Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 9 mai 2018, 16-26.926, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. Y... que sur le pourvoi incident relevé par M. A... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 8 septembre 2016), que MM. Y... et A... se sont rendus cautions, le 4 mai 2011, d'un prêt consenti par la société CIC Nord Ouest (la banque) à la société Rouen Créagro développement ; que cette dernière ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné les cautions en exécution de leurs engagements ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de son engagement de caution alors, selon le moyen :

1°/ que les dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, imposaient, à peine de nullité, que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fasse précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même » ; que cette mention devait être reproduite intégralement et strictement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la mention reproduite par M. Y..., sur son acte de cautionnement du 4 mai 2011, comportait des erreurs ; qu'en concluant néanmoins que celles-ci n'avaient en rien modifié la signification ou la compréhension de cette mention, la cour d'appel s'est détachée d'une application purement objective de l'exigence précitée, méconnaissant ainsi le sens et la portée de l'article L. 341-2 du code de la consommation dans sa version alors applicable ;

2°/ que les juges du fond sont tenus de motiver leur décision ; que, dans ce cadre, ils doivent indiquer et analyser les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent pour affirmer l'existence d'un fait ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. Y... n'avait pas parfaitement reproduit, dans son acte de cautionnement du 4 mai 2011, la mention exigée par l'article L. 341-2 du code de la consommation dans sa version alors applicable et que l'ajout du mot « mille » ne modifiait pas la signification de ladite mention ni ne la rendait incompréhensible ; que la cour d'appel en a conclu que ces erreurs ne révélaient pas une incompréhension de M. Y... quant à la portée de son engagement ; qu'en se prononçant ainsi, sans se fonder sur aucun élément précis pour procéder à pareille déduction, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les éléments clairs et précis qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, la mention litigieuse, reproduite sur l'acte d'engagement de M. Y... du 4 mai 2011, indiquait en chiffres « 207 960 mille euros » et en lettres « deux cent sept mille neuf cent soixante mille euros » ; que ces mentions ne correspondent à aucun chiffre existant, ce qui en vicie le caractère compréhensible ; qu'en jugeant néanmoins que « la somme exprimée en lettres est parfaitement exacte » et qu'il s'agissait « d'une imperfection mineure qui n'affecte ni le sens, ni la portée de l'engagement de M. Y... », la cour d'appel a dénaturé l'acte de cautionnement du 4 mai 2011 et violé ainsi l'article 1134 du code civil dans sa version alors applicable ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que M. Y... avait reproduit la formule prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, en mentionnant, en ce qui concerne le montant de son cautionnement, en chiffres « 207 960 mille euros » et en lettres « deux cent sept mille neuf cent soixante mille euros », l'arrêt retient que cette imperfection mineure n'affecte ni le sens, ni la portée de l'engagement de la caution ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, la cour d'appel, qui a fait ressortir que l'ajout du mot « mille » avant l'unité monétaire dans l'expression en chiffres et en lettres du montant du cautionnement n'avait pas modifié le sens et la portée de la mention manuscrite légale, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa quatrième branche :

Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant au constat du caractère manifestement disproportionné de son engagement de caution à ses biens et revenus et au rejet des demandes de la banque fondées sur ce cautionnement alors, selon le moyen, que M. A... faisait valoir que la société CIC Nord Ouest savait que l'opération était cofinancée par le Crédit agricole, et ajoutait qu'il avait souscrit auprès de cette banque, concomitamment au cautionnement litigieux du 4 mai 2011, un cautionnement de 224 900 euros devant être pris en compte pour apprécier la disproportion ; qu'il produisait l'acte de prêt et de cautionnement souscrits auprès du Crédit agricole, lequel mentionnait qu'il avait été édité le 11 mai 2001 ; que l'arrêt attaqué a retenu que l'opération globale de création du réseau de franchise était cofinancée par le Crédit agricole et par la société CIC Nord Ouest, que cette dernière le savait comme elle savait que le Crédit agricole solliciterait des garanties, et que la société CIC Nord Ouest aurait dû solliciter des informations sur ce point dès lors que la fiche de renseignements ne les fournissait pas ; qu'en refusant de tenir compte des cautionnements recueillis par le Crédit agricole et notamment celui de 224 900 euros au prétexte qu'aucun engagement de caution n'avait été signé au profit du Crédit agricole à la date du cautionnement litigieux, le 4 mai 2011, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 341-4 du code de la consommation ;

