Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 mars 2018, 17-14.583, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Claude A... est décédé le [...], laissant pour lui succéder les enfants de sa soeur prédécédée, Didier et Bruno Y... ; que Didier Y... est décédé le [...], laissant pour lui succéder son épouse, Mme X..., et leurs deux enfants ; que Mme X... a saisi le tribunal de grande instance en annulation de deux avis de mise en recouvrement émis les 22 juillet et 30 septembre 2008 correspondant au solde des droits dus au titre de la succession de Claude A... et au salaire du conservateur des hypothèques ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, que la représentation successorale est admise, en ligne collatérale, en faveur des enfants et descendants des frères et soeurs du défunt, que le défunt ait eu plusieurs frères et soeurs ou un seul, en l'absence de distinction prévue par le texte ; qu'en limitant le domaine de la représentation successorale en ligne collatérale aux hypothèses où plusieurs souches seraient en concurrence et où le défunt aurait eu plusieurs frères ou soeurs, la cour d'appel a violé l'article 752-2 du code civil ensemble le principe d'égalité entre les héritiers ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 752-2 du code civil qu'il ne peut y avoir représentation, en ligne collatérale, en présence d'une seule souche ; qu'ayant constaté que Bruno et Didier Y..., enfants de l'unique soeur de Claude A..., prédécédée, ne venaient pas à la succession en concours avec des frères ou soeurs du défunt ou leurs descendants, la cour d'appel en a exactement déduit que les conditions de la représentation prévues par ce texte n'étaient pas remplies, de sorte que ceux-ci, qui faisaient valoir leurs droits propres d'héritiers, étaient soumis au taux d'imposition de 55 % applicable aux parents jusqu'au quatrième degré inclusivement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la deuxième branche du moyen :

Vu l'article 1220 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que les héritiers du codébiteur solidaire ne sont tenus de payer la dette de leur auteur qu'au prorata de leurs droits respectifs dans sa succession appliqué à la dette globale ;

Attendu que, pour rejeter la demande de Mme X..., l'arrêt énonce que si, en application de l'article 1790 du code général des impôts, les ayants droit du cohéritier décédé deviennent débiteurs de la dette, ils peuvent, selon l'article 1220 du code civil, être poursuivis au paiement de leur part dans la dette solidaire divisible à leur égard, de sorte que la moitié de la dette initiale constitue l'obligation au paiement des héritiers de Didier Y..., laquelle doit être distinguée de leur contribution finale à la dette ;

Qu'en statuant ainsi, alors que Mme X... ne pouvait être poursuivie qu'au prorata de ses droits dans la succession de son époux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne le directeur régional des finances publiques de la région Languedoc-Roussillon et du département de l'Hérault aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de ses demandes et de l'avoir condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le taux d'imposition : Madame X... conclut à l'application du taux d'imposition applicable entre collatéraux au regard des dispositions combinées des articles 777 du code général des impôts et 82 de la loi des finances du 27 décembre 2008 ; qu'au terme de ces dispositions les droits de mutation à titre gratuit ont été fixés en ligne collatérale, entre frères et soeurs vivants ou représentés, à 35 ou 45 % et entre parents jusqu'au quatrième degré inclusivement à 55 % ; que le premier juge, à juste titre, a constaté que Bruno et Didier Y..., enfants d'Odile A..., unique soeur du défunt, ne venaient pas à la succession de ce dernier en concurrence avec un oncle ou une tante mais qu'ils faisaient valoir leurs droits propres d'héritiers ; qu'en effet, en présence d'une unique souche, il n'y a pas lieu de faire application des articles 751 et suivants du code civil qui instituent une représentation pour appeler à la succession les représentants aux droits du représenté ; qu'en effet aux termes de l'article 752-2 de ce code, la représentation, en ligne collatérale, est admise en faveur des enfants de frères ou soeurs du défunt lorsqu'ils viennent à la succession concurremment avec des oncles ou tantes ; que la fiction juridique de la représentation est donc destinée à assurer l'égalité entre des souches comportant des degrés de successibles différents ; que tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'Odile A... était la soeur unique du défunt et que ses enfants ne viennent pas à la succession en la représentant ; qu'ils restent donc soumis au taux de 55 % applicable aux parents jusqu'au quatrième degré inclusivement ;

