Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 15 février 2018, 17-11.866 17-11.867, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Joint les pourvois n° 17-11.866 et 17-11.867 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 2 décembre 2016), que, le 3 juin 2003, la CRPNPAC aux droits de laquelle se trouve la SCI Gruasses investissements, a concédé à la société Galerie Lelong deux baux commerciaux portant sur des locaux contigus ; que, le 17 janvier 2012, la bailleresse a engagé une procédure en fixation des loyers révisés ; que la locataire a initié, le 21 février 2013, une procédure en renouvellement des deux baux à compter du 1er avril 2013 aux conditions antérieures ; que, par deux avenants du 7 mars 2014, les parties ont mis fin aux procédures de révision et réajusté les loyers à compter du 1er janvier 2012 jusqu'au 31 mars 2013 ; que la bailleresse a demandé la fixation à la valeur locative des loyers du bail renouvelé à compter du 1er avril 2013 ;

Attendu que la locataire fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de la bailleresse, alors, selon le moyen, qu'à moins d'une modification notable des obligations respectives des parties, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s'ils sont applicables, l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, publiés par l'Insee ; que ne constitue pas une modification notable des obligations des parties justifiant le déplafonnement du loyer la fixation consensuelle du loyer, différente de la valeur locative, en raison de la conclusion d'un « avenant de révision du loyer » destiné à mettre fin à une procédure de révision judiciaire du loyer, et dans lequel le déplafonnement a été accepté par les deux parties ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 145-34, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et R. 145-8 du code de commerce ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que la fixation conventionnelle du loyer librement intervenue entre les parties emportait renonciation à la procédure de révision judiciaire du loyer et constituait une modification notable des obligations respectives des parties intervenue en cours de bail dans des conditions étrangères à la loi et justifiant, à elle seule, le déplafonnement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Galerie Lelong aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute la société Galerie Lelong de sa demande et la condamne à verser la somme de 3 000 euros à la société Gruasses investissements ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° Z 17-11.866 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Galerie Lelong

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé à la somme de 120 000 € hors taxes et hors charges le loyer annuel du bail renouvelé au 1er avril 2013, les autres clauses et conditions du bail étant inchangées, dit que les intérêts dus sur la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel couraient à compter du 13 juin 2014, et d'AVOIR débouté en conséquence la société Galerie Lelong de ses demandes ;

AUX MOTIFS QU'il convient de rappeler que l'article L. 145-34 du code de commerce écarte de la limite du plafonnement au renouvellement, les loyers des baux portant sur des locaux qui ont bénéficié d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° et 4° de l'article L. 145-33 du même code, notamment des obligations respectives des parties ; qu'il est constant que la modification conventionnelle du loyer dans des conditions étrangères tant à la loi qu'au bail initial s'analyse en une modification notable des obligations des parties justifiant à elle-seule le déplafonnement du loyer ; qu'en l'espèce, l'avenant au bail du 7 mars 2014 par lequel les parties ont convenu de réajuster le loyer du bail en cours à la somme annuelle en principal de 100 000 € par an pour la période du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013 et de renoncer à la procédure en révision engagée ne peut s'analyser, comme le soutient la locataire, en une fixation du loyer à la valeur locative en cours de bail dans le cadre d'une action en révision fondée sur l'article L. 145-39 du code de commerce qui relèverait d'une disposition légale et ne constituerait donc pas une modification conventionnelle des obligations des parties ouvrant droit au déplafonnement lors du renouvellement ; qu'en effet, cette fixation conventionnelle librement intervenue entre les parties, a eu pour objectif déclaré de matérialiser la renonciation par les parties à une procédure de révision judiciaire du loyer ; que cet avenant constitue donc une modification conventionnelle intervenue en cours de bail dans des conditions étrangères à la loi puisque la seule révision légale du loyer n'aurait pu aboutir au résultat conclu de 100 000 € ; qu'il s'en infère que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a retenu que l'avenant du 7 mars 2014 ne constitue pas une modification amiable des obligations respectives des parties et dit qu'il n'y avait pas lieu de déplafonner le loyer du bail renouvelé ; qu'il s'ensuit que le loyer renouvelé doit être fixé à la valeur locative ; que les parties s'accordent pour retenir que le loyer s'est renouvelé à compter du 1er avril 2013 ; qu'il est constant que la fixation conventionnelle du loyer retenue par les parties dans l'avenant du 7 mars 2014 n'avait cours que jusqu'au 31 mars 2013, qu'il ressort de la page 38 du rapport de M. A... , nommé par le juge des loyers commerciaux dans une procédure parallèle en révision et qui avait déposé son rapport le 26 décembre 2013, que la valeur locative était évaluée à 120 000 € par an au 17 janvier 2012 ; que la locataire se contente de dire que le montant ordonné et fixé par le juge des loyers ne correspond pas à une éventuelle valeur locative, laquelle n'aurait pas fait l'objet d'une expertise judiciaire, alors qu'une expertise a précisément été ordonnée dans le cadre de la procédure parallèle en révision, la SA Galerie Lelong ne contestant pas cette valeur locative telle que fixée par l'expert, se contentant de conclure sur le loyer plafonné ;

