Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 mai 2018, 16-20.423, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 13 mai 2016), que Mme X... a été engagée par Pôle emploi Midi-Pyrénées par un contrat de travail à durée déterminée à compter du 3 novembre 2009, puis par six autres contrats à durée déterminée jusqu'au 31 août 2012 ; qu'elle était investie d'un mandat de conseiller prud'homme ; que la cessation d'emploi après le dernier contrat de travail qui comportait une clause de renouvellement mais n'a pas été renouvelé, a été refusée par l'inspecteur du travail puis autorisée le 23 janvier 2013 par le ministre chargé du travail ; qu'elle a pris effet le 31 janvier 2013 ; que Mme X..., estimant que la relation de travail était à durée indéterminée, a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de requalification du premier contrat à durée déterminée et de nullité du licenciement pour violation du statut protecteur ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en retenant qu'elle ne pouvait, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus par l'autorité administrative pour autoriser la cessation d'emploi de Mme X... à l'issue du terme prévu par le contrat à durée déterminée du 2 janvier 2012 conclu avec Pôle emploi Midi-Pyrénées et que toutes les prétentions de Mme X... dérivaient de sa demande de requalification du premier contrat à durée déterminée et des contrats à durée déterminée qui ont suivi en contrat à durée indéterminée, quand Mme X... se limitait à solliciter la requalification du premier contrat de travail à durée déterminée conclu pour la période du 3 novembre 2009 au 2 mars 2010 en contrat de travail à durée indéterminée pour voir dire et juger que la rupture de ce contrat sans autorisation préalable était intervenue en violation de son statut protecteur, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que les motifs par lesquels l'autorité administrative, pour accorder l'autorisation de cessation du contrat à durée déterminée, se limitait à se prononcer sur le respect de la procédure suivie et sur le point de savoir si le non-renouvellement de ce contrat présentait un caractère discriminatoire, motifs constituant seuls le soutien nécessaire de la décision d'autorisation, ne pouvaient être opposés à la salariée dans le cadre d'une contestation sur la qualification de la relation de travail ; qu'en se fondant sur l'autorisation administrative de cessation d'emploi pour déclarer irrecevables les demandes de Mme X... tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, quand cette autorisation administrative ne pouvait avoir aucune autorité dans le cadre de la qualification du contrat de travail qui relevait de la seule compétence de la juridiction judiciaire, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs, ensemble les articles L. 2421-7 et L. 2421-8 du code du travail ;

3°/ que l'autorisation administrative de cessation d'emploi, limitée à l'examen du contrat conclu le 2 juin 2012, ne pouvait être opposée à la demande de Mme X... visant à voir requalifier en contrat à durée indéterminée le contrat initial conclu le 3 novembre 2009 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a derechef violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs, ensemble les articles L. 2421-7 et L. 2421-8 du code du travail ;

Mais attendu que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée en application des articles L. 2412-13 et L. 2421-8 du code du travail devenue définitive, statuer sur une demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée ;

Et attendu qu'ayant constaté que, par décision du ministre chargé du travail du 23 janvier 2013, dont la légalité n'était pas contestée par voie d'exception par la salariée, le non-renouvellement du contrat de travail avait été autorisé, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la demande de requalification présentée devant le juge judiciaire était irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour Mme X...

En ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré les demandes de Mme X... irrecevables ;

