Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 juin 2018, 16-27.680, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte aux consorts Z... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. C... et E..., les sociétés Gauza, et son administrateur et commissaire à l'exécution du plan de redressement, As Façade, Axa France IARD et MAAF assurances ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 223-22 du code de commerce, ensemble les articles L. 231-1 et L. 241-8 du code de la construction et de l'habitation et L. 241-1 et L. 243-3 du code des assurances ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 13 octobre 2016), que Mme Z... et son époux ont confié la construction de leur maison à la société ABC construction (la société) ; que les plans ont été réalisés par M. B..., architecte, par ailleurs gérant de la société ; qu'après expertise, Mme Z... et son époux, se plaignant notamment de désordres, ont assigné la société et M. B... en requalification du contrat en contrat de construction de maison individuelle, en annulation de ce contrat et en indemnisation ; que, Joachim Z... étant décédé, Mme Z... et ses enfants, Stéphane et Isabelle (les consorts Z...), ont repris l'instance en leur nom ;

Attendu que, pour rejeter la demande des consorts Z... tendant à ce que M. B... soit condamné, avec la société, à indemniser le préjudice causé par le défaut de souscription de l'assurance de responsabilité décennale et à rembourser les sommes résultant de l'apurement des comptes, l'arrêt retient que M. B... n'est pas personnellement le cocontractant ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si M. B... n'avait pas commis des fautes séparables de ses fonctions sociales engageant sa responsabilité personnelle en omettant de conclure un contrat de construction de maison individuelle et de souscrire une assurance de responsabilité décennale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

