Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 mai 2018, 14-11.123, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1021 du code civil ;

Attendu que le legs particulier de la chose d'autrui est nul ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Paul X... est décédé le [...] , laissant pour lui succéder ses fils Ange et Antoine (les consorts X...), en l'état d'un testament authentique du 20 octobre 2003 désignant M. Y... comme exécuteur testamentaire et léguant à Mme A... un appartement, propriété de la société en nom collectif X... (la société), dont le testateur disposait de la majorité des parts ; que les consorts X..., la société et M. Y... ont assigné Mme A... en nullité de ce legs ;

Attendu que, pour rejeter cette demande et dire que la délivrance du legs pourra être réclamée par Mme A..., l'arrêt retient que le testament doit être interprété de la même manière pour tous ses bénéficiaires et que le défunt y attribue à son fils Ange des biens meubles et immeubles appartenant à la société ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé qu'au jour de l'ouverture de la succession, la société était seule propriétaire de l'immeuble légué, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne Mme A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. Ange X... et la société X....

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR dit n'y avoir lieu d'annuler le legs particulier consenti à Mme Shu Lin A... par M. Paul X... dans son testament authentique du 20 octobre 2003 ;

AUX MOTIFS QUE Paul X... est décédé le [...], laissant pour lui succéder ses deux fils, M. Ange X..., et M. Antoine X... ; que les héritiers, ainsi que l'exécuteur testamentaire, réclament l'annulation du legs particulier, portant sur un appartement situé à [...], consenti par testament authentique du 20 octobre 2003, au profit de Mme Shu Lin A..., au motif que ce bien immobilier appartenait à la SNC X... dans lequel le testateur ne disposait que de 499 parts sur 500 ; que la cession, par Paul X..., d'une part, à son fils Ange, intervenue le 22 novembre 1995, a été enregistrée à la recette des impôts le 28 novembre 1995 et publiée au registre du commerce, le 30 juillet 2008, antérieurement à l'assignation ; qu'elle est donc opposable aux tiers, contrairement à ce qu'affirme Mme Shu Lin A... ; que la dissolution de la société n'a pas été réclamée, après le décès de Paul X..., en présence d'un autre associé mineur ; qu'une telle opération aurait donné suite à une société de fait, dans laquelle les parts auraient été réparties de la même manière ; que l'article 1021 du Code civil n'étant pas d'ordre public, il est loisible au testateur d'imposer à ses héritiers la charge de procurer au légataire la propriété entière du bien légué, lorsque le testateur n'a sur celui-ci qu'un droit de propriété indivis et que cette volonté peut être déduite, par les juges du fond, de l'ensemble de dispositions testamentaires, sans qu'elle eût à être expressément formulée par le disposant ; qu'en l'espèce, il apparaît que le défunt n'a pas réglé la question du partage de la SNC X..., propriétaire d'une partie des biens légués aux enfants, ainsi qu'à l'appelante, dans son testament qui doit être interprété de la même manière pour tous les bénéficiaires ; qu'il en est ainsi des lots numéros 9 et 10 de la résidence [...], et de 40 parts de la SCI RAMTOM, appartenant à la SNC X... qui ont été attribués à M. Ange X... ; qu'il convient d'en déduire que le testateur avait l'intention de céder les biens de la SNC X..., à concurrence des parts dont il disposait dans celle-ci ; que dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'annuler la disposition testamentaire litigieuse ; que l'appartement en cause doit être attribué à Mme Shu Lin A..., à charge pour elle de reverser à M. Ange X... 1/500e, soit 0,2 % de la somme de 315.520 € proposée par les héritiers pour ce bien, soit 631,04 € : que la délivrance du legs ne pourra intervenir que sous cette condition et devra être réclamée ultérieurement ;

1°) ALORS QUE le legs de la chose d'autrui est nul ; qu'en l'espèce, il était constant que monsieur Paul X... avait, dans son testament du 20 octobre 2003, consenti un legs au profit de Mme Shu Lin A... et portant sur un appartement situé à [...], propriété de la SNC X... ; que monsieur Paul X... n'étant pas titulaire d'un droit de propriété sur le bien immobilier objet du legs litigieux, il ne pouvait donc consentir ce legs sous peine de nullité ; qu'en refusant pourtant d'annuler la disposition testamentaire litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 1021 du code civil ;

2)° ALORS QUE la cour d'appel, qui a considéré, dans un premier temps, que « le testateur avait l'intention de céder les biens de la SNC X... à concurrence des parts dont il disposait dans celle-ci », soit 499/500, ne pouvait, dans un second temps, refuser de prononcer la nullité de la disposition testamentaire par laquelle M. Paul X... léguait à sa compagne l'appartement, propriété de la SNC X... dont monsieur Ange X... était porteur d'une part ; qu'en statuant pourtant de la sorte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a derechef violé l'article 1021 du code civil. ECLI:FR:CCASS:2018:C100479
Retourner en haut de la page