Mais attendu que la disproportion du cautionnement s'apprécie en prenant en considération l'endettement global de la caution au moment où cet engagement est consenti, sans avoir à tenir compte de ses engagements postérieurs, fussent-ils souscrits dans le cadre du financement d'une même opération dont les modalités étaient connues du créancier ; qu'ayant constaté qu'à la date de conclusion du cautionnement souscrit par M. A... au bénéfice de la société CIC Nord Ouest, celui-ci n'avait encore signé aucun autre engagement de caution dans le cadre de l'opération financée, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il ne devait pas être tenu compte, pour l'évaluation de son endettement global à cette date, de l'engagement souscrit postérieurement au bénéfice de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie Seine ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en ses trois premières branches, ni sur le second moyen de ce pourvoi, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;



PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Condamne M. Y... et M. A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP François-Henri Briard, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Y... de sa demande tendant à voir annuler son engagement de caution du 4 mai 2011 ;

Aux motifs propres que « sous le visa de l'article 1326 du code civil, M. Patrick Y... soutient que son engagement de caution est dépourvu de valeur dès lors que la mention manuscrite est totalement erronée puisque le montant de la somme due en cas de défaillance du débiteur principal est incohérent et n'existe pas, que la Banque CIC Nord Ouest ne rapporte aucun autre élément que l'acte pour prouver l'existence de son engagement ; que sous le visa de l'article L. 341-2 du code de la consommation, il prétend que son engagement est nul pour défaut de conformité de la mention manuscrite avec la formulation imposée par ce texte ; que l'article 1326 du code civil dispose que l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ; qu'en cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres ; que l'article L. 341-2 du code de la consommation impose à toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel, à peine de nullité de son engagement, de faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X ..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ... , je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X ... n'y satisfait pas lui-même » ; que la mention manuscrite portée par M. Patrick Y... sur son engagement de caution reproduit la formule prévue par ce dernier texte, mais en ce qui concerne le montant du cautionnement, indique en chiffres « 207 960 mille euros » et en lettres « deux cent sept mille neuf cent soixante mille euros » ; que M. Patrick Y... indique lui-même que le cautionnement porterait sur une somme de deux cent sept mille neuf cent soixante euros (207.960 euros) ; que la somme exprimée en lettres est parfaitement exacte et le fait que le mot « mille » soit ajouté, par une erreur purement matérielle imperceptible, à la somme exprimée en chiffres, ne modifie en rien la signification de celle-ci, ni ne la rend incompréhensible par n'importe quel lecteur normalement intelligent et de bonne foi ; de la même façon, elle n'altère en rien l'appréciation que M. Patrick Y... a pu avoir de la nature et de la portée de son engagement, étant observé qu'il a lui même négocié le prêt cautionné y compris en ce qui concerne la nature des garanties qui en sont l'accessoire ; que M. Patrick Y... sera en conséquence débouté de ses contestations relatives à la validité de son engagement de caution ».

Et aux motifs adoptés que « la mention manuscrite figure en page 12 du contrat de crédit comportant l'objet, le montant de l'opération et les garanties prises ; que dans ce contrat, dont toutes les pages sont paraphées par Monsieur Y... et Monsieur A... comme co-gérants de ROUEN CREAGO DEVELOPPEMENT, il est précisé que la garantie consentie est d'un montant de 207.960 € ; que si la mention manuscrite qui mentionne bien « 207960 mille € et deux cent sept mille neuf cent soixante mille € » est bien discordante avec la somme mentionnée dans l'acte, il s'agit d'une imperfection mineure qui n'affecte ni le sens, ni la portée de l'engagement de Monsieur Y... qui connaissait bien son engagement qu'il a lui-même négocié avec la banque ; que le tribunal déboutera Monsieur Y... de sa demande d'annulation de l'acte de cautionnement ».

