Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 1 mars 2018, 16-22.987, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 1 mars 2018, 16-22.987, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 16-22.987
- ECLI:FR:CCASS:2018:C200234
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation sans renvoi
Audience publique du jeudi 01 mars 2018
Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, du 27 juin 2016- Président
- Mme Flise
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Gan Eurocourtage, aux droits de laquelle est venue la société Allianz, assureur de la société EADS à l'occasion de la réalisation de travaux de démolition et de reconstruction de bâtiments confiée par cette société à un groupement d'entreprises, a assigné la société Lafarge bétons Sud Ouest en paiement de sommes devant le tribunal de commerce de Toulouse ; que la société Lafarge bétons Sud Ouest a assigné les sociétés SIB Bordas, Chryso, Korodur International GmbH, Gan Eurocourtage, Airbus et M. Y... devant le tribunal de grande instance de Toulouse pour voir prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire produit au soutien de la demande en paiement ; que la société Gan Eurocourtage a saisi le juge de la mise en état d'une exception de procédure tirée de la connexité des affaires ;
Sur la recevabilité du pourvoi, examinée d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 104 et 607-1 du code de procédure civile que peut être frappé de pourvoi en cassation immédiat l'arrêt par lequel une cour d'appel se borne à statuer sur une exception de connexité ;
D'où il suit que le présent pourvoi est recevable ;
Sur le troisième moyen :
Vu les articles 51 et 101 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour accueillir l'exception de connexité entre la demande portée par la société Lafarge bétons France devant le tribunal de grande instance et celle portée par la société Gan Eurocourtage devant le tribunal de commerce de Toulouse, la cour d'appel retient que, même si M. Y... n'est pas commerçant et même s'il a conclu un acte qui ne serait pas commercial pour lui, le litige peut cependant, en l'absence de contestation de sa part, être soumis à la compétence du tribunal de commerce, la présence de cette partie aux débats ne faisant pas obstacle à la compétence de ce tribunal qui résulte de l'application des dispositions légales ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucun texte ne donne compétence au tribunal de commerce pour statuer sur une demande dirigée contre une personne n'ayant pas la qualité de commerçant et n'ayant pas accompli un acte de commerce, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette l'exception de connexité soulevée par la société Gan Eurocourtage, aux droits de laquelle est venue la société Allianz.
Dit que les dépens afférents aux instances devant les juges du fond seront supportés par M. Y..., la société Bordas industrial Group, la société Chryso, la société Korodur International GmbH, la société Allianz, la société Airbus et la société Airbus opérations ;
Rejette les demandes formées devant la cour d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. Y..., la société Bordas industrial Group, la société Chryso, la société Korodur International GmbH, la société Allianz, la société Airbus et la société Airbus opérations aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Allianz à payer à la société Lafarge bétons France la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Lafarge bétons France
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure.
EN CE QUE, statuant sur l'appel de la décision du juge de la mise en état, il a retenu l'existence d'un lien de connexité entre la demande portée par la société LAFARGE BETONS FRANCE devant le Tribunal de grande instance de Toulouse et la demande portée par la société GAN EUROCOURTAGE (aux droits de laquelle se trouve la compagnie ALLIANZ) elle-même subrogée aux droits de la société EADS, devant le Tribunal de commerce de Toulouse, puis décidé qu'il y avait lieu de dessaisir le Tribunal de grande instance de Toulouse pour statuer sur la demande de la société LAFARGE BETONS FRANCE au profit du Tribunal de commerce de Toulouse ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « En l'espèce la SAS Lafarge Bétons France demande au tribunal de grande instance de prononcer la nullité du rapport d'expertise sur le fondement duquel la SA ALLIANZ demande sa condamnation à l'indemniser devant le tribunal de commerce de Toulouse ; qu'il en ressort que le principe de connexité est établi et au demeurant nullement contesté par les parties ; qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de faire instruire et juger ensemble les deux affaires puisqu'il existe un risque de contrariété de décision ; que la compétence générale du tribunal de grande instance qui fait de lui la juridiction civile de droit commun résulte de l'article L211-3 du code de l'organisation judiciaire qui dispose que le tribunal de grande instance connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de leur nature ou du montant de la demande, à une autre juridiction ;qu'en l'espèce la nature de la demande conduirait à considérer que la juridiction compétente serait le tribunal de commerce, étant toutefois précisé que le litige ne relève pas d'une compétence d'ordre public de cette juridiction ; En effet, aux termes de l'article L721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants ainsi que de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes ; que toutes les parties au présent litige sont des commerçants à l'exception de Gérard Y..., ingénieur conseil, qui a été assigné devant le tribunal de grande instance par la SAS Lafarge Bétons France en qualité de représentant en France de la société Korodur International ; que contrairement à ce que prétend Gérard Y..., il n'a pas été assigné en qualité de représentant légal de la société Korodur International, qualité qu'il réfute fermement dans ses conclusions ; que cependant il ne s'explique pas sur sa qualité de représentant en France de la société Korodur International et ne fournit aucune explication ni document sur son statut juridique ; que