Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 22 mars 2018, 16-20.779, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 22 mars 2018, 16-20.779, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 16-20.779
- ECLI:FR:CCASS:2018:C300295
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 22 mars 2018
Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, du 19 janvier 2016- Président
- M. Chauvin
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 janvier 2016), que, par acte du 20 décembre 1991, M. et Mme Y... ont pris à bail des parcelles agricoles appartenant à Mme F... ; qu'ils les ont mises à la disposition du GAEC Y...; que, par lettre du 24 août 2012, ils ont demandé l'autorisation de céder le bail à leur fils Xavier ; que, par acte du 21 novembre 2012, Mme F... leur a délivré un congé pour cause d'âge ; que M. et Mme Y... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins d'autorisation de cession du bail ; que la bailleresse a sollicité reconventionnellement la validation du congé ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande ;
Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, que la cession du bail rural ne peut bénéficier qu'au preneur qui a satisfait à toutes les obligations légales ou conventionnelles résultant de son bail et, souverainement, après avoir analysé la valeur et la portée des éléments réputés contradictoirement débattus en l'absence de preuve contraire, que Mme Y..., restée preneur en place et associée du GAEC après le départ à la retraite de son époux, disposait d'un domicile dont l'éloignement n'était pas compatible avec une participation effective et permanente à la mise en valeur des terres et assurait des fonctions limitées de gestion ou de direction du groupement, la cour d'appel, qui a répondu, pour les écarter, aux conclusions prétendument délaissées, en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve ni modifier l'objet du litige ni se fonder sur des faits absents du débat, que l'autorisation devait être refusée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article L. 411-64 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail au preneur ayant atteint l'âge de la retraite et que le congé doit, à peine de nullité, informer celui-ci de la possibilité de céder le bail à son conjoint ou à son descendant ;
Attendu que, pour annuler le congé, l'arrêt retient qu'il ne donne aucune précision sur l'usage que Mme F... entend faire des terres dont l'éviction est poursuivie alors qu'elle a également dépassé l'âge de la retraite en matière agricole ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune disposition n'impose au bailleur de justifier, à peine de nullité du congé fondé sur l'âge du preneur, de l'emploi des biens qui en sont l'objet, la cour d'appel a violé le texte susvisé, par fausse application ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare nul et de nul effet le congé délivré le 21 novembre 2012 par Mme F... , l'arrêt rendu le 19 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'avoir débouté M. et Mme Y... de leur demande de cession de bail au profit de leur fils, M. Xavier Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « après le départ à la retraite de son époux, Mme Marie-Françoise Z... épouse Y... co-preneur du bail et demeurée associée du GAEC au profit duquel les terres ont été mises à disposition, est en application de l'article 411-37 du code rural et de la pêche maritime tenue de se consacrer à la mise en valeur des terres de façon effective et permanente ; la circonstance que le bail portant sur l'ancien corps de ferme situé sur la commune de [...]où les preneurs résidaient a été résilié à la demande de leur bailleur (autre que Mme Claude D... épouse F... ) du fait de la perte de la destination agricole de bâtiment et qu'ils en ont été expulsés n'a pas atténué l'obligation de Mme Marie-Françoise Z... épouse Y... à ce titre ; il est constant que les époux Y... ont fixé leur domicile principal à l'adresse de leur ancienne résidence secondaire dans la commune [...] qui peut être rejointe d'après une consultation du site internet Mappy, le plus rapidement avec la commune de [...] en une heure et dix minutes pour une