Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 1 février 2018, 16-18.724, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 1 février 2018, 16-18.724, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 16-18.724
- ECLI:FR:CCASS:2018:C300068
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 01 février 2018
Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, du 04 avril 2016- Président
- M. Chauvin
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. Y... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Y... ;
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles L. 411-31, II, 1°, et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 2224 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que la cession du bail rural et la sous-location constituent des manquements à une prohibition d'ordre public ouvrant au bailleur le droit d'agir en résiliation à tout moment dans les limites de la prescription quinquennale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom,4 avril 2016), que, par acte du 30 juillet 2001, Marcelle Y... et son fils Maurice ont donné à bail à M. Z... des parcelles agricoles ; que Marcelle Y... est décédée [...] ; que, par déclaration du 29 juillet 2013, M. et Mme Maurice Y... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail et expulsion du preneur pour défaut d'exploitation personnelle et sous-location ou coexploitation avec son beau-frère ;
Attendu que, pour déclarer prescrite l'action introduite par le bailleur, l'arrêt retient que la demande a été présentée plus de cinq ans après la date à laquelle il a eu connaissance de l'exploitation conjointe de ses terres par un tiers au bail et que la loi du 17 juin 2008 a fait courir un nouveau délai de même durée venu à expiration le 19 juin 2013, antérieurement à la saisine du tribunal ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la prescription n'a pu commencer à courir qu'à compter de la cessation du manquement imputé au preneur et tenant à la cession du bail ou à une sous-location, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... et le condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Y...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la prescription de l'action engagée par M. et Mme Y...,
AUX MOTIFS QUE le corollaire des droits exorbitants accordés au preneur par le statut est la certitude du bailleur de n'avoir pour locataire que celui qu'il a choisi, ce qui impose l'exploitation personnelle des biens donnés à bail et justifie l'interdiction d'ordre public faite par l'article L. 411-35 du code rural d'une sous-location ou d'une cession non autorisée à laquelle est assimilée la co-exploitaiton, lesquelles ouvrent droit à résiliation du bail ; que la clause insérée dans le bail sous seing privé du 30 juillet 2001, sous le paragraphe « déclarations » qui fait état de la situation de M. Z..., à l'égard du contrôle des structures, est libellée de la façon suivante : « M. Jean Claude Z... déclare avoir obtenu l'autorisation administrative lui permettant d'exploiter le fonds agricole, objet du présent bail et de mettre en valeur actuellement une SAU de 110,86 ha en co-exploitation » ; qu'il est manifeste que la co-exploitation à laquelle il est fait référence ne concerne pas les terres confiées à bail par les consorts Y..., lesquelles sont en outre d'une superficie moindre de 24 ha 59 a et que M. Z... ne peut se prévaloir de l'achat 7 ans plus tard par M. Y... d'une parcelle dont il s'est engagé envers la Safer à en confier l'exploitation à un Gaec Z... C..., non constitué dans le cadre d'une convention pluriannuelle ; qu'en revanche, ces éléments renseignent sur les modalités de travail de M. Z..., dont il est surprenant qu'il n'ait pas constitué un Gaec avec son beau-frère, pour officialiser leurs pratiques, dans le respect du statut conféré par le bail rural ; qu'il résulte en effet des éléments du dossier que les terres données à bail par les consorts Y... mère et fils qui n'ont fait l'objet ni d'une sous-location en l'absence de contrepartie onéreuse ni d'une cession complète en ce que M. Jean Claude Z... en a conservé la disposition tout en la partageant avec son beau-frère ont été co-exploitées dans le cadre d'une société de fait consacrée à l'élevage de bovins de race Salers ayant permis à M. Laurent C... d'y faire pâturer ses animaux, comme l'ont démontré les constats d'huissier des 5 septembre et 13 août 2012 ; que cette co-exploitation disposait d'un compte joint ouvert auprès du Crédit Agricole au nom de Jean-Pierre Z... et Laurent C... à partir duquel M. Z... procédait au paiement des fermages dus à M. Y..., destinataire en 2007, 2008 et 2009 des correspondances adressées par son fermier sur papiers à entête intitulés : « Elevage Salers Système traditionnel, Co-exploitation Z...-C... » dans lesquels M. Z... s'exprimait parfois au nom des deux hommes, en employant par exemple les termes « dès que nous les aurons .. », s'agissant du retard des décomptes annuels des fermages, démontrant ainsi que M. Y... n'entendait pas se formaliser d'une situation qu'il a invoquée ensuite pour engager le 29 juillet 2013 une action en résiliation de bail ; que le caractère d'ordre public s'attachant à la prohibition d'une cession de bail ou sa mise en sous-location n'implique pas l'imprescriptibilité de l'action s'y rattachant et le tribunal paritaