Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 15 février 2018, 16-25.816, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 13 septembre 2016), que Mme Y... exploite, par dévolution d'un bail rural consenti le 17 octobre 1975 à son époux décédé le [...]       , des parcelles appartenant à Mme Z... ; que les terres louées ont été mises à la disposition de l'EARL B... constituée en 2010 ; que la bailleresse n'a pas accédé à la demande de Mme Y... de voir céder le bail à son fils Quentin devenu associé exploitant ; que, par déclaration du 8 novembre 2013, M. et Mme Y... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en autorisation de cession ;

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de refuser l'autorisation demandée ;

Mais attendu qu'ayant retenu, exactement, que, lorsque les terres sont destinées à être exploitées dès la cession du bail par mise à la disposition d'une société et que l'opération est soumise à autorisation administrative au titre du contrôle des structures, celle-ci doit être sollicitée par le groupement et, souverainement, que l'EARL B... exploitant une superficie qui dépassait le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures applicable en la cause ne bénéficiait pas de son chef d'une autorisation d'exploiter, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Y... et les condamne à payer à Mme Z... la somme de 3 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR refusé à Mme Claudie X... veuve Y... l'autorisation de céder à M. Quentin Y... le bail rural dont elle est titulaire portant sur les parcelles de terres sises sur le terroir de la commune de Juvincourt d'une contenance totale de 13 ha 95 a et 70 ca dont Mme Gisèle Z... est l'actuelle propriétaire ;

AUX MOTIFS QUE la faculté que se voit reconnaître par l'article L. 411-35 du code rural, le preneur de céder son bail à l'une des personnes visées à cet article constitue une exception au principe d'incessibilité du bail rural et est réservée au preneur qui a satisfait l'ensemble des obligations du bail ; en cas de refus du bailleur d'agréer la cession, elle peut être autorisée judiciairement si elle ne risque pas de porter préjudice aux intérêts légitimes du bailleur entendus comme la garantie que le repreneur assurera la bonne exploitation du fonds ; que la jurisprudence, pour apprécier la garantie de bonne exploitation du fonds par le cessionnaire a aligné les conditions qu'il doit présenter à la date de la cession projetée, soit celle où le juge statue sur celles exigées du bénéficiaire de la reprise par l'article L. 411-59 du code rural ; que tout comme la reprise, lorsque les terres sont destinées à être exploitées dès la cession dans le cadre d'une société et si l'opération est soumise à autorisation, celle-ci doit être obtenue par la société ; que la cession ne saurait être judiciairement autorisée qu'en cas de situation conforme à la réglementation sur le contrôle des structures, puisqu'à défaut, la pérennité du bail serait affectée par la nullité encourue en application de l'article L. 331-6 du code rural et la bonne exploitation du fonds compromise ; que s'il résulte des termes de l'article L. 331-2 du code rural tant dans sa version résultant de sa modification opérée par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 que de celle opérée par la loi n° 2014-11070 du 13 octobre 2014 que la constitution d'une société n'est pas soumise à autorisation préalable lorsqu'elle résulte de la transformation d'une exploitation individuelle détenue par une personne physique qui en devient associé exploitant, cette dispense d'autorisation d'exploiter suppose que la personne physique soit en règle avec le contrôle des structures ; la mise en société ne saurait, en effet, purger rétroactivement l'irrégularité d'une exploitation agricole individuelle vis-à-vis du contrôle des structures, sauf pour cette société à obtenir de son chef une autorisation d'exploiter ; qu'en l'occurrence, il résulte des éléments du dossier que les intimés ne justifient pas que Mme Claudie X... veuve Y... bénéficiait d'une autorisation d'exploiter avant l'apport de son exploitation à l'Earl B... qui fut à l'origine de la constitution de cette société, laquelle exploite 169 hectares au vu de son relevé parcellaire, soit une superficie qui dépasse le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures qui continue de s'appliquer dans l'attente de la parution du schéma directeur régional des exploitations agricoles issu de la loi du 13 octobre 2014 ; qu'il est constant que cette société ne bénéficie pas de son chef d'une autorisation d'exploiter et l'absence de mise en demeure par l'administration ne vaut pas régularisation de sa situation vis-à-vis des règles sur le contrôle des structures ; que l'article L. 331-1-1 du code rural créé par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 qui qualifie d'agrandissement d'exploitation ou de réunion d'exploitations au bénéfice d'une personne le fait, pour celle-ci, mettant en valeur une exploitation agricole à titre individuel ou dans le cadre d'une personne morale, d'accroître la superficie de cette exploitation et qui dispose que la mise à disposition des biens d'un associé exploitation lors de son entrée dans une personne morale est considérée comme un agrandissement ou une réunion d'exploitations au bénéfice d'une personne morale, n'a fait qu'entériner les principes dégagés par la jurisprudence sous l'empire de la loi du 5 janvier 2006 ; qu'en l'occurrence, il résulte de la consultation du site Infogreffe versée aux débats que M. Quentin Y... outre sa participation en tant qu'associé exploitant de l'Earl B... est également associé exploitant de la Scea Y... qui exploite 167 hectares au vu du relevé parcellaire et de la Scea de Juvincourt ; que la prise de participation de M. Quentin Y... dans le capital social de l'Earl B... , du fait de la superficie mise en valeur par cette société qui vient en outre s'ajouter à ses autres participations au sein des sociétés précitées en tant qu'associé exploitante nécessitait une autorisation d'exploiter ; qu'ainsi, en l'absence non seulement d'une autorisation d'exploiter de l'Earl B... au profit de laquelle après la cession projetée les terres continueront à être mises à disposition mais encore d'une autorisation individuelle de M. Quentin Y... lors de sa prise de participation au sein de cette société, la cession projetée ne s'inscrit pas dans un cadre conforme à la réglementation sur le contrôle des structures ; que Mme Claudie X... veuve Y... se verra donc refuser à être autorisée à céder son bail à son fils Quentin Y... et le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions ;

