Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 avril 2018, 16-24.866, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 avril 2018, 16-24.866, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 16-24.866
- ECLI:FR:CCASS:2018:SO00607
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 12 avril 2018
Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, du 30 septembre 2016- Président
- M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 septembre 2016), que M. Y... a, le 4 mars 2015, saisi la juridiction prud'homale française d'une action dirigée à l'encontre de la société Suivi technique organisation (STO), entreprise de travail temporaire, domiciliée [...] , et de la société Constructies Vercaignes, entreprise utilisatrice ayant son siège en Belgique, tendant à la requalification en contrat de travail à durée indéterminée de trente huit missions accomplies en Belgique ;
Attendu que la société Constructies Vercaignes fait grief à l'arrêt de déclarer le conseil de prud'hommes de Dunkerque compétent et d'ordonner que le dossier lui soit renvoyé, alors, selon le moyen :
1°/ que si une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre doit être attraite devant les juridictions de cet État, elle peut aussi être attraite, s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y ait intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; que, pour éviter les fraudes et assurer le respect de l'esprit du Règlement n° 1215/2012, il s'en déduit que, si l'indivisibilité des demandes impose qu'un seul juge connaisse du litige, alors que celui-ci pourrait être rattaché à la compétence de plusieurs juges, est seul compétent le juge que le Règlement désigne pour connaître de la demande principale ; qu'en l'espèce, il est constant que l'action de M. Y... tendait à voir requalifier ses missions de travail temporaire (toutes accomplies en Belgique) en contrat de travail le liant à la société Constructies Vercaigne ayant son siège en Belgique, à voir juger que son licenciement par cette dernière était dépourvu de cause réelle et sérieuse et à sa condamnation, par voie de conséquence, à lui verser diverses indemnités à raison de la rupture de celui-ci, et qu'il n'avait attrait la société STO que pour obtenir sa condamnation à assumer solidairement lesdites condamnations pécuniaires ; qu'en considérant que le conseil de prud'hommes de Dunkerque était compétent pour connaître du litige à raison de ce que la société STO avait son siège social en France, de ce que le litige imposait que les deux défenderesses puissent s'expliquer devant la même juridiction et lui fournir pièces et explications, de ce qu'une bonne administration de la justice imposait que l'entreprise utilisatrice puisse former ses demandes et qu'existait un risque de contrariété de décisions, bien que le litige principal portait sur la requalification des missions de travail temporaire du demandeur en contrat de travail à durée indéterminée avec la société Constructies Vercaigne et son licenciement par cette dernière, dont le siège se trouvait en Belgique, ce qui imposait la compétence des juridictions belges peu important les demandes accessoires formées contre la société STO, la cour d'appel a violé les articles 4 et 8 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;
2°/ que si les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre doivent être attraites devant les juridictions de cet État membre, elles peuvent aussi être attraites, s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y ait intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'exception posée par l'article 8 du Règlement pouvait être opposée à l'exposante pour fonder la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a retenu qu'il était indispensable que les deux défenderesses puissent s'expliquer devant la même juridiction sur les conditions de travail du demandeur et la nature des liens contractuels entre les parties, que la juridiction saisie devait pouvoir inviter les parties à produire les pièces et explications utiles, que l'intérêt d'une bonne administration de la justice commandait que l'entreprise utilisatrice puisse former ses demandes, qu'en cas de procédures séparées en Belgique et en France, le risque de contrariété de décisions était important et qu'il convenait d'éviter toute situation de confusion, d'inapplicabilité ou de litispendance ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, bien que les demandes relatives à la requalification des missions de travail temporaires en contrat de travail et au constat de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement du demandeur ne puissent être présentées que contre la seule société Constructies Vercaigne et que les demandes formées par M. Y... contre la société STO découlent de ces demandes et ne puissent donc pas être jugées tant que les demandes principales contre l'exposante n'auront pas été tranchées, ce qui excluait toute indivisibilité et connexité des demandes formées contre chacune des défenderesses, la cour d'appel a violé les articles 4 et 8 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;