Aux motifs que, le ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail qui avait refusé la cessation de l'emploi de Mme Béatrice X... par décision du 23 janvier 2013 libellé en ces termes : « considérant que l'autorisation de cesser d'employer Mme Béatrice X... au terme prévu par son contrat a été demandée au motif que la salariée qu'elle remplaçait, affecté depuis plusieurs années à des tâches de suivi des aides à Pôle Emploi auxquelles Pôle emploi participait devait alors reprendre son poste précédent, - considérant que, pour refuser d'autoriser la cessation d'emploi de Mme Béatrice X..., l'inspectrice du travail a retenu qu'aucun entretien préalable n'avait été organisé à cette fin, - considérant que l'organisation à l'entretien préalable en vue de la cessation d'emploi au terme normal d'un contrat à durée déterminée comportant une clause de report de terme n'est pas prévue par le code du travail, que la décision de l'inspectrice du travail fondée sur ce motif doit être annulée comme entachée d'erreur de droit ; considérant que le contrat à durée déterminée de Mme Béatrice X... a été renouvelé, en dernier lieu, afin qu'elle assure le remplacement de Mme Z..., durant son affectation aux tâches de suivi des conventions de reclassement personnalisé, -considérant que ces tâches qui relèvent des actions qui pouvaient être confiées à Pôle emploi en application des dispositions de l'alinéa 6 de l'article L. 5312-1 du code du travail, selon lesquelles l'Etat, les collectivités territoriales et l'organisme gestionnaire de l'assurance-chômage peuvent lui confier toute action en relation avec sa mission sont, ainsi que l'évolution de leur intitulé et les modalités de leur mise en oeuvre l'ont montré, de nature temporaire ; qu'elles ne sont donc pas assimilables à des tâches permanentes liées à l'activité normale de Pôle Emploi, pour lesquelles le recours à des salariés employés sous contrat à durée déterminée ne serait pas justifié ; - considérant que rien n'indique que le non-renouvellement du contrat de travail de Mme Béatrice X... est lié à l'exercice de son mandat de conseillère prud'homale, la décision de l'inspectrice du travail est annulée, la cessation d'emploi de Mme Béatrice X... est autorisé » ; il convient de délimiter précisément les demandes qui relèvent du licenciement autorisé lui-même ainsi que la procédure qui l'a nécessairement précédé et les demandes qui, le cas échéant et quoique en lien avec le licenciement, relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire ; à cet égard, relèvent nécessairement de l'autorisation administrative : le motif du licenciement et spécialement la réalité du motif invoqué, la procédure préalable à la saisine de l'administration, l'inspection du travail contrôle nécessairement, avant toute autorisation de licenciement, la régularité de la consultation des représentants du personnel ; toutes les prétentions de Mme Béatrice X... dérivent de sa demande de requalification du premier contrat à durée déterminée et des contrats à durée déterminée qui ont suivis en contrat à durée indéterminée et des conséquences de la requalification en terme de licenciement nul en violation de sa qualité de salariée protégée en l'absence de procédure de licenciement et donc sur la validité du motif de la cessation de l'emploi de Mme Béatrice X... qui a été examiné par le ministre du travail ; en l'état d'une autorisation administrative accordée à l'employeur de cessation d'emploi de la salariée protégée, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier la fin du contrat, il convient en conséquence de déclarer les demandes irrecevables et d'infirmer le jugement (arrêt attaqué, p. 4 et 5) ;

1°/ Alors, d'une part, qu'en retenant qu'elle ne pouvait, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus par l'autorité administrative pour autoriser la cessation d'emploi de Mme X... à l'issue du terme prévu par le contrat à durée déterminée du 2 janvier 2012 conclu avec Pôle emploi Midi-Pyrénées et que toutes les prétentions de Mme X... dérivaient de sa demande de requalification du premier contrat à durée déterminée et des contrats à durée à durée déterminée qui ont suivi en contrat à durée indéterminée, quand Mme X... se limitait à solliciter la requalification du premier contrat de travail à durée déterminée conclu pour la période du 3 novembre 2009 au 2 mars 2010 en contrat de travail à durée indéterminée pour voir dire et juger que la rupture de ce contrat sans autorisation préalable était intervenue en violation de son statut protecteur, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ Alors, d'autre part, que les motifs par lesquels l'autorité administrative, pour accorder l'autorisation de cessation du contrat à durée déterminée, se limitait à se prononcer sur le respect de la procédure suivie et sur le point de savoir si le non-renouvellement de ce contrat présentait un caractère discriminatoire, motifs constituant seuls le soutien nécessaire de la décision d'autorisation, ne pouvaient être opposés à la salariée dans le cadre d'une contestation sur la qualification de la relation de travail ; qu'en se fondant sur l'autorisation administrative de cessation d'emploi pour déclarer irrecevables les demandes de Madame X... tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, quand cette autorisation administrative ne pouvait avoir aucune autorité dans le cadre de la qualification du contrat de travail qui relevait de la seule compétence de la juridiction judiciaire, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs, ensemble les articles L. 2421-7 et L. 2421-8 du code du travail ;

3°/ Et alors, enfin, et en tout état de cause que l'autorisation administrative de cessation d'emploi, limitée à l'examen du contrat conclu le 2 juin 2012, ne pouvait être opposée à la demande de Madame X... visant à voir requalifier en contrat à durée indéterminée le contrat initial conclu le 3 novembre 2009 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a derechef violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs, ensemble les articles L. 2421-7 et L. 2421-8 du code du travail. ECLI:FR:CCASS:2018:SO00711
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