain de 61 855 m2 que la société Maison Ah Sing a acquise des consorts A... par acte authentique du 20 mars 1980 ; que celui-ci indique que de la même façon que cette parcelle bénéficie d'un droit de passage sur la voie de desserte donnant accès au Boulevard de la Providence ainsi qu'il est prévu dans un acte du ler février 1962, elle est elle-même grevée de la même servitude de passage pour « permettre la desserte du surplus de la propriété » ; que les terrains vendus à l'une et à l'autre des parties sont issus d'un plus vaste terrain que les propriétaires (les consorts Z... A...) destinaient déjà au lotissement et c'est ainsi que dans un acte du l février 1962, ils avaient fait apport d'une partie de ce terrain à une société qu'ils avaient constituée à cette fin et qu'ils y avaient prévu la création de voies destinées à desservir tant la partie qui faisait l'objet de l'apport à société que le surplus de terrain qui demeurait leur propriété propre. L'acte du 1er février 1962 précisait clairement que l'ensemble des lotissements qui y seront successivement créés devra former une même unité pour ce qui est de la circulation. ; que non seulement le droit de passage prévu dans le titre de la société Colline des Camélias est conforté par l'acte de propriété de la société Maison Ah Sing mais de plus, ces deux titres font expressément référence à l'acte du 1er février 1962 qui exclut l'existence de voies réservées à un lotissement ou à des zones particulières du vaste terrain ayant appartenu aux consorts Z... A... ; qu'il importe peu que l'assiette sur lequel s'exerçait ce droit de passage ait été légèrement modifiée par la société Ah Sing lorsqu'elle a créé le lotissement les Rosiers : quelques lacets ont en effet été supprimés ; que la servitude dont bénéficie la société Colline des Camélias en vertu des divers actes susmentionnés s'exercera sur la nouvelle assiette du chemin créé par la société Ah Sing et constitué par la rue des Marquis et d'une partie de la rue de la Colline ; qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que cette servitude s'exercera selon le tracé figurant sur le plan à l'échelle 1/500 de l'expert judiciaire Talibart en annexe 9 de son rapport, sur la rue de la colline du point C 9 au point C 6, puis sur la rue des marquis du point C 6 au point C I, sur une emprise de 7 m de largeur, la chaussée centrale étant destinée aux véhicules et les bandes d'1 m de largeur, aux piétons.

