Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 29 mars 2018, 17-15.042, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 janvier 2017), que la société Maximmo, aux droits de laquelle se trouve la société Cofibat, devenue Geoxia Ouest, a édifié une maison d'habitation, dont la réception est intervenue le 10 octobre 1996 ; que la société Maximmo a souscrit auprès de la société AGF, aux droits de laquelle vient la société Allianz, deux polices, une assurance dommages-ouvrage et une assurance de responsabilité civile décennale des constructeurs, sous le même numéro ; que M. et Mme X... ont acquis cette maison de M. et Mme C... ; que, des désordres étant apparus, un expert judiciaire a préconisé de consolider les fondations et le dallage par des injections de résine ; qu'à la suite d'une inspection des réseaux de canalisation sous dallage qui se sont avérés non étanches, les travaux de reprise ont été arrêtés ; qu'un nouvel expert a conclu qu'en raison de l'importance et de l'évolution des désordres, il était impossible d'envisager de réparer l'existant et qu'il y avait lieu de démolir pour reconstruire un pavillon identique ; que M. et Mme X... ont assigné la société Geoxia Ouest et la société Allianz en indemnisation de leurs préjudices ;

Attendu que la société Geoxia Ouest et M. et Mme X... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action de ces derniers à l'encontre de la société Allianz en qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société Geoxia Ouest, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en présence de deux polices d'assurances souscrites le même jour, sous un numéro identique, l'action intentée sur le fondement de l'une des polices interrompt nécessairement le délai de prescription de l'action fondée sur l'autre police ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même relevé que la police dommages-ouvrage et la police constructeurs de maisons individuelles ont été souscrites par la société Maximmo à effet du 1er janvier 1992 « sous le même numéro 31 387 360 » ; qu'en retenant pourtant que l'assignation de la compagnie d'assurances en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage n'avait pas interrompu le délai de prescription de l'action engagée pour le même ouvrage contre la même société, prise en qualité d'assureur de responsabilité civile décennale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 114-2 du code des assurances ;

2°/ que lorsque deux polices sont unies par un lien d'interdépendance, l'interruption de la prescription de l'action exercée à l'encontre de l'assureur, sur le fondement de l'une des polices, s'étend à l'autre ; qu'en s'abstenant de rechercher si les deux polices souscrites le même jour par la société Maximmo, sous le même numéro de police, auprès du même assureur, et qui couvraient le même risque matériel, n'étaient pas unies par un lien d'interdépendance justifiant l'extension de l'effet interruptif de prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 114-2 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. et Mme X... avaient assigné la société AGF sous le numéro commun des polices d'assurances en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage sans faire référence à sa qualité d'assureur de la responsabilité décennale des constructeurs et, procédant à la recherche prétendument omise, que les contrats souscrits, bien que référencés sous le même numéro, étaient distincts par leur objet, la garantie dommages-ouvrage n'étant pas reprise à la police constructeur de maisons individuelles, nonobstant le dernier alinéa de son intitulé qui ne faisait qu'énoncer une possibilité, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que, l'assignation de l'assureur en sa seule qualité d'assureur dommages-ouvrage n'ayant pas interrompu le délai de prescription de l'action engagée pour le même ouvrage contre la même société, prise en sa qualité d'assureur de responsabilité civile décennale, cette action était prescrite, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Geoxia Ouest aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Geoxia Ouest

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action de M. et Mme X... à l'encontre de la société Allianz Iard en qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société Geoxia Ouest, et d'avoir, en conséquence, condamné la société Allianz Iard uniquement en qualité d'assureur dommages ouvrage, in solidum avec la société Geoxia Ouest, à payer en deniers ou quittances aux époux X... une somme de 62 494,71 € TTC seulement, outre indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction, premier indice, celui en vigueur au 8 juillet 1995 et indice de comparaison, celui en vigueur à la date de l'arrêt attaqué, au titre des travaux de démolition reconstruction d'un montant total de 218 971,21 € TTC ;

AUX MOTIFS QUE : « sur la recevabilité des demandes à l'encontre de la SA Allianz Iard au titre de l'assurance de responsabilité civile décennale : que la société Allianz soutient qu'elle n'a pas, en sa qualité d'assureur décennal, été assignée dans le délai de dix années à compter de la réception des travaux ; que l'assignation du 9 octobre 2006 lui a été délivrée en sa qualité d'assureur dommages ouvrage ; que cette assignation n'est pas de nature à interrompre le délai de prescription ; que le délai de dix années permettant au maître de l'ouvrage d'engager une action sur le fondement décennal expirait le 10 octobre 2006 ; qu'à effet du 1er janvier 1992, la société Maximmo a souscrit, auprès de la société PFA deux contrats sous le même numéro 31 387 360 : 1° Une police d'assurance « Dommages-Ouvrage » dont les garanties prévues renvoient aux conditions générales de la police « Dommages-Ouvrage », référence A 01 050 P ; que le taux de prime est de 0,37952 % HT et renvoie à l'article 10 des conditions générales, 2° Une police d'assurance « Constructeur de maisons individuelles : -responsabilité civile professionnelle, -responsabilité civile décennale des constructeurs, -tous risques chantiers, -dommages ouvrage » ; que les garanties prévues renvoient à l'article 1 des conditions générales référence A 2 01 069 P et à l'article 2 des conventions spéciales A 2 09 172 P ; que le taux de prime est fixé à 0,33 % HT sur le coût total des maisons individuelles tel que défini au chapitre précédent ; que les 18 décembre 2003 et 16 février 2004, Monsieur X... a déclaré le sinistre à l'assureur dommages Ouvrage, ainsi qu'il ressort de l'expertise Saitec du 8 juin 2006 et de l'exposé du litige dans le rapport D... ; que le 9 octobre 2006, Monsieur et Madame X... ont assigné la SA AGF sous le numéro commun des polices d'assurances en qualité d'assureur Dommage Ouvrage ; que dans le corps de leur assignation, ils ne font aucune référence à la qualité d'assureur de la société AGF au titre de la responsabilité décennale des constructeurs ; que la société AGF est intervenue en qualité d'assureur Dommages Ouvrage aux opérations dirigées par Monsieur D... ; que la société AGF puis la société Allianz IARD venant à ses droits ont à nouveau été assignées en seule qualité d'assureur Dommage Ouvrage en 2008 en référé provision puis le 12 octobre 2012 en référé expertise ; que dans son rapport du 30 avril 2014, Monsieur E... a précisé que la société AGF avait la double qualité d'assureur Dommages Ouvrage et d'assureur en responsabilité civile de la société Geoxia Ouest ; que par assignation des 27 juin et 2 juillet 2014, les époux X... ont assigné la société Allianz Iard en sa double qualité ; qu'il ressort des contrats souscrits que, bien que référencés sous le même numéro, ils sont distincts par leur objet ; que la garantie « Dommages Ouvrage » a fait l'objet d'un contrat propre et cette garantie n'est pas reprise à la police « Constructeur de maisons individuelles » nonobstant le dernier alinéa de son intitulé qui ne fait qu'énoncer une possibilité ; que l'assignation de la compagnie d'assurance en sa seule qualité d'assureur « Dommages Ouvrage » avant le 10 octobre 2006 n'a pas interrompu le délai de prescription de l'action engagée pour le même ouvrage contre la même société ou son ayant droit, prise en sa qualité d'assureur en police de responsabilité civile décennale ; qu'il en résulte que cette action est prescrite et le jugement qui a rejeté cette fin de non-recevoir sera réformé sur ce point » ;

ALORS 1/ QU'en présence de deux polices d'assurances souscrites le même jour, sous un numéro identique, l'action intentée sur le fondement de l'une des polices interrompt nécessairement le délai de prescription de l'action fondée sur l'autre police ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même relevé que la police dommages ouvrage et la police constructeurs de maisons individuelles ont été souscrites par la société Maximmo à effet du 1er janvier 1992 « sous le même numéro 31 387 360 » ; qu'en retenant pourtant que l'assignation de la compagnie d'assurance en sa qualité d'assureur dommages ouvrage n'avait pas interrompu le délai de prescription de l'action engagée pour le même ouvrage contre la même société, prise en qualité d'assureur de responsabilité civile décennale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 114-2 du code des assurances ;

ALORS ET EN TOUT ETAT DE CAUSE 2/ QUE lorsque deux polices sont unies par un lien d'interdépendance, l'interruption de la prescription de l'action exercée à l'encontre de l'assureur, sur le fondement de l'une des polices, s'étend à l'autre ; qu'en s'abstenant de rechercher si les deux polices souscrites le même jour par la société Maximmo, sous le même numéro de police, auprès du même assureur, et qui couvraient le même risque matériel, n'étaient pas unies par un lien d'interdépendance justifiant l'extension de l'effet interruptif de prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 114-2 du code des assurances. ECLI:FR:CCASS:2018:C300297
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