Cour d'appel de Poitiers, 26 avril 2018, 18/000186

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE No16
COUR D'APPEL DE POITIERS
RG 18/00018
26 Avril 2018CONTENTIEUX DES SOINS PSYCHIATRIQUES
PROCEDURE DE CONTROLE DES MESURES

ORDONNANCE

Chantal X... née Z...



Nous, Jean ROVINSKI, président de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel DE POITIERS ,

Assisté, lors des débats et du prononcé, de Inès BELLIN, greffier,

avons rendu le vingt six avril deux mille dix huit l'ordonnance suivante, sur appel formé contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention de POITIERS en date du 27 Mars 2018 en matière de soins psychiatriques sans consentement.


APPELANT


Madame Chantal X... née Z...
née le [...] à [...]           
[...]                                      


comparante en personne, assistée de Me Emilie CARRÉ-GUILLOT, avocat au barreau de POITIERS

placée sous le régime de l'hospitalisation complète en soins psychiatriques sans consentement au Centre Hospitalier [...]



INTIMÉS :

Monsieur le Directeur du CENTRE HOSPITALIER

[...]
[...]                                               

non comparant




PARTIE JOINTE

Ministère public, non représenté, ayant déposé des réquisitions écrites ;









Par ordonnance du 27 mars 2018, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de POITIERS a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont Madame Chantal X... née Z... fait l'objet au Centre Hospitalier [...] de POITIERS, où elle a été placée, le 16 mars 2018, selon la procédure de péril imminent.

Cette décision a été notifiée à Madame Chantal X... née Z..., qui en a relevé appel, par lettre simple en date du 16 avril 2018, reçue au greffe de la cour d'appel le 17 avril 2018.

Vu les avis d'audience adressés, conformément aux dispositions de l'article R. 3211-19 du code de la santé publique, à Madame Chantal X... née Z..., au directeur du Centre Hospitalier [...] de POITIERS, ainsi qu'au Ministère public ;

Vu les réquisitions du ministère public tendant à la confirmation de l'ordonnance entreprise ;

Vu les débats, qui se sont déroulés le 26 Avril 2018 au siège de la juridiction, en audience publique conformément aux dispositions de l'article L.3211-12-2 du code de la santé publique.

Après avoir entendu :

- le président en son rapport
- Madame Chantal X... née Z... en ses explications
- Maître C..., en sa plaidoirie
- Madame Chantal X... née Z... ayant eu la parole en dernier.

Le Président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré dans l'après-midi, pour la décision suivante être rendue.

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Le 16 mars 2018, Mme X... a été admise en soins psychiatriques, pour péril imminent et en l'absence d'un tiers et sur le certificat médical du docteur Y... au Centre Hospitalier [...] DE POITIERS .

Le directeur de l'établissement [...] DE POITIERS a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance DE POITIERS , aux fins de poursuite de l'hospitalisation complète de Mme X... le 21 mars 2018.

Conformément aux dispositions de l'article R3211-29 du code de la santé publique, le procureur de la République, le directeur de l'établissement, Mme X... et son avocat Maître Bouilly-Deniau, ont été avisés de la date de l'audience.

L'audience s'est tenue au sein de l'établissement [...] à Poitiers le 27 mars 2018.

Sur les conclusions écrites du Ministère public du 26 mars 2018 et après débats, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort du 27 mars 2018, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance DE POITIERS a :
-autorisé la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont fait l'objet Mme X...
-rappelé que sa décision était susceptible d'appel devant le Premier Président de la cour d'appel DE POITIERS dans le délai de 10 jours à compter de sa notification par déclaration d'appel motivé, transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel DE POITIERS conformément aux dispositions des articles R3211-18 et R3211-19 du décret 2011-846 du 18 juillet 2011, et que seul l'appel formé par le Ministère public peut être déclaré suspensif
-laissé la charge des dépens à l'Etat.







Mme X... a fait appel par lettre reçue le 17 avril 2018 à 10 heures de l'ordonnance rendue le 27 mars 2018 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance DE POITIERS sur la mesure de soins psychiatriques sans son consentement dont elle fait l'objet.

SUR CE

Sur la régularité de la procédure et la recevabilité de l'appel:

Aux termes de l'article L3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1. Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement
2. Son état mental impose des soins immédiats, assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2o de l'article L3211-2-1 du code de la santé publique.

L'article L3211-12-1 de ce code dispose que l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure:
1. Avant l'expiration d'un délai de 12 jours à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent Titre ou de l'article L3214-3
2. Avant l'expiration du délai de 12 jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l'établissement ou le représentant de l'Etat a modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète en application, respectivement, du dernier alinéa de l'article L3212-4 ou du III de l'article L3213-3 du code de la santé publique.

La décision du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le Premier Président de la cour d'appel DE POITIERS dans le délai de 10 jours à compter de sa notification par déclaration d'appel motivé, transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel DE POITIERS conformément aux dispositions des articles R3211-18 et R3211-19 du décret 2011-846 du 18 juillet 2011, seul l'appel formé par le Ministère public pouvant être déclaré suspensif.

Il a été statué par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 27 mars 2018, régulièrement notifiée le jour même.

L'appel du 17 avril 2018 est intervenu dans les formes requises et dans le délai utile, en l'absence de signature par l'intéressée du récépissé de notification de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, en sorte qu'il est recevable.