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur l'existence de la servitude, la Sarl Colline des Camélias veut se voir reconnaître une servitude de passage sur la rue des Marquis, dont l'existence même est contestée par les sociétés défenderesses qui soutiennent par ailleurs que les propriétés de la demanderesse ne sont pas enclavées, la ZAC bénéficiant d'autres dessertes ; que sur ce dernier point il ressort cependant du rapport d'expertise judiciaire que l'extrémité sud de la rue de la Colline se termine en impasse de sorte qu'un raccordement avec les terrains de la Zac situés au-dessus est difficilement envisageable compte tenue du rempart existant ; que la thèse des Sarl Fascom International et Ah Sing Investissements selon laquelle il existerait d'autres dessertes que les actuelles voies utilisées et querellées et notamment le chemin de la glacière, doit donc être écartée ; que sur l'emplacement de la servitude ; que ces deux Sarl soutiennent par ailleurs que la servitude en cause ne concerne pas la rue des Marquis mais seulement la partie basse de la rue de la Colline ; que cependant l'acte de vente du 20 mars 1980 au profit de la société Maison Ah Sing précise bien en page 5: « ensemble le droit de passage sur la voie de desserte donnant accès au boulevard de la Providence et prévu a l'acte d'apport de la société D... A... compagnie reçue pat Me Casanova, lors notaire à Saint bonis, 1er février 1962 » ; qu'il en résulte que le terrain acheté par la société Maison Ah Sing bénéficie d'une voie de desserte pour accéder en aval au boulevard de la Providence mais qu'il est aussi grevé d'une servitude de passage pour desservir les terrains situés en amont du lotissement ; que l'acte de vente du 30 juin 2005 au profit de la Sarl Colline des Camélias mentionne quant à lui en page 8 « ensemble le droit de passer sur la rue de la colline, la rue des Longoses et la rue des Marquis, voies de desserte clos lotissements créés par la société de construction A... compagnie » ; que cette servitude ayant pour objet de desservir les terrains situés.au-dessus du lotissement « les Rosiers », il s'en évince que les rues concernées par la servitude sort [...] sur la partie AD puis la rue des Marquis sur la partie DB pour se terminer au début du chemin des Longoses en B, comme le démontre clairement l'annexe 8 du rapport judiciaire du 28 mars 2013 ; que contrairement aux affirmations des défenderesses, il importe peu que cet acte de 2005 cite la rue des Longoses avant la rue des Marquis dès lors que la rue de la Colline et la rue des Marquis sont expressément désignées comme étant les voies d'emprise de la servitude ; que cette analysa est corroborée par les clichés de l'IGN de 1978 et 1984 (annexes 6 et 7 du rapport d'expertise judiciaire qui caractérisent que le seul chemin qui donne accès aux terrains situés en amont traverse la parcelle achetée par la société Maison Ah Sing, les autres chemins qui apparaissent sur le cliché de 1978 ne desservant pas les terrains supérieurs ; qu'ainsi, l'instauration par les propriétaires initiaux, les consorts A..., de la servitude de passage visait à permettre aux terrains situés en amont d'être toujours desservis par une servitude de passage grevant les terrains en aval ; qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la Sarl Colline des Camélias bénéficie bien d'une servitude de passage sur la portion de voie dénommée rue des Marquis pour lui permettre d'accéder au boulevard de la Providence.

1) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel n° 3 (§ 2, p. 22 à 27), les sociétés Fascom International et Ah Sing Investissements contestaient expressément l'emplacement d'une servitude de passage sur la rue des Marquis pour la desserte du lotissement de la société Colline des Camélias ; qu'elles soutenaient, en effet, que, contrairement à la mention figurant dans l'acte de vente du 30 juin 2005 au profit de cette société et à ce que les premiers juges avaient retenu, il résultait à la fois de cet acte mais aussi de l'acte d'apport des consorts Z... A... du 1er février 1962 et de l'acte de vente du 20 mars 1980 au profit de la société Maison Ah Sing, que cette servitude correspondait en réalité non à la rue des Marquis mais à la rue des Capucines située à l'Ouest du Lotissement Les Rosiers et que le projet initial de voie de desserte de la Zac se situait d'ailleurs exactement dans le prolongement de cette allée avec création d'une voie afin de franchir le rempart existant ; qu'en se contentant de retenir, pour dire que la Sarl Colline des Camélias bénéficie d'une servitude de passage qui s'exerce notamment sur la rue des Marquis pour accéder au boulevard de la Providence à Saint Denis , que le droit de passage prévu dans le titre de la société Colline des Camélias est conforté par l'acte de propriété de la société Maison Ah Sing et que ces deux titres faisaient expressément à l'acte du 1er février 1962 incluant l'existence de voies réservées à un lotissement ou à des zones particulières du vaste terrain ayant appartenu aux consorts A... sans répondre aux conclusions des exposantes contestant la mention de l'acte d'acquisition de la Sarl Colline des Camélias du 30 juin 2005 et l'analyse du tribunal sur l'emplacement même de cette servitude de passage sur la rue des Marquis, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