1°) Alors, d'une part, que les dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, imposaient, à peine de nullité, que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fasse précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même » ; que cette mention devait être reproduite intégralement et strictement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la mention reproduite par M. Y..., sur son acte de cautionnement du 4 mai 2011, comportait des erreurs ; qu'en concluant néanmoins que celles-ci n'avaient en rien modifié la signification ou la compréhension de cette mention, la cour d'appel s'est détachée d'une application purement objective de l'exigence précitée, méconnaissant ainsi le sens et la portée de l'article L. 341-2 du code de la consommation dans sa version alors applicable ;

2°) Alors, d'autre part, que les juges du fond sont tenus de motiver leur décision ; que, dans ce cadre, ils doivent indiquer et analyser les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent pour affirmer l'existence d'un fait ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. Y... n'avait pas parfaitement reproduit, dans son acte de cautionnement du 4 mai 2011, la mention exigée par l'article L. 341-2 du code de la consommation dans sa version alors applicable et que l'ajout du mot « mille » ne modifiait pas la signification de ladite mention ni ne la rendait incompréhensible ; que la cour d'appel en a conclu que ces erreurs ne révélaient pas une incompréhension de M. Y... quant à la portée de son engagement ; qu'en se prononçant ainsi, sans se fonder sur aucun élément précis pour procéder à pareille déduction, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

