Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 février 2018, 16-19.656, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 23 a) de la convention collective nationale de tourisme social et familial du 28 juin 1979, ensemble l'article L. 1244-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige :

Attendu selon le premier de ces textes, que le personnel saisonnier ayant travaillé dans le même établissement pendant deux saisons consécutives bénéficie, sauf motif dûment fondé, du renouvellement de son contrat dans sa qualification pour une même période d'activité, que l'employeur doit lui adresser son contrat, au plus tard un mois avant la date d'engagement et l'intéressé lui signifier son accord ou son refus dans les quinze jours qui suivent la proposition ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été employé par la société M. Vacances en qualité de serveur polyvalent expérimenté au cours des saisons 2004 à 2009  ; que le 3 février 2010, l'employeur lui a adressé une proposition de contrat pour la période du 14 février au 30 septembre 2010 en lui indiquant qu'à défaut de réponse au 9 février il serait présumé avoir renoncé à cet emploi ; qu'il a été convoqué le 1er mars 2010 à un entretien préalable à un éventuel licenciement puis licencié le 19 mars 2010 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à dire que la rupture du contrat de travail était imputable à l'employeur et en paiement de sommes à ce titre ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que le défaut de réponse du salarié à la proposition de renouvellement du contrat de l'employeur, qui emporte annulation de plein droit de la titularisation en application de l'article 23 c) de la convention collective précitée, a entraîné l'absence de formation du nouveau contrat et la perte du droit à renouvellement du contrat suivant une renonciation certaine et non équivoque ; que la non-conformité formelle de la proposition aux dispositions de l'article 23 précité de la convention collective, en l'occurrence l'indication des conditions du nouveau contrat sans cependant l'envoi de celui-ci, le non-respect du délai de prévenance d'un mois ainsi que du délai de réponse de 15 jours, ne peuvent être analysés en une rupture irrégulière ou en un licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence de grief démontré aux droits du salarié, alors que les considérations qui précèdent excluent toute relation causale entre cette non-conformité et ce défaut de réponse ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la proposition de nouvelle collaboration pour la période du 14 février au 30 septembre 2010 était tardive comme ayant été faite moins d'un mois avant le début de la nouvelle saison, ce dont il résultait que le salarié pouvait se prévaloir d'une absence de renouvellement de son contrat de travail imputable à l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne Mme Y..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la SCP Coutard et Munier-Apaire la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que M. X... avait été à l'initiative de la rupture de la relation contractuelle à durée indéterminée par renonciation à la proposition de reconduction pour la saison 2010, et ce dès le 9 février 2010, d'AVOIR dit en conséquence que la procédure de licenciement était de nul effet, faute de relation de travail entre les parties et d'AVOIR débouté M. X... de sa demande tendant à voir dire sans cause réelle et sérieuse son licenciement et de sa demande au titre de l'indemnité de 1/10ème applicable au non-renouvellement à l'initiative de l'employeur.

