Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 mars 2018, 16-16.568, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 mars 2018, 16-16.568, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 16-16.568
- ECLI:FR:CCASS:2018:C100352
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 28 mars 2018
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 12 avril 2016- Président
- Mme Batut (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Vu l'article 1520, 1°, du code de procédure civile ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que la société Energoalians, aux droits de laquelle vient la société Komstroy, a introduit une procédure d'arbitrage ad hoc à l'encontre de la République de Moldavie sur le fondement des dispositions du Traité sur la Charte de l'énergie du 17 décembre 1994 ; que la sentence rendue à Paris le 25 octobre 2003 a condamné la République de Moldavie à réparer les violations des obligations du traité de créer des conditions stables, équitables, favorables et transparentes pour les investisseurs et de leur assurer un traitement loyal et équitable ; que la République de Moldavie a formé un recours en annulation ;
Attendu que, pour annuler la sentence, l'arrêt retient que l'acquisition d'un droit de créance qui a pour origine un contrat de livraison d'énergie électrique ne peut constituer, en l'absence d'apport, un investissement au sens du Traité sur la Charte de l'énergie ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de ce traité ne précisent pas les critères caractérisant un investissement, mais énumèrent seulement, de manière non limitative, des actifs considérés comme des investissements, la cour d'appel, qui a ajouté une condition que le traité ne prévoit pas, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la République de Moldavie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Komstroy la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Komstroy
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir annulé la sentence rendue à Paris, le 25 octobre 2013, par le tribunal arbitral ad hoc composé de MM. Y... et Z..., arbitres et de M. A..., président entre la société ENERGOALIANS et la République de Moldavie ;
AUX MOTIFS QUE, sur le premier moyen d'annulation tiré de l'incompétence du tribunal arbitral (article 1520 1° du code de procédure civile), la République de Moldavie soutient que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent en l'absence de réalisation d'un investissement par ENERGOALIANS dans la zone de la Moldavie au sens du TCE, de sorte que la créance acquise par ENERGOALIANS auprès de DERIMEN ne pouvait faire l'objet d'un arbitrage ; qu'elle dit que les termes du Traité, en particulier l'article 26 (1) qui fixe les conditions de l'offre d'arbitrage doivent s'interpréter par application des principes généraux du droit international coutumier en la matière tels qu'énoncés à l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des Traités de 1969, que compte tenu du contexte, des termes ainsi que de l'objectif et du but du TCE, ce traité subordonne la notion d'investissement à l'existence d'un apport, notamment en capital (version authentique du traité en langue russe) ou en industrie, elle observe que, le TCE opère une distinction entre le commerce (Partie II) et les investissements (Partie III) et en déduit que selon le terme « investissement » est nécessairement rattaché à l'action par l'investisseur d'apporter ou de transférer du capital, ou, d'autres ressources nécessaires au développement et au maintien d'une activité d'investissement et que l'offre d'arbitrage ne s'applique selon les termes explicites de l'article 26 (1) qu'aux manquements allégués au titre de la partie III du TCE concernant la promotion des investissements et non aux échanges commerciaux « des matières et produits énergétiques » (Partie II du TCE) ; qu'elle considère que le droit de créance d'ENERGOALIANS envers Moldtranselectro, qui a résulté du contrat n°24/02 au regard de l'article 1(6) ne remplit aucune des caractéristiques d'un investissement et ne correspond à aucune des catégories énumérées sous cet article, notamment ses alinéas (c) et (f) s'agissant d'une créance qui n'est rattachée à aucun apport et d'une créance monétaire sans droit à l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie ; qu'à cet égard, elle dit que la créance de DERIMEN au titre du contrat n°24/02 de vente d'électricité à laquelle la créance d'ENERGOALIANS est associée n'est pas un investissement, ayant pour seul objet la vente d'électricité ; qu'elle ajoute qu'en tout état de cause ENERGOALIANS qui n'a pas elle-même réalisé cet investissement, ne pouvait prétendre soumettre le différend s'y rapportant à l'arbitrage en vertu des termes de l'article 26 (1) du TCE, qu'elle estime sur le fondement de l'article 1(8) du traité, que, en acquérant la créance de DERIMEN, ENERGOALIANS n'a ni acquis un « investissement existant », les Iles Vierges Britanniques où est immatriculée DERIMEN n'étant pas partie contractante au TPE, ni participé à un autre domaine d'activité d'investissement, en l'absence d'un quelconque