ALORS QU'à moins d'une modification notable des obligations respectives des parties, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s'ils sont applicables, l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, publiés par l'Insee ; que ne constitue pas une modification notable des obligations des parties justifiant le déplafonnement du loyer, la fixation consensuelle du loyer, différente de la valeur locative, en raison de la conclusions d'un « avenant de révision du loyer » destiné à mettre fin à une procédure de révision judiciaire du loyer, et dans lequel le déplafonnement a été accepté par les deux parties ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 145-34, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et R. 145-8 du code de commerce.

Moyen produit au pourvoi n° A 17-11.867 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Galerie Lelong

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé à la somme de 24 000 € hors taxes et hors charges le loyer annuel du bail renouvelé au 1er avril 2013, les autres clauses et conditions du bail étant inchangées, dit que les intérêts dus sur la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel couraient à compter du 13 juin 2014, et d'AVOIR débouté en conséquence la société Galerie Lelong de ses demandes ;

AUX MOTIFS QU'il convient de rappeler que l'article L. 145-34 du code de commerce écarte de la limite du plafonnement au renouvellement, les loyers des baux portant sur des locaux qui ont bénéficié d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° et 4° de l'article L. 145-33 du même code, notamment des obligations respectives des parties ; qu'il est constant que la modification conventionnelle du loyer dans des conditions étrangères tant à la loi qu'au bail initial s'analyse en une modification notable des obligations des parties justifiant à elle-seule le déplafonnement du loyer ; qu'en l'espèce, l'avenant au bail du 7 mars 2014 par lequel les parties ont convenu de réajuster le loyer du bail en cours à la somme annuelle en principal de 23 000 € par an pour la période du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013 et de renoncer à la procédure en révision engagée ne peut s'analyser, comme le soutient la locataire, en une fixation du loyer à la valeur locative en cours de bail dans le cadre d'une action en révision fondée sur l'article L. 145-39 du code de commerce qui relèverait d'une disposition légale et ne constituerait donc pas une modification conventionnelle des obligations des parties ouvrant droit au déplafonnement lors du renouvellement ; qu'en effet, cette fixation conventionnelle librement intervenue entre les parties, a eu pour objectif déclaré de matérialiser la renonciation par les parties à une procédure de révision judiciaire du loyer ; que cet avenant constitue donc une modification conventionnelle intervenue en cours de bail dans des conditions étrangères à la loi puisque la seule révision légale du loyer n'aurait pu aboutir au résultat conclu de 23.000 € ; qu'il s'en infère que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a retenu que l'avenant du 7 mars 2014 ne constitue pas une modification amiable des obligations respectives des parties et dit qu'il n'y avait pas lieu de déplafonner le loyer du bail renouvelé ; qu'il s'ensuit que le loyer renouvelé doit être fixé à la valeur locative ; que les parties s'accordent pour retenir que le loyer s'est renouvelé à compter du 1er avril 2013 ; qu'il est constant que la fixation conventionnelle du loyer retenue par les parties dans l'avenant du 7 mars 2014 n'avait cours que jusqu'au 31 mars 2013, qu'il ressort de la page 33 du rapport de M. A... , nommé par le juge des loyers commerciaux dans une procédure parallèle en révision et qui avait déposé son rapport le 26 décembre 2013, que la valeur locative était évaluée à 24 000 € par an au 17 janvier 2012 ; que la locataire et appelante se contente de dire que le montant ordonné et fixé par le juge des loyers ne correspond pas à une éventuelle valeur locative, laquelle n'aurait pas fait l'objet d'une expertise judiciaire, alors qu'une expertise a précisément été ordonnée dans le cadre de la procédure parallèle en révision, la SA Galerie Lelong ne contestant pas cette valeur locative telle que fixée par l'expert, se contentant de conclure sur le loyer plafonné ;

ALORS QU'à moins d'une modification notable des obligations respectives des parties, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s'ils sont applicables, l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, publiés par l'Insee ; que ne constitue pas une modification notable des obligations des parties justifiant le déplafonnement du loyer, la fixation consensuelle du loyer, différente de la valeur locative, en raison de la conclusions d'un « avenant de révision du loyer » destiné à mettre fin à une procédure de révision judiciaire du loyer, et dans lequel le déplafonnement a été accepté par les deux parties ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 145-34, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et R. 145-8 du code de commerce. ECLI:FR:CCASS:2018:C300170
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