AUX MOTIFS PROPRES QUE « les diverses attestations des salariés cités par le premier juge concordent pour confirmer en leur substance même les faits sanctionnés par l'avertissement de l'employeur, malgré la discussion de leur détail avancée par le salarié, ce qui justifie la sanction disciplinaire ; que le défaut de réponse de M. X... à la proposition de renouvellement du contrat de l'employeur, qui emporte annulation de plein droit de la titularisation en application de l'article 23 c de la convention collective précitée, a entraîné l'absence de formation du nouveau contrat et la perte du droit à renouvellement du salarié suivant une renonciation certaine et non équivoque comme intervenue après renseignements pris auprès de Mme A..., serveuse qui en atteste, sur les nouvelles conditions de travail et son propre statut, celui-ci précédemment contesté entre les parties quant à la qualité de chef de salle ; que la non-conformité formelle de la proposition aux dispositions de l'article 23 précité de la convention collective, en l'occurrence l'indication des conditions du nouveau contrat sans cependant l'envoi de celui-ci, le non-respect du délai de prévenance d'un mois ainsi que du délai de réponse de 15 jours, ne peuvent pas être analysés en une rupture irrégulière ou licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence de grief démontré aux droits du salarié alors que les considérations qui précèdent excluent toute relation causale entre cette non-conformité et ce défaut de réponse ; qu'il y a lieu, dès lors, de confirmer le jugement entrepris y compris en la conséquence de l'absence de droit à l'indemnité demandée ; que les dépens d'appel sont mis à la charge de M. X... qui succombe mais sans application, par considération d'équité, de l'article 700 du code de procédure civile » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur la rupture de la relation de travail, le contrat de travail était soumis à la convention collective des organismes de tourisme social et familial modifiée par avenant du 27 novembre 87 étendu par arrêté du 20 avril 90 ; qu'il en résulte que le personnel ayant travaillé dans le même établissement pendant deux saisons consécutives bénéficie, sauf motif dûment fondé, du renouvellement de son contrat dans sa qualification pour une même période d'activité, sans garantie de durée identique et qu'en tout état de cause, il est alors prioritaire avant tout recrutement extérieur sur les postes à pourvoir relevant de sa qualification professionnelle précise et de ses compétences pour la saison suivante ; que le personnel saisonnier ayant travaillé 12 mois sur deux années consécutives bénéficie des avantages prévus à l'article 30 et dénommé saisonnier titulaire ; que pour respecter cette priorité d'emploi, l'employeur selon l'article 23 a de la convention collective doit adresser au salarié son contrat au plus tard un mois avant la date d'engagement, et le salarié signifie son accord ou son refus dans les 15 jours qui suivent la proposition ; que l'article 23 c de la convention précise les conditions du non-renouvellement : il est notifié par écrit par l'une ou l'autre des parties à la fin du contrat en cours ; qu'en cas de non-renouvellement du contrat à l'initiative de l'employeur, celui-ci doit adresser une signification écrite et motivée, ce qui ouvre alors droit au salarié saisonnier à une indemnité égale au 10e mois de salaire par saison complète telle que définie au contrat, effectuées jusqu'à la fin du contrat en cours, calculé sur la base du salaire prévue au dernier contrat ; que la non-acceptation ou la non réponse de la part du salarié à une proposition de renouvellement du contrat a alors pour effet d'annuler de plein droit la titularisation (sauf cas de maternité, maladie, accident, stages de formation à l'initiative de l'employeur, cas pour lesquels le salarié doit avertir l'employeur conformément au droit et aux usages, ou exemptions exceptionnelles de contrat pour une période d'activité déterminée) ; qu'en raison des renouvellements intervenus en application de la clause conventionnelle de renouvellement, les contrats saisonniers successifs constituent même si chaque période de travail n'est garantie que pour la saison, un ensemble à durée indéterminée dont la rupture à l'initiative de l'employeur est soumise à l'exigence d'une cause réelle et sérieuse ; que chaque contrat pris individuellement reste un contrat à durée déterminée et ne peut être rompu que selon les modalités propres au contrat à durée déterminée ; que si l'employeur a l'obligation en cas de non-renouvellement, qui produit les effets d'un licenciement, de justifier d'un motif réel et sérieux, la situation contractuelle entre les parties témoigne au contraire qu'une proposition de renouvellement a été adressée au salarié reçu le 5 février 2010, pour une reconduction pour la saison 2010 débutant le 14 février 2010 ; que l'article 23 a de la convention collective prévoit un délai de prévenance d'un mois avant la date d'engagement, à la suite duquel le salarié signifie son accord ou son refus dans les 15 jours qui suivent la proposition ; qu'en l'espèce, ce délai n'a pas été respecté par l'employeur, mais le salarié a bien accusé réception le 5 février 2010 de la proposition d'engagement pour la saison 2010 et ne justifie pas avoir été empêché de rejoindre son emploi à cause d'un délai trop court de prévenance ou d'une réception tardive de la proposition par rapport à la date de début d'emploi, alors qu'il était titularisé par l'effet de l'article 23 b et qu'il connaissance donc l'existence de la priorité de réembauche, si bien qu'il ne peut justifier d'un préjudice à cet égard ; qu'il n'a pas sollicité de délai pour se présenter à son poste ; que le simple non-respect du délai de prévenance prévu par la convention collective n'est pas susceptible de rendre sans cause réelle et sérieuse la rupture des relations contractuelles ; que l'employeur avait précisé dans sa proposition d'engagement contenant précisément la qualification, la rémunération, et la période d'emploi, que sans réponse par le salarié au 9 février 2010, il prendrait note de sa renonciation à cette collaboration ; que M. X... a contesté avoir dit qu'il serait présent le 14.02.2010, estimant que selon la lettre reçue le 05.02.2010, il était considéré sans réponse au 09.02.2010 avoir renoncé à cet emploi et être au chômage ; que la SARL M VACANCES verse aux débats l'attestation de Mme A... qui témoigne que début février 2010, sur conversation sur messagerie MSN, le salarié l'a interrogé sur le maintien ou non de ces jours de repos hebdomadaires le samedi et dimanche, l'équipe mise en place et son propre statut, qu'elle a informé n'avoir pas établi les plannings définitifs avec l'équipe de salles, que le fait qu'il l'interroge sur ses habituels repos, l'a laissé penser qu'il serait présent pour la reprise le 14 février 52010 et qu'elle en a informé sa direction M. B... ; que ce dernier a attesté avoir été informé le 8 février 2010 par Mme A... que M. X... reprendrait son poste de serveur en salle au Mas Blanc le 14 février 2010 comme prévu, qu'elle lui a indiqué avoir eu une conversation Internet avec ce dernier au sujet du planning de travail pour la reprise ; que néanmoins cette seule conversation MSN entre M. X... et une autre salariée, rapportée indirectement au directeur du village de vacances M. B..., ne peut être considérée comme valant accord du salarié à la proposition d'emploi, alors que seul l'employeur doit être destinataire d'une manifestation de volonté précise du salarié qu'il emploie de manière à entamer un nouveau contrat à durée déterminée saisonnier ; que par conséquent, le salarié ne peut être considéré comme ayant été en exécution d'un nouveau contrat saisonnier depuis le 14 février 2010 et ne peut donc être considéré en abandon de poste pour ne pas s'être présenté depuis cette date pour la saison 2010 ; qu'il convient de considérer que le salarié a été à l'initiative de la rupture contractuelle dès le 09.02.2010 et qu'aucune procédure de licenciement n'était donc à engager par l'employeur selon les modalités permettant la rupture d'un contrat à durée déterminée et notamment pour faute grave ; que M. X... sera débouté de sa demande tendant à voir juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement, lequel était de nul effet faute de relation de travail reconduite entre les parties ; qu'il sera débouté de sa demande indemnitaire subséquente ;