Que sur la solidarité entre cohéritiers : Madame X... soutient qu'en raison du décès de Didier Y..., ses héritiers ne peuvent être recherchés solidairement pour le paiement des droits de succession en application des dispositions de l'article 1220 du code civil ; qu'aux termes de l'article 1790 du code général des impôts les droits des déclarations des mutations par décès sont payés solidairement par les cohéritiers ; que si en vertu de cette règle les ayants droits du cohéritier décédé deviennent débiteurs de la dette antérieure que l'administration fiscale aurait pu réclamer pour le tout à leur auteur, le décès de ce cohéritier modifie les effets de la solidarité pour ses héritiers en application de l'article 1220 du code civil puisqu'ils ne peuvent être recherchés qu'au prorata de leurs droits respectifs dans sa succession ; qu'ils ne peuvent être poursuivis qu'au paiement de leur part dans la dette solidaire divisible à leur égard, soit en l'espèce la moitié de la dette initiale réclamée à Didier et Bruno Y... ; que la moitié de cette dette initiale constitue l'obligation au paiement des héritiers de Didier Y..., cette obligation devant être distinguée de leur contribution finale à la dette ; qu'en conséquence l'administration fiscale a réclamé à juste titre à Madame X... la somme de 142 868 € représentant, après déduction d'un premier acompte de 35 717 € versé le 29 mai 2008, la moitié de la dette initiale réclamée au cohéritiers de Claude A... à hauteur de la somme de 357 170 € ;

Qu'enfin Madame X... se réfère à tort aux dispositions de l'article 609 du code civil relatif uniquement aux intérêts des charges imposées sur les biens pendant la durée de l'usufruit ; qu'en application du principe de l'obligation au paiement de la part de la dette initiale due par les héritiers du codébiteur solidaire, l'administration fiscale leur réclame à juste titre les intérêts de retard ;

Que Madame X... étant déboutée de l'ensemble de ses prétentions, le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE dans sa rédaction applicable au jour où les droits de la succession en cause ont été liquidés, l'article 777 du code général des impôts a fixé les droits de mutation à titre gratuit, pour la part nette revenant à chaque ayant droit, comme suit : tarifs des droits applicables en ligne collatérale et entre non-parents : - entre frères et soeurs : à 35 % pour une part n'excédant pas 23 000 € à 45 % pour une part supérieure à 23 000 €, - entre parents jusqu'au 4ème degré inclusivement à 55 % ; que l'article 82 de la loi de finance pour 2009 n° 2008-1425 est ainsi rédigé : la deuxième ligne de la première colonne du tableau du dixième alinéa de l'article 777 du code général des impôts est complétée par les mots : « vivants ou représentés » ; que l'ajout se situe à la suite du paragraphe consacré aux taux applicables aux frères et soeurs du défunt pour donner la formule suivante : « entre frères et soeurs vivants ou représentés » ; qu'elle a pour effet de faire bénéficier les neveux et nièces venant à la succession en représentation de leur auteur prédécédé ou renonçant, c'est à dire le frère ou la soeur, du tarif applicable à leur auteur ; que l'administration a admis que cette disposition avait vocation à régir les successions ouvertes depuis le 1er janvier 2007, de sorte qu'elle concerne celle de M. Claude A..., décédé le [...]            ; que cependant, Mme Odile A... était l'unique soeur du défunt, de sorte que ses enfants, M. Bruno Y... et M. Didier Y..., ne viennent pas à la succession en concurrence avec un oncle ou une tante, mais font valoir leurs droits propres d'héritiers ; qu'en présence d'une souche unique, il n'y a pas lieu de faire appel à la technique de la représentation instituée par les articles 751 et suivants du Code civil, qui est une fiction juridique destinée à assurer l'égalité entre des souches comportant des degrés de successibles différents ; que par suite, l'administration soutient à juste titre que M. Bruno Y... et M. Didier Y... ne sont pas héritiers de Claude A... par représentation de leur mère, qu'ils ne peuvent bénéficier de l'assimilation aux frères et soeurs du défunt créée par l'article 82 de la loi du 27 décembre 2008 et qu'ils restent soumis au taux de 55 % applicable aux parents jusqu'au 4ème degré inclusivement ;

Que l'article 1709 alinéa 2 du Code civil dispose que les cohéritiers, à l'exception de ceux exonérés de droits de mutation par décès, sont solidaires ; que cohéritiers de Claude A..., M. Bruno Y... et M. Didier Y... étaient donc solidairement tenus de l'imposition sur cette succession ; qu'en vertu de l'article 756 du Code civil, Mme Bernadette X... a la qualité d'héritière légale de son défunt mari, Didier Y..., qui est décédé le [...]          , alors que la succession de sa tante était déjà entrée dans son patrimoine ; qu'elle a donc recueilli les droits de celui-ci, avec tous leurs attributs et charges ; qu'elle est par suite tenue des droits de mutation que devait son mari solidairement avec M. Bruno Y..., outre ses propres enfants ; que l'administration avait donc la faculté de lui réclamer l'imposition litigieuse et d'émettre à son encontre l'avis de mise en recouvrement qu'elle conteste à tort ;