la SAS Lafarge Bétons France prétend qu'il serait agent commercial mais n'en rapporte pas la preuve ; en tout état de cause Gérard Y... indique qu'il s'en remet à justice sur le mérite du débat procédural engagé par la SAS Lafarge Bétons France et il sera rappelé que, dans le cadre des opérations d'expertise ordonnées par le président du tribunal de commerce statuant en référé, il a été appelé dans la cause en son nom personnel et il a été présent aux opérations d'expertise sans toutefois invoquer l'irrégularité de la procédure à son égard ; même si Gérard Y... n'est pas commerçant et même s'il a conclu un acte qui ne serait pas commercial pour lui, le litige peut cependant, en l'absence de contestation de sa part, être soumis à la compétence du tribunal de commerce et la SAS Lafarge Bétons France n'apparaît pas fondée à solliciter l'incompétence de cette juridiction pour des raisons propres à une des parties aux débats, sachant que cette partie ne s'y oppose pas ; que la présence de Gérard Y... aux débats ne saurait dès lors faire obstacle à la compétence du tribunal de commerce qui résulte de l'application des dispositions légales ; que compte tenu du lien de connexité entre les deux affaires il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire juger ensemble par le tribunal de commerce désigné comme juridiction compétente en cas de litiges entre commerçants » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Gérard Y... n'est pas appelé en cause à titre personnel mais en qualité de représentant en France de la société KORODUR INTERNATIONAL GMBH. Il n'est donc pas partie au procès à titre personnel et seule la partie qu'il représente y figure. La société GAN EUROCOURTAGE, qui a financé des travaux de reprise et se trouve subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage, a saisi le tribunal de commerce par assignation du 10 juillet 2012. Les assignations qui ont saisi la présente juridiction ont été délivrées à compter du 05 juillet 2012. Le tribunal de commerce de TOULOUSE est donc saisi du même litige que le tribunal de grande instance de TOULOUSE ; la compagnie ALLIANZ
demanderesse à l'exception vise certes l'article 101 relatif aux exceptions de connexité mais vise aussi dans ces motifs, l'article 100 en insistant sur l'ordre chronologique des saisines, ce qui est propre à l'exception de litispendance et non à l'exception de connexité, et en indiquant que le tribunal de commerce aurait été saisi avant le tribunal de grande instance ce qui est inexact ; le fait que l'expertise de référé ait été ordonnée par le juge des référés civils ne préjuge pas de la compétence au fond de la juridiction dont ce dernier dépend. Toutes les parties sont commerçantes et il n'est pas précisé si toutes les parties à la présente instance sont aussi parties à l'instance pendante devant le tribunal de commerce ; dans ces conditions, bien que l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance - qui n'est pas d'ordre public puisque l'on n'est pas en matière de procédure collective commerciale - ne soit pas soulevée, et comme la litispendance n'est pas certaine, il apparaît de bonne justice de faire droit à l'exception de connexité et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce, en ce compris le moyen de nullité de procédure déjà joint au fond. » ;
ALORS QUE, premièrement, la partie qui a saisi la juridiction devant laquelle la connexité est soulevée, est en droit d'obtenir du juge qu'il se prononce sur l'existence de la connexité, ses conséquences, et l'opportunité d'un dessaisissement ; que dès lors, le juge saisi de l'exception de connexité a l'obligation de se prononcer sur ces différents points ; qu'en énonçant que la société LAFARGE BETONS FRANCE, auteur de la demande portée devant le Tribunal de grande instance de Toulouse, n'était pas fondée à faire statuer sur la connexité, pour des considérations tenant à l'attitude de l'une des parties aux débats, les juges du fond, qui ont refusé de statuer, ont commis un déni de justice et violé l'article 4 du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, en refusant de statuer sur l'incompétence du tribunal de commerce et l'impossibilité d'une dessaisine du Tribunal de grande instance de Toulouse au profit du Tribunal de commerce de Toulouse, quand la société LAFARGE BETONS FRANCE, auteur de la demande portée devant le Tribunal de grande instance de Toulouse était en droit de faire statuer sur cette question, les juges du fond ont à tout le moins violé le droit au procès équitable et l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QUE, troisièmement, s'il est indiqué que la partie civile justifiant la saisine du Tribunal de grande instance de Toulouse ne s'opposait pas à un renvoi à la suite de la connexité, cette circonstance était indifférente et ne privait pas la société LAFARGE BETONS FRANCE de faire statuer sur l'existence de la connexité, sur ses effets et sur son opportunité ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 4 du code civil ;
ALORS QUE, quatrièmement, en refusant de statuer sur l'incompétence du tribunal de commerce et l'impossibilité d'une dessaisine du Tribunal de grande instance de Toulouse au profit du Tribunal de commerce de Toulouse, quand la société LAFARGE BETONS FRANCE, auteur de la demande portée devant le Tribunal de grande instance de Toulouse était en droit de faire statuer sur cette question, sur la base de motif inopérant lié à l'attitude de l'une des parties à la procédure, les juges du fond ont en tout cas violé le droit au procès équitable et l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, statuant sur l'appel de la décision du juge de la mise en état, il a retenu l'existence d'un lien de connexité entre la demande portée par la société LAFARGE BETONS FRANCE devant le Tribunal de grande instance de Toulouse et la demande portée par la société GAN EUROCOURTAGE (aux droits de laquelle se trouve la compagnie ALLIANZ) elle-même subrogée aux droits de la société EADS, devant le Tribunal de commerce de Toulouse, puis décidé qu'il y avait lieu de dessaisir le Tribunal de grande instance de Toulouse pour statuer sur la demande de la société LAFARGE BETONS