distance de 106,50 km ; cet éloignement n'apparaît pas compatible avec une participation de Mme Marie-Françoise Z... épouse Y... effective et permanente aux travaux sur les terres mêmes affectées à la culture de céréales données à bail que ne viennent pas démentir les attestations produites par les appelants desquelles il résulte que Mme Marie-Françoise Z... épouse Y... se cantonne à des fonctions de gestion ou de direction au sein du GAEC au profit duquel les terres sont mises à disposition ; elle contrevient, en conséquence, l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article L411-37 du Code rural et de la pêche 160667/MV/OFD maritime de se consacrer à l'exploitation du bien loué en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente ; Mme Marie-Françoise Z... épouse Y... ayant ainsi manqué à une obligation essentielle du bail, le jugement sera confirmé en ce qu'il a refusé aux appelants l'autorisation de céder leur bail » (arrêt p.6 et 7) ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE « Mme Marie-Françoise Z... épouse Y... qui reste titulaire du bail était tenue de se consacrer effectivement à la mise en valeur des terres ; or le tribunal constate que si-celle-ci est restée associée du GAEC, elle demeure désormais à plus de 50 km de l'exploitation, sans que son expulsion du corps de ferme en 2008 ne justifie cet éloignement au regard de son obligation et ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu'elle continue à participer de façon effective et permanente aux travaux agricoles ; en effet, les deux attestations d'agriculteurs versées aux débats sont extrêmement succinctes et non circonstanciées ; quant à l'attestation de l'expert-comptable, elle permet seulement de dire qu'à trois reprises en 2012, Mme Y... a participé à des réunions relatives au fonctionnement du GAEC, ce qui est sans rapport direct avec l'exploitation du fonds ; Mme Marie-Françoise Z... épouse Y... a ainsi manqué à une obligation essentielle du bail et c‘est à bon droit que Mme Claude F... née E... invoque ce grief pour s'opposer à la cession du bail à son fils ; »
1°) ALORS QUE le preneur ne peut être privé de la faculté de céder son bail à un descendant que s'il est de mauvaise foi, ayant manqué de façon suffisamment grave aux obligations nées du bail ; qu'en se fondant, pour refuser aux époux Y... la faculté de céder le bail à leur fils, sur le seul éloignement de leur domicile par rapport aux terres litigieuses duquel il résulterait une impossibilité de participer aux travaux sur les lieux de l'exploitation de façon permanente et effective, après avoir pourtant constaté que Mme Y..., associée du GAEC au profit duquel les terres avaient été mises à disposition, exerçait des fonctions de gestion et de direction au sein dudit GAEC, participant ainsi activement à la mise en valeur de l'exploitation, de sorte que le simple éloignement ne constituait pas un manquement suffisamment grave de nature à constituer le preneur de mauvaise foi et lui retirer la faculté de céder son bail à un descendant, la cour d'appel a violé les articles L. 411-64, L. 411-35 et L.323-14 du code rural et de la pêche maritime ;
2°) ALORS QU'il incombe au bailleur qui invoque un manquement du preneur à ses obligations pour s'opposer à la cession du bail au profit d'un descendant, de démontrer la réalité de ce manquement ; qu'en affirmant que l'éloignement du domicile de Mme Y... n'apparaît pas compatible avec une participation permanente et effective aux travaux sur les lieux de l'exploitation et en reprochant à Mme Y... de ne pas démontrer que, en dépit de cet éloignement, elle participait de manière effective et permanente aux travaux sur les lieux, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil ;
