Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 16 mai 2018, 17-83.584, Publié au bulletin
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 16 mai 2018, 17-83.584, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 17-83.584
- ECLI:FR:CCASS:2018:CR01094
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 16 mai 2018
Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, du 27 avril 2017- Président
- M. Soulard (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
-
M. Michel X...,
contre l'arrêt n° 438 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de MONTPELLIER en date du 27 avril 2017 qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de fraude fiscale, blanchiment, abus de biens sociaux et travail dissimulé, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant une saisie pénale ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 avril 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Steinmann, Mme Planchon, M. Larmanjat, Mme Zerbib, MM. d'Huy, Wyon, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mme Fouquet, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Petitprez ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Y..., les observations de la société civile professionnelle BOULLEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PETITPREZ ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 570 et 571 du code de procédure pénale ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen n'est pas de nature à être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 593 et 706-148 du code de procédure pénale ;
"aux motifs que M. Michel X... est mis en cause pour avoir sciemment utilisé au sein de l'entreprise qu'il dirige des comptes clients ouverts à de faux noms, permettant ainsi aux véritables clients de commettre les infractions de fraude fiscale et de blanchiment, préjudice évalué en l'état à minima à 1 257 075,95 euros ; qu'il est aussi mis en cause pour avoir détourné des espèces pour un montant évalué en l'état à 433 516,45 euros pour la période du 27 juillet 2015 au 31 octobre 2016 ; qu'au total le produit cumulé des infractions peut donc être évalué à 1 690 592,40 euros ; qu'aux termes de l'article 706-153 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention, saisi par requête du procureur de la République peut autoriser, au cours de l'information, aux frais avancés du trésor, la saisie des biens ou droits incorporels dont la confiscation est prévue par l'article 131-21 du code pénal ; que par ailleurs en application de l'article 706-155 du code de procédure pénale, lorsque la saisie porte sur une créance figurant sur un contrat d'assurance sur la vie, elle entraîne la suspension des facultés de rachat, de renonciation et de nantissement de ce contrat, dans l'attente du jugement définitif au fond, cette saisie interdisant également toute acceptation postérieure du bénéfice du contrat dans l'attente de ce jugement et l'assureur ne peut alors plus consentir d'avances au contractant ; que si aux termes de l'article 131-21 alinéa 9 du code pénal la confiscation peut être ordonnée en valeur, la confiscation peut aussi porter, en application de l'alinéa 6 du même texte, lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, sur tout ou partie des biens appartenant au condamné, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ; qu'en l'espèce, M. X... est, notamment, mis en cause pour des faits qualifiés de blanchiment prévus et réprimés à l'article 324-1 du code pénal ; que l'article 324-7 12° du code pénal prévoit pour ce délit la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie des biens du condamné, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ; qu'en conséquence, l'ordonnance querellée dont la motivation, soumise au contrôle de la cour, apparaît suffisante en ce qu'elle a notamment relevé la nécessité de procéder à la saisie pénale afin de garantir la peine complémentaire de confiscation, mérite confirmation après substitution d'office du fondement de la saisie en faisant application de l'article 131-21 alinéa 6 du code pénal en lieu et place de l'article 132-21 alinéa 9 visé par le juge des libertés et de la détention ; qu'en effet il revient à la chambre de l'instruction à laquelle est déférée une ordonnance de saisie de sommes inscrites sur un compte bancaire dont le bien-fondé est contesté, de s'assurer de la pertinence du fondement juridique sur lequel s'appuie la mesure de saisie décidée ; qu'en raison de l'effet dévolutif de l'appel, la chambre de l'instruction, double degré de juridiction, se trouve saisie des points de fait ou de droit pour lesquels le premier juge s'est prononcé dans son ordonnance et lesdits points sont alors soumis à un nouvel examen dans les limites de l'acte d'appel, la chambre devant au besoin substituer aux motifs insuffisants voire erronés du premier juge des motifs répondant aux exigences légales ; que la défense opère une confusion entre analyse de