Met hors de cause la société ABC construction ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les consorts Z... de leurs demandes dirigées personnellement contre M. B..., l'arrêt rendu le 13 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne M. B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société ABC construction et de M. B... et condamne M. B... à payer aux consorts Z... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mmes Z... et M. Stéphane Z...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts Z... de leurs demandes de restitution dirigées contre monsieur B... pris en sa personne, ainsi que de leur demande de dommages-intérêts dirigée contre lui ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le principe des restitutions et la mission d'expertise, en raison de l'annulation du contrat, la société ABC doit restituer le prix perçu de 321.000 € TTC et les consorts Z..., qui ne demandent pas la démolition du bien, devront restituer le coût des matériaux et de la main d'oeuvre employés pour construire le bien qui s'entend d'un bien exempt de vice. Or, il résulte des deux rapports d'expertise judiciaire des 30 juillet 2009 et 7 décembre 2011 que la maison des consorts Z... est affectée par de nombreuses malfaçons. La créance due par les consorts Z... à la société ABC au titre des matériaux et de la main d'oeuvre devra donc être diminuée du montant nécessaire aux travaux de reprise qu'il appartiendra à l'expert de calculer ou d'actualiser. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a prescrit une expertise complémentaire mais infirmé en ce qu'il a cru devoir débouter les consorts Z... de leur demande de ce chef et la mission confiée à l'expert sera complétée en y ajoutant d'une part, la question de l'imputabilité des malfaçons aux divers intervenants (en vue de trancher la question des appels en garantie) et d'autre part, le calcul du coût de reprise de ces malfaçons ainsi que celui de tous les préjudices accessoires (frais de garde meuble, trouble de jouissance etc). Si le principe des restitutions est acquis et doit être acté, l'apurement des comptes entre les parties n'est cependant pas réalisable tant que l'expert, dont le contenu de la mission vient d'être élargi, n'aura pas déposé son rapport. En outre, les demandes des consorts Z... ne pourront prospérer à l'encontre de Guy B..., pris en sa personne, dès lors qu'il n'est pas le co-contractant du marché litigieux. Enfin, il appartiendra à l'expert judiciaire de déterminer quelle est la méthode d'évaluation du coût des matériaux et de la main d'oeuvre la plus adaptée au cas d'espèce à charge pour la société ABC de recourir au magistrat chargé du contrôle des expertises en cas de difficulté ou de désaccord sur ce point et la demande de la société ABC visant à imposer la méthode d'évaluation à l'expert sera rejetée. Sur les autres demandes en paiement des consorts Z..., la demande formée par les consorts Z... au titre des pénalités contractuelles de retard ne peut qu'être rejetée s'agissant d'une demande d'exécution d'un contrat annulé et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention. En revanche, les consorts Z... sont fondés à solliciter la réparation des préjudices consécutifs aux malfaçons sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle et les parties seront renvoyées sur cette question devant le premier juge, qui reste saisi dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise. Le contrat prévoyait en page 2 du chapitre relatif aux prestations à la charge du client la souscription d'une assurance dommages ouvrage par les époux Z... qui n'ont cependant pas souscrit cette assurance. Ils ne peuvent par conséquent prétendre au remboursement d'une somme dont le paiement leur incombait et qu'ils n'ont jamais réglée ni ne peuvent obtenir des dommages-intérêts du fait de cette non souscription et ils seront déboutés de leurs demandes en paiement, le jugement étant confirmé de ce chef. Les consorts Z... sont créanciers du prix versé en exécution du contrat annulé soit la somme de 321.000 € dans lequel le constructeur a inclus, aux termes de son estimation du 28 mars 2006, le coût de l'assurance décennale obligatoire pour un montant de 23.978,74- € TTC. Même si cette assurance n'a pas été souscrite par le constructeur, le prix prévu pour sa souscription et imputé aux époux Z... dans le prix global de 321.000 € TTC leur sera restitué via le remboursement de cette somme de sorte que leur demande en paiement est sans objet et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté leur prétention de ce chef. En revanche, l'absence de souscription d'une assurance obligatoire de responsabilité décennale par la société ABC (en contradiction avec les stipulations contractuelles selon lesquelles cette assurance était d'ores et déjà souscrite et qui renvoyaient à un numéro de police) est constitutive d'une faute Cette faute a privé, dès l'ouverture du chantier, les maîtres d'ouvrage de la sécurité procurée par l'assurance en prévision de sinistres ce qui constitue un préjudice certain indemnisable. La cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour estimer ce préjudice à la somme de 20.000 €, somme au paiement de laquelle sera condamnée la société ABC dont la responsabilité est engagée et le jugement sera infirmé de ce chef » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « la conséquence de la nullité est l'anéantissement rétroactif du contrat, les parties devant être remises en l'état où elles se trouvaient à la date de passation de celui-ci. Du fait de l'annulation du contrat, le constructeur se trouve déchu du droit d'exiger le paiement du prix convenu. Il doit en restituer le montant. [...] Sur les demandes en remboursement formées contre Monsieur Guy B... et la SARL ABC CONSTRUCTION, les demandes formées par les consorts Z... en remboursement notamment des sommes versées au titre des assurances dommage-ouvrage et garantie décennale, se confondent avec la condamnation de la SARL ABC CONSTRUCTION à restituer le prix de vente, après déduction du coût des matériaux et du coût de la main d'oeuvre » ;

ALORS 1°) QUE les juges du fond ont rejeté la demande des consorts Z... tendant à ce que monsieur B... soit condamné, avec la société ABC constructions, à leur rembourser l'intégralité des sommes dues au titre de l'apurement des comptes entre les parties, au prétexte que l'intéressé n'était pas le cocontractant du marché litigieux ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si monsieur B... n'avait pas commis une faute séparable de ses fonctions sociales engageant sa propre responsabilité en se rendant coupable du délit d'exécution de travaux sans conclusion d'un contrat de construction de maison individuelle conforme aux prescriptions légales et réglementaires, et si cette faute ne justifiait pas la condamnation demandée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 222-32 du code de commerce et L. 231-1 et L. 241-8 du code de la construction et de l'habitation ;

ALORS 2°) QU'en rejetant la demande des consorts Z... tendant à ce que monsieur B... soit condamné avec la société ABC constructions à indemniser le préjudice causé par le défaut de souscription de l'assurance de responsabilité décennale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce défaut d'assurance ne constituait pas le délit incriminé par l'article L. 243-3 du code des assurances de sorte que monsieur B... avait commis une faute séparable de ses fonctions sociales engageant sa propre responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 222-32 du code de commerce et L. 241-1 et L. 243-3 du code des assurances. ECLI:FR:CCASS:2018:C300564
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