3°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en se bornant à retenir que l'éloignement du domicile des époux Y..., preneurs, apparaissait incompatible avec une exploitation effective et permanente, même pour une exploitation exclusivement céréalière et même si Mme Y... participait à la gestion et la direction du GAEC bénéficiant d'une mise à disposition des terres litigieuses, sans répondre aux conclusions des époux Y... faisant valoir, non seulement qu'une exploitation céréalière ne nécessitait pas une présence constante, mais également que Mme Y... était entourée de ses fils exploitants associés avec elle au sein du GAEC exploitant les terres (conclusions p. 9, § 1) et qu'elle était libre d'organiser et de conduire son exploitation comme elle l'entendait en se déchargeant d'une partie du travail de force sur ses associés ou sur un salarié (conclusions p.11, §3 et 4), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE les juges ne doivent pas méconnaître les termes du litige, qui sont déterminés par les conclusions des parties ; qu'en retenant une distance de 106,5 km entre le domicile de Mme Y... et la commune [...], pour en déduire que cet éloignement était incompatible avec une exploitation effective et permanente, quand la distance de 50 km était admises par les parties (conclusions des époux Y..., p.8 ; conclusions de Mme F... , p.13, alinéa 5), la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en affirmant que le domicile des preneurs, d'après une consultation du site internet « Mappy », pouvait être rejoint le plus rapidement depuis la commune [...] en une heure et dix minutes pour une distance de 106,50 km pour en déduire que cet éloignement était incompatible avec une exploitation effective et permanente, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un fait qui n'était pas dans le débat, a violé l'article 7 du code de procédure civile. Moyen produit par au pourvoi incident la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme F...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré nul et de nul effet le congé délivré le 21 novembre 2012 par Mme Claude E... épouse F... ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande de nullité du congé (
) ; qu'en application des dispositions de l'article L 411-64 du code rural et de la pêche maritime, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail au preneur ayant atteint l'âge de la retraite en matière d'assurance vieillesse agricole en donnant congé par acte extra-judiciaire signifié au moins dix-huit mois à l'avance, qu'il entende aliéner, donner à bail à un preneur dont l'âge est inférieur à l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse agricole ou exploiter en faire valoir direct à la réserve ci-après ; qu'en effet, s'il résulte de ce texte que le congé dit pour âge du preneur n'est pas subordonné à une condition de reprise des terres par le bailleur pour lui-même ou au profit d'une des personnes énumérées à l'article L 411-58 du même code et qu'il peut donner congé quel que soit son âge, ce même texte lui interdit s'il a atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse agricole de les exploiter en faire valoir direct sauf s'il s'agit pour lui de constituer une exploitation dite de subsistance ; qu'il se déduit également de ce texte que les terres dont le congé dit pour âge du preneur poursuit l'éviction, ne peuvent être données à bail à un preneur dont l'âge est supérieur à l'âge de la retraite en matière d'assurance agricole ; qu'en conséquence, l'usage par le bailleur des terres dont il poursuit l'éviction en donnant un congé dit pour âge n'est pas discrétionnaire mais est enserré dans des limites tenant en particulier à l'âge du repreneur qu'il s'agisse de lui ou d'un tiers ; que cet usage doit également se conformer aux différentes formes juridiques de l'exploitation agricole prévues par le titre Il du livre Ill du Code rural et de la pêche maritime ; qu'en l'espèce, le congé litigieux qui ne donne aucune précision sur l'usage que Mme Claude E... épouse F... née [...] et qui a dépassé l'âge de retraite en matière d'assurance vieillesse agricole, entend faire des terres dont l'éviction est poursuivie est insuffisamment motivé au regard des limitations apportées à cet usage par l'article L 411-64 du code rural et de la pêche maritime ; que cette insuffisance de motivation à laquelle il n'a pas été remédié ultérieurement empêche de valider le congé qui se voit privé de tout efficacité et sera déclaré de nul effet ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a validé le congé et ordonné l'expulsion de M. Julien Y... et de Mme Marie-Françoise Z... épouse Y....