la nature de la saisie opérée, fondement juridique et règles procédurales ; que si d'une part une saisie pénale mise en oeuvre en application de l'article 706-153 sur le fondement de l'article 131-21 alinéa 6 du code pénal doit s'analyser en une saisie de patrimoine telle qu'envisagée par l'article 706-148 laquelle nécessite a minima un avis du ministère public, force est de constater que la saisie a été opérée par le juge des libertés et de la détention sur requête du procureur de la République, la procédure prévue à l'article 706-148 étant ainsi respectée ; que d'autre part la substitution de motifs par changement de fondement sur laquelle la défense a été invitée à présenter ses observations porte sur la mise en oeuvre, en lieu et place des dispositions de l'article 131-21 alinéa 9, de celles prévues à l'alinéa 6 du même article auxquelles l'article 706-148 du code de procédure pénale se réfère expressément ; qu'il en découle que la substitution de motifs à laquelle se livre la chambre en s'appuyant sur les dispositions de l'article 131-21 du code pénal, ne peut constituer un détournement de procédure ou encore une substitution de base légale comme la défense le soutient ; qu'elle ne porte aucune atteinte aux droits à un procès équitable et à une procédure contradictoire, principes garantis par l'article préliminaire du code de procédure pénale et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme invoqués par l'avocat de M. X..., dès lors que la chambre de l'instruction avant de procéder à une telle substitution de fondement a pris soin de renvoyer par arrêt l'affaire à une date ultérieure aux fins de permettre aux parties de présenter leurs observations sur une telle substitution de motifs ; qu'enfin il sera rappelé qu'une telle saisie pénale ne constitue qu'une mesure provisoire ayant pour objet de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation susceptible d'être prononcée par la juridiction correctionnelle si celle-ci venait à être saisie de ces faits ;
"1°) alors que, dans le cadre d'une enquête, la saisie de patrimoine ne peut être ordonnée par le juge des libertés et de la détention qu'à la requête en ce sens du procureur de la République ; qu'en l'espèce, le juge des libertés et de la détention a autorisé la saisie d'une partie de la créance de 1 775 712,70 euros figurant sur le contrat d'assurance-vie souscrit par M. X..., soit la somme de 388 516,45 euros sur requête du procureur de la République fondée sur les articles 706-41 à 706-147, en particulier l'article 706-141-1 et les articles 706-153 et 706-155 alinéa 2 du code de procédure pénale ; que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, la chambre de l'instruction a retenu que l'intéressé est notamment mis en cause pour des faits de blanchiment faisant encourir en vertu de l'article 324-7 12° du code pénal la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie des biens du condamné, et a énoncé qu'en conséquence, après substitution d'office du fondement de la saisie en faisant application de l'article 131-21 alinéa 6 du code pénal en lieu et place de l'article 131-21, alinéa 9, la saisie pénale mise en oeuvre en application de l'article 706-153 sur le fondement de l'article 131-21 alinéa 6 du code pénal s'analyse en une saisie de patrimoine telle qu'envisagée par l'article 706-148 et que la procédure prévue à cet article a été respectée, la saisie ayant été opérée par le juge des libertés et de la détention sur requête du procureur de la République ; que la chambre de l'instruction a donc, sous le couvert d'une substitution de motifs, modifié le fondement de la saisie pour qu'elle s'analyse en une saisie de patrimoine au sens de l'article 706-148 du code de procédure pénale ; qu'or, une saisie de patrimoine nécessite, dans le cadre de l'enquête, que le ministère public ait préalablement requis une telle mesure ; qu'en prononçant comme elle l'a fait, alors que le procureur de la République n'a pas requis une mesure de saisie fondée sur les articles 131-21 alinéa 6 et 324-7 12° du code pénal, la chambre de l'instruction a violé l'article 716-148 du code de procédure pénale ;
"2°) alors que si, par extraordinaire, la saisie patrimoniale était considérée comme justifiée, le juge qui prononce une mesure de saisie de tout ou partie du patrimoine doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée aux droits de l'intéressé ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction n'a pas recherché si la saisie autorisée ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de M. X... ; qu'en omettant d'apprécier le caractère proportionné de la saisie de patrimoine, la chambre de l'instruction a violé les articles 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme et a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs ;