Mais attendu que, conformément aux dispositions des articles 8 § 1 et 20 § 1 du Règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après le "Règlement"), dans le cas d'une action intentée contre l'employeur, le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat membre est attrait, en présence de plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté que le salarié soutenait avoir travaillé au service de l'entreprise utilisatrice pendant huit années dans le cadre de trente huit contrats de missions temporaires conclues avec son employeur, l'entreprise de travail temporaire, et que la relation de travail avait été rompue en janvier 2013, que les demandes indemnitaires étaient formées indifféremment et in solidum contre l'entreprise utilisatrice et contre l'entreprise de travail temporaire, de sorte qu'elles concernaient un seul et même litige; qu'en l'état de ces motifs, dont il résultait que les demandes, susceptibles d'entraîner des décisions contradictoires si elles étaient jugées séparément, s'inscrivaient dans le cadre d'une situation de fait et de droit unique, l'arrêt se trouve légalement justifié au regard des dispositions des articles 8 § 1 et 20 § 1 du Règlement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Construties Vercaigne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Constructies Vercaigne et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Constructies Vercaigne
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le conseil de prud'hommes de Dunkerque compétent et ordonné que le dossier lui soit renvoyé ;
AUX MOTIFS QUE « le présent litige oppose un demandeur domicilié [...] , exerçant sa prestation de travail habituelle en Belgique à deux défendeurs, l'un établi dans le ressort du Conseil de Prud'hommes ayant rendu la décision d'incompétence, l'autre en Belgique, membre de l'Union Européenne. Compte tenu de la date de la requête, 4 mars 2015, le texte applicable à la compétence juridictionnelle est le Règlement du Parlement européen et du Conseil n°1215-2012 entré en vigueur le 10 janvier 2015. Ce Règlement contient les dispositions suivantes: Article 4 Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre. Article 8 Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut aussi être attraite: 1) s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. Article 20 1. En matière de contrats individuels de travail, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l'article 6, de l'article 7, point 5), et, dans le cas d'une action intentée à l'encontre d'un employeur, de l'article 8, point 1). En application de ces textes la compétence territoriale du Conseil de Prud'hommes de Dunkerque, incontestable relativement à l'action introduite contre la SARL SUIVI TECHNIQUE ORGANISATION qui y a son siège, ne pourra être retenue pour l'autre défenderesse que s'il existe entre les demandes un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions inconciliables si les causes étaient jugées séparément. L'objet des demandes consiste à: requalifier les contrats de mission temporaire conclus avec l'entreprise de travail temporaire en contrat à durée indéterminée opposable à l'entreprise utilisatrice, juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamner les deux défendeurs au paiement de diverses indemnités. Vu les termes du litige la Cour estime indispensable que les deux défenderesses puissent devant la même juridiction s'expliquer sur les conditions de travail du demandeur et la nature des liens contractuels respectifs; il est également nécessaire que la juridiction saisie puisse aisément et si elle l'estime nécessaire inviter l'ensemble des parties à produire toutes pièces et explications utiles afin d'avoir une connaissance complète de la situation. L'intérêt d'une bonne administration de la justice commande en outre que l'entreprise utilisatrice puisse le cas échéant, sans qu'il soit nécessaire d'engager une autre instance, former ses propres demandes. La Cour estime enfin qu'en cas de procédures séparées en Belgique et en France le risque de contrariété des décisions serait important et qu'il convient d'éviter autant que possible toute situation de confusion, d'inapplicabilité ou de litispendance. Dans ces conditions, il sera fait application de l'article 8.1 du Règlement susvisé justifiant la compétence de la juridiction française pour statuer sur le tout » ;
1°) ALORS QUE si une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre doit être attraite devant les juridictions de cet État, elle peut aussi être attraite, s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y ait intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; que, pour éviter les fraudes et assurer le respect de l'esprit du Règlement n° 1215/2012, il s'en déduit que, si l'indivisibilité des demandes impose qu'un seul juge connaisse du litige, alors que celui-ci pourrait être rattaché à la compétence de plusieurs juges, est seul compétent le juge que le Règlement désigne pour connaître de la demande principale ; qu'en l'espèce, il est constant que l'action de Monsieur Y... tendait à voir requalifier ses missions de travail temporaire (toutes accomplies en BELGIQUE) en contrat de travail le liant à la société CONSTRUCTIES VERCAIGNE ayant son siège en BELGIQUE, à voir juger que son licenciement par cette dernière était dépourvu de cause réelle et sérieuse et à sa condamnation, par voie de conséquence, à lui verser diverses indemnités à raison de la rupture de celui-ci, et qu'il n'avait attrait la société STO que pour obtenir sa condamnation à assumer solidairement lesdites