Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 février 2018, 17-11.362, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 février 2018, 17-11.362, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 17-11.362
- ECLI:FR:CCASS:2018:C100213
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 28 février 2018
Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, du 19 octobre 2016- Président
- Mme Batut
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, ensemble l'article L. 3216-1 du code de la santé publique ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'action en réparation des conséquences dommageables résultant pour l'intéressé d'une décision administrative d'admission en soins sans consentement est soumise à la prescription quadriennale applicable en matière de responsabilité de l'Etat ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 17 décembre 2000, Mme X... a été admise en soins sans consentement à la demande d'un tiers, sur décision du directeur d'établissement, jusqu'au 22 janvier 2001 ; que, contestant la régularité de cette décision administrative, elle a assigné en responsabilité les centres hospitaliers de Z... et de Y... le 2 mai 2014 ;
Attendu que, pour déclarer l'action recevable, l'arrêt énonce que l'article 98 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, devenu L. 1142-28 du code de la santé publique, portant à dix ans le délai de prescription extinctive en matière de responsabilité médicale, a eu pour effet de reporter le terme du délai de prescription à l'égard de Mme X... au 1er janvier 2012 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que cette action, qui ne relevait pas de la responsabilité médicale, était soumise à la prescription quadriennale de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour le centre hospitalier de Y...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription opposée par les centres hospitaliers de Z... et de Y... et D'AVOIR en conséquence condamné le centre hospitalier de Y... à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité, le Tribunal a rejeté l'exception de prescription extinctive opposée par les Centres Hospitaliers de Z... et de Y..., considérant que la prescription quadriennale prévue à l'article 1° de la loi du 31 décembre 1968 a été remplacée par une prescription décennale en vertu de l'article L. 1142-28 du code de la Santé Publique issu de la loi du 4 mars 2002, qu'à la date d'entrée en vigueur de cette dernière le délai de quatre ans ayant commencé à courir le 22 janvier 2001, date de consolidation du dommage, n'était pas éteint, et que la réclamation faite le 16 décembre 2010 par Mme Jeanine X... a interrompu le délai de prescription ; que les Centres Hospitaliers de Z... et de Y... maintiennent que la prescription extinctive était acquise au jour de l'assignation introductive d'instance délivrée le 2 mai 2014, le délai de quatre ans ayant commencé à courir le 1er janvier 2002 et la loi du 4 mars 2002 n'ayant pas d'effet rétroactif ; que le délai de la prescription quadriennale qui a commencé à courir le 1° janvier 2002 en vertu de l'article 1° de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 applicable lors de l'hospitalisation de Mme Jeanine X..., n'était pas expiré au 7 mars 2002, date d'entrée en vigueur de l'article 98 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 portant à dix ans le délai de prescription extinctive en matière de responsabilité médicale ; que la loi nouvelle a eu pour effet de reporter le terme de ce délai au 1° janvier 2012, et la saisine du Tribunal Administratif de POITIERS par Mme Jeanine X... le 14 avril 2011 a interrompu le cours de la prescription extinctive jusqu'au 8 janvier 2014, la décision d'incompétence rendue par cette juridiction étant sans incidence sur l'interruption survenue ; que l'action en responsabilité engagée le 2 mai 2014 par Mme Jeanine X... à l'encontre des Centres Hospitaliers de Z... et de Y... est donc recevable ;
ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE sur l'exception de prescription, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, sont prescrites au profit de l'état toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle ou les droits ont été acquis ; que concernant les actions tendant à mettre en cause les professionnels de santé, cette prescription quadriennale a été remplacée par une prescription décennale prévue à l'article L. 1142-28 du code de la Santé Publique issu des dispositions de la loi du 4 mars 2002 ; que le Conseil d'Etat dans un avis du 19 mars 2003 a clairement énoncé que les dispositions nouvelles de l'article L. 1142-28 du code de la Santé Publique, plus favorables aux victimes étaient immédiatement applicables aux instances qui n'étaient pas prescrites à la date d'entrée en vigueur de la loi ; que