2) ALORS QU'au surplus l'acte d'acquisition de la Sarl Colline des Camélias en date du 30 juin 2005 se bornait à mentionner en page 8, de façon laconique, « le droit de passer sur la rue de la Colline, la rue des Longozes et la rue des Marquis [...] en conformité avec la réserve faite sous l'article 20 de l'acte reçu [...] le 19 novembre 1965 » ; que, dans leurs conclusions d'appel n° 3 (p. 29), les sociétés Fascom International et Ah Sing Investissements soutenaient que le renvoi, dans cet acte, à l'article 20 du cahier des charges du 19 novembre 1965 ne rappelait que la servitude de passage établie en faveur de M. Clovis B... mais ne permettait d'établir ni l'existence, ni l'étendue ni les modalités d'exercice d'une servitude de passage sur la rue des Marquis au profit du fonds acquis par la Sarl Colline des Camélias ; qu'en ne s'expliquant pas sur cette mention de l'acte d'acquisition de la société Colline des Camélias du 30 juin 2005 renvoyant à l'article 20 du cahier des charges du 19 novembre 1965 et, en particulier, sur sa portée au regard de l'existence d'une prétendue servitude de passage sur la rue des Marquis en faveur de cette société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

3) ALORS QU'en tout état de cause, dans leurs conclusions d'appel n° 3 (p. 22, § 1), les sociétés Fascom International et Ah Sing Investissements avaient fait valoir que, contrairement à ce qu'avait retenu le tribunal ayant confondu la rue de la Colline avec la rue de la Glacière, la Zac de la Colline des Camélias dispose d'un accès direct à la voie publique, ce qui empêchait de lui reconnaître la qualité de fonds enclavé, dès lors qu'il résulte des documents issus du Service de la Documentation Nationale du Cadastre et de Google Maps que la rue des Longozes, incluse dans parcelle [...] appartenant à la Sarl Colline des Camélias débouche directement au Sud sur la rue de la Glacière ; qu'en se contentant de relever, par motif éventuellement adopté, pour considérer qu'il n'existerait pas d'autres dessertes de la Zac de la Colline des Camélias, qu'il ressortait du rapport d'expertise judiciaire que l'extrémité Sud de la rue de la Colline se termine en impasse de sorte qu'un raccordement avec les terrains de la Zac situés au-dessus est difficilement envisageable compte tenu du rempart existant sans répondre à ce moyen des exposantes, le fait que le fonds de la Sarl Colline des Camélias ne soit pas désenclavé au Nord par un raccordement à la rue de la Glacière n'excluant nullement qu'il le soit au Sud par un accès direct rue de la Glacière, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Fascom International et la société Ah Sing Investissements de leurs demandes tendant à dire qu'à supposer que la cour d'appel confirme l'assiette de la servitude conventionnelle de passage au profit du fonds de la société Colline des Camélias, la desserte de la Zac Colline des Camélias au moyen de cette servitude et les travaux autorisés sur l'assiette de cette servitude constituent une aggravation de ladite servitude conventionnelle de passage non autorisée par le titre constitutif ainsi que D'AVOIR débouté la société Fascom International et la société Ah Sing Investissements de leurs demandes tendant à ordonner la cessation de cette aggravation, à condamner la Sarl Colline des Camélias à la démolition des travaux réalisés et à la remise en état de la rue des Marquis, à ordonner le déplacement de l'assiette de cette servitude en un lieu plus approprié et moins dommageable pour le fonds servant et, subsidiairement, au paiement de dommages-intérêts en réparation de l'aggravation de la servitude résultant de ces travaux, à évaluer par voie d'expertise, et à la seule fermeture du passage en surface rue des Marquis en cas de refus du déplacement de l'assiette de la servitude en un lieu plus approprié et moins dommageable pour le fonds servant.