ALORS QUE bailleur n'a pas à justifier de l'usage des biens dont il poursuit l'éviction en raison de l'âge du preneur ; qu'aucun texte ne sanctionne par la nullité le fait pour le bailleur, qui a lui-même atteint l'âge de la retraite, de délivrer un congé fondé sur l'âge du preneur pour exploiter les biens repris en faire valoir direct ; qu'en retenant, pour en prononcer la nullité, que le congé délivré le 21 novembre 2012 ne donnait aucune précision sur l'usage que Mme F... entendait faire des terres dont l'éviction était poursuivie, après avoir constaté qu'elle avait elle-même dépassé l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse agricole, la cour d'appel a violé l'article L. 411-64 code rural et de la pêche maritime.ECLI:FR:CCASS:2018:C300295
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 janvier 2016), que, par acte du 20 décembre 1991, M. et Mme Y... ont pris à bail des parcelles agricoles appartenant à Mme F... ; qu'ils les ont mises à la disposition du GAEC Y...; que, par lettre du 24 août 2012, ils ont demandé l'autorisation de céder le bail à leur fils Xavier ; que, par acte du 21 novembre 2012, Mme F... leur a délivré un congé pour cause d'âge ; que M. et Mme Y... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins d'autorisation de cession du bail ; que la bailleresse a sollicité reconventionnellement la validation du congé ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande ;
Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, que la cession du bail rural ne peut bénéficier qu'au preneur qui a satisfait à toutes les obligations légales ou conventionnelles résultant de son bail et, souverainement, après avoir analysé la valeur et la portée des éléments réputés contradictoirement débattus en l'absence de preuve contraire, que Mme Y..., restée preneur en place et associée du GAEC après le départ à la retraite de son époux, disposait d'un domicile dont l'éloignement n'était pas compatible avec une participation effective et permanente à la mise en valeur des terres et assurait des fonctions limitées de gestion ou de direction du groupement, la cour d'appel, qui a répondu, pour les écarter, aux conclusions prétendument délaissées, en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve ni modifier l'objet du litige ni se fonder sur des faits absents du débat, que l'autorisation devait être refusée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article L. 411-64 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail au preneur ayant atteint l'âge de la retraite et que le congé doit, à peine de nullité, informer celui-ci de la possibilité de céder le bail à son conjoint ou à son descendant ;
Attendu que, pour annuler le congé, l'arrêt retient qu'il ne donne aucune précision sur l'usage que Mme F... entend faire des terres dont l'éviction est poursuivie alors qu'elle a également dépassé l'âge de la retraite en matière agricole ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune disposition n'impose au bailleur de justifier, à peine de nullité du congé fondé sur l'âge du preneur, de l'emploi des biens qui en sont l'objet, la cour d'appel a violé le texte susvisé, par fausse application ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare nul et de nul effet le congé délivré le 21 novembre 2012 par Mme F... , l'arrêt rendu le 19 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'avoir débouté M. et Mme Y... de leur demande de cession de bail au profit de leur fils, M. Xavier Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « après le départ à la retraite de son époux, Mme Marie-Françoise Z... épouse Y... co-preneur du bail et demeurée associée du GAEC au profit duquel les terres ont été mises à disposition, est en application de l'article 411-37 du code rural et de la pêche maritime tenue de se consacrer à la mise en valeur des terres de façon effective et permanente ; la circonstance que le bail portant sur l'ancien corps de ferme situé sur la commune de [...]où les preneurs résidaient a été résilié à la demande de leur bailleur (autre que Mme Claude D... épouse F... ) du fait de la perte de la destination agricole de bâtiment et qu'ils en ont été expulsés n'a pas atténué l'obligation de Mme Marie-Françoise Z... épouse Y... à ce titre ; il est constant que les époux Y... ont fixé leur domicile principal à l'adresse de leur ancienne résidence secondaire dans la commune [...] qui peut être rejointe d'après une consultation du site internet Mappy, le plus rapidement avec la commune de [...] en une heure et dix minutes pour une distance de 