apport, de sorte que le tribunal arbitral était incompétent. Enfin, elle dit qu'aucun investissement n'a été réalisé « dans la Zone » de la Moldavie, comme le prévoit l'article 26 (1) dès lors que l'électricité fournie n'était livrée que jusqu'à la frontière ; que considérant que le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit et de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; qu'il n'en va pas différemment lorsque, comme en l'espèce, les arbitres sont saisi sur le fondement d'un traité ; que la compétence des arbitres est fondée sur l'article 26 du TCE auquel la République de Moldavie est partie, aux termes duquel : « 1. Les différends qui opposent une partie contractante et un investisseur d'une autre partie contractante au sujet d'un investissement réalisé par ce dernier dans la zone de la première et qui portent sur un manquement allégué à une obligation de la première partie contractante au titre de la partie III sont, dans la mesure du possible, réglés à l'amiable. 2. Si un différend de ce type n'a pu été réglé conformément aux dispositions du paragraphe 1 dans un délai de trois mois à compter du moment où l'une des parties au différend a sollicité un règlement à l'amiable, l'investisseur partie au différend peut choisir de le soumettre, en vue de son règlement : a) aux juridictions judiciaires ou administratives de la partie contractante qui est partie au différend ; ou b) conformément à toute procédure de règlement des différends préalablement convenue ; ou c) conformément aux paragraphes suivants du présent article. 3. a) Sous réserve des seuls points b) et c), chaque partie contractante donne son consentement inconditionnel à la soumission de tout différend à une procédure d'arbitrage ou de conciliation internationale, conformément aux dispositions du présent article. [...] » ; qu'il s'ensuit que le tribunal arbitral est compétent si ENERGOALIANS, est un investisseur, que le différend l'opposant à la République de Moldavie porte sur un investissement et que l'investissement est réalisé dans la zone de la Moldavie ; que, conformément à la coutume internationale exprimée par l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, « Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but »; que selon l'article 1(7) du TCE le terme « investisseur » désigne : « a) en ce qui concerne une partie contractante: i) toute personne physique... ii) toute entreprise ou autre organisation organisée conformément à la législation applicable sur le territoire de cette partie contractante » ; que la qualité d'investisseur de la société ENERGOALIANS, personne morale de droit ukrainien, au sens de cet article, retenue par le tribunal arbitral, est établie ; que selon l'article 1(6) le terme « investissement » désigne « tout type d'avoir détenu ou contrôlé directement ou indirectement par un investisseur et comprenant: [...] c) les créances liquides ou les droits à prestations au titre d'un contrat à valeur économique et associé à un investissement ; [... ] f) tout droit conféré par la loi ou par un contrat ou découlant de licences ou d'autorisations délivrées conformément à la loi pour l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie. [...] Le terme "investissement" vise tout investissement associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie et tout investissement ou toute catégorie d'investissements réalisés dans sa zone par une partie contractante, désignés par elle comme des "projets d'efficacité de la Charte", et notifiés en tant que tels au Secrétariat » ; que si cette définition vise « tout type d'avoir détenu ou contrôlé directement ou indirectement par un investisseur », elle ajoute « et comprenant... » ; que le c) de l'énumération qui suit mentionne « les créances liquides... au titre d'un contrat à valeur économique et associé à un investissement » ; qu'il ne peut donc s'agir de créances liquides au titre d'un contrat qui ne soit pas associé à un investissement ; que l'article 1(6) précise encore in fine, que le terme «investissement » vise notamment « tout investissement associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie », ce qui renvoie à une définition usuelle du terme « investissement » ; que selon l'article 26(1) précité, le tribunal arbitral est compétent pour examiner « un manquement allégué à une obligation de la première partie contractante au titre de la partie III » du TCE, laquelle est intitulée « Promotion et Protection des Investissements » et s'oppose au Titre II « Commerce » ; que dès lors la recourante se prévaut à bon droit de la condition d'apport, selon le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but qui est de « catalyser la croissance économique par des mesures destinées à libéraliser les investissements et les échanges en matière d'énergie » ; qu'ainsi, KOMSTROY soutient qu'un simple avoir associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie serait un investissement au sens du TCE alors que l'acquisition d'un droit de créance qui a pour origine un contrat de livraison d'énergie électrique ne peut constituer un investissement au sens du TCE en l'absence d' apport ; que le f) de l'énumération figurant à l'article 1(6) qui vise notamment « tout droit conféré par ...un contrat ...pour l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie » ne peut concerner la créance litigieuse, s'agissant d'une créance monétaire sans droit à l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie ; que le différend opposant KOMSTROY venant aux droits de ENERGOALIANS à la République de Moldavie qui porte sur la créance cédée de DERIMEN au titre du contrat n°24/02 de vente d'électricité, qui a pour seul objet la vente d'électricité, ne porte pas sur un investissement au sens du TCE ; que le tribunal arbitral s'est à tort déclaré compétent ; qu'il résulte de ce qui précède que le recours en annulation est accueilli et la sentence annulée ;
1°) ALORS QUE l'article 1(6) du Traité sur la Charte de l'Energie en date du 17 décembre 1994 définit l'investissement comme « tout type d'avoir détenu ou contrôlé directement ou indirectement par un investisseur » ; que selon ce texte, toute type d'avoir est susceptible de constituer un investissement au sens du Traité sur la Charte de l'Energie, quand bien même il ne serait pas visé par l'un des exemples non limitatifs listés par l'article 1(6)(a) à 1(6)(f) ; qu'en se référant exclusivement aux investissements visés par l'article 1(6)(c) et l'article 1(6)(f) pour juger que le différend ne porte pas sur un investissement au sens du TCE, et en déduire que le tribunal s'est à tort déclaré compétent, la cour d'appel a violé l'article 1(6) du Traité sur la Charte de l'Energie, ensemble l'article 1520 1° du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'article 1(6) du Traité sur la Charte de l'Energie en date du 17 décembre 1994 définit l'investissement comme « tout type d'avoir détenu ou contrôlé directement ou indirectement par un investisseur et comprenant : (
) c) les créances liquides ou les droits à prestations au titre d'un contrat à valeur économique et associé à un investissement », tout en précisant que l'investissement doit lui-même être « associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie » ; qu'en jugeant que « l'acquisition d'un droit de créance qui a pour origine un contrat de livraison d'énergie électrique ne peut constituer un investissement au sens du TCE en l'absence d'apport », pour en déduire que le tribunal s'est à tort déclaré compétent, la cour d'appel a ajouté au texte une condition qu'il n'exigeait pas, en violation de l'article 1(6) du Traité sur la Charte de l'Energie, ensemble l'article 1520 1° du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'au sens de l'article 1(6)(c) du Traité sur la Charte de l'Energie en date du 17 décembre 1994, constitue un investissement tout type d'avoir détenu par un investisseur et comprenant des créances liquides associées à une activité économique dans le secteur de l'énergie ; qu'en jugeant que « l'acquisition d'un droit de créance qui a pour origine un contrat de livraison d'énergie électrique ne peut constituer un investissement au sens du TCE », pour en déduire que le tribunal s'est à tort déclaré compétent, alors que la créance issue d'un contrat de livraison d'énergie électrique représente un avoir comprenant une créance liquide associée à une activité économique de fourniture d'électricité, dans le secteur de l'énergie, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1520 1° du code de procédure civile ;
4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'investissement associé au contrat donnant naissance à une créance liquide qualifiée elle-même d'investissement, au sens de l'article 1(6)(c) du TCE, s'apprécie au regard de l'ensemble des éléments de l'opération globale ; qu'en jugeant que «l'acquisition d'un droit de créance qui a pour origine un contrat de livraison d'énergie électrique ne peut constituer un investissement au sens du TCE en l'absence d'apport », pour en déduire que le tribunal s'est à tort déclaré compétent, alors pourtant que le contrat de fourniture d'énergie électrique sur le territoire de la Moldavie s'inscrivait dans une opération globale d'investissement caractérisée par un apport financier de l'investisseur consistant à acquérir l'énergie aux fins de la revendre, la cour d'appel a violé l'article 1(6) du Traité du la Charte de l'Energie, ensemble l'article 1520 1° du code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'au sens de l'article 1(6)(f) du Traité sur la Charte de l'Energie en date du 17 décembre 1994, constitue un investissement tout type d'avoir détenu par un investisseur et comprenant tout droit conféré par contrat pour l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie ; qu'en jugeant que « le f) de l'énumération figurant à l'article 1(6) ne peut concerner la créance litigieuse, s'agissant d'une créance monétaire sans droit à l'exercice d'une activité économique », pour en déduire que le tribunal s'est à tort déclaré compétent, alors que les contrats en dates du 1er février et du 24 février 1999, ainsi que les accords gouvernementaux entre l'Ukraine et la Moldavie concernant leur collaboration dans le secteur de l'électricité, conféraient à la société ENERGOALIANS le droit d'exercer une activité économique de fourniture d'électricité, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1520 1° du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2018:C100352