1) ALORS QUE l'exploitant qui poursuit le bail dont son conjoint décédé était titulaire, est soumis à la législation relative au contrôle des structures dans sa rédaction applicable à la date du décès de ce dernier ; qu'en application de la réglementation sur le contrôle des structures en vigueur du 1er février 1995 au 10 juillet 1999, l'installation individuelle réalisée par une personne physique, justifiant soit d'un diplôme, soit d'une expérience, quelle que soit la superficie de l'exploitation, n'était pas soumise à autorisation d'exploiter ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer, pour refuser à Mme Y... l'autorisation de céder son bail à son fils, qu'elle ne justifiait pas détenir une autorisation d'exploiter avant l'apport de l'exploitation à l'Earl B... , sans vérifier si l'installation de Mme Y..., en avril 1997, à la date du décès de son conjoint initialement titulaire du bail, était subordonnée à une telle autorisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-35 et L. 331-3 ancien du code rural et de la pêche maritime ;

2) ALORS QUE le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, sans se référer à des circulaires et réponses ministérielles dépourvues de toute valeur normative ; qu'en l'espèce, pour apprécier la conformité de la situation de Quentin Y... à la législation sur le contrôle des structures, la cour d'appel s'est fondée sur les principes dégagées par les circulaires ministérielles du 8 août 2006 et du 21 mai 2008 relatives au contrôle de la prise de participation active dans une société par un exploitant individuel ou sous forme sociétaire ; qu'en se déterminant ainsi au regard de ces circulaires dépourvues de toute valeur normative, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile et l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ;

3) ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif, sauf à ce que le législateur ait expressément décidé le contraire ; que pour apprécier la conformité de la situation de Quentin Y... à la législation sur le contrôle des structures, la cour d'appel s'est fondée sur le nouvel article L. 331-1-1 issu de la loi du 13 octobre 2014 et du décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 ; qu'en se déterminant ainsi, cependant qu'à la date à laquelle la situation de Quentin Y... devait être examinée, en 2011, année de sa prise de participation dans l'Earl B... , ces dispositions n'étaient pas encore entrées en vigueur, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil et l'article L. 331-1-1 du code rural et de la pêche maritime ;

4) ALORS en toute hypothèse QUE l'application du régime relatif à la prise de participation active dans une société par un exploitant individuel ou sous forme sociétaire suppose que le futur associé exploitant soit déjà titulaire d'une exploitation agricole ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que la prise de participation de Quentin Y... dans le capital social de l'Earl B... nécessitait une autorisation d'exploiter, que la superficie mise en valeur par cette société ajoutée à celles exploitées à travers ses autres participations au sein de la Scea Y... et de la Scea de Juvincourt, en tant qu'associé exploitant, dépassait le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures, sans constater sa qualité d'exploitant au sein de la Scea Y... et de la Scea de Juvincourt au jour de son entrée dans l'Earl B... , la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-35 et L. 331-1 ancien du code rural et de la pêche maritime.ECLI:FR:CCASS:2018:C300159
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