Sur l'indemnité du 1/10ème : que le salarié étant à l'origine du non-renouvellement de la relation de travail, il est mal fondé à solliciter l'indemnité de 1/10ème prévue par la convention collective à l'article 23 c, en cas de non renouvellement à l'initiative de l'employeur ; que M. X... sera débouté de sa demande » ;

1°) ALORS, D'UNE PART, QU'en application de l'article L. 1244-2 du code du travail, l'article 23 de la convention collective nationale des organismes de tourisme social et familial prévoit que le personnel saisonnier ayant travaillé pendant deux saisons consécutives bénéficie, sauf motif dûment fondé, du renouvellement de son contrat dans sa qualification pour une même période d'activité sans garantie de durée identique ; que lorsque des renouvellements sont intervenus sur le fondement de l'article précité, les contrats saisonniers successifs constituent un ensemble à durée indéterminée, qui ne peut être rompu que par la notification d'une décision de non-renouvellement motivée, avant la fin du contrat en cours, ou par un licenciement, en cours de saison ; qu'en l'espèce, il est constant et constaté par les juges du fond que l'employeur n'a pas notifié à M. X..., avant la fin de la saison 2009, sa volonté de ne pas renouveler le contrat pour la saison suivante, de sorte que la relation contractuelle s'est poursuivie jusqu'au licenciement du salarié pour faute grave le 19 mars 2010 ; qu'en jugeant néanmoins que « le défaut de réponse de M. X... à la proposition de renouvellement du contrat de l'employeur, qui emporte annulation de plein droit de la titularisation en application de l'article 23 c de la convention collective précitée, a[vait] entraîné l'absence de formation du nouveau contrat et la perte du droit au renouvellement du salarié suivant une renonciation certaine et non équivoque », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 23 de la convention collective nationale des organismes de tourisme social et familial, ensemble l'article L. 1244-2 du code du travail ;

