Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 mars 2018, 16-20.524, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 25 avril 2016), qu'un tribunal de commerce a ouvert le 27 septembre 2010 une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Casabat et désigné M. Y... en qualité de mandataire judiciaire ; que par un jugement du 29 juin 2011, la poursuite de l'activité a été autorisée jusqu'au 14 septembre 2011 ; qu'à cette date, le tribunal a converti la procédure en liquidation judiciaire sans maintien de l'activité et a nommé M. Y... en qualité de liquidateur ; que reprochant à M. B...       C..., gérant associé, des détournements de fonds commis au préjudice de la société Casabat après l'ouverture de la procédure, M. Y..., ès qualités, l'a assigné en paiement ; que M. X... a été désigné en remplacement de M. Y... ;

Attendu que M. B...       C... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. Y..., ès qualités, et aux droits duquel se trouve aujourd'hui M. X..., la somme de 53 956,99 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2012 alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond ne peuvent laisser incertain le fondement juridique au regard duquel ils tranchent le litige ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, M. B...       C... faisait valoir que M. Y..., ès qualités, s'était toujours gardé aussi bien en première instance qu'en appel de préciser le fondement juridique de sa demande de condamnation ; qu'en condamnant M. Manuel B...       C... au paiement de la somme de 53 956,99 euros en principal sans préciser le fondement juridique de cette condamnation, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en l'espèce, il incombait à M. Y..., ès qualités, de prouver que la société Casabat avait financé et réalisé elle-même les travaux postérieurement au jugement du 14 septembre 2011 prononçant sa liquidation judiciaire sans poursuite de l'activité ; qu'en imposant cependant à M. B...       C... de démontrer qu'il avait personnellement ou par l'intermédiaire de la société Habitat Concept Promotion avancé des fonds pour acheter des matériaux et que la société Casabat n'était pas intervenue sur le chantier postérieurement à sa liquidation judiciaire, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;

3°/ que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; qu'en se fondant sur le fait que les factures relatives au règlement des travaux réalisés au profit de la société LBL Tosse avaient été établies par la société Casabat sur du papier à son en-tête pour en déduire que M. Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Casabat démontrait le bien-fondé de sa créance alors qu'il appartenait à ce dernier, au préalable, d'établir que la société Casabat avait personnellement avancé les fonds et était intervenu sur le chantier litigieux postérieurement au jugement de liquidation judiciaire sans maintien de l'activité en date du 14 septembre 2011, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que les encaissements par M. B...       C..., sur son compte personnel, des règlements des produits facturés par la société Casabat, dont il est le gérant, constituaient des détournements de fonds commis au préjudice de la société, la cour d'appel a, sans inversion de la charge de la preuve, légalement justifié sa décision de le condamner au remboursement des sommes qui auraient dû être encaissées par la société Casabat ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. B...       C... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. B...       C....

IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné M. Manuel B...       C... à payer à Me Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Casabat et aux droits duquel se trouve aujourd'hui Me Jean-Pierre X..., la somme de 53.956,99 € avec intérêt au taux légal à compter du 27 septembre 2012.

- AU MOTIF QUE dans le délai des trois mois accordés à la société SARL CASABAT par le tribunal pour poursuivre son activité, la SCI LBL a réglé, au moyen de six chèques, divers travaux que la société lui a facturés. Monsieur A... C... a libellé à son nom personnel deux chèques sans ordre d'un montant respectif de 19.105 € et de 6.600 € et il a falsifié et rectifié à son nom propre quatre chèques émis à l'ordre de la SARL CASABAT pour les sommes de 3 277,59 €, 1 293,60 €, 16 744 € et 6 936,80 €. Il a ainsi perçu une somme totale de 53 956,99 €. Monsieur A... C..., pour s'en défendre, soutient qu'il n'a fait qu'encaisser des chèques qui correspondaient à des sommes et à des travaux qu' il avait lui-même avancées pour les premières et réalisés pour les seconds, par le biais de la société HABITAT CONCEPT PROMOTION dont il est le gérant - à l'exclusion de la SARL CASABAT qui était en liquidation - et qu'il ne saurait avoir détourné lesdites sommes de la liquidation judiciaire dans la mesure où la société ne disposait d'aucun droit pour les percevoir. Cependant, d'une part, il résulte de l'extrait KBIS que la SARL HABITAT CONCEPT PROMOTION est une société de marchand de biens. Elle n'était donc pas compétente pour procéder à des travaux de construction. D'autre part, Monsieur B...       C... est dans l'impossibilité de produire un quelconque contrat signé entre le maître d'ouvrage et HABITAT CONCEPT PROMOTION. Par ailleurs, il résulte des pièces versées au dossier que toutes les factures d'achat des matériaux destinés aux travaux à réaliser au profit de la SCI IL L TOSSE ont été établies soit au nom du maître de l'ouvrage soit au nom de la SARL CASABAT. De même, toutes les factures relatives au règlement des travaux réalisés au profit de la SCI LBL TOSSE ont été établie, par la SARL CASABAT, sur des papiers à son en-tête. En outre, Monsieur B...       C... ne verse aucun élément permettant de démontrer qu'il a personnellement ou par l'intermédiaire de la SARL HABITAT CONCEPT PROMOTION avancé des fonds pour acheter des matériaux lui permettant d'achever les travaux entrepris au profit de la SCI LBL TOSSE. Tout comme il ne produit aucune pièce établissant qu'il a travaillé en son nom personnel, à l'exclusion de toute intervention de la SARL CASABAT, sur le chantier litigieux. Enfin, la falsification à son profit de quatre chèques libellés à l'ordre de la SARL CASABAT et encaissés sur ses comptes personnels outre l'encaissement sur son compte personnel de deux autres chèques dont l'ordre n'avait pas été précisé, correspondant à des travaux qu'il n'avait pas exécutés personnellement ou par l'intermédiaire de la SARL HABITAT CONCEPT PROMOTION confirment sa mauvaise foi. En conséquence, en application de l'article 1315 du code civil, Maître Y... es-qualités démontre le bienfondé de sa créance et le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'appelant à verser au liquidateur la somme réclamée à titre principal.