FRANCE au profit du Tribunal de commerce de Toulouse ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « En l'espèce la SAS Lafarge Bétons France demande au tribunal de grande instance de prononcer la nullité du rapport d'expertise sur le fondement duquel la SA ALLIANZ demande sa condamnation à l'indemniser devant le tribunal de commerce de Toulouse ; qu'il en ressort que le principe de connexité est établi et au demeurant nullement contesté par les parties ; qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de faire instruire et juger ensemble les deux affaires puisqu'il existe un risque de contrariété de décision ; que la compétence générale du tribunal de grande instance qui fait de lui la juridiction civile de droit commun résulte de l'article L211-3 du code de l'organisation judiciaire qui dispose que le tribunal de grande instance connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de leur nature ou du montant de la demande, à une autre juridiction ;qu'en l'espèce la nature de la demande conduirait à considérer que la juridiction compétente serait le tribunal de commerce, étant toutefois précisé que le litige ne relève pas d'une compétence d'ordre public de cette juridiction ; En effet, aux termes de l'article L721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants ainsi que de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes ; que toutes les parties au présent litige sont des commerçants à l'exception de Gérard Y..., ingénieur conseil, qui a été assigné devant le tribunal de grande instance par la SAS Lafarge Bétons France en qualité de représentant en France de la société Korodur International ; que contrairement à ce que prétend Gérard Y..., il n'a pas été assigné en qualité de représentant légal de la société Korodur International, qualité qu'il réfute fermement dans ses conclusions ; que cependant il ne s'explique pas sur sa qualité de représentant en France de la société Korodur International et ne fournit aucune explication ni document sur son statut juridique ; que la SAS Lafarge Bétons France prétend qu'il serait agent commercial mais n'en rapporte pas la preuve ; en tout état de cause Gérard Y... indique qu'il s'en remet à justice sur le mérite du débat procédural engagé par la SAS Lafarge Bétons France et il sera rappelé que, dans le cadre des opérations d'expertise ordonnées par le président du tribunal de commerce statuant en référé, il a été appelé dans la cause en son nom personnel et il a été présent aux opérations d'expertise sans toutefois invoquer l'irrégularité de la procédure à son égard ; même si Gérard Y... n'est pas commerçant et même s'il a conclu un acte qui ne serait pas commercial pour lui, le litige peut cependant, en l'absence de contestation de sa part, être soumis à la compétence du tribunal de commerce et la SAS Lafarge Bétons France n'apparaît pas fondée à solliciter l'incompétence de cette juridiction pour des raisons propres à une des parties aux débats, sachant que cette partie ne s'y oppose pas ; que la présence de Gérard Y... aux débats ne saurait dès lors faire obstacle à la compétence du tribunal de commerce qui résulte de l'application des dispositions légales ; que compte tenu du lien de connexité entre les deux affaires il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire juger ensemble par le tribunal de commerce désigné comme juridiction compétente en cas de litiges entre commerçants » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Gérard Y... n'est pas appelé en cause à titre personnel mais en qualité de représentant en France de la société KORODUR INTERNATIONAL GMBH. Il n'est donc pas partie au procès à titre personnel et seule la partie qu'il représente y figure. La société GAN EUROCOURTAGE, qui a financé des travaux de reprise et se trouve subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage, a saisi le tribunal de commerce par assignation du 10 juillet 2012. Les assignations qui ont saisi la présente juridiction ont été délivrées à compter du 05 juillet 2012. Le tribunal de commerce de TOULOUSE est donc saisi du même litige que le tribunal de grande instance de TOULOUSE ; la compagnie ALLIANZ
demanderesse à l'exception vise certes l'article 101 relatif aux exceptions de connexité mais vise aussi dans ces motifs, l'article 100 en insistant sur l'ordre chronologique des saisines, ce qui est propre à l'exception de litispendance et non à l'exception de connexité, et en indiquant que le tribunal de commerce aurait été saisi avant le tribunal de grande instance ce qui est inexact ; le fait que l'expertise de référé ait été ordonnée par le juge des référés civils ne préjuge pas de la compétence au fond de la juridiction dont ce dernier dépend. Toutes les parties sont commerçantes et il n'est pas précisé si toutes les parties à la présente instance sont aussi parties à l'instance pendante devant le tribunal de commerce ; dans ces conditions, bien que l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance - qui n'est pas d'ordre public puisque l'on n'est pas en matière de procédure collective commerciale - ne soit pas soulevée, et comme la litispendance n'est pas certaine, il apparaît de bonne justice de faire droit à l'exception de connexité et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce, en ce compris le moyen de nullité de procédure déjà joint au fond. » ;
ALORS QUE, à supposer que l'existence d'un lien de connexité soit caractérisée, en toute hypothèse, lorsque cette connexité concerne une demande portée devant le Tribunal de grande instance et une demande portée devant le Tribunal de commerce, elle ne peut qu'aboutir au dessaisissement du Tribunal de commerce au profit du Tribunal de grande instance, sauf exception, et ne peut dès lors justifier, lorsque la connexité est invoquée devant le Tribunal de grande instance, un dessaisissement du Tribunal de grande instance au profit du Tribunal de commerce ; qu'après avoir retenu une situation de connexité, les juges du fond ont décidé qu'il y avait lieu de dessaisir le Tribunal de grande instance au profit du Tribunal de commerce ; qu'ils ont ainsi violé l'article 101 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure.