106,50 km ; cet éloignement n'apparaît pas compatible avec une participation de Mme Marie-Françoise Z... épouse Y... effective et permanente aux travaux sur les terres mêmes affectées à la culture de céréales données à bail que ne viennent pas démentir les attestations produites par les appelants desquelles il résulte que Mme Marie-Françoise Z... épouse Y... se cantonne à des fonctions de gestion ou de direction au sein du GAEC au profit duquel les terres sont mises à disposition ; elle contrevient, en conséquence, l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article L411-37 du Code rural et de la pêche 160667/MV/OFD maritime de se consacrer à l'exploitation du bien loué en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente ; Mme Marie-Françoise Z... épouse Y... ayant ainsi manqué à une obligation essentielle du bail, le jugement sera confirmé en ce qu'il a refusé aux appelants l'autorisation de céder leur bail » (arrêt p.6 et 7) ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE « Mme Marie-Françoise Z... épouse Y... qui reste titulaire du bail était tenue de se consacrer effectivement à la mise en valeur des terres ; or le tribunal constate que si-celle-ci est restée associée du GAEC, elle demeure désormais à plus de 50 km de l'exploitation, sans que son expulsion du corps de ferme en 2008 ne justifie cet éloignement au regard de son obligation et ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu'elle continue à participer de façon effective et permanente aux travaux agricoles ; en effet, les deux attestations d'agriculteurs versées aux débats sont extrêmement succinctes et non circonstanciées ; quant à l'attestation de l'expert-comptable, elle permet seulement de dire qu'à trois reprises en 2012, Mme Y... a participé à des réunions relatives au fonctionnement du GAEC, ce qui est sans rapport direct avec l'exploitation du fonds ; Mme Marie-Françoise Z... épouse Y... a ainsi manqué à une obligation essentielle du bail et c‘est à bon droit que Mme Claude F... née E... invoque ce grief pour s'opposer à la cession du bail à son fils ; »
1°) ALORS QUE le preneur ne peut être privé de la faculté de céder son bail à un descendant que s'il est de mauvaise foi, ayant manqué de façon suffisamment grave aux obligations nées du bail ; qu'en se fondant, pour refuser aux époux Y... la faculté de céder le bail à leur fils, sur le seul éloignement de leur domicile par rapport aux terres litigieuses duquel il résulterait une impossibilité de participer aux travaux sur les lieux de l'exploitation de façon permanente et effective, après avoir pourtant constaté que Mme Y..., associée du GAEC au profit duquel les terres avaient été mises à disposition, exerçait des fonctions de gestion et de direction au sein dudit GAEC, participant ainsi activement à la mise en valeur de l'exploitation, de sorte que le simple éloignement ne constituait pas un manquement suffisamment grave de nature à constituer le preneur de mauvaise foi et lui retirer la faculté de céder son bail à un descendant, la cour d'appel a violé les articles L. 411-64, L. 411-35 et L.323-14 du code rural et de la pêche maritime ;
2°) ALORS QU'il incombe au bailleur qui invoque un manquement du preneur à ses obligations pour s'opposer à la cession du bail au profit d'un descendant, de démontrer la réalité de ce manquement ; qu'en affirmant que l'éloignement du domicile de Mme Y... n'apparaît pas compatible avec une participation permanente et effective aux travaux sur les lieux de l'exploitation et en reprochant à Mme Y... de ne pas démontrer que, en dépit de cet éloignement, elle participait de manière effective et permanente aux travaux sur les lieux, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil ;
3°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en se bornant à retenir que l'éloignement du domicile des époux Y..., preneurs, apparaissait incompatible avec une exploitation effective et permanente, même pour une exploitation exclusivement céréalière et même si Mme Y... participait à la gestion et la direction du GAEC bénéficiant d'une mise à disposition des terres litigieuses, sans répondre aux conclusions des époux Y... faisant valoir, non seulement qu'une exploitation céréalière ne nécessitait pas une présence constante, mais également que Mme Y... était entourée de ses fils exploitants associés avec elle au sein du GAEC exploitant les terres (conclusions p. 9, § 1) et qu'elle était libre d'organiser et de conduire son exploitation comme elle l'entendait en se déchargeant d'une partie du travail de force sur ses