comme le relèvent les défendeurs, Jeanine X... dont l'hospitalisation a pris fin, de fait, le 8 janvier 2001 et officiellement le 22 janvier 2001, disposait, sous l'empire des anciennes dispositions, d'un délai de quatre années à compter du 1er janvier 2002 ; que son action n'était donc pas prescrite à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; qu'elle bénéficiait ainsi sous l'empire de la loi nouvelle d'un délai de dix années qui commençait à courir non à compter du premier jour de l'année suivant celle à laquelle le droit a été acquis, mais à compter, selon le texte nouveau "de la consolidation du dommage" qui doit être fixé à la date du 22 janvier 2001 date de mainlevée de la mesure, pour se terminer le 22 janvier 2011 ; que le Conseil d'Etat dans son avis précité du 19 mars 2003 a rappelé que les causes interruptives de la prescription telles que définies par la loi du 31 décembre 1968 demeuraient inchangées et que notamment la réclamation écrite faite auprès de l'autorité administrative, même incompétente, ayant trait au fait générateur, avait un effet interruptif ; que Jeanine X... justifie de l'envoi d'une réclamation le 16 décembre 2010 ; que l'exception de prescription sera en conséquence rejetée ;
ALORS QUE sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, ainsi que des établissements publics dotés d'un comptable public, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ; qu'en vertu de ces dispositions, les actions en responsabilité fondées sur une mesure d'internement abusif d'office ou à la demande d'un tiers sont enfermées dans un délai de prescription de quatre ans ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la mesure d'internement de Mme X... à la demande d'un tiers, au titre de laquelle celle-ci a mis en cause la responsabilité du centre hospitalier de Y..., avait pris fin le 22 janvier 2001 ; que pour juger que l'action de Mme X... engagée le 2 mai 2014 n'était pas prescrite, la cour d'appel a retenu que la prescription décennale prévue par l'article L. 1142-28 du code de la santé publique issu de la loi du 4 mars 2002 entrée en vigueur le 7 mars 2002 s'était substituée à la prescription quadriennale, dont le point de départ était en l'espèce le 1er janvier 2002, et qui n'était donc pas expirée au 7 mars 2002, de sorte que la prescription décennale substituée n'était pas expirée le 14 avril 2011, date à laquelle Mme X... avait saisi le tribunal administratif de Poitiers, interrompant la prescription jusqu'à la décision d'incompétence rendue le 8 janvier 2014 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968.ECLI:FR:CCASS:2018:C100213
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, ensemble l'article L. 3216-1 du code de la santé publique ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'action en réparation des conséquences dommageables résultant pour l'intéressé d'une décision administrative d'admission en soins sans consentement est soumise à la prescription quadriennale applicable en matière de responsabilité de l'Etat ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 17 décembre 2000, Mme X... a été admise en soins sans consentement à la demande d'un tiers, sur décision du directeur d'établissement, jusqu'au 22 janvier 2001 ; que, contestant la régularité de cette décision administrative, elle a assigné en responsabilité les centres hospitaliers de Z... et de Y... le 2 mai 2014 ;
Attendu que, pour déclarer l'action recevable, l'arrêt énonce que l'article 98 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, devenu L. 1142-28 du code de la santé publique, portant à dix ans le délai de prescription extinctive en matière de responsabilité médicale, a eu pour effet de reporter le terme du délai de prescription à l'égard de Mme X... au 1er janvier 2012 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que cette action, qui ne relevait pas de la responsabilité médicale, était soumise à la prescription quadriennale de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour le centre hospitalier de Y...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription opposée par les centres hospitaliers de Z... et de Y... et D'AVOIR en conséquence condamné le centre hospitalier de Y... à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité, le Tribunal a rejeté l'exception de prescription extinctive opposée par les Centres Hospitaliers de Z... et de Y..., considérant que la prescription quadriennale prévue à l'article 1° de la loi du 31 décembre 1968 a été remplacée par une prescription décennale en vertu de l'article L. 1142-28 du code de la Santé Publique issu de la loi du 4 mars 2002, qu'à la date d'entrée en vigueur de cette dernière le délai de quatre ans ayant commencé à courir le 22 janvier 2001, date de consolidation du dommage, n'était pas éteint, et que