EN CE QUE, statuant sur l'appel de la décision du juge de la mise en état, il a retenu l'existence d'un lien de connexité entre la demande portée par la société LAFARGE BETONS FRANCE devant le Tribunal de grande instance de Toulouse et la demande portée par la société GAN EUROCOURTAGE (aux droits de laquelle se trouve la compagnie ALLIANZ) elle-même subrogée aux droits de la société EADS, devant le Tribunal de commerce de Toulouse, puis décidé qu'il y avait lieu de dessaisir le Tribunal de grande instance de Toulouse pour statuer sur la demande de la société LAFARGE BETONS FRANCE au profit du Tribunal de commerce de Toulouse ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « En l'espèce la SAS Lafarge Bétons France demande au tribunal de grande instance de prononcer la nullité du rapport d'expertise sur le fondement duquel la SA ALLIANZ demande sa condamnation à l'indemniser devant le tribunal de commerce de Toulouse ; qu'il en ressort que le principe de connexité est établi et au demeurant nullement contesté par les parties ; qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de faire instruire et juger ensemble les deux affaires puisqu'il existe un risque de contrariété de décision ; que la compétence générale du tribunal de grande instance qui fait de lui la juridiction civile de droit commun résulte de l'article L211-3 du code de l'organisation judiciaire qui dispose que le tribunal de grande instance connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de leur nature ou du montant de la demande, à une autre juridiction ;qu'en l'espèce la nature de la demande conduirait à considérer que la juridiction compétente serait le tribunal de commerce, étant toutefois précisé que le litige ne relève pas d'une compétence d'ordre public de cette juridiction ; En effet, aux termes de l'article L721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants ainsi que de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes ; que toutes les parties au présent litige sont des commerçants à l'exception de Gérard Y..., ingénieur conseil, qui a été assigné devant le tribunal de grande instance par la SAS Lafarge Bétons France en qualité de représentant en France de la société Korodur International ; que contrairement à ce que prétend Gérard Y..., il n'a pas été assigné en qualité de représentant légal de la société Korodur International, qualité qu'il réfute fermement dans ses conclusions ; que cependant il ne s'explique pas sur sa qualité de représentant en France de la société Korodur International et ne fournit aucune explication ni document sur son statut juridique ; que la SAS Lafarge Bétons France prétend qu'il serait agent commercial mais n'en rapporte pas la preuve ; en tout état de cause Gérard Y... indique qu'il s'en remet à justice sur le mérite du débat procédural engagé par la SAS Lafarge Bétons France et il sera rappelé que, dans le cadre des opérations d'expertise ordonnées par le président du tribunal de commerce statuant en référé, il a été appelé dans la cause en son nom personnel et il a été présent aux opérations d'expertise sans toutefois invoquer l'irrégularité de la procédure à son égard ; même si Gérard Y... n'est pas commerçant et même s'il a conclu un acte qui ne serait pas commercial pour lui, le litige peut cependant, en l'absence de contestation de sa part, être soumis à la compétence du tribunal de commerce et la SAS Lafarge Bétons France n'apparaît pas fondée à solliciter l'incompétence de cette juridiction pour des raisons propres à une des parties aux débats, sachant que cette partie ne s'y oppose pas ; que la présence de Gérard Y... aux débats ne saurait dès lors faire obstacle à la compétence du tribunal de commerce qui résulte de l'application des dispositions légales ; que compte tenu du lien de connexité entre les deux affaires il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire juger ensemble par le tribunal de commerce désigné comme juridiction compétente en cas de litiges entre commerçants » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Gérard Y... n'est pas appelé en cause à titre personnel mais en qualité de représentant en France de la société KORODUR INTERNATIONAL GMBH. Il n'est donc pas partie au procès à titre personnel et seule la partie qu'il représente y figure. La société GAN EUROCOURTAGE, qui a financé des travaux de reprise et se trouve subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage, a saisi le tribunal de commerce par assignation du 10 juillet 2012. Les assignations qui ont saisi la présente juridiction ont été délivrées à compter du 05 juillet 2012. Le tribunal de commerce de TOULOUSE est donc saisi du même litige que le tribunal de grande instance de TOULOUSE ; la compagnie ALLIANZ
demanderesse à l'exception vise certes l'article 101 relatif aux exceptions de connexité mais vise aussi dans ces motifs, l'article 100 en insistant sur l'ordre chronologique des saisines, ce qui est propre à l'exception de litispendance et non à l'exception de connexité, et en indiquant que le tribunal de commerce aurait été saisi avant le tribunal de grande instance ce qui est inexact ; le fait que l'expertise de référé ait été ordonnée par le juge des référés civils ne préjuge pas de la compétence au fond de la juridiction dont ce dernier dépend. Toutes les parties sont commerçantes et il n'est pas précisé si toutes les parties à la présente instance sont aussi parties à l'instance pendante devant le tribunal de commerce ; dans ces conditions, bien que l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance - qui n'est pas d'ordre public puisque l'on n'est pas en matière de procédure collective commerciale - ne soit pas soulevée, et comme la litispendance n'est pas certaine, il apparaît de bonne justice de faire droit à l'exception de connexité et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce, en ce compris le moyen de nullité de procédure déjà joint au fond. » ;