condamnations pécuniaires ; qu'en considérant que le conseil de prud'hommes de Dunkerque était compétent pour connaître du litige à raison de ce que la société STO avait son siège social en France, de ce que le litige imposait que les deux défenderesses puissent s'expliquer devant la même juridiction et lui fournir pièces et explications, de ce qu'une bonne administration de la justice imposait que l'entreprise utilisatrice puisse former ses demandes et qu'existait un risque de contrariété de décisions, bien que le litige principal portait sur la requalification des missions de travail temporaire du demandeur en contrat de travail à durée indéterminée avec la société CONSTRUCTIES VERCAIGNE et son licenciement par cette dernière, dont le siège se trouvait en Belgique, ce qui imposait la compétence des juridictions belges peu important les demandes accessoires formées contre la société STO, la cour d'appel a violé les articles 4 et 8 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;
2°) ALORS EN TOUT ÉTAT DE CAUSE QUE si les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre doivent être attraites devant les juridictions de cet État membre, elles peuvent aussi être attraites, s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y ait intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'exception posée par l'article 8 du Règlement pouvait être opposée à l'exposante pour fonder la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a retenu qu'il était indispensable que les deux défenderesses puissent s'expliquer devant la même juridiction sur les conditions de travail du demandeur et la nature des liens contractuels entre les parties, que la juridiction saisie devait pouvoir inviter les parties à produire les pièces et explications utiles, que l'intérêt d'une bonne administration de la justice commandait que l'entreprise utilisatrice puisse former ses demandes, qu'en cas de procédures séparées en Belgique et en France, le risque de contrariété de décisions était important et qu'il convenait d'éviter toute situation de confusion, d'inapplicabilité ou de litispendance ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, bien que les demandes relatives à la requalification des missions de travail temporaires en contrat de travail et au constat de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement du demandeur ne puissent être présentées que contre la seule société CONSTRUCTIES VERCAIGNE et que les demandes formées par Monsieur Y... contre la société STO découlent de ces demandes et ne puissent donc pas être jugées tant que les demandes principales contre l'exposante n'auront pas été tranchées, ce qui excluait toute indivisibilité et connexité des demandes formées contre chacune des défenderesses, la cour d'appel a violé les articles 4 et 8 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012.ECLI:FR:CCASS:2018:SO00607
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 septembre 2016), que M. Y... a, le 4 mars 2015, saisi la juridiction prud'homale française d'une action dirigée à l'encontre de la société Suivi technique organisation (STO), entreprise de travail temporaire, domiciliée [...] , et de la société Constructies Vercaignes, entreprise utilisatrice ayant son siège en Belgique, tendant à la requalification en contrat de travail à durée indéterminée de trente huit missions accomplies en Belgique ;
Attendu que la société Constructies Vercaignes fait grief à l'arrêt de déclarer le conseil de prud'hommes de Dunkerque compétent et d'ordonner que le dossier lui soit renvoyé, alors, selon le moyen :
1°/ que si une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre doit être attraite devant les juridictions de cet État, elle peut aussi être attraite, s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y ait intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; que, pour éviter les fraudes et assurer le respect de l'esprit du Règlement n° 1215/2012, il s'en déduit que, si l'indivisibilité des demandes impose qu'un seul juge connaisse du litige, alors que celui-ci pourrait être rattaché à la compétence de plusieurs juges, est seul compétent le juge que le Règlement désigne pour connaître de la demande principale ; qu'en l'espèce, il est constant que l'action de M. Y... tendait à voir requalifier ses missions de travail temporaire (toutes accomplies en Belgique) en contrat de travail le liant à la société Constructies Vercaigne ayant son siège en Belgique, à voir juger que son licenciement par cette dernière était dépourvu de cause réelle et sérieuse et à sa condamnation, par voie de conséquence, à lui verser diverses indemnités à raison de la rupture de celui-ci, et qu'il n'avait attrait la société STO que pour obtenir sa condamnation à assumer solidairement lesdites condamnations pécuniaires ; qu'en considérant que le conseil de prud'hommes de Dunkerque était compétent pour connaître du litige à raison de ce que la société STO avait son siège social en France, de ce que le litige imposait que les deux défenderesses puissent s'expliquer devant la même juridiction et lui fournir pièces et explications, de ce qu'une bonne administration de la justice imposait que l'entreprise utilisatrice puisse former ses demandes et qu'existait un risque de contrariété de décisions, bien que le litige principal portait sur la requalification des missions de travail temporaire du demandeur en contrat de travail à durée indéterminée avec la société Constructies Vercaigne et son licenciement par cette dernière, dont le siège se trouvait en Belgique, ce qui imposait la compétence des juridictions belges peu important les demandes accessoires formées contre la société STO, la cour d'appel a violé les articles 4 et 8 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;