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Vu l'article 1520, 1°, du code de procédure civile ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que la société Energoalians, aux droits de laquelle vient la société Komstroy, a introduit une procédure d'arbitrage ad hoc à l'encontre de la République de Moldavie sur le fondement des dispositions du Traité sur la Charte de l'énergie du 17 décembre 1994 ; que la sentence rendue à Paris le 25 octobre 2003 a condamné la République de Moldavie à réparer les violations des obligations du traité de créer des conditions stables, équitables, favorables et transparentes pour les investisseurs et de leur assurer un traitement loyal et équitable ; que la République de Moldavie a formé un recours en annulation ;
Attendu que, pour annuler la sentence, l'arrêt retient que l'acquisition d'un droit de créance qui a pour origine un contrat de livraison d'énergie électrique ne peut constituer, en l'absence d'apport, un investissement au sens du Traité sur la Charte de l'énergie ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de ce traité ne précisent pas les critères caractérisant un investissement, mais énumèrent seulement, de manière non limitative, des actifs considérés comme des investissements, la cour d'appel, qui a ajouté une condition que le traité ne prévoit pas, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la République de Moldavie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Komstroy la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Komstroy
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir annulé la sentence rendue à Paris, le 25 octobre 2013, par le tribunal arbitral ad hoc composé de MM. Y... et Z..., arbitres et de M. A..., président entre la société ENERGOALIANS et la République de Moldavie ;
AUX MOTIFS QUE, sur le premier moyen d'annulation tiré de l'incompétence du tribunal arbitral (article 1520 1° du code de procédure civile), la République de Moldavie soutient que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent en l'absence de réalisation d'un investissement par ENERGOALIANS dans la zone de la Moldavie au sens du TCE, de sorte que la créance acquise par ENERGOALIANS auprès de DERIMEN ne pouvait faire l'objet d'un arbitrage ; qu'elle dit que les termes du Traité, en particulier l'article 26 (1) qui fixe les conditions de l'offre d'arbitrage doivent s'interpréter par application des principes généraux du droit international coutumier en la matière tels qu'énoncés à l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des Traités de 1969, que compte tenu du contexte, des termes ainsi que de l'objectif et du but du TCE, ce traité subordonne la notion d'investissement à l'existence d'un apport, notamment en capital (version authentique du traité en langue russe) ou en industrie, elle observe que, le TCE opère une distinction entre le commerce (Partie II) et les investissements (Partie III) et en déduit que selon le terme « investissement » est nécessairement rattaché à l'action par l'investisseur d'apporter ou de transférer du capital, ou, d'autres ressources nécessaires au développement et au maintien d'une activité d'investissement et que l'offre d'arbitrage ne s'applique selon les termes explicites de l'article 26 (1) qu'aux manquements allégués au titre de la partie III du TCE concernant la promotion des investissements et non aux échanges commerciaux « des matières et produits énergétiques » (Partie II du TCE) ; qu'elle considère que le droit de créance d'ENERGOALIANS envers Moldtranselectro, qui a résulté du contrat n°24/02 au regard de l'article 1(6) ne remplit aucune des caractéristiques d'un investissement et ne correspond à aucune des catégories énumérées sous cet article, notamment ses alinéas (c) et (f) s'agissant d'une créance qui n'est rattachée à aucun apport et d'une créance monétaire sans droit à l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie ; qu'à cet égard, elle dit que la créance de DERIMEN au titre du contrat n°24/02 de vente d'électricité à laquelle la créance d'ENERGOALIANS est associée n'est pas un investissement, ayant pour seul objet la vente d'électricité ; qu'elle ajoute qu'en tout état de cause ENERGOALIANS qui n'a pas elle-même réalisé cet investissement, ne pouvait prétendre soumettre le différend s'y rapportant à l'arbitrage en vertu des termes de l'article 26 (1) du TCE, qu'elle estime sur le fondement de l'article 1(8) du traité, que, en acquérant la créance de DERIMEN, ENERGOALIANS n'a ni acquis un « investissement existant », les Iles Vierges Britanniques où est immatriculée DERIMEN n'étant pas partie contractante au TPE, ni participé à un autre domaine d'activité d'investissement, en l'absence d'un quelconque apport, de sorte que le tribunal arbitral était incompétent. Enfin, elle dit qu'aucun investissement n'a été réalisé « dans la Zone » de la Moldavie, comme le prévoit l'article 26 (1) dès