ALORS QUE, premièrement, en cas de dessaisissement pour connexité, la demande principale formée devant le juge dessaisi, devient, devant le juge dont la compétence est prorogée, une demande incidente ; que toutefois, cette demande incidente ne peut être renvoyée devant une juridiction d'exception que pour autant qu'elle entre dans sa compétence d'attribution ; qu'au titre de sa compétence d'attribution, le tribunal de commerce ne peut connaître d'une demande dirigée contre une partie qui n'a pas la qualité de commerçant et qui n'accomplit pas d'actes de commerce ; que de ce point de vue également, il était exclu que les juges du fond puissent renvoyer au Tribunal de commerce une demande dirigée contre Monsieur Y... et échappant à la compétence de ce tribunal ; qu'en décidant le contraire , les juges du fond ont violé articles 51 et 101 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tous cas, à supposer que la demande formée devant le juge dessaisi par suite de la connexité, puisse conserver formellement la nature d'une demande principale, cette demande doit néanmoins être traitée, devant le juge dont la compétence est prorogée, comme une demande incidente ; qu'à ce titre il est exclu que le renvoi puisse être opéré au profit d'une juridiction d'exception n'ayant pas la compétence d'attribution nécessaire pour connaître de la demande portée devant le juge dessaisi ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé en tous cas les articles 51 et 101 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2018:C200234
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Gan Eurocourtage, aux droits de laquelle est venue la société Allianz, assureur de la société EADS à l'occasion de la réalisation de travaux de démolition et de reconstruction de bâtiments confiée par cette société à un groupement d'entreprises, a assigné la société Lafarge bétons Sud Ouest en paiement de sommes devant le tribunal de commerce de Toulouse ; que la société Lafarge bétons Sud Ouest a assigné les sociétés SIB Bordas, Chryso, Korodur International GmbH, Gan Eurocourtage, Airbus et M. Y... devant le tribunal de grande instance de Toulouse pour voir prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire produit au soutien de la demande en paiement ; que la société Gan Eurocourtage a saisi le juge de la mise en état d'une exception de procédure tirée de la connexité des affaires ;
Sur la recevabilité du pourvoi, examinée d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 104 et 607-1 du code de procédure civile que peut être frappé de pourvoi en cassation immédiat l'arrêt par lequel une cour d'appel se borne à statuer sur une exception de connexité ;
D'où il suit que le présent pourvoi est recevable ;
Sur le troisième moyen :
Vu les articles 51 et 101 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour accueillir l'exception de connexité entre la demande portée par la société Lafarge bétons France devant le tribunal de grande instance et celle portée par la société Gan Eurocourtage devant le tribunal de commerce de Toulouse, la cour d'appel retient que, même si M. Y... n'est pas commerçant et même s'il a conclu un acte qui ne serait pas commercial pour lui, le litige peut cependant, en l'absence de contestation de sa part, être soumis à la compétence du tribunal de commerce, la présence de cette partie aux débats ne faisant pas obstacle à la compétence de ce tribunal qui résulte de l'application des dispositions légales ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucun texte ne donne compétence au tribunal de commerce pour statuer sur une demande dirigée contre une personne n'ayant pas la qualité de commerçant et n'ayant pas accompli un acte de commerce, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette l'exception de connexité soulevée par la société Gan Eurocourtage, aux droits de laquelle est venue la société Allianz.
Dit que les dépens afférents aux instances devant les juges du fond seront supportés par M. Y..., la société Bordas industrial Group, la société Chryso, la société Korodur International GmbH, la société Allianz, la société Airbus et la société Airbus opérations ;
Rejette les demandes formées devant la cour d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. Y..., la société Bordas industrial Group, la société Chryso, la société Korodur International GmbH, la société Allianz, la société Airbus et la société Airbus opérations aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Allianz à payer à la société Lafarge bétons France la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Lafarge bétons France
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure.
EN CE QUE, statuant sur l'appel de la décision du juge de la mise en état, il a retenu l'existence d'un lien de connexité entre la demande portée par la société LAFARGE BETONS FRANCE devant le Tribunal de grande instance de Toulouse et la demande portée par la société GAN EUROCOURTAGE (aux droits de laquelle se trouve la compagnie ALLIANZ) elle-même subrogée aux droits de la société EADS, devant le Tribunal de commerce de Toulouse, puis décidé qu'il y avait lieu de dessaisir le Tribunal de grande instance de Toulouse pour statuer sur la demande de la société LAFARGE BETONS FRANCE au profit du Tribunal de commerce de Toulouse ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « En l'espèce la SAS Lafarge Bétons France demande au tribunal de grande instance de prononcer la nullité du rapport d'expertise sur le fondement duquel la SA ALLIANZ demande sa condamnation à l'indemniser devant le tribunal de commerce de Toulouse ; qu'il en ressort que le principe de connexité est établi et au demeurant nullement contesté par les parties ; qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de faire instruire et juger ensemble les deux affaires puisqu'il existe un risque de contrariété de décision ; que la compétence générale du tribunal de grande instance qui fait de lui la juridiction civile de droit commun résulte de l'article L211-3 du code de l'organisation judiciaire qui dispose que le tribunal de grande instance connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de leur nature ou du montant de la demande, à une autre juridiction ;qu'en l'espèce la nature de la demande conduirait à considérer que la juridiction compétente serait le tribunal de commerce, étant toutefois précisé que le litige ne relève pas d'une compétence d'ordre public de cette juridiction ; En effet, aux termes de l'article L721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants ainsi que de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes ; que toutes les parties au présent litige sont des commerçants à l'exception de Gérard Y..., ingénieur conseil, qui a été assigné devant le tribunal de grande instance par la SAS Lafarge Bétons France en qualité de représentant en France