Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 24 mai 2018, 17-17.814, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 3211-12-1, IV, du code de la santé publique ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que, si le juge des libertés et de la détention est saisi après l'expiration du délai de huit jours prévu aux 1° et 2° du I ou du délai de quinze jours prévu au 3° du même I, il constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. X... a été admis en soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète sur décision du représentant de l'Etat dans le département en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique ; que la mesure a été régulièrement prolongée ; que le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention, le 2 septembre 2016, par une requête non signée, puis le 5 septembre, par une requête signée, en prolongation de la mesure expirant le 18 septembre 2016 ;

Attendu que, pour déclarer cette saisine régulière, après avoir constaté que la requête datée et signée conformément aux dispositions de l'article R. 3211-10 du code de la santé publique était parvenue au greffe moins de quinze jours avant l'expiration du délai de six mois prévu à l'article L. 3211-12-1, I, 3°, l'ordonnance énonce que l'irrégularité affectant une décision administrative n'entraîne la mainlevée de la mesure que si elle porte atteinte aux droits de la personne concernée, puis retient que la requête signée a permis à M. X... de vérifier la qualité pour agir du représentant du préfet avant l'audience, dès que le dossier a été mis à sa disposition, de sorte que ses droits n'ont pas été méconnus ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier, comme il le lui était demandé, si une circonstance exceptionnelle justifiait la saisine tardive du juge des libertés et de la détention, le premier président a privé sa décision de base légale ;

Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, dont l'application est suggérée par le mémoire ampliatif ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 29 septembre 2016, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance confirmative attaquée D'AVOIR ACCUEILLI la requête ET ORDONNÉ la poursuite de la prolongation de l'hospitalisation complète sans son consentement de M. Olivier X...,

AUX MOTIFS PROPRES « que le juge des libertés et de la détention devait être saisi quinze jours au moins avant le 18 septembre 2016 et donc, par application de l'article R 3211-25 ci-dessus rappelé, avant le 4 septembre 2016 ; que le juge des libertés et de la détention a été saisi par une requête du préfet datée du 2 septembre 2016 et parvenue au greffe du juge des libertés et de la détention le même jour, ainsi qu'en atteste le compostage de la requête ; que s'agissant d'un envoi par procédure dématérialisée, la requête n'était pas signée et qu'un exemplaire signé a ensuite été envoyé par télécopie du 5 septembre 2016 ;que la requête datée et signée exigée par les dispositions de l'article R 3211-10 est ainsi parvenue au greffe du magistrat sans respecter le délai de quinze jours ; que l'article L 3216-1 du code de la santé publique dispose que la régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire, que le juge des libertés et de la détention connaît des contestations en cause dans le cadre des instances introduites en application des articles L 3211-12 et L 3212-12-1 et que dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet ; que le moyen de procédure soulevé doit ainsi être examiné sur le fondement de cette seule disposition ; qu'en l'espèce, la requête signée, qui mentionne le nom et la qualité du signataire par délégation du préfet, a permis à M. Olivier X... de vérifier la compétence de cette personne pour saisir le juge des liberté et de la détention aux fins de contrôle de la mesure dont il fait l'objet et ce, avant l'audience devant le juge des libertés et de la détention, dès le dossier mis à sa disposition ; qu'il n'y a eu aucune atteinte aux droits de M. Olivier X... ; que le moyen n'est ainsi pas susceptible d'entraîner la mainlevée de la mesure » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« il (
) en résulte(
) une irrégularité prévue par les articles L 3211-10 et suivants du code de la santé publique. Or, l'article 114 du CPC prévoit qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en a pas été expressément prévue par la loi. En outre, compte tenu de l'état de santé du patient, il n'en est pas résulté une atteinte à ses droits » ;

1°) ALORS QU'à peine d'irrecevabilité, la requête adressée au juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite d'une hospitalisation psychiatrique sous contrainte, est signée par le directeur d'établissement, ou le représentant de l'Etat dans le département, ayant qualité pour le saisir ; que la requête datée du 2 septembre 2016 et adressée le même jour, qui n'était pas signée, était irrecevable ; que le magistrat délégué a méconnu les articles L 3211-12-1, I, R 3211-7 et R 3211-10 du code de la santé publique, ensemble l'article 112 du code de procédure civile ; que la cassation interviendra sans renvoi ;

2°) ALORS QU'en application de l'article L 3211-12-1, IV, du code de la santé publique « si le juge des libertés et de la détention est saisi après l'expiration du délai de huit jours prévu aux 1° et 2° du I ou du délai de quinze jours prévu au 3° du même I, il constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense » ; que l'ordonnance attaquée, qui constate que « le juge des libertés et de la détention devait être saisi quinze jours au moins avant le 18 septembre 2016 et donc, par application de l'article R 3211-25 ci-dessus rappelé, avant le 4 septembre 2016 », en sorte que la requête parvenue signée le 5 septembre 2016, sans qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles, était irrecevable comme tardive, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en méconnaissance de l'article L 3211-12-1, IV, du code de la santé publique ;

3°) ALORS QUE la nullité d'un acte de procédure ne peut être couverte par la régularisation ultérieure de l'acte que si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief ; que la requête non signée datée du 2 septembre 2016 n'ayant pas été régularisée dans le délai de l'article L 3211-12-1, IV, du code de la santé publique, soit au plus tard le 4 septembre 2016, l'ordonnance attaqué a méconnu les dispositions de l'article 115 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QU'en refusant d'ordonner la main levée de la mesure d'hospitalisation complète, au prétexte d'une prétendue absence d'atteinte aux droits de M. X..., condition non requise par l'article L 3211-12-1, IV, du code de la santé publique, l'ordonnance a derechef violé ce texte par refus d'application ;

5°) ALORS QU'en application de l'article L 3216-1 du code de la santé publique, l'irrégularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du titre I du code de la santé publique relatif aux modalités des soins psychiatriques, n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet ; que ce texte concerne la régularité des seules décisions administratives de soins ; qu'une simple requête adressée au juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite d'une hospitalisation psychiatrique sous contrainte ne constitue pas une décision administrative de soins au sens de ce texte ; que l'ordonnance attaquée a fait une fausse application de l'article L 3216-1 du code de la santé publique.ECLI:FR:CCASS:2018:C100558
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