Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 9 mai 2018, 17-83.481, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


-
les consorts B..., parties civiles,


contre l'arrêt de la cour d'appel de PAPEETE, chambre correctionnelle, en date du 4 mai 2017, qui, dans la procédure suivie contre M. Jean-Louis X... pour homicide involontaire aggravé, a prononcé sur les intérêts civils ;











La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 mars 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller Moreau, les observations de la société civile professionnelle CLAIRE LEDUC et SOLANGE VIGAND, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Mondon ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1 et 4 de la loi du 5 juillet 1985, 1382 du code civil, 2, 3, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt a dit que feu Hono B... a commis des fautes graves qui constituent la cause exclusive de l'accident de nature à exclure le droit à indemnisation et a débouté en conséquence les consorts B... de leurs demandes ;

"aux motifs qu'il résulte de la procédure, que l'accident est survenu alors qu'il faisait nuit le dimanche 30 novembre 2014 à 18 heures 50 sur la commune de [...] , en agglomération, route RT3, P.K. 0,900 à l'intersection à hauteur du restaurant Rémy et Loula ; que M. Jean-Louis X... circulait dans le sens [...], au volant de son véhicule Land-Rover, immatriculé [...] regagnait son domicile, que Hono B...pilotait son scooter Piaggio, immatriculé [...] après avoir consommé de l'alcool et fumé du canabis, puisque les analyses de sang révéleront qu'au moment de l'accident il avait 2,56 g d'alcool par litre de sang et notamment 15,38 ng/ml de sang de tétrahydrocannabinol ; qu'arrivé à l'intersection formée par la RT3 et la route traversière à hauteur du restaurant Rémi et Loula, M. X... désirant emprunter l'axe routier qui se trouvait sur sa gauche par rapport à son sens de circulation, s'est arrêté sur l'axe médian de la chaussée pour céder le passage à deux scooters dont les phares étaient allumés ; qu'après les avoir laissé passer, M. X... s'est engagé sur la voie afin de tourner à gauche ; que c'est une fois engagé sur ladite voie que Hono B..., qui venait d'en face comme les deux précédents scooters, est venu le percuter violemment au niveau de la porte avant droite ; que les faits et circonstances de l'accident ci-dessus rappelés sont attestés par deux tiers témoins de l'accident ; qu'ainsi M. C...          , qui venait de [...] et placé juste derrière le véhicule de M. X... attestera que le Land-Rover qui voulait tourner vers la gauche « avait mis son avertisseur de changement de direction et il avait ses feux allumés. Il a cédé le passage à deux scooters qui roulait à allure modéré, les deux conducteurs étaient porteurs du casque et ils avaient allumés leurs phares. Après leur passage, il s'est engagé sur la voie afin de tourner à gauche » ; que ce témoin répondra au gendarme qui l'auditionnait qu'il n'avait pas vu, quant à lui, le troisième scooter ; que Mme Vaite A..., roulant en direction de [...], attestera par ailleurs : « un véhicule circulait derrière moi, c'était un Land- Rover. Arrivée près du restaurant Loula et Rémy, j'ai vu deux scooters qui circulaient sur l'autre voie soit en direction de [...]. On s'est croisé et à environ 100m plus loin, j'ai vu un gars en scooter qui balançait son bras dans le vide. Je ne l'ai pas de suite remarqué car il n'a pas mis les lumières de son scooter. Je précise qu'il avait son casque sur sa tête mais pas attaché correctement car je voyais son visage. Il zigzaguait un tout petit peu avec son scooter et j'ai eu peur que son bras touche ma voiture. Le gars en scooter, comme je l'ai dis allait en direction de [...], il zigzaguait un petit peu avec son scooter. Il a percuté le Land-over qui circulait dernière moi dans le même sens, soit [...]. Ce véhicule s'était engagé dans la voie de gauche pour prendre l'intersection situé au restaurant Loula et Rémi. Le gars en scooter est tombé » ; qu'il résulte de ces deux témoignages non contestés que M. X... circulait normalement, ses feux de circulations allumés, s'était arrêté avec son clignotant gauche allumé, avant de tourner à gauche pour laisser passer deux scooters qui avaient leurs phares allumés et qui circulaient comme la victime dans le couloir de la circulation qui leur était réservé ; que les suppositions des appelants concernant le bruit, la vitesse du scooter, l'état du véhicule de M. X... et son insuffisant temps d'arrêt à l'intersection ne sont étayés par aucun élément de procédure ; qu'il doit être apprécié en application de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation de victimes d'accidents de la circulation si les fautes commises par le conducteur de scooter sont de nature alors à limiter ou à exclure son droit à indemnisation ; qu'en l'espèce Hono B... roulait dangereusement, de nuit sans phare allumé dans un état d'ébriété grave sous l'emprise du cannabis avec un casque, posé sur la tête, non régulièrement attaché ; que ces fautes, dans les circonstances de l'espèce, sont la cause exclusive de l'accident ; qu'en conséquence il y a lieu de débouter les Consorts B... et D... de Prévoyance Sociale de la Polynésie française de leurs demandes ;




"alors que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; que l'appréciation de cette faute de nature à limiter ou exclure le droit à indemnisation de la victime doit être effectuée par le juge en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur ; qu'en excluant en l'espèce toute indemnisation du préjudice subi par Hono B... et ses ayants-droit par la seule considération que le comportement de celui-ci était la cause exclusive de l'accident, la cour d'appel, qui a statué par une référence inopérante à la seule cause génératrice de l'accident, impliquant nécessairement qu'elle se soit fondée, pour exclure le droit à indemnisation de la victime, sur le comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué, a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure, qu'alors qu'il faisait nuit, M. Jean-Louis X..., désirant emprunter un axe routier qui se trouvait sur sa gauche par rapport à son sens de circulation, s'est arrêté, au volant de son véhicule, sur l'axe médian de la chaussée pour céder le passage à deux scooters dont les phares étaient allumés ; que, s'étant engagé sur la voie de circulation, un scooter, conduit par Hono B..., qui circulait sans phare allumé et en zig-zag, est venu percuter violemment la portière avant-droite dudit véhicule ; que les analyses de sang effectuées sur le conducteur du scooter, dont le casque n'était pas attaché et qui est décédé sur le coup, ont révélé qu'il conduisait en état de forte imprégnation alcoolique et après avoir fumé du cannabis ; que le tribunal correctionnel de Papeete a renvoyé des fins de la poursuite M. X... et déclaré irrecevable les constitutions de parties civiles ; que les consorts B... ont interjeté appel de la décision ;

Attendu que, pour infirmer le jugement en ce qu'il avait déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles du fait de la relaxe du prévenu et exclure leur droit à indemnisation, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, en appréciant souverainement, sans insuffisance ni contradiction, que les fautes commises par le conducteur du scooter, qui roulait dangereusement, de nuit sans phare allumé dans un état d'ébriété important et sous l'emprise du cannabis, sont la cause exclusive de l'accident, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;



Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf mai deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.ECLI:FR:CCASS:2018:CR00965
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