la réclamation faite le 16 décembre 2010 par Mme Jeanine X... a interrompu le délai de prescription ; que les Centres Hospitaliers de Z... et de Y... maintiennent que la prescription extinctive était acquise au jour de l'assignation introductive d'instance délivrée le 2 mai 2014, le délai de quatre ans ayant commencé à courir le 1er janvier 2002 et la loi du 4 mars 2002 n'ayant pas d'effet rétroactif ; que le délai de la prescription quadriennale qui a commencé à courir le 1° janvier 2002 en vertu de l'article 1° de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 applicable lors de l'hospitalisation de Mme Jeanine X..., n'était pas expiré au 7 mars 2002, date d'entrée en vigueur de l'article 98 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 portant à dix ans le délai de prescription extinctive en matière de responsabilité médicale ; que la loi nouvelle a eu pour effet de reporter le terme de ce délai au 1° janvier 2012, et la saisine du Tribunal Administratif de POITIERS par Mme Jeanine X... le 14 avril 2011 a interrompu le cours de la prescription extinctive jusqu'au 8 janvier 2014, la décision d'incompétence rendue par cette juridiction étant sans incidence sur l'interruption survenue ; que l'action en responsabilité engagée le 2 mai 2014 par Mme Jeanine X... à l'encontre des Centres Hospitaliers de Z... et de Y... est donc recevable ;
ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE sur l'exception de prescription, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, sont prescrites au profit de l'état toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle ou les droits ont été acquis ; que concernant les actions tendant à mettre en cause les professionnels de santé, cette prescription quadriennale a été remplacée par une prescription décennale prévue à l'article L. 1142-28 du code de la Santé Publique issu des dispositions de la loi du 4 mars 2002 ; que le Conseil d'Etat dans un avis du 19 mars 2003 a clairement énoncé que les dispositions nouvelles de l'article L. 1142-28 du code de la Santé Publique, plus favorables aux victimes étaient immédiatement applicables aux instances qui n'étaient pas prescrites à la date d'entrée en vigueur de la loi ; que comme le relèvent les défendeurs, Jeanine X... dont l'hospitalisation a pris fin, de fait, le 8 janvier 2001 et officiellement le 22 janvier 2001, disposait, sous l'empire des anciennes dispositions, d'un délai de quatre années à compter du 1er janvier 2002 ; que son action n'était donc pas prescrite à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; qu'elle bénéficiait ainsi sous l'empire de la loi nouvelle d'un délai de dix années qui commençait à courir non à compter du premier jour de l'année suivant celle à laquelle le droit a été acquis, mais à compter, selon le texte nouveau "de la consolidation du dommage" qui doit être fixé à la date du 22 janvier 2001 date de mainlevée de la mesure, pour se terminer le 22 janvier 2011 ; que le Conseil d'Etat dans son avis précité du 19 mars 2003 a rappelé que les causes interruptives de la prescription telles que définies par la loi du 31 décembre 1968 demeuraient inchangées et que notamment la réclamation écrite faite auprès de l'autorité administrative, même incompétente, ayant trait au fait générateur, avait un effet interruptif ; que Jeanine X... justifie de l'envoi d'une réclamation le 16 décembre 2010 ; que l'exception de prescription sera en conséquence rejetée ;
ALORS QUE sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, ainsi que des établissements publics dotés d'un comptable public, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ; qu'en vertu de ces dispositions, les actions en responsabilité fondées sur une mesure d'internement abusif d'office ou à la demande d'un tiers sont enfermées dans un délai de prescription de quatre ans ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la mesure d'internement de Mme X... à la demande d'un tiers, au titre de laquelle celle-ci a mis en cause la responsabilité du centre hospitalier de Y..., avait pris fin le 22 janvier 2001 ; que pour juger que l'action de Mme X... engagée le 2 mai 2014 n'était pas prescrite, la cour d'appel a retenu que la prescription décennale prévue par l'article L. 1142-28 du code de la santé publique issu de la loi du 4 mars 2002 entrée en vigueur le 7 mars 2002 s'était substituée à la prescription quadriennale, dont le point de départ était en l'espèce le 1er janvier 2002, et qui n'était donc pas expirée au 7 mars 2002, de sorte que la prescription décennale substituée n'était pas expirée le 14 avril 2011, date à laquelle Mme X... avait saisi le tribunal administratif de Poitiers, interrompant la prescription jusqu'à la décision d'incompétence rendue le 8 janvier 2014 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968.