Vu l'article 706-148 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes de l'alinéa 1 de ce texte dans sa version en vigueur, issue de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016, si l'enquête porte sur une infraction punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, ordonner par décision motivée la saisie des biens dont la confiscation est prévue en application de l'article 131-21, alinéa 5 ou 6, du code pénal lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit prévoit la confiscation des biens du condamné ou lorsque l'origine de ces biens ne peut être établie ;
Qu'il se déduit de ce texte que la chambre de l'instruction, saisie d'un appel formé contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé, sur requête du procureur de la République, la saisie en valeur de biens, peut, en raison de l'effet dévolutif de l'appel, et après débat contradictoire, modifier le fondement légal de la saisie de ces biens dès lors que cette mesure a été précédée d'une requête du ministère public, peu important le fondement visé par celle-ci, et doit, s'il s'agit d'une saisie de patrimoine, l'ordonner elle-même ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, au cours d'une enquête préliminaire ouverte après une plainte de l'administration fiscale pour des faits de fraude fiscale, blanchiment, abus de biens sociaux et travail dissimulé mettant en cause M. X..., le juge des libertés et de la détention a, sur requête du procureur de la République formulée en ce sens, au visa des articles 131-21, alinéa 9, du code pénal, 706-141-1, 706-153 et 706-155 alinéa 2 du code de procédure pénale, autorisé la saisie pénale d'une créance figurant sur un contrat d'assurance à concurrence de la somme de 388 516 euros ; que M. X... a interjeté appel ; que la chambre de l'instruction a ordonné le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure et invité les parties à présenter des observations sur l'éventuelle modification d'office du fondement de la saisie en faisant application de l'article 131-21, alinéa 6, du code pénal aux motifs que M. X... est impliqué dans des faits de blanchiment qui lui font encourir, au titre de l'article 324-7, 12°, du code pénal, la confiscation de tout ou partie de son patrimoine ;
Attendu que, pour confirmer, après substitution d'une saisie de patrimoine à la saisie en valeur, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en décidant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'ordonner elle-même la saisie de patrimoine, et non pas seulement de confirmer une autorisation de saisir, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé n°438 de la Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 27 avril 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize mai deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.ECLI:FR:CCASS:2018:CR01094
Statuant sur le pourvoi formé par :
-
M. Michel X...,
contre l'arrêt n° 438 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de MONTPELLIER en date du 27 avril 2017 qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de fraude fiscale, blanchiment, abus de biens sociaux et travail dissimulé, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant une saisie pénale ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 avril 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Steinmann, Mme Planchon, M. Larmanjat, Mme Zerbib, MM. d'Huy, Wyon, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mme Fouquet, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Petitprez ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Y..., les observations de la société civile professionnelle BOULLEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PETITPREZ ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 570 et 571 du code de procédure pénale ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen n'est pas de nature à être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 593 et 706-148 du code de procédure pénale ;
"aux motifs que M. Michel X... est mis en cause pour avoir sciemment utilisé au sein de l'entreprise qu'il dirige des comptes clients ouverts à de faux noms, permettant ainsi aux véritables clients de commettre les infractions de fraude fiscale et de blanchiment, préjudice évalué en l'état à minima à 1 257 075,95 euros ; qu'il est aussi mis en cause pour avoir détourné des espèces pour un montant évalué en l'état à 433 516,45 euros pour la période du 27 juillet 2015 au 31 octobre 2016 ; qu'au total le produit cumulé des infractions peut donc être évalué à 1 690 592,40 euros ; qu'aux termes de l'article 706-153 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention, saisi par requête du procureur de la République peut autoriser, au cours de l'information, aux frais avancés du trésor, la saisie des biens ou droits incorporels dont la confiscation est prévue par l'article 131-21 du code pénal ; que par ailleurs en application de l'article 706-155 du code de procédure pénale, lorsque la saisie porte sur une créance figurant sur un contrat d'assurance sur la vie, elle entraîne la suspension