lors que l'électricité fournie n'était livrée que jusqu'à la frontière ; que considérant que le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit et de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; qu'il n'en va pas différemment lorsque, comme en l'espèce, les arbitres sont saisi sur le fondement d'un traité ; que la compétence des arbitres est fondée sur l'article 26 du TCE auquel la République de Moldavie est partie, aux termes duquel : « 1. Les différends qui opposent une partie contractante et un investisseur d'une autre partie contractante au sujet d'un investissement réalisé par ce dernier dans la zone de la première et qui portent sur un manquement allégué à une obligation de la première partie contractante au titre de la partie III sont, dans la mesure du possible, réglés à l'amiable. 2. Si un différend de ce type n'a pu été réglé conformément aux dispositions du paragraphe 1 dans un délai de trois mois à compter du moment où l'une des parties au différend a sollicité un règlement à l'amiable, l'investisseur partie au différend peut choisir de le soumettre, en vue de son règlement : a) aux juridictions judiciaires ou administratives de la partie contractante qui est partie au différend ; ou b) conformément à toute procédure de règlement des différends préalablement convenue ; ou c) conformément aux paragraphes suivants du présent article. 3. a) Sous réserve des seuls points b) et c), chaque partie contractante donne son consentement inconditionnel à la soumission de tout différend à une procédure d'arbitrage ou de conciliation internationale, conformément aux dispositions du présent article. [...] » ; qu'il s'ensuit que le tribunal arbitral est compétent si ENERGOALIANS, est un investisseur, que le différend l'opposant à la République de Moldavie porte sur un investissement et que l'investissement est réalisé dans la zone de la Moldavie ; que, conformément à la coutume internationale exprimée par l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, « Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but »; que selon l'article 1(7) du TCE le terme « investisseur » désigne : « a) en ce qui concerne une partie contractante: i) toute personne physique... ii) toute entreprise ou autre organisation organisée conformément à la législation applicable sur le territoire de cette partie contractante » ; que la qualité d'investisseur de la société ENERGOALIANS, personne morale de droit ukrainien, au sens de cet article, retenue par le tribunal arbitral, est établie ; que selon l'article 1(6) le terme « investissement » désigne « tout type d'avoir détenu ou contrôlé directement ou indirectement par un investisseur et comprenant: [...] c) les créances liquides ou les droits à prestations au titre d'un contrat à valeur économique et associé à un investissement ; [... ] f) tout droit conféré par la loi ou par un contrat ou découlant de licences ou d'autorisations délivrées conformément à la loi pour l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie. [...] Le terme "investissement" vise tout investissement associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie et tout investissement ou toute catégorie d'investissements réalisés dans sa zone par une partie contractante, désignés par elle comme des "projets d'efficacité de la Charte", et notifiés en tant que tels au Secrétariat » ; que si cette définition vise « tout type d'avoir détenu ou contrôlé directement ou indirectement par un investisseur », elle ajoute « et comprenant... » ; que le c) de l'énumération qui suit mentionne « les créances liquides... au titre d'un contrat à valeur économique et associé à un investissement » ; qu'il ne peut donc s'agir de créances liquides au titre d'un contrat qui ne soit pas associé à un investissement ; que l'article 1(6) précise encore in fine, que le terme «investissement » vise notamment « tout investissement associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie », ce qui renvoie à une définition usuelle du terme « investissement » ; que selon l'article 26(1) précité, le tribunal arbitral est compétent pour examiner « un manquement allégué à une obligation de la première partie contractante au titre de la partie III » du TCE, laquelle est intitulée « Promotion et Protection des Investissements » et s'oppose au Titre II « Commerce » ; que dès lors la recourante se prévaut à bon droit de la condition d'apport, selon le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but qui est de « catalyser la croissance économique par des mesures destinées à libéraliser les investissements et les échanges en matière d'énergie » ; qu'ainsi, KOMSTROY soutient qu'un simple avoir associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie serait un investissement au sens du TCE alors que l'acquisition d'un droit de créance qui a pour origine un contrat de livraison d'énergie électrique ne peut constituer un investissement au sens du TCE en l'absence d' apport ; que le f) de l'énumération figurant à l'article 1(6) qui vise notamment « tout droit conféré par ...un contrat ...pour l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie » ne peut concerner la créance litigieuse, s'agissant d'une créance monétaire sans droit à l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie ; que le différend opposant KOMSTROY venant aux droits de ENERGOALIANS à la République de Moldavie qui porte sur la créance cédée de DERIMEN au titre du contrat n°24/02 de vente d'électricité, qui a pour seul objet la vente d'électricité, ne porte pas sur un investissement au sens du TCE ; que le tribunal arbitral s'est à tort déclaré compétent ; qu'il résulte de ce qui précède que le recours en annulation est accueilli et la sentence annulée ;