de la société Korodur International ; que contrairement à ce que prétend Gérard Y..., il n'a pas été assigné en qualité de représentant légal de la société Korodur International, qualité qu'il réfute fermement dans ses conclusions ; que cependant il ne s'explique pas sur sa qualité de représentant en France de la société Korodur International et ne fournit aucune explication ni document sur son statut juridique ; que la SAS Lafarge Bétons France prétend qu'il serait agent commercial mais n'en rapporte pas la preuve ; en tout état de cause Gérard Y... indique qu'il s'en remet à justice sur le mérite du débat procédural engagé par la SAS Lafarge Bétons France et il sera rappelé que, dans le cadre des opérations d'expertise ordonnées par le président du tribunal de commerce statuant en référé, il a été appelé dans la cause en son nom personnel et il a été présent aux opérations d'expertise sans toutefois invoquer l'irrégularité de la procédure à son égard ; même si Gérard Y... n'est pas commerçant et même s'il a conclu un acte qui ne serait pas commercial pour lui, le litige peut cependant, en l'absence de contestation de sa part, être soumis à la compétence du tribunal de commerce et la SAS Lafarge Bétons France n'apparaît pas fondée à solliciter l'incompétence de cette juridiction pour des raisons propres à une des parties aux débats, sachant que cette partie ne s'y oppose pas ; que la présence de Gérard Y... aux débats ne saurait dès lors faire obstacle à la compétence du tribunal de commerce qui résulte de l'application des dispositions légales ; que compte tenu du lien de connexité entre les deux affaires il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire juger ensemble par le tribunal de commerce désigné comme juridiction compétente en cas de litiges entre commerçants » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Gérard Y... n'est pas appelé en cause à titre personnel mais en qualité de représentant en France de la société KORODUR INTERNATIONAL GMBH. Il n'est donc pas partie au procès à titre personnel et seule la partie qu'il représente y figure. La société GAN EUROCOURTAGE, qui a financé des travaux de reprise et se trouve subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage, a saisi le tribunal de commerce par assignation du 10 juillet 2012. Les assignations qui ont saisi la présente juridiction ont été délivrées à compter du 05 juillet 2012. Le tribunal de commerce de TOULOUSE est donc saisi du même litige que le tribunal de grande instance de TOULOUSE ; la compagnie ALLIANZ
demanderesse à l'exception vise certes l'article 101 relatif aux exceptions de connexité mais vise aussi dans ces motifs, l'article 100 en insistant sur l'ordre chronologique des saisines, ce qui est propre à l'exception de litispendance et non à l'exception de connexité, et en indiquant que le tribunal de commerce aurait été saisi avant le tribunal de grande instance ce qui est inexact ; le fait que l'expertise de référé ait été ordonnée par le juge des référés civils ne préjuge pas de la compétence au fond de la juridiction dont ce dernier dépend. Toutes les parties sont commerçantes et il n'est pas précisé si toutes les parties à la présente instance sont aussi parties à l'instance pendante devant le tribunal de commerce ; dans ces conditions, bien que l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance - qui n'est pas d'ordre public puisque l'on n'est pas en matière de procédure collective commerciale - ne soit pas soulevée, et comme la litispendance n'est pas certaine, il apparaît de bonne justice de faire droit à l'exception de connexité et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce, en ce compris le moyen de nullité de procédure déjà joint au fond. » ;
ALORS QUE, premièrement, la partie qui a saisi la juridiction devant laquelle la connexité est soulevée, est en droit d'obtenir du juge qu'il se prononce sur l'existence de la connexité, ses conséquences, et l'opportunité d'un dessaisissement ; que dès lors, le juge saisi de l'exception de connexité a l'obligation de se prononcer sur ces différents points ; qu'en énonçant que la société LAFARGE BETONS FRANCE, auteur de la demande portée devant le Tribunal de grande instance de Toulouse, n'était pas fondée à faire statuer sur la connexité, pour des considérations tenant à l'attitude de l'une des parties aux débats, les juges du fond, qui ont refusé de statuer, ont commis un déni de justice et violé l'article 4 du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, en refusant de statuer sur l'incompétence du tribunal de commerce et l'impossibilité d'une dessaisine du Tribunal de grande instance de Toulouse au profit du Tribunal de commerce de Toulouse, quand la société LAFARGE BETONS FRANCE, auteur de la demande portée devant le Tribunal de grande instance de Toulouse était en droit de faire statuer sur cette question, les juges du fond ont à tout le moins violé le droit au procès équitable et l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QUE, troisièmement, s'il est indiqué que la partie civile justifiant la saisine du Tribunal de grande instance de Toulouse ne s'opposait pas à un renvoi à la suite de la connexité, cette circonstance était indifférente et ne privait pas la société LAFARGE BETONS FRANCE de faire statuer sur l'existence de la connexité, sur ses effets et sur son opportunité ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 4 du code civil ;