associés ou sur un salarié (conclusions p.11, §3 et 4), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE les juges ne doivent pas méconnaître les termes du litige, qui sont déterminés par les conclusions des parties ; qu'en retenant une distance de 106,5 km entre le domicile de Mme Y... et la commune [...], pour en déduire que cet éloignement était incompatible avec une exploitation effective et permanente, quand la distance de 50 km était admises par les parties (conclusions des époux Y..., p.8 ; conclusions de Mme F... , p.13, alinéa 5), la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en affirmant que le domicile des preneurs, d'après une consultation du site internet « Mappy », pouvait être rejoint le plus rapidement depuis la commune [...] en une heure et dix minutes pour une distance de 106,50 km pour en déduire que cet éloignement était incompatible avec une exploitation effective et permanente, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un fait qui n'était pas dans le débat, a violé l'article 7 du code de procédure civile. Moyen produit par au pourvoi incident la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme F...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré nul et de nul effet le congé délivré le 21 novembre 2012 par Mme Claude E... épouse F... ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande de nullité du congé (
) ; qu'en application des dispositions de l'article L 411-64 du code rural et de la pêche maritime, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail au preneur ayant atteint l'âge de la retraite en matière d'assurance vieillesse agricole en donnant congé par acte extra-judiciaire signifié au moins dix-huit mois à l'avance, qu'il entende aliéner, donner à bail à un preneur dont l'âge est inférieur à l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse agricole ou exploiter en faire valoir direct à la réserve ci-après ; qu'en effet, s'il résulte de ce texte que le congé dit pour âge du preneur n'est pas subordonné à une condition de reprise des terres par le bailleur pour lui-même ou au profit d'une des personnes énumérées à l'article L 411-58 du même code et qu'il peut donner congé quel que soit son âge, ce même texte lui interdit s'il a atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse agricole de les exploiter en faire valoir direct sauf s'il s'agit pour lui de constituer une exploitation dite de subsistance ; qu'il se déduit également de ce texte que les terres dont le congé dit pour âge du preneur poursuit l'éviction, ne peuvent être données à bail à un preneur dont l'âge est supérieur à l'âge de la retraite en matière d'assurance agricole ; qu'en conséquence, l'usage par le bailleur des terres dont il poursuit l'éviction en donnant un congé dit pour âge n'est pas discrétionnaire mais est enserré dans des limites tenant en particulier à l'âge du repreneur qu'il s'agisse de lui ou d'un tiers ; que cet usage doit également se conformer aux différentes formes juridiques de l'exploitation agricole prévues par le titre Il du livre Ill du Code rural et de la pêche maritime ; qu'en l'espèce, le congé litigieux qui ne donne aucune précision sur l'usage que Mme Claude E... épouse F... née [...] et qui a dépassé l'âge de retraite en matière d'assurance vieillesse agricole, entend faire des terres dont l'éviction est poursuivie est insuffisamment motivé au regard des limitations apportées à cet usage par l'article L 411-64 du code rural et de la pêche maritime ; que cette insuffisance de motivation à laquelle il n'a pas été remédié ultérieurement empêche de valider le congé qui se voit privé de tout efficacité et sera déclaré de nul effet ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a validé le congé et ordonné l'expulsion de M. Julien Y... et de Mme Marie-Françoise Z... épouse Y....
ALORS QUE bailleur n'a pas à justifier de l'usage des biens dont il poursuit l'éviction en raison de l'âge du preneur ; qu'aucun texte ne sanctionne par la nullité le fait pour le bailleur, qui a lui-même atteint l'âge de la retraite, de délivrer un congé fondé sur l'âge du preneur pour exploiter les biens repris en faire valoir direct ; qu'en retenant, pour en prononcer la nullité, que le congé délivré le 21 novembre 2012 ne donnait aucune précision sur l'usage que Mme F... entendait faire des terres dont l'éviction était poursuivie, après avoir constaté qu'elle avait elle-même dépassé l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse agricole, la cour d'appel a violé l'article L. 411-64 code rural et de la pêche maritime.