Cour d'appel de Poitiers, 1 mars 2018, 18/000076

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE No7
COUR D'APPEL DE POITIERS
RG 18/00007
01 Mars 2018CONTENTIEUX DES SOINS PSYCHIATRIQUES
PROCEDURE DE CONTROLE DES MESURES

ORDONNANCE

Pascal X...



Nous, Jean ROVINSKI, président de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers,

Assisté, lors des débats et du prononcé, de Inès BELLIN, greffier,

avons rendu le un mars deux mille dix huit l'ordonnance suivante, sur appel formé contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention de POITIERS en date du 16 Février 2018 en matière de soins psychiatriques sans consentement.


APPELANT


Monsieur Pascal X...
né le [...]           [...]                                  
[...]

comparant en personne, assisté de Maître Céline BOUILLAULT , avocat au barreau de POITIERS

placé sous le régime de l'hospitalisation complète en soins psychiatriques sans consentement au Centre Hospitalier de POITIERS



INTIMÉS :

Monsieur le Directeur du CENTRE HOSPITALIER HENRI LABORIT
[...]                                               

non comparant

CENTRE HOSPITALIER HENRI LABORIT SERVICE DE GESTION DES MAJEURS PROTEGES, curateur de Mr X...
[...]                                               

comparant en la personne de Mme A..., curatrice


PARTIE JOINTE

Ministère public, non représenté, ayant déposé des réquisitions écrites ;




Par ordonnance du 16 février 2018, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de POITIERS a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont Monsieur Pascal X... fait l'objet au Centre Hospitalier Henri Z... de POITIERS, où il a été placé, à la demande d'un tiers -Mme A..., curatrice- le 5 février 2018.

Cette décision a été notifiée le 16 février 2018 à Monsieur Pascal X..., qui en a relevé appel, par courrier électronique en date du 23 février 2018, reçue au greffe de la cour d'appel le 23 février 2018.

Vu les avis d'audience adressés, conformément aux dispositions de l'article R. 3211-19 du code de la santé publique, à Monsieur Pascal X..., au directeur du Centre Hospitalier Henri Laborit de POITIERS, à Mme A... du CENTRE HOSPITALIER HENRI LABORIT SERVICE DE GESTION DES MAJEURS PROTEGES, curatrice, ainsi qu'au Ministère public ;

Vu les réquisitions du ministère public tendant à la confirmation de l'ordonnance entreprise ;

Vu les débats, qui se sont déroulés le 01 Mars 2018 au siège de la juridiction, en audience publique conformément aux dispositions de l'article L.3211-12-2 du code de la santé publique.

Après avoir entendu :

- le président en son rapport
- Monsieur Pascal X... en ses explications
- Mme A..., curatrice, en ses explications
- Maître Céline Y..., n'ayant soulevé aucun moyen relatif à la régularité de la procédure, en sa plaidoirie
- Monsieur Pascal X... ayant eu la parole en dernier.

Le Président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré dans l'après-midi, pour la décision suivante être rendue.

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Le 5 février 2018, X... a été admis en soins psychiatriques en urgence au centre hospitalier Laborit à Poitiers, suite à la demande d'un tiers (article 3213-3 du CSP) et sur le rapport médical du docteur B... du même jour.

Le directeur de l'établissement Henri Laborit      de Poitiers  a prononcé la prolongation de l'hospitalisation complète de M. X... par décision du 8 février 2018.

Le directeur de l'établissement Henri Laborit      de Poitiers  à saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de l'hospitalisation complète de X... le 12 février 2018.

Conformément aux dispositions de l'article R3211-29 du code de la santé publique, le procureur de la République, le directeur de l'établissement, X..., Mme A... E... de gestion des majeurs protégés Centre H. Laborit ès qualités de curateur renforcé nommé par ordonnance du juge des tutelles de Poitiers du 13 avril 2015 et son avocat Maître C..., ont été avisés de la date de l'audience.

L'audience s'est tenue au sein de l'établissement CH H. Laborit à Poitiers le 16 février 2018 à 10h30.

Sur les conclusions écrites du Ministère public du 15 février 2018 et après débats, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort du 16 février 2018, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Poitiers a :
-autorisé la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont fait l'objet X... en sa forme actuelle




-rappelé que sa décision était susceptible d'appel devant le Premier Président de la cour d'appel de Poitiers dans le délai de 10 jours à compter de sa notification par déclaration d'appel motivé, transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel de Poitiers conformément aux dispositions des articles R3211-18 et R3211-19 du décret 2011-846 du 18 juillet 2011, et que seul l'appel formé par le Ministère public peut être déclaré suspensif
-a laissé la charge des dépens à l'Etat.

X... a fait appel par lettre reçue par courrier électronique le 23 février 2018 à 16h32 de l'ordonnance rendue le 16 février 2018 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Poitiers sur la mesure de soins psychiatriques sans son consentement dont il fait l'objet.

Le Parquet général sur ses réquisitions du 26 février 2018 a conclu au maintien de l'hospitalisation sous contrainte de X..., faisant valoir que ce dernier, majeur protégé depuis deux ans présente un état délirant propre à constituer un risque important pour lui-même et pour autrui, nécessitant qu'il reçoive des soins nécessaires même sans son consentement.


SUR CE

Sur la régularité de la procédure et la recevabilité de l'appel:

Aux termes de l'article L3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1. Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement
2. Son état mental impose des soins immédiats, assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2o de l'article L3211-2-1 du code de la santé publique.