ALORS QUE, quatrièmement, en refusant de statuer sur l'incompétence du tribunal de commerce et l'impossibilité d'une dessaisine du Tribunal de grande instance de Toulouse au profit du Tribunal de commerce de Toulouse, quand la société LAFARGE BETONS FRANCE, auteur de la demande portée devant le Tribunal de grande instance de Toulouse était en droit de faire statuer sur cette question, sur la base de motif inopérant lié à l'attitude de l'une des parties à la procédure, les juges du fond ont en tout cas violé le droit au procès équitable et l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, statuant sur l'appel de la décision du juge de la mise en état, il a retenu l'existence d'un lien de connexité entre la demande portée par la société LAFARGE BETONS FRANCE devant le Tribunal de grande instance de Toulouse et la demande portée par la société GAN EUROCOURTAGE (aux droits de laquelle se trouve la compagnie ALLIANZ) elle-même subrogée aux droits de la société EADS, devant le Tribunal de commerce de Toulouse, puis décidé qu'il y avait lieu de dessaisir le Tribunal de grande instance de Toulouse pour statuer sur la demande de la société LAFARGE BETONS FRANCE au profit du Tribunal de commerce de Toulouse ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « En l'espèce la SAS Lafarge Bétons France demande au tribunal de grande instance de prononcer la nullité du rapport d'expertise sur le fondement duquel la SA ALLIANZ demande sa condamnation à l'indemniser devant le tribunal de commerce de Toulouse ; qu'il en ressort que le principe de connexité est établi et au demeurant nullement contesté par les parties ; qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de faire instruire et juger ensemble les deux affaires puisqu'il existe un risque de contrariété de décision ; que la compétence générale du tribunal de grande instance qui fait de lui la juridiction civile de droit commun résulte de l'article L211-3 du code de l'organisation judiciaire qui dispose que le tribunal de grande instance connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de leur nature ou du montant de la demande, à une autre juridiction ;qu'en l'espèce la nature de la demande conduirait à considérer que la juridiction compétente serait le tribunal de commerce, étant toutefois précisé que le litige ne relève pas d'une compétence d'ordre public de cette juridiction ; En effet, aux termes de l'article L721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants ainsi que de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes ; que toutes les parties au présent litige sont des commerçants à l'exception de Gérard Y..., ingénieur conseil, qui a été assigné devant le tribunal de grande instance par la SAS Lafarge Bétons France en qualité de représentant en France de la société Korodur International ; que contrairement à ce que prétend Gérard Y..., il n'a pas été assigné en qualité de représentant légal de la société Korodur International, qualité qu'il réfute fermement dans ses conclusions ; que cependant il ne s'explique pas sur sa qualité de représentant en France de la société Korodur International et ne fournit aucune explication ni document sur son statut juridique ; que la SAS Lafarge Bétons France prétend qu'il serait agent commercial mais n'en rapporte pas la preuve ; en tout état de cause Gérard Y... indique qu'il s'en remet à justice sur le mérite du débat procédural engagé par la SAS Lafarge Bétons France et il sera rappelé que, dans le cadre des opérations d'expertise ordonnées par le président du tribunal de commerce statuant en référé, il a été appelé dans la cause en son nom personnel et il a été présent aux opérations d'expertise sans toutefois invoquer l'irrégularité de la procédure à son égard ; même si Gérard Y... n'est pas commerçant et même s'il a conclu un acte qui ne serait pas commercial pour lui, le litige peut cependant, en l'absence de contestation de sa part, être soumis à la compétence du tribunal de commerce et la SAS Lafarge Bétons France n'apparaît pas fondée à solliciter l'incompétence de cette juridiction pour des raisons propres à une des parties aux débats, sachant que cette partie ne s'y oppose pas ; que la présence de Gérard Y... aux débats ne saurait dès lors faire obstacle à la compétence du tribunal de commerce qui résulte de l'application des dispositions légales ; que compte tenu du lien de connexité entre les deux affaires il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire juger ensemble par le tribunal de commerce désigné comme juridiction compétente en cas de litiges entre commerçants » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Gérard Y... n'est pas appelé en cause à titre personnel mais en qualité de représentant en France de la société KORODUR INTERNATIONAL GMBH. Il n'est donc pas partie au procès à titre personnel et seule la partie qu'il représente y figure. La société GAN EUROCOURTAGE, qui a financé des travaux de reprise et se trouve subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage, a saisi le tribunal de commerce par assignation du 10 juillet 2012. Les assignations qui ont saisi la présente juridiction ont été délivrées à compter du 05 juillet 2012. Le tribunal de commerce de TOULOUSE est donc saisi du même litige que le tribunal de grande instance de TOULOUSE ; la compagnie ALLIANZ
demanderesse à l'exception vise certes l'article 101 relatif aux exceptions de connexité mais vise aussi dans ces motifs, l'article 100 en insistant sur l'ordre chronologique des saisines, ce qui est propre à l'exception de litispendance et non à l'exception de connexité, et en indiquant que le tribunal de commerce aurait été saisi avant le tribunal de grande instance ce qui est inexact ; le fait que l'expertise de référé ait été ordonnée par le juge des référés civils ne préjuge pas de la compétence au fond de la juridiction dont ce dernier dépend. Toutes les parties sont commerçantes et il n'est pas précisé si toutes les parties à la présente instance sont aussi parties à l'instance pendante devant le tribunal de commerce ; dans ces conditions, bien que l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance - qui n'est pas d'ordre public puisque l'on n'est pas en matière de procédure collective commerciale - ne soit pas soulevée, et comme la litispendance n'est pas certaine, il apparaît de bonne justice de faire droit à l'exception de connexité et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce, en ce compris le moyen de nullité de procédure déjà joint au fond. » ;
ALORS QUE, à supposer que l'existence d'un lien de connexité soit caractérisée, en toute hypothèse, lorsque cette connexité concerne une demande portée devant le Tribunal de grande instance et une demande portée devant le Tribunal de commerce, elle ne peut qu'aboutir au dessaisissement du Tribunal de commerce au profit du Tribunal de grande instance, sauf exception, et ne peut dès lors justifier, lorsque la connexité est invoquée devant le Tribunal de grande instance, un dessaisissement du Tribunal de grande instance au profit du Tribunal de commerce ; qu'après avoir retenu une situation de connexité, les juges du fond ont décidé qu'il y avait lieu de dessaisir le Tribunal de grande instance au profit du Tribunal de commerce ; qu'ils ont ainsi violé l'article 101 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure.