Sur le fond:

Mme X... a été hospitalisée pour péril imminent en raison de propos délirants, incohérents et procéduriers, la patiente vivant dans un logement insalubre avec risque d'expulsion.

Le juge des libertés a relevé que Mme X... se montrait procédurière avec les services qui n'avaient pas la même opinion qu'elle, qu'elle banalisait ses troubles du comportement à type d'incurie qui pré-existaient à son hospitalisation ; qu'elle n'exprimait pas de désir d'un suivi thérapeutique particulier et que le médecin préconisait la poursuite des soins sous la forme d'une hospitalisation complète du fait de la prégnance du même comportement persécutif.

A l'audience devant le premier juge, Mme X... a expliqué les différentes procédures en cours contre les offices HLM, des fonctionnaires, auxiliaires de justice et personnalités publiques, suite à l'expulsion de son logement et à une usurpation alléguée de son identité. Mme X... a contesté le bien fondé de son hospitalisation qui ne se serait pas selon elle nécessaire comme la prise de médicaments. Elle a déclaré avoir cessé tout suivi psychiatrique depuis 2009. Elle a contesté le diagnostic posé et dénoncé des violences subies dans le cadre de son hospitalisation. Elle a souhaité la mainlevée de la mesure.






Le juge des libertés a relevé pour fonder sa décision de maintien de la mesure d'hospitalisation complète que Mme X... n'exprimait pas de désir d'un suivi thérapeutique tandis que les médecins préconisaient la poursuite des soins, du fait de la prégnance du vécu persécutif délirant.
Les avis motivé d'admission en soins psychiatriques et de poursuite de l'hospitalisation complète, émanent des docteurs A... et D....

Le docteur A... est bien médecin spécialiste en psychiatrie, ce point ayant été discuté à l'audience faute de mention expresse en ce sens dans le certificat de 72 heures.

Le Parquet général sur ses réquisitions du 17 avril 2018 a conclu au maintien de l'hospitalisation sous contrainte de Mme X....

Le docteur B... qui a examiné Mme X... le 23 avril 2018 déclare : "La patiente est connue de nos services pour une pathologie délirante chronique de type paaranoïde. Elle était en rupture de suivi de traitement depuis plusieurs années. Actuellement, la patiente est calme et le contact est amélioré malgré l'absence totale d'insight. Madame X... présente une personnalité psycho-rigide, est dans une permanente revendication de ses droits, manifeste son mécontentement en écrivant des lettres aux différentes autorités. En revanche, Mme X... commence à mieux coopérer pour la prise en charge, étant moins dans l'opposition. Son état psychologique reste encore fragile. En conséquence, les soins psychiatriques en cas de péril imminent (article 3212-1, II2 du CSP) doivent se poursuivre en hospitalisation complète, le patient souffrant de troubles mentaux rendant son consentement impossible."

Mme X... a déclaré lors de l'entretien qu'elle est rentrée le 12 et non le 16 mars dernier ; qu'elle ne conteste pas l'ordonnance du juge des libertés mais les documents sur lesquels la décision a été prise, les certificats médicaux ne lui ayant pas été communiqués ; qu'elle conteste le terme de paranoïa utilisé par le docteur B... et avoir pu tenir des propos incohérents ; que son état ne s'est pas amélioré depuis son hospitalisation tandis que les neuroleptiques l'empêchent de faire les choses normalement ; que son retour au domicile serait difficile puisqu'elle se trouve toujours en fauteuil roulant et qu'elle a besoin d'un mois avant d'envisager son retour chez elle ; qu'il n'y a jamais eu péril imminent et qu'elle est capable de gérer seule ses affaires.

Il résulte de l'analyse des diverses pièces du dossier de Mme X... qu'il y a lieu d'ordonner la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont elle fait l'objet depuis le 16 mars 2018 et la continuation des soins psychiatriques pour péril imminent en l'absence de tiers sans son consentement. En effet, Mme X... présente une pathologie délirante et sans suivi depuis plusieurs années constituant une situation de péril imminent en raison des propos incohérents et procéduriers de l'intéressée qui vit dans un logement insalubre avec menace d'expulsion, tandis qu'elle banalise ses troubles sans manifester aucun désir de suivre un traitement médical adapté à son état, lequel est en voie d'amélioration du fait de la prise en charge de Mme X... et de sa plus grande coopération, même si elle demeure fragile et si les troubles mentaux dont elle souffre rendent son consentement impossible.

Les dépens de l'instance d'appel doivent être laissés à la charge de l'Etat.

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PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement, au siège de la cour d'appel, en dernier ressort, après débats en audience publique,
Vu les articles L3212-1 et L3211-12-1 du code de la santé publique, ensemble ses articles R3211-18 et R3211-19 issus du décret no2014-897 du 15 août 2014 ;

Déclarons recevable l'appel formé par Mme X... de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance DE POITIERS mais le rejettons ;





Confirmons en conséquence la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont fait l'objet Mme X... depuis le 16 mars 2018 ;

Laissons les dépens à la charge de l'Etat ;

Et ont, le président et le greffier, signé la présente ordonnance.



LE GREFFIER, LE PRESIDENT,



Inès BELLIN Jean ROVINSKI
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