des facultés de rachat, de renonciation et de nantissement de ce contrat, dans l'attente du jugement définitif au fond, cette saisie interdisant également toute acceptation postérieure du bénéfice du contrat dans l'attente de ce jugement et l'assureur ne peut alors plus consentir d'avances au contractant ; que si aux termes de l'article 131-21 alinéa 9 du code pénal la confiscation peut être ordonnée en valeur, la confiscation peut aussi porter, en application de l'alinéa 6 du même texte, lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, sur tout ou partie des biens appartenant au condamné, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ; qu'en l'espèce, M. X... est, notamment, mis en cause pour des faits qualifiés de blanchiment prévus et réprimés à l'article 324-1 du code pénal ; que l'article 324-7 12° du code pénal prévoit pour ce délit la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie des biens du condamné, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ; qu'en conséquence, l'ordonnance querellée dont la motivation, soumise au contrôle de la cour, apparaît suffisante en ce qu'elle a notamment relevé la nécessité de procéder à la saisie pénale afin de garantir la peine complémentaire de confiscation, mérite confirmation après substitution d'office du fondement de la saisie en faisant application de l'article 131-21 alinéa 6 du code pénal en lieu et place de l'article 132-21 alinéa 9 visé par le juge des libertés et de la détention ; qu'en effet il revient à la chambre de l'instruction à laquelle est déférée une ordonnance de saisie de sommes inscrites sur un compte bancaire dont le bien-fondé est contesté, de s'assurer de la pertinence du fondement juridique sur lequel s'appuie la mesure de saisie décidée ; qu'en raison de l'effet dévolutif de l'appel, la chambre de l'instruction, double degré de juridiction, se trouve saisie des points de fait ou de droit pour lesquels le premier juge s'est prononcé dans son ordonnance et lesdits points sont alors soumis à un nouvel examen dans les limites de l'acte d'appel, la chambre devant au besoin substituer aux motifs insuffisants voire erronés du premier juge des motifs répondant aux exigences légales ; que la défense opère une confusion entre analyse de la nature de la saisie opérée, fondement juridique et règles procédurales ; que si d'une part une saisie pénale mise en oeuvre en application de l'article 706-153 sur le fondement de l'article 131-21 alinéa 6 du code pénal doit s'analyser en une saisie de patrimoine telle qu'envisagée par l'article 706-148 laquelle nécessite a minima un avis du ministère public, force est de constater que la saisie a été opérée par le juge des libertés et de la détention sur requête du procureur de la République, la procédure prévue à l'article 706-148 étant ainsi respectée ; que d'autre part la substitution de motifs par changement de fondement sur laquelle la défense a été invitée à présenter ses observations porte sur la mise en oeuvre, en lieu et place des dispositions de l'article 131-21 alinéa 9, de celles prévues à l'alinéa 6 du même article auxquelles l'article 706-148 du code de procédure pénale se réfère expressément ; qu'il en découle que la substitution de motifs à laquelle se livre la chambre en s'appuyant sur les dispositions de l'article 131-21 du code pénal, ne peut constituer un détournement de procédure ou encore une substitution de base légale comme la défense le soutient ; qu'elle ne porte aucune atteinte aux droits à un procès équitable et à une procédure contradictoire, principes garantis par l'article préliminaire du code de procédure pénale et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme invoqués par l'avocat de M. X..., dès lors que la chambre de l'instruction avant de procéder à une telle substitution de fondement a pris soin de renvoyer par arrêt l'affaire à une date ultérieure aux fins de permettre aux parties de présenter leurs observations sur une telle substitution de motifs ; qu'enfin il sera rappelé qu'une telle saisie pénale ne constitue qu'une mesure provisoire ayant pour objet de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation susceptible d'être prononcée par la juridiction correctionnelle si celle-ci venait à être saisie de ces faits ;