- ALORS QUE D'UNE PART les juges du fond ne peuvent laisser incertain le fondement juridique au regard duquel ils tranchent le litige ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (notamment p 7), M. B...       C... faisait valoir que Me Y..., ès qualités, s'était toujours gardé aussi bien en première instance qu'en appel de préciser le fondement juridique de sa demande de condamnation ; qu'en condamnant M. Manuel B...       C... au paiement de la somme de 53.956,99 € en principal sans préciser le fondement juridique de cette condamnation, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme -

ALORS QUE D'AUTRE PART celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en l'espèce, il incombait à Me Y..., ès qualités, de prouver que la société Casabat avait financé et réalisé elle-même les travaux postérieurement au jugement du 14 septembre 2011 prononçant sa liquidation judiciaire sans poursuite de l'activité ; qu'en imposant cependant à M. B...       C... de démontrer qu'il avait personnellement ou par l'intermédiaire de la SARL Habitat Concept Promotion avancé des fonds pour acheter des matériaux et que la SARL Casabat n'était pas intervenue sur le chantier postérieurement à sa liquidation judiciaire, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil dans sa rédaction alors applicable;

-ALORS QUE DE TROISIEME PART nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; qu'en se fondant sur le fait que les factures relatives au règlement des travaux réalisés au profit de la société LBL Tosse avaient été établies par la SARL Casabat sur du papier à son en-tête pour en déduire que Me Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Casabat démontrait le bien-fondé de sa créance alors qu'il appartenait à ce dernier, au préalable, d'établir que la société Casabat avait personnellement avancé les fonds et était intervenu sur le chantier litigieux postérieurement au jugement de liquidation judiciaire sans maintien de l'activité en date du 14 septembre 2011, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction alors applicable

- ALORS QUE DE QUATRIEME PART et en tout état de cause, et à supposer même que la charge de la preuve ait incombé à M. B...       C..., les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'il en va tout spécialement ainsi lorsque, en cause d'appel, une partie produit de nouvelles pièces ; qu'en l'espèce, afin de prouver qu'il avait bien avancé des fonds pour acheter des matériaux lui permettant d'acheter les travaux entrepris au profit de la SCI LBL Tosse (cf ses conclusions p 4 et 5), M. B...       C... avait notamment produit en appel en pièce 13 bis le relevé de compte AXA de son compte joint démontrant que la commande et la facture n° 8110869 de la société Larrivière Bayon d'un montant de 3.386,83 € figurant respectivement avec la photocopie du ticket de carte bleue en pièce 8 du bordereau de communication de pièces en date du 18 septembre 2015 et en pièce 9 avait bien été débitée sur son compte joint ou encore (toujours en pièce 13 bis)
le relevé de son compte personnel BNP démontrant que la facture n° 411DIVERSSL de la société IDEAL BOIS d'un montant de 1095,01 € figurant en pièce 6 avait bien été débitée de son compte personnel ; qu'en se bornant, pour confirmer le jugement, à déplorer de manière générale et imprécise que M. B...       C... ne versait aucun élément permettant de démontrer qu'il avait personnellement ou par l'intermédiaire de la SARL Habitat Concept Promotion avancé des fonds pour acheter des matériaux lui permettant d'achever les travaux entrepris au profit de la SCI LBL Tosse, sans se prononcer sur ces divers éléments de preuve non soumis au premier juge, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 563 du code de procédure civile ;

-ALORS QU'ENFIN et en toute hypothèse, le bordereau de communication de pièces du 18 septembre 2015 annexé aux dernières conclusions d'appel n° 2 de l'exposant mentionnait expressément en pièce n°13 bis les relevés de compte de M. B... au nombre de 2 ; qu'en se bornant cependant à énoncer de manière générale et imprécise que M. B...       C... ne versait aucun élément permettant de démontrer qu'il avait personnellement ou par l'intermédiaire de la SARL Habitat Concept Promotion avancé des fonds pour acheter des matériaux lui permettant d'achever les travaux entrepris au profit de la SCI LBL Tosse sans avoir invité les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de ladite pièce n° 13 bis qui figuraient sur le bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions de M. B...       C... et dont la communication n'avait pas été contestée, la Cour d'Appel a violé l'article 16 du Code de Procédure Civile.ECLI:FR:CCASS:2018:CO00237
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