L'article L3211-12-1 de ce code dispose que l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure:
1. Avant l'expiration d'un délai de 12 jours à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent Titre ou de l'article L3214-3
2. Avant l'expiration du délai de 12 jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l'établissement ou le représentant de l'Etat a modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète en application, respectivement, du dernier alinéa de l'article L3212-4 ou du III de l'article L3213-3 du code de la santé publique.

La décision du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le Premier Président de la cour d'appel de Poitiers dans le délai de 10 jours à compter de sa notification par déclaration d'appel motivé, transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel de Poitiers conformément aux dispositions des articles R3211-18 et R3211-19 du décret 2011-846 du 18 juillet 2011, seul l'appel formé par le Ministère public pouvant être déclaré suspensif.

Il a été statué par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 16 février 2018, régulièrement notifiée le jour même.

L'appel est intervenu dans les formes requises et dans le délai utile, en sorte qu'il est recevable.


Sur le fond:

Maître Y... a insisté sur l'intolérance de M. X... à la mesure d'enfermement en cellule fermée.

La curatrice de M. X... a insisté sur l'état de souffrance psychologique de M. X... qui a conduit à la décision d'hospitalisation, laquelle est nécessaire afin de lui redonner l'énergie pour mener à bien ses projets.




Monsieur X... a été hospitalisé à la demande de son curateur et sur le certificat médical du docteur B... du 5 février 2018. Le juge des libertés a relevé que le discours de M. X... ne contredisait pas les conclusions médicales en faveur de la poursuite des soins qui sont actuellement dispensés en milieu hospitalier et qu'il y avait lieu compte tenu des troubles mentionnés dans les différents certificats médicaux de maintenir pour quelque temps du moins les soins sous la forme d'une hospitalisation complète.

Dans son certificat médical du 26 février 2018, le docteur D... explique avoir constaté les éléments cliniques suivants : "Patient en rupture de suivi médical et de traitement et qui a dû être hospitalisé pour une nouvelle décompensation délirante manifestée avec sténicité. La pathologie est toujours accompagnée d'excitation psychomotrice dans un contexte de vécu persécutif majeur qu'il ne critique toujours pas malgré le traitement. Le patient manifeste une dangerosité avec parfois des menaces envers le personnel soignant et le maintien en hospitalisation complète dans une unité fermée est nécessaire."

X... a déclaré lors de l'entretien : qu'il n'acceptait pas de se trouver en cellule fermée, sans occupation et la possibilité notamment de regarder ARTE et qu'il n'acceptait pas de se laisser traiter ainsi après avoir subi 20 ans de piratage informatique.

A l'audience devant le premier juge, M. X... a expliqué qu'il allait pas mal et qu'on a mis une voiture piégée devant son appartement qui a disparu après qu'il ait composé le 17 sur le téléphone ; qu'il lui semble que plusieurs fois des délinquants armés se mettent au bord de la rue avec les pleins phares ; qu'il a réduit son traitement et n'a pas de problème avec la drogue ; qu'il est inquiet pour sa famille et ses amis ; qu'il souhaite arrêter la méthadone ; qu'ici, il dort bien et se trouve dans une enceinte protégée tandis que dans son appartement, il a un garde du corps pour dormir et doit mettre son canapé devant la porte ; qu'il préférerait se trouver chez lui s'il s'y trouvait en sécurité.

Il ressort des certificats médicaux versés aux débats (5, 6, 8, 12 février 2018) que M. X... était en rupture de suivi médical et de traitement à son arrivée au Pavillon Minkowski, en état de décompensation psychotique, extrêmement sténique et en demande de prescription immédiate de méthadone ; que le discours délirant était exprimé avec conviction et loghorrée, l'intéressé étant polythématique (persécution, érotomanie, mégalomanie) sans faire l'objet de critique, son délire se trouvant structuré et basé sur des interprétations multiples ; que M. X... se sentait en danger et n'hésiterait pas au besoin à être agressif dans un mécanisme d'auto-défense délirant.

Dans son courrier du 22 février 2018 adressé au Juge des libertés et de la détention, M. X..., qui demande sa mise en liberté, se plaint de ses conditions d'internement qu'il juge inacceptables, qu'il essaie en vain de joindre la police pour lui expliquer qu'il a logé son pire ennemi, lequel a fait un double des clés et a tenté de mettre le feu après l'avoir cambriolé ; que sa mère a changé les serrures et lui a raccroché au nez et que Daesh ne disparaîtra pas comme ça ; que son traitement est stabilisé et qu'il se trouve en cellule de sécurité.

Il ressort du certificat du docteur D... du 26 février 2018 que la dangerosité de M. X... est encore importante, rendant nécessaire l'hospitalisation complète de l'intéressé en structure fermée, alors surtout que M. X... connaît un vécu persécutif majeur qu'il ne critique toujours pas malgré son traitement.

Les dépens de l'instance d'appel doivent être laissés à la charge de l'Etat.

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PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement, au siège de la cour d'appel, en dernier ressort, après débats en audience publique,

Vu la loi du 5 juillet 2011 et le décret d'application du 18 juillet 2011 et la loi du 27 septembre 2013 et le décret d'application du 15 août 2014 relatifs aux mesures d'hospitalisation psychiatriques sous contrainte ;



Vu l'article L3211-12-1 du code de la santé publique ;

Déclarons recevable l'appel formé par M. X... de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Poitiers mais le rejette ;

Confirmons l'ordonnance déférée ;

Laissons les dépens à la charge de l'Etat ;

Et ont, le président et le greffier, signé la présente ordonnance.



LE GREFFIER, LE PRESIDENT,



Inès BELLIN Jean ROVINSKI
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