2°) ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la renonciation à un droit ou à une action, pour être utilement opposée par celui qui s'en prévaut, doit être certaine et non équivoque et ne peut résulter du seul silence du salarié à une proposition de renouvellement de son employeur qui ne respecte pas les conditions et délais prévus par l'article 23 de la convention collective applicable ; qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que, nonobstant l'obligation d'adresser au salarié au plus tard un mois avant la date d'engagement, son contrat de travail, ce qui ouvre au salarié un délai de quinze jours pour signifier son accord ou son refus, la société M VACANCES n'a fait parvenir la proposition de renouvellement du contrat à M. X... que par courrier du 3 février 2010, reçu le 5 février 2010 pour commencer la saison le 14 février suivant, en ne lui laissant que jusqu'au 9 février 2010 pour lui répondre ; qu'en cet état, la cour d'appel a estimé que le défaut de réponse de M. X... à la proposition de renouvellement du contrat constituait une renonciation certaine et non équivoque entraînant la perte du droit à renouvellement et que la non-conformité formelle de la proposition – résultant de l'absence d'envoi du contrat, du non-respect du délai de prévenance d'un mois ainsi que de la méconnaissance du délai de réponse de quinze jours – ne pouvait être analysée comme une rupture irrégulière ou un licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence de grief démontré aux droits du salarié ; qu'en statuant ainsi, sans tirer les conséquences de ses propres constatations, elle a violé l'article 23 de la convention collective nationale des organismes de tourisme social et familial, ensemble l'article L. 1244-2 du code du travail ;

3°) ALORS, EN OUTRE, QUE la rupture est imputable à l'employeur et le licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque celui-ci ne respecte pas les exigences posées par l'article 23 de la convention collective nationale des organismes de tourisme social et familial qui ont pour objet de protéger le consentement du salarié, ; qu'après avoir elle-même constaté en l'espèce la non-conformité formelle de la proposition, résultant de l'absence d'envoi du contrat, du non-respect du délai de prévenance d'un mois imposé à l'employeur ainsi que sa méconnaissance du délai de réponse de quinze jours accordé au salarié pour faire connaître son accord ou son refus, la cour d'appel ne pouvait refuser d'analyser ces manquements de l'employeur comme caractérisant une rupture irrégulière ou un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au prétexte d'une absence de grief démontré aux droits du salarié et de l'inexistence d'une relation causale entre cette non-conformité et le défaut de réponse, quand ceux-ci étaient nécessairement préjudiciables au salarié, la cour d'appel a violé l'article 23 de la convention collective nationale des organismes de tourisme social et familial, ensemble l'article L. 1244-2 du code du travail ;

4°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE lorsque l'employeur procède au licenciement d'un salarié, la rupture lui est imputable et la lettre de congédiement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que la société M VACANCES, par courrier du 19 mars 2010, a licencié M. X... pour faute grave, de sorte que la cour d'appel, qui ne pouvait juger que le salarié était à l'origine de la rupture contractuelle le 9 février 2010 en ce qu'il n'avait pas répondu à la proposition tardive de l'employeur notifiée moins d'un mois avant la reprise de la saison et lui impartissant moins de quinze jours pour faire connaître son accord ou son refus, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 23 de la convention collective nationale des organismes de tourisme social et familial, ensemble les articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1244-2 du code du travail. ECLI:FR:CCASS:2018:SO00243
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