AUX MOTIFS QUE sur l'aggravation de la servitude ; que la société Colline des Camélias revendique le droit d'effectuer des travaux d'installation en sous-sol de réseaux et conduits nécessaires à l'alimentation en eau, électricité et téléphone et à l'évacuation des eaux usées de la Zac Zone des Camélias vers le Boulevard de la Providence ; que l'aggravation invoquée par les sociétés Ah Sing et Fascom ne constitue qu'un moyen soumis à la Cour pour interdire ces travaux et non une demande nouvelle ; qu'il y a lieu d'examiner ce nouveau moyen ; qu'aux termes de l'article 702 du code civil, celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir faire ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la condition du premier. ; que sont donc interdits les usages contraires au titre et les changements préjudiciables au fonds servant ; que la rue de la Colline et la rue des Marquis reçoivent déjà les réseaux et conduits desservant le lotissement les Rosiers : la société Ah Sing et la société Fascom, qui ont créé ce lotissement, ont interdit l'usage de leurs réseaux à la Société Colline des Camélias et cette décision leur appartient ; que pour autant, la servitude de passage, créée par les anciens propriétaires des terrains pour la desserte de l'ensemble des lotissements appelés à y être installés, incluait nécessairement le droit d'installation des réseaux et canalisations en sous-sol ; qu'en effet : - l'acte constitutif des servitudes du 1er février 1962 assignait déjà aux terrains concernés une vocation à recevoir des construction destinées au logement ; que leur desserte dépasse donc le seul passage et s'étend aux besoins inhérents à toute construction (alimentation en eau, électricité, téléphone et l'évacuation des eaux usées) ; - il instituait une unité de circulation sur l'ensemble des lotissements à créer; cette unité de circulation vaut tant pour le passage des usagers que pour celui des canalisations et réseaux inhérents à l'équipement des logements ; - enfin et surtout, il établissait la réciprocité des servitudes : le terrain grevé bénéficie de la même servitude lorsqu'elle s'exerce sur les terrains voisins ; que c'est ainsi que les sociétés Ah Sing et Fascom ont usé de la servitude dont elles étaient titulaires sur les terrains voisins pour raccorder leurs propres réseaux à ceux du Boulevard de la Providence ; que dès lors, l'aggravation invoquée par les sociétés Ah Sing et Fascom pour interdire l‘installation des canalisations et réseaux que nécessite l'équipement des logements du lotissement des Camélias, n'est pas fondée et toutes leurs demandes fondées sur cette aggravation, seront rejetées.

1) ALORS QU'une servitude de passage ne confère le droit de faire passer des canalisations dans le sous-sol de l'assiette de la servitude que si le titre instituant cette servitude le prévoit ; qu'en retenant que l'aggravation de la servitude conventionnelle de passage invoquée par les sociétés Fascom International et Ah Sing Investissements pour interdire l'installation des canalisations et réseaux dans le sous-sol de la rue des Marquis que nécessite l'équipement des logements du lotissement des Camélias n'était pas fondée et en déboutant, en conséquence, les exposantes de toutes leurs demandes fondées sur cette aggravation sans constater que le titre de la Sarl Colline des Camélias en date du 30 juin 1985 ni même celui de la Maison Ah Sing du 20 mars 1980 et l'acte du 1er février 1982 auquel ces deux titres font référence conféraient expressément le droit de faire passer des canalisations dans le sous-sol de l'assiette de la servitude conventionnelle de passage sur la rue des Marquis, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 686 et 702 du code civil.

2) ALORS QU'en toute hypothèse, une servitude conventionnelle de passage ne comportant pas le droit accessoire d'établir des canalisations souterraines, le fait, dans l'acte constitutif des servitudes du 1er février 1962, d'assigner aux terrains concernés une vocation à recevoir des constructions destinées au logement, d'instituer une unité de circulation sur l'ensemble des lotissements à créer et une réciprocité des servitudes ou encore de prévoir la manière dont sera assuré l'entretien des installations communes et d'organiser leur nettoyage et leur desserte, sans jamais viser les canalisations d'évacuation des eaux usées, n'impliquait nullement à lui seul, à défaut de clause expresse, la possibilité de réaliser des travaux et de poser des canalisations d'évacuation des eaux usées dans le sous-sol de l'assiette de la servitude conventionnelle de passage qui s'exercerait sur la rue des Marquis ; qu'en affirmant néanmoins que la servitude de passage, créée par les anciens propriétaires des terrains pour la desserte de l'ensemble des lotissements appelés à y être installés, incluait nécessairement le droit d'installation des réseaux et canalisations en sous-sol, la cour d'appel a méconnu la loi des parties à l'acte du 1er février 1962 et violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

3) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel n° 3 (p. 46, al. 6 et svts), les sociétés Fascom International et Ah Sing Investissements avaient fait valoir qu'il résultait de l'économie générale de la servitude conventionnelle figurant dans l'acte du 1er février 1962 que celle-ci visait, tout au plus, le passage de quelques dizaines de personnes et qu'elle n'avait pas été instituée, comme toutes les servitudes de passage de l'époque, au bénéfice de plusieurs centaines de copropriétaires et locataires circulant au moyen de véhicules terrestres à moteur de sorte que la création d'une Zac sur le fonds dominant conduisant à la desserte de plus de 450 de logements, et en conséquence au passage d'au minimum 1 500 véhicules par jour sur la petite et sinueuse rue des Marquis, propriété des exposantes, emportait nécessairement aggravation de cette servitude conventionnelle ; qu'en ne recherchant pas si la création d'une Zac sur le fonds dominant, conduisant à la desserte de plusieurs centaines de logements, n'entraînait pas, compte tenu du nombre considérable de logements construits et de véhicules empruntant un passage de cinq mètres de largeur et de la configuration des lieux, une aggravation de cette servitude conventionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 702 du code civil et de l'article 1134 du même code dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Fascom International et la société Ah Sing Investissements de leurs demandes tendant à dire et juger que la desserte de la Zac Colline des Camélias par le passage ininterrompu et dangereux, sur l'étroite, sinueuse et pentue rue des Marquis située au coeur d'un lotissement privé, de plusieurs centaines de personnes et véhicules par jour, constitue un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, à condamner la Sarl Colline des Camélias à réparer ce trouble anormal causé et, à ce titre, ordonner la cessation de la desserte de la Zac des Camélias par la rue des Marquis, et, subsidiairement, au paiement de dommages et intérêts destinés à réparer le trouble anormal de voisinage causé par la desserte de la Zac par la rue des Marquis.

AUX MOTIFS QUE sur le trouble anormal de voisinage, eu égard à la destination établie depuis longtemps des terrains en cause, l'utilisation conforme aux titres de propriété, d'une servitude de passage ne peut être considéré comme un trouble anormal de voisinage ; que la demande de dommages-intérêts fondée sur ce trouble anormal sera rejetée ; que les sociétés Ah Sing et Fascom, qui succombent, seront condamnées aux dépens ; qu'elles devront en outre payer à la Société Colline des Camélias la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

ALORS QUE constitue un trouble anormal de voisinage le passage, afin d'assurer la desserte d'un très important lotissement, d'un nombre considérable de véhicules par jour sur une rue dont la configuration n'est pas adaptée à une telle circulation ; qu'en l'espèce, pour écarter l'existence d'un trouble anormal de voisinage, la cour d'appel s'est contentée de retenir qu'eu égard à la destination établie depuis longtemps des terrains en cause l'utilisation, conforme aux titres de propriété, d'une servitude de passage ne peut être considérée comme un trouble anormal de voisinage ; qu'en ne recherchant pas concrètement si, comme elle y avait été expressément invitée (conclusions d'appel n° 3 des exposantes p. 48, al. 3, p. 49, al. 2 et p. 55), le passage ininterrompu et dangereux, afin d'assurer la desserte d'une Zac comportant plus de 450 logements, de plusieurs centaines de personnes et véhicules par jour sur une rue, la rue des Marquis, qui est étroite, pentue et sinueuse, ne constituait pas un trouble anormal de voisinage ouvrant droit à réparation envers les sociétés Fascom International et Ah Sing Investissements, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif d'ordre général, a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage. ECLI:FR:CCASS:2018:C300566
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