2°/ que si les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre doivent être attraites devant les juridictions de cet État membre, elles peuvent aussi être attraites, s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y ait intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'exception posée par l'article 8 du Règlement pouvait être opposée à l'exposante pour fonder la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a retenu qu'il était indispensable que les deux défenderesses puissent s'expliquer devant la même juridiction sur les conditions de travail du demandeur et la nature des liens contractuels entre les parties, que la juridiction saisie devait pouvoir inviter les parties à produire les pièces et explications utiles, que l'intérêt d'une bonne administration de la justice commandait que l'entreprise utilisatrice puisse former ses demandes, qu'en cas de procédures séparées en Belgique et en France, le risque de contrariété de décisions était important et qu'il convenait d'éviter toute situation de confusion, d'inapplicabilité ou de litispendance ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, bien que les demandes relatives à la requalification des missions de travail temporaires en contrat de travail et au constat de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement du demandeur ne puissent être présentées que contre la seule société Constructies Vercaigne et que les demandes formées par M. Y... contre la société STO découlent de ces demandes et ne puissent donc pas être jugées tant que les demandes principales contre l'exposante n'auront pas été tranchées, ce qui excluait toute indivisibilité et connexité des demandes formées contre chacune des défenderesses, la cour d'appel a violé les articles 4 et 8 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;
Mais attendu que, conformément aux dispositions des articles 8 § 1 et 20 § 1 du Règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après le "Règlement"), dans le cas d'une action intentée contre l'employeur, le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat membre est attrait, en présence de plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté que le salarié soutenait avoir travaillé au service de l'entreprise utilisatrice pendant huit années dans le cadre de trente huit contrats de missions temporaires conclues avec son employeur, l'entreprise de travail temporaire, et que la relation de travail avait été rompue en janvier 2013, que les demandes indemnitaires étaient formées indifféremment et in solidum contre l'entreprise utilisatrice et contre l'entreprise de travail temporaire, de sorte qu'elles concernaient un seul et même litige; qu'en l'état de ces motifs, dont il résultait que les demandes, susceptibles d'entraîner des décisions contradictoires si elles étaient jugées séparément, s'inscrivaient dans le cadre d'une situation de fait et de droit unique, l'arrêt se trouve légalement justifié au regard des dispositions des articles 8 § 1 et 20 § 1 du Règlement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Construties Vercaigne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Constructies Vercaigne et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Constructies Vercaigne
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le conseil de prud'hommes de Dunkerque compétent et ordonné que le dossier lui soit renvoyé ;
AUX MOTIFS QUE « le présent litige oppose un demandeur domicilié [...] , exerçant sa prestation de travail habituelle en Belgique à deux défendeurs, l'un établi dans le ressort du Conseil de Prud'hommes ayant rendu la décision d'incompétence, l'autre en Belgique, membre de l'Union Européenne. Compte tenu de la date de la requête, 4 mars 2015, le texte applicable à la compétence juridictionnelle est le Règlement du Parlement européen et du Conseil n°1215-2012 entré en vigueur le 10 janvier 2015. Ce Règlement contient les dispositions suivantes: Article 4 Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre. Article 8 Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut aussi être attraite: 1) s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. Article 20 1. En matière de contrats individuels de travail, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l'article 6, de l'article 7, point 5), et, dans le cas d'une action intentée à l'encontre d'un employeur, de l'article 8, point 1). En application de ces textes la compétence territoriale du Conseil de Prud'hommes de Dunkerque, incontestable relativement à l'action introduite contre la SARL SUIVI TECHNIQUE ORGANISATION qui y a son siège, ne pourra être retenue pour l'autre défenderesse que s'il existe entre les demandes un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions inconciliables si les causes étaient jugées séparément. L'objet des demandes consiste à: requalifier les contrats de mission temporaire conclus avec l'entreprise de