"1°) alors que, dans le cadre d'une enquête, la saisie de patrimoine ne peut être ordonnée par le juge des libertés et de la détention qu'à la requête en ce sens du procureur de la République ; qu'en l'espèce, le juge des libertés et de la détention a autorisé la saisie d'une partie de la créance de 1 775 712,70 euros figurant sur le contrat d'assurance-vie souscrit par M. X..., soit la somme de 388 516,45 euros sur requête du procureur de la République fondée sur les articles 706-41 à 706-147, en particulier l'article 706-141-1 et les articles 706-153 et 706-155 alinéa 2 du code de procédure pénale ; que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, la chambre de l'instruction a retenu que l'intéressé est notamment mis en cause pour des faits de blanchiment faisant encourir en vertu de l'article 324-7 12° du code pénal la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie des biens du condamné, et a énoncé qu'en conséquence, après substitution d'office du fondement de la saisie en faisant application de l'article 131-21 alinéa 6 du code pénal en lieu et place de l'article 131-21, alinéa 9, la saisie pénale mise en oeuvre en application de l'article 706-153 sur le fondement de l'article 131-21 alinéa 6 du code pénal s'analyse en une saisie de patrimoine telle qu'envisagée par l'article 706-148 et que la procédure prévue à cet article a été respectée, la saisie ayant été opérée par le juge des libertés et de la détention sur requête du procureur de la République ; que la chambre de l'instruction a donc, sous le couvert d'une substitution de motifs, modifié le fondement de la saisie pour qu'elle s'analyse en une saisie de patrimoine au sens de l'article 706-148 du code de procédure pénale ; qu'or, une saisie de patrimoine nécessite, dans le cadre de l'enquête, que le ministère public ait préalablement requis une telle mesure ; qu'en prononçant comme elle l'a fait, alors que le procureur de la République n'a pas requis une mesure de saisie fondée sur les articles 131-21 alinéa 6 et 324-7 12° du code pénal, la chambre de l'instruction a violé l'article 716-148 du code de procédure pénale ;
"2°) alors que si, par extraordinaire, la saisie patrimoniale était considérée comme justifiée, le juge qui prononce une mesure de saisie de tout ou partie du patrimoine doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée aux droits de l'intéressé ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction n'a pas recherché si la saisie autorisée ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de M. X... ; qu'en omettant d'apprécier le caractère proportionné de la saisie de patrimoine, la chambre de l'instruction a violé les articles 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme et a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs ;
Vu l'article 706-148 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes de l'alinéa 1 de ce texte dans sa version en vigueur, issue de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016, si l'enquête porte sur une infraction punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, ordonner par décision motivée la saisie des biens dont la confiscation est prévue en application de l'article 131-21, alinéa 5 ou 6, du code pénal lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit prévoit la confiscation des biens du condamné ou lorsque l'origine de ces biens ne peut être établie ;
Qu'il se déduit de ce texte que la chambre de l'instruction, saisie d'un appel formé contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé, sur requête du procureur de la République, la saisie en valeur de biens, peut, en raison de l'effet dévolutif de l'appel, et après débat contradictoire, modifier le fondement légal de la saisie de ces biens dès lors que cette mesure a été précédée d'une requête du ministère public, peu important le fondement visé par celle-ci, et doit, s'il s'agit d'une saisie de patrimoine, l'ordonner elle-même ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, au cours d'une enquête préliminaire ouverte après une plainte de l'administration fiscale pour des faits de fraude fiscale, blanchiment, abus de biens sociaux et travail dissimulé mettant en cause M. X..., le juge des libertés et de la détention a, sur requête du procureur de la République formulée en ce sens, au visa des articles 131-21, alinéa 9, du code pénal, 706-141-1, 706-153 et 706-155 alinéa 2 du code de procédure pénale, autorisé la saisie pénale d'une créance figurant sur un contrat d'assurance à concurrence de la somme de 388 516 euros ; que M. X... a interjeté appel ; que la chambre de l'instruction a ordonné le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure et invité les parties à présenter des observations sur l'éventuelle modification d'office du fondement de la saisie en faisant application de l'article 131-21, alinéa 6, du code pénal aux motifs que M. X... est impliqué dans des faits de blanchiment qui lui font encourir, au titre de l'article 324-7, 12°, du code pénal, la confiscation de tout ou partie de son patrimoine ;
Attendu que, pour confirmer, après substitution d'une saisie de patrimoine à la saisie en valeur, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en décidant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'ordonner elle-même la saisie de patrimoine, et non pas seulement de confirmer une autorisation de saisir, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé n°438 de la Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 27 avril 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize mai deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.