3°) Alors, enfin, que les juges du fond ne peuvent dénaturer les éléments clairs et précis qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, la mention litigieuse, reproduite sur l'acte d'engagement de M. Y... du 4 mai 2011, indiquait en chiffres « 207 960 mille euros » et en lettres « deux cent sept mille neuf cent soixante mille euros » ; que ces mentions ne correspondent à aucun chiffre existant, ce qui en vicie le caractère compréhensible ; qu'en jugeant néanmoins que « la somme exprimée en lettres est parfaitement exacte » (arrêt attaqué, page 7) et qu'il s'agissait « d'une imperfection mineure qui n'affecte ni le sens, ni la portée de l'engagement de M. Y... » (arrêt attaqué, page 7), la cour d'appel a dénaturé l'acte de cautionnement du 4 mai 2011 et violé ainsi l'article 1134 du code civil dans sa version alors applicable. Moyens produits, au pourvoi incident, par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils pour M. A...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la prétention de Monsieur A... tendant à ce que soit constaté le caractère manifestement disproportionné à ses biens et revenus du cautionnement qu'il a consenti au profit du CIC NORD EST et à ce que le CIC NORD EST soit en conséquence débouté de la totalité ses demandes fondées sur ledit cautionnement ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L. 341-4 du code de la consommation dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Il incombe en premier à la caution de rapporter la preuve de la disproportion lors de la souscription de son engagement, et si celle-ci est démontrée ; il appartient au créancier d'établir que le patrimoine de la caution lui permet de faire face à ses engagements lorsqu'elle est appelée, et ce que ce soit en raison d'une évolution favorable de la situation de la caution ou parce que le montant de la créance effectivement appelée est inférieur au montant initialement garanti, le texte n'opérant aucune distinction. La caution qui remplit une fiche de renseignements destinée à informer la banque sur sa situation financière pour lui permettre de vérifier l'absence de disproportion de l'engagement de caution sollicité, lorsqu'elle la renseigne, la certifie exacte et sincère et la signe, est tenue à une obligation de loyauté ; les indications qu'elle fournit l'engagent et dispensent la banque de procéder à des recherches supplémentaires, sauf si elle comportent des anomalies ou insuffisances apparentes. En vue de son engagement de caution du 4 mai 2011, M. Christophe A... a rempli et signé le 3 mai 2011 une fiche de renseignements dans laquelle il déclare : - un revenu annuel de 39.600 (mensuel 3.300 €) ; - un actif mobilier pour une valeur cumulée de 209 400 €, constitué de parts dans la SCI Paprika (25%) : 30.500 €, parts dans la SCI Safran (49%) : 4.900 €, parts dans la SCI Carlex 16.000 € (-liquidités au 3 mai 2011) comptes épargne : 18.000 €, - une maison à Saint Martin du Vivier pour une valeur de 500 000 E, grevée d'une hypothèque le 4 décembre 2002 jusqu'en novembre 2019 pour un montant de 154 000 €, sur lequel reste dû un reliquat de 79 000 €. Au passif, pour un montant total de 737 360 € : - un prêt résidence principale consenti par le CIC jusqu'en juillet 2017 pour un capital restant dû de 79 000 et des échéances mensuelles de 1 216 € - un cautionnement des F... auprès du CIC jusqu'en 2020 pour un montant de 508 360 € (diverses cautions 120% des encours initiaux), - un cautionnement de la SCI Safran auprès de la Bred jusqu'en 2025 pour un montant de 150 000 €. Le CIC reproche au tribunal d'avoir retenu le seul actif mobilier d'une valeur totale de 209.400 € au motif que la maison appartient à la société d'acquêts portée à la connaissance de la banque et n'étant pas étant pas un bien propre de M. Christophe A... ne peut être pris en compte pour apprécier la disproportion ; elle fait valoir notamment que M. Christophe A... ne peut se prévaloir de cette affectation partielle de sa résidence principale à une société d'acquêts (75%), alors que cet élément ne lui a pas été révélé préalablement à la signature de l'acte de cautionnement, et que si l'article 1415 du code civil fait interdiction au créancier de poursuivre le paiement sur les biens communs et/ou les biens compris dans la société d'acquêts stipulée entre époux séparés de biens, pour ainsi faire obstacle aux voies d'exécution sur ces biens, il ne fait pas interdiction de prendre en compte ces biens pour apprécier la consistance du patrimoine d'un époux qui se porte caution. Mais la fiche de renseignement comporte indication de ce que M. Christophe A... est marié sous le régime de la séparation de bien avec société d'acquêts au 12 août 2010, ainsi que les références du notaire ; l'importance de l'existence d'un bien immobilier et la particularité du régime matrimonial adopté auraient dû amener à solliciter des renseignements complémentaires sur le statut exact de cet immeuble, la fiche étant manifestement insuffisante sur ce point. Les pièces produites aux débats démontrent que cette maison estimée à 500 000 € a été acquise par M. Christophe A... avant son mariage, au moyen d'un prêt sur lequel restait à rembourser un capital de 79 000 €. M. Christophe A... s'est marié suivant contrat de séparation de biens avec société d'acquêts signé le 12 août 2010. Ce contrat prévoit l'apport à la société d'acquêts de cet immeuble, et ce en son intégralité, il est seulement précisé dans le titre relatif aux apports, et ce pour éventuel calcul, qu'il est apporté par M. Christophe A... à hauteur de 75% et par son épouse à hauteur de 25% ; l'apport de cet immeuble à la société d'acquêts est réalisé en raison de ce qu'il constitue le logement de la famille, ce qui est toujours le cas l'adresse de l'immeuble étant celle du domicile de M. Christophe A... et de sa famille ; il est prévu que lorsqu'il ne constituera plus le logement familial le cas échéant, le bien restera indivis entre les deux époux, et qu'en cas de dissolution de la société d'acquêts pour une autre cause que le décès, le partage de la société d'acquêts aura lieu irrévocablement par moitié, sans que les époux puissent reprendre les biens qu'ils ont apportés. Le bien ne peut en conséquence être considéré comme appartenant à M. Christophe A... indivisément à hauteur de 75% qui pourrait en disposer ; l'article 1415 du code civil trouve à s'appliquer, de sorte qu'en l'absence de consentement de Mme A... au cautionnement donné par son époux, cette valeur ne peut être prise en considération dans la détermination de l'actif disponible. Le prêt de 79 000 € restant à rembourser constitue une dette contractée avant le mariage par M. Christophe A..., au paiement de laquelle ce dernier demeure personnellement tenu envers le prêteur, et qui comme tel doit être pris en compte pour la détermination du passif. Le CIC considère que la valeur des parts sociales des SCI Safran et Paprika est sous évaluée, M. Christophe A... s'étant contenté de multiplier son pourcentage de détention par le montant du capital social, sans prendre en compte la valeur de l'immeuble détenu par chacune des SCI. La SCI Safran ayant acquis un immeuble à St Etienne du Rouvray en 2010 au prix de 1 500 000 € a financé son acquisition par le recours à deux prêts de 750 000 € chacun ; la SCI Paprika restait encore devoir un capital de 187 517,78 € sur le prêt de 367 527 € contracté en 2005 pour l'immeuble de la rue Saint Julien ; la valorisation des parts dans ces deux SCI pour la somme totale de 38 000 € telle que portée par M. Christophe A... dans ses conclusions sera retenue. Le CIC conteste le montant de 156 000 E déclarée au titre de la SCI Carlex, faisant valoir qu'au début de l'année 2011 M. Christophe A... disposait à ce titre de la somme de 318.204,67 € et que compte tenu des fonds injectés en février et mars 2011 à hauteur de 17.500 € il convient de retenir une valeur de 300.704,67€ dont la SCI Carlex disposait en trésorerie en mai 2011. La somme de 318.204,67 € correspond au boni de liquidation de la SCI Carlex après vente de son immeuble et remboursement du prêt ; M. Christophe A... indique avoir consacré une somme totale de 35 985 € à la constitution des diverses sociétés du réseau de franchise en cours de création, 66 000 E à la société F... , et 179 815,34 E à la société JCD 1967, gardant un disponible limité à la somme de 36.404,33 €. La consistance du patrimoine s'appréciant à la date de l'engagement de caution, il convient de déduire du boni de liquidation les seules sommes prélevées en février et mars 2011 pour la création des sociétés CP Création, Rouen Creagro Développement et CP Cuisinier, pour un montant total del 7 500 € ; les liquidités au titre de la SCI Carlex seront en conséquence valorisées à l'actif, tel qu'existant au 4 mai 2011, pour la somme de 300.704,67 €. Le CIC fait valoir que M. Christophe A... a omis de mentionner sur sa fiche patrimoniale la valeur des parts sociales qu'il détenait dans la société Kaizen, alors qu'il a apporté 1538 sur 1570 parts sociales de la D...             , pour une valorisation de 338.800 € intervenue le 27 janvier 2011 lors du dépôt des statuts, soit concomitamment à la date de l'engagement de caution. M. Christophe A... soutient que les parts de la société Kaizen ont été chiffrées sur la base de comptes de la société F... arrêtés au 31 décembre 2009 soit presque deux ans avant le prêt, que cette estimation n'était plus le reflet de la valeur de la société F... qui connaissait un déficit de 362.600,00 € en 2011 de sorte que les capitaux propres sont tombés à 5.121,00 E ; que ces parts ont été apportées à la société Kaizen créée dans le but de devenir la société holding des sociétés Rouen Creagro et CP-Création détenant ces dernières-à 50 %, et qu'il ne les détenait plus; mais il est l'associé unique de la société Kaizen et ne produit pas les éléments permettant de retenir que cette valeur pourrait être considérée dans son patrimoine comme étant en perte, totale ou partielle. La somme de 338.800 € sera en conséquence retenue comme un élément d'actif. L'actif existant à la date de l'engagement de caution du 4 mai 2011 s'établit ainsi à la somme de 695 504,67 €. Au vu des pièces produites, si le montant des engagements déclarés au titre de la société F... était de 503 360 €, les cautionnements consentis par M. Christophe A... au bénéfice du CIC Nord Ouest, en garantie de trois prêts contractés entre 2008 et 2010, étaient limités à une somme cumulée de 240 400 €. La constitution du réseau de franchise a été financée tant par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie Seine que par le CIC Nord Ouest qui ont parallèlement accordé des prêts aux franchiseurs. Le CIC qui a consenti partie des financements, dans ses contrats précise le montant total de l'opération financée et la participation de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie Seine. S'il n'a pas connaissance précise des conditions consenties par cette dernière, il ne peut ignorer, compte tenu notamment de la nature des opérations financées, qu'elle sollicite également des garanties. Dès lors l'absence d'indication dans la fiche de renseignement, de l'existence de cautionnement contracté au bénéfice de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie Seine en garantie de prêt dont le CIC connaît l'existence parallèle constitue une anomalie qui doit l'amener à solliciter des informations complémentaires.
Mais si de tels cautionnements contractés par M. Christophe A... auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie Seine sont à prendre en considération, c'est à condition toutefois qu'ils aient été souscrits avant la date de l'engagement de caution sollicité par le CIC, dès lors qu'en application de L. 341-4 du code de la consommation, la disproportion s'apprécie au regard des biens et revenus à la date de la souscription de l'engagement. Pour la même raison, il n'y a pas lieu de tenir compte, pour l'appréciation de la disproportion, des gains et profits escomptés de l'opération financée. A la date du 4 mai 2011 M. Christophe A... n'avait encore signé aucun autre engagement de caution dans le cadre de l'opération globale de création du réseau de franchise ; le passif de M. Christophe A... s'établissait en conséquence, suivant ses déclarations et les pièces, à la somme totale de 469 400 €. En considération d'un actif net de 226 104,67 € et de revenus mensuels de 3 300 €, l'engagement de caution à hauteur de la somme de 207 960 €, même cumulé avec l'engagement de 60 000 E consenti également au CIC le même jour ne peut être considéré comme disproportionné de façon manifeste au sens de l'article L. 341-4 du code de la consommation » ;