1°) ALORS QUE l'article 1(6) du Traité sur la Charte de l'Energie en date du 17 décembre 1994 définit l'investissement comme « tout type d'avoir détenu ou contrôlé directement ou indirectement par un investisseur » ; que selon ce texte, toute type d'avoir est susceptible de constituer un investissement au sens du Traité sur la Charte de l'Energie, quand bien même il ne serait pas visé par l'un des exemples non limitatifs listés par l'article 1(6)(a) à 1(6)(f) ; qu'en se référant exclusivement aux investissements visés par l'article 1(6)(c) et l'article 1(6)(f) pour juger que le différend ne porte pas sur un investissement au sens du TCE, et en déduire que le tribunal s'est à tort déclaré compétent, la cour d'appel a violé l'article 1(6) du Traité sur la Charte de l'Energie, ensemble l'article 1520 1° du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'article 1(6) du Traité sur la Charte de l'Energie en date du 17 décembre 1994 définit l'investissement comme « tout type d'avoir détenu ou contrôlé directement ou indirectement par un investisseur et comprenant : (
) c) les créances liquides ou les droits à prestations au titre d'un contrat à valeur économique et associé à un investissement », tout en précisant que l'investissement doit lui-même être « associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie » ; qu'en jugeant que « l'acquisition d'un droit de créance qui a pour origine un contrat de livraison d'énergie électrique ne peut constituer un investissement au sens du TCE en l'absence d'apport », pour en déduire que le tribunal s'est à tort déclaré compétent, la cour d'appel a ajouté au texte une condition qu'il n'exigeait pas, en violation de l'article 1(6) du Traité sur la Charte de l'Energie, ensemble l'article 1520 1° du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'au sens de l'article 1(6)(c) du Traité sur la Charte de l'Energie en date du 17 décembre 1994, constitue un investissement tout type d'avoir détenu par un investisseur et comprenant des créances liquides associées à une activité économique dans le secteur de l'énergie ; qu'en jugeant que « l'acquisition d'un droit de créance qui a pour origine un contrat de livraison d'énergie électrique ne peut constituer un investissement au sens du TCE », pour en déduire que le tribunal s'est à tort déclaré compétent, alors que la créance issue d'un contrat de livraison d'énergie électrique représente un avoir comprenant une créance liquide associée à une activité économique de fourniture d'électricité, dans le secteur de l'énergie, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1520 1° du code de procédure civile ;
4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'investissement associé au contrat donnant naissance à une créance liquide qualifiée elle-même d'investissement, au sens de l'article 1(6)(c) du TCE, s'apprécie au regard de l'ensemble des éléments de l'opération globale ; qu'en jugeant que «l'acquisition d'un droit de créance qui a pour origine un contrat de livraison d'énergie électrique ne peut constituer un investissement au sens du TCE en l'absence d'apport », pour en déduire que le tribunal s'est à tort déclaré compétent, alors pourtant que le contrat de fourniture d'énergie électrique sur le territoire de la Moldavie s'inscrivait dans une opération globale d'investissement caractérisée par un apport financier de l'investisseur consistant à acquérir l'énergie aux fins de la revendre, la cour d'appel a violé l'article 1(6) du Traité du la Charte de l'Energie, ensemble l'article 1520 1° du code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'au sens de l'article 1(6)(f) du Traité sur la Charte de l'Energie en date du 17 décembre 1994, constitue un investissement tout type d'avoir détenu par un investisseur et comprenant tout droit conféré par contrat pour l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie ; qu'en jugeant que « le f) de l'énumération figurant à l'article 1(6) ne peut concerner la créance litigieuse, s'agissant d'une créance monétaire sans droit à l'exercice d'une activité économique », pour en déduire que le tribunal s'est à tort déclaré compétent, alors que les contrats en dates du 1er février et du 24 février 1999, ainsi que les accords gouvernementaux entre l'Ukraine et la Moldavie concernant leur collaboration dans le secteur de l'électricité, conféraient à la société ENERGOALIANS le droit d'exercer une activité économique de fourniture d'électricité, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1520 1° du code de procédure civile.