Qu'il y a lieu en conséquence de débouter Mme Bernadette X... de l'ensemble de ses prétentions ; que partie succombante du procès, elle en supportera les dépens en vertu de l'article 696 du Code de procédure civile et sera condamnée à payer à l'administration fiscale la somme de 1 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles ;

1/ ALORS QUE la représentation successorale est admise, en ligne collatérale, en faveur des enfants et descendants des frères et soeurs du défunt que le défunt ait eu plusieurs frères et soeurs ou un seul, en l'absence de distinction prévue par le texte ; qu'en limitant le domaine de la représentation successorale en ligne collatérale aux hypothèses où plusieurs souches seraient en concurrence et où le défunt aurait eu plusieurs frères ou soeurs, la cour d'appel a violé l'article 752-2 du code civil ensemble le principe d'égalité entre les héritiers ;

2/ ALORS QUE les dettes d'une succession se divisent entre les héritiers qui n'en sont tenus personnellement qu'au prorata de leurs droits respectifs dans la succession ; qu'en énonçant que dès lors que Didier et Bruno Y... étaient tenus solidairement de la dette initiale des droits de mutation de la succession de Claude A..., la moitié de cette dette initiale constituait l'obligation au paiement des héritiers de Didier Y..., décédé, alors que l'obligation au paiement de chacun des héritiers de Didier Y... devait être calculée non pas sur le fondement du prorata des droits de ce dernier dans la succession de Claude A... mais sur le fondement du prorata des droits respectifs dans la succession de Didier Y... de chacun de ses héritiers appliqué à la dette globale initiale, la cour d'appel a violé l'article 1220 du code civil, devenu l'article 1309 ;

3/ ALORS QUE les dettes d'une succession se divisent entre les héritiers qui n'en sont tenus personnellement qu'au prorata de leurs droits respectifs dans la succession ; qu'en énonçant que Mme X..., héritière avec ses deux enfants de Didier Y..., codébiteur solidaire décédé des droits de mutation de la succession de Claude A..., était tenue de la moitié de la dette initiale globale des droits de mutation de la succession de Claude A... réclamée aux deux codébiteurs solidaires Didier et Bruno Y..., sans rechercher à quel prorata de la succession de Didier Y... Mme X... était tenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1220 du code civil devenu l'article 1309 ;

4/ ALORS QUE les dettes d'une succession se divisent entre les héritiers qui n'en sont tenus personnellement qu'au prorata de leurs droits respectifs dans la succession ; que Mme X... produisait (pièce 1) la déclaration de succession de Didier Y... attestant que ce dernier laissait pour lui succéder sa femme et ses deux enfants ; que dès lors en jugeant que Mme X... était tenue de la moitié de la dette initiale globale, sans prendre en considération les droits de chacun des héritiers de Didier Y... dans sa succession, la cour d'appel a dénaturé par omission cette pièce et le bordereau de communication de pièces annexé à ses conclusions et violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

5/ ALORS QUE les juges ne peuvent modifier l'objet du litige fixé par les écritures des parties ; que Mme X... faisait valoir dans ses écritures que n'ayant recueilli les droits de la succession Claude A... qu'en proportion des droits qu'elle-même avait reçus dans la succession de Didier Y..., soit en usufruit, elle n'était tenue que des intérêts de la dette ; qu'en énonçant qu'elle contestait, sur le fondement de sa qualité d'usufruitière, être redevable des intérêts de retard, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions, méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

6/ ALORS QUE le successeur usufruitier est tenu, à proportion de sa vocation, des seuls intérêts de la dette successorale, qui sont la charge des fruits, à l'exclusion du capital ; qu'en jugeant que Mme X..., qui se prévalait de la qualité de conjoint survivant de Didier Y... ayant opté en faveur de la totalité de la succession en usufruit, était tenue au titre de son obligation à la dette de la moitié du capital de la dette initiale de Didier Y... en sa qualité d'héritière de ce dernier, la cour d'appel a violé ensemble les articles 608, 609, 612 et 767 du code civil ;

7/ ALORS QUE le successeur usufruitier est tenu, à proportion de sa vocation, des seuls intérêts de la dette successorale, qui sont la charge des fruits, à l'exclusion du capital ; que Mme X... produisait (pièce 1) la déclaration de succession de Didier Y... attestant que ce dernier laissait pour lui succéder sa femme et ses enfants et qu'elle-même avait opté en faveur de la totalité de la succession en usufruit en sa qualité de conjoint survivant ; que dès lors en jugeant que Mme X... était tenue de la moitié du capital de la dette initiale de Didier Y... sans prendre en considération sa qualité de successeur usufruitier, la cour d'appel a dénaturé par omission cette pièce et le bordereau de communication de pièces annexé à ses conclusions et violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. ECLI:FR:CCASS:2018:C100277
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