ALORS, premièrement, QUE Monsieur A... soulignait que les parts dans la société KAIZEN, correspondant à l'apport en 2011 des parts de la société G... A...             , ne pouvaient être évaluées à 338 000 €, cette évaluation ayant été faite sur la base de l'estimation des parts de la société G... A...              au vu des comptes arrêtés le 31 décembre 2009 cependant qu'en 2011 cette société accusait une perte de 362 000 € et voyait ses capitaux propres réduits à 5 121 € ; que pour preuve, selon son bordereau de pièces communiquées il produisait, sous le n° 94, le « Bilan D...              exercice 2009-2010-2011 » ; qu'en affirmant que l'exposant ne produisait aucun élément permettant de retenir que la valeur des parts sociales pourrait être considérée dans son patrimoine comme étant en perte totale ou partielle, la cour d'appel a dénaturé le bordereau de pièces communiquées, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, deuxièmement, QU'il était constant que les parts dans la société KAIZEN évaluées à 338 000 € correspondaient à l'apport, en 2011, des parts de la société G... A...              (cf. arrêt, p. 9) ; que la pièce n° 94 versée aux débats par l'exposant, qui constituait le bilan de la société G... A... pour l'année 2011, mentionnait une perte de 362 000 € et des capitaux propres réduits à 5 121 € ; qu'en énonçant que Monsieur A... ne produisait aucun élément permettant de retenir que la valeur des parts sociales pourrait être considérée dans son patrimoine comme étant en perte totale ou partielle, la cour d'appel a dénaturé, en omettant ses termes clairs et précis, la pièce n° 94 ;