EN CE QUE, statuant sur l'appel de la décision du juge de la mise en état, il a retenu l'existence d'un lien de connexité entre la demande portée par la société LAFARGE BETONS FRANCE devant le Tribunal de grande instance de Toulouse et la demande portée par la société GAN EUROCOURTAGE (aux droits de laquelle se trouve la compagnie ALLIANZ) elle-même subrogée aux droits de la société EADS, devant le Tribunal de commerce de Toulouse, puis décidé qu'il y avait lieu de dessaisir le Tribunal de grande instance de Toulouse pour statuer sur la demande de la société LAFARGE BETONS FRANCE au profit du Tribunal de commerce de Toulouse ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « En l'espèce la SAS Lafarge Bétons France demande au tribunal de grande instance de prononcer la nullité du rapport d'expertise sur le fondement duquel la SA ALLIANZ demande sa condamnation à l'indemniser devant le tribunal de commerce de Toulouse ; qu'il en ressort que le principe de connexité est établi et au demeurant nullement contesté par les parties ; qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de faire instruire et juger ensemble les deux affaires puisqu'il existe un risque de contrariété de décision ; que la compétence générale du tribunal de grande instance qui fait de lui la juridiction civile de droit commun résulte de l'article L211-3 du code de l'organisation judiciaire qui dispose que le tribunal de grande instance connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de leur nature ou du montant de la demande, à une autre juridiction ;qu'en l'espèce la nature de la demande conduirait à considérer que la juridiction compétente serait le tribunal de commerce, étant toutefois précisé que le litige ne relève pas d'une compétence d'ordre public de cette juridiction ; En effet, aux termes de l'article L721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants ainsi que de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes ; que toutes les parties au présent litige sont des commerçants à l'exception de Gérard Y..., ingénieur conseil, qui a été assigné devant le tribunal de grande instance par la SAS Lafarge Bétons France en qualité de représentant en France de la société Korodur International ; que contrairement à ce que prétend Gérard Y..., il n'a pas été assigné en qualité de représentant légal de la société Korodur International, qualité qu'il réfute fermement dans ses conclusions ; que cependant il ne s'explique pas sur sa qualité de représentant en France de la société Korodur International et ne fournit aucune explication ni document sur son statut juridique ; que la SAS Lafarge Bétons France prétend qu'il serait agent commercial mais n'en rapporte pas la preuve ; en tout état de cause Gérard Y... indique qu'il s'en remet à justice sur le mérite du débat procédural engagé par la SAS Lafarge Bétons France et il sera rappelé que, dans le cadre des opérations d'expertise ordonnées par le président du tribunal de commerce statuant en référé, il a été appelé dans la cause en son nom personnel et il a été présent aux opérations d'expertise sans toutefois invoquer l'irrégularité de la procédure à son égard ; même si Gérard Y... n'est pas commerçant et même s'il a conclu un acte qui ne serait pas commercial pour lui, le litige peut cependant, en l'absence de contestation de sa part, être soumis à la compétence du tribunal de commerce et la SAS Lafarge Bétons France n'apparaît pas fondée à solliciter l'incompétence de cette juridiction pour des raisons propres à une des parties aux débats, sachant que cette partie ne s'y oppose pas ; que la présence de Gérard Y... aux débats ne saurait dès lors faire obstacle à la compétence du tribunal de commerce qui résulte de l'application des dispositions légales ; que compte tenu du lien de connexité entre les deux affaires il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire juger ensemble par le tribunal de commerce désigné comme juridiction compétente en cas de litiges entre commerçants » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Gérard Y... n'est pas appelé en cause à titre personnel mais en qualité de représentant en France de la société KORODUR INTERNATIONAL GMBH. Il n'est donc pas partie au procès à titre personnel et seule la partie qu'il représente y figure. La société GAN EUROCOURTAGE, qui a financé des travaux de reprise et se trouve subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage, a saisi le tribunal de commerce par assignation du 10 juillet 2012. Les assignations qui ont saisi la présente juridiction ont été délivrées à compter du 05 juillet 2012. Le tribunal de commerce de TOULOUSE est donc saisi du même litige que le tribunal de grande instance de TOULOUSE ; la compagnie ALLIANZ
demanderesse à l'exception vise certes l'article 101 relatif aux exceptions de connexité mais vise aussi dans ces motifs, l'article 100 en insistant sur l'ordre chronologique des saisines, ce qui est propre à l'exception de litispendance et non à l'exception de connexité, et en indiquant que le tribunal de commerce aurait été saisi avant le tribunal de grande instance ce qui est inexact ; le fait que l'expertise de référé ait été ordonnée par le juge des référés civils ne préjuge pas de la compétence au fond de la juridiction dont ce dernier dépend. Toutes les parties sont commerçantes et il n'est pas précisé si toutes les parties à la présente instance sont aussi parties à l'instance pendante devant le tribunal de commerce ; dans ces conditions, bien que l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance - qui n'est pas d'ordre public puisque l'on n'est pas en matière de procédure collective commerciale - ne soit pas soulevée, et comme la litispendance n'est pas certaine, il apparaît de bonne justice de faire droit à l'exception de connexité et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce, en ce compris le moyen de nullité de procédure déjà joint au fond. » ;
ALORS QUE, premièrement, en cas de dessaisissement pour connexité, la demande principale formée devant le juge dessaisi, devient, devant le juge dont la compétence est prorogée, une demande incidente ; que toutefois, cette demande incidente ne peut être renvoyée devant une juridiction d'exception que pour autant qu'elle entre dans sa compétence d'attribution ; qu'au titre de sa compétence d'attribution, le tribunal de commerce ne peut connaître d'une demande dirigée contre une partie qui n'a pas la qualité de commerçant et qui n'accomplit pas d'actes de commerce ; que de ce point de vue également, il était exclu que les juges du fond puissent renvoyer au Tribunal de commerce une demande dirigée contre Monsieur Y... et échappant à la compétence de ce tribunal ; qu'en décidant le contraire , les juges du fond ont violé articles 51 et 101 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tous cas, à supposer que la demande formée devant le juge dessaisi par suite de la connexité, puisse conserver formellement la nature d'une demande principale, cette demande doit néanmoins être traitée, devant le juge dont la compétence est prorogée, comme une demande incidente ; qu'à ce titre il est exclu que le renvoi puisse être opéré au profit d'une juridiction d'exception n'ayant pas la compétence d'attribution nécessaire pour connaître de la demande portée devant le juge dessaisi ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé en tous cas les articles 51 et 101 du code de procédure civile.