travail temporaire en contrat à durée indéterminée opposable à l'entreprise utilisatrice, juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamner les deux défendeurs au paiement de diverses indemnités. Vu les termes du litige la Cour estime indispensable que les deux défenderesses puissent devant la même juridiction s'expliquer sur les conditions de travail du demandeur et la nature des liens contractuels respectifs; il est également nécessaire que la juridiction saisie puisse aisément et si elle l'estime nécessaire inviter l'ensemble des parties à produire toutes pièces et explications utiles afin d'avoir une connaissance complète de la situation. L'intérêt d'une bonne administration de la justice commande en outre que l'entreprise utilisatrice puisse le cas échéant, sans qu'il soit nécessaire d'engager une autre instance, former ses propres demandes. La Cour estime enfin qu'en cas de procédures séparées en Belgique et en France le risque de contrariété des décisions serait important et qu'il convient d'éviter autant que possible toute situation de confusion, d'inapplicabilité ou de litispendance. Dans ces conditions, il sera fait application de l'article 8.1 du Règlement susvisé justifiant la compétence de la juridiction française pour statuer sur le tout » ;
1°) ALORS QUE si une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre doit être attraite devant les juridictions de cet État, elle peut aussi être attraite, s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y ait intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; que, pour éviter les fraudes et assurer le respect de l'esprit du Règlement n° 1215/2012, il s'en déduit que, si l'indivisibilité des demandes impose qu'un seul juge connaisse du litige, alors que celui-ci pourrait être rattaché à la compétence de plusieurs juges, est seul compétent le juge que le Règlement désigne pour connaître de la demande principale ; qu'en l'espèce, il est constant que l'action de Monsieur Y... tendait à voir requalifier ses missions de travail temporaire (toutes accomplies en BELGIQUE) en contrat de travail le liant à la société CONSTRUCTIES VERCAIGNE ayant son siège en BELGIQUE, à voir juger que son licenciement par cette dernière était dépourvu de cause réelle et sérieuse et à sa condamnation, par voie de conséquence, à lui verser diverses indemnités à raison de la rupture de celui-ci, et qu'il n'avait attrait la société STO que pour obtenir sa condamnation à assumer solidairement lesdites condamnations pécuniaires ; qu'en considérant que le conseil de prud'hommes de Dunkerque était compétent pour connaître du litige à raison de ce que la société STO avait son siège social en France, de ce que le litige imposait que les deux défenderesses puissent s'expliquer devant la même juridiction et lui fournir pièces et explications, de ce qu'une bonne administration de la justice imposait que l'entreprise utilisatrice puisse former ses demandes et qu'existait un risque de contrariété de décisions, bien que le litige principal portait sur la requalification des missions de travail temporaire du demandeur en contrat de travail à durée indéterminée avec la société CONSTRUCTIES VERCAIGNE et son licenciement par cette dernière, dont le siège se trouvait en Belgique, ce qui imposait la compétence des juridictions belges peu important les demandes accessoires formées contre la société STO, la cour d'appel a violé les articles 4 et 8 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;
2°) ALORS EN TOUT ÉTAT DE CAUSE QUE si les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre doivent être attraites devant les juridictions de cet État membre, elles peuvent aussi être attraites, s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y ait intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'exception posée par l'article 8 du Règlement pouvait être opposée à l'exposante pour fonder la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a retenu qu'il était indispensable que les deux défenderesses puissent s'expliquer devant la même juridiction sur les conditions de travail du demandeur et la nature des liens contractuels entre les parties, que la juridiction saisie devait pouvoir inviter les parties à produire les pièces et explications utiles, que l'intérêt d'une bonne administration de la justice commandait que l'entreprise utilisatrice puisse former ses demandes, qu'en cas de procédures séparées en Belgique et en France, le risque de contrariété de décisions était important et qu'il convenait d'éviter toute situation de confusion, d'inapplicabilité ou de litispendance ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, bien que les demandes relatives à la requalification des missions de travail temporaires en contrat de travail et au constat de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement du demandeur ne puissent être présentées que contre la seule société CONSTRUCTIES VERCAIGNE et que les demandes formées par Monsieur Y... contre la société STO découlent de ces demandes et ne puissent donc pas être jugées tant que les demandes principales contre l'exposante n'auront pas été tranchées, ce qui excluait toute indivisibilité et connexité des demandes formées contre chacune des défenderesses, la cour d'appel a violé les articles 4 et 8 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012.