ALORS, troisièmement, QUE en n'examinant pas le bilan de la société G... A...              pour l'année 2011 versé aux débats par Monsieur A..., sous le n° 94, pour démontrer que les parts dans la société KAIZEN ne pouvaient être évaluées en 2011 à 338 000 €, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, quatrièmement, QUE Monsieur A... faisait valoir que le CIC NORD OUEST savait que l'opération était cofinancée par le CREDIT AGRICOLE, et ajoutait qu'il avait souscrit auprès de cette banque, concomitamment au cautionnement litigieux du 4 mai 2011, un cautionnement de 224 900 € devant être pris en compte pour apprécier la disproportion ; que l'exposant produisait, sous le n° 8, l'acte de prêt et de cautionnement souscrits auprès du CREDIT AGRICOLE, lequel mentionnait qu'il avait été édité le 11 mai 2001 ; que l'arrêt attaqué a retenu que l'opération globale de création du réseau de franchise était cofinancée par le CREDIT AGRICOLE et par le CIC NORD OUEST, que ce dernier le savait comme il savait que le CREDIT AGRICOLE solliciterait des garanties, et que le CIC NORD OUEST aurait dû solliciter des informations sur ce point dès lors que la fiche de renseignements ne les fournissait pas ; qu'en refusant de tenir compte des cautionnements recueillis par le CREDIT AGRICOLE et notamment celui de 224 900 € au prétexte qu'aucun engagement de caution n'avait été signé au profit du CREDIT AGRICOLE à la date du cautionnement litigieux, le 4 mai 2011, la cour d'appel a violé l'ancien article L 341-4 du code de la consommation.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la prétention de Monsieur A... tendant à être garanti par Monsieur Y... de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre lui ;

AUX MOTIFS QUE « M. Christophe A... sollicite la condamnation de M. Patrick Y... à le garantir de toute condamnation qu'ils pourrait voir prononcer à son encontre dans la présente instance ; il fonde son action sur l'article 1382 du code civil et L.223-22 du code de commerce aux termes duquel : "Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion Si plusieurs gérants ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage. Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent, soit individuellement soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en conseil d'état, intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants ». La prescription étant de 3 ans à compter du fait dommageable ainsi que le prévoit l'article L.223-23 du code de commerce, la recevabilité de son action n'est pas discutée en ce que celle-ci est fondée sur des faits commis à partir du début de l'année 2012. M. Christophe A... fait état de ce que les fautes de gestion reprochées ont conduit à la cessation des paiements des sociétés du groupe Bon en conséquence de quoi il se trouve contraint de supporter en qualité de caution le remboursement de prêts, ce qui suffit à qualifier de personnel le préjudice qu'il invoque, lui conférant intérêt et qualité à agir. Il fait reproche à M. Patrick Y... son éviction de la gérance à la faveur d'une recapitalisation, la modification du concept né six mois auparavant, l'engagement de dépenses considérables dans un logiciel de paiement et dans des prestations de marketing, la cessation brutale du financement du groupe, au motif que les résultats financiers étaient trop longs à venir. Il expose de façon de façon très détaillées l'historique du projet de création du réseau de franchise, depuis sa génèse jusqu'à son issue par la liquidation des sociétés crées à cette fin, évoquant diverses difficultés et incidents, les tentatives de réorientation. M. Patrick Y... présente également un historique et descriptif du déroulement du projet, sous une autre perception.
De l'ensemble des éléments produits aux débats il convient de retenir qu'à l'origine M. Christophe A... cherchait à étendre son activité et proposait un concept nouveau d'activité traiteur lorsqu'il a rencontré M. Patrick Y... séduit par son projet, qui lui a proposé de développer un réseau de franchise. Même si la franchise ne correspondait pas à l'idée initiale de M. Christophe A..., celui-ci l'a adoptée et s'est pleinement investi dans sa conception, son organisation et son développement ; M. Christophe A... et M. Patrick Y... étant co-gérants s'étaient réparti les responsabilités, M. Christophe A... étant en charge du produit et du concept, M. Patrick Y... en charge du développement du réseau et des investissements. Dans ce schéma d'organisation, M. Christophe A... ne rapporte pas la preuve de ce qu'il n'aurait pu exercer ses attributions, se serait vu imposer par M. Patrick Y... des contraintes auxquelles il n'aurait pu résister. Le bon démarrage du réseau son développement et sa pérennité dépendait autant de la nature, la qualité et du succès du produit et du concept que de la qualité du réseau mis en place, et parmi les difficultés rencontrées existait notamment un défaut d'attractivité des produits offerts en boutique, auquel les franchiseurs ont cherché à remédier. La preuve n'est pas rapportée que M. Patrick Y... particulièrement investi financièrement aurait eu dans sa participation à la tentative de développement un comportement caractérisant à sa charge exclusive des fautes de gestion, qui seraient la cause de son échec jusqu'à conduire à la mise en liquidation des sociétés du groupe. La preuve n'est pas rapportée de ce que M. Patrick Y... serait seul responsable, et à raison de fautes caractérisées, de la nécessité pour M. H..., en raison de la défaillance des sociétés du groupe, d'avoir à subir le recours des banques ayant prêté leur concours, et ainsi assumer les conséquences d'obligations contractuelles qu'il a librement consenties » ;

ALORS QUE Monsieur A... soulignait, au soutien de sa demande tendant à être garanti par Monsieur Y..., que ce dernier portait la responsabilité exclusive de l'échec du projet pour l'avoir évincé de la gestion, à telle enseigne qu'initialement les sociétés holding des deux gérants détenaient à 50 % le capital de la société ROUEN CREAGRO DEVELOPPEMENT et qu'à la date du 19 septembre 2012 Monsieur A... n'était plus titulaire que qu'une participation de 4,55 %, comme le démontraient les statuts modifiés de cette société (conclusions, p. 54) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, pris de la modification de la répartition initiale des pouvoirs entre Monsieur A... et Monsieur Y..., en retenant qu'il était prévu que l'exposant avait la charge des produits et Monsieur Y... celle du développement du réseau et des investissements, qu'il n'était pas établi que Monsieur A... n'ait pu exercer ses attributions ou résister aux contraintes de Monsieur Y..., que la qualité des produits autant que celle du réseau conditionnaient le succès de l'opération et que l'attractivité des produits posait problème de sorte la responsabilité exclusive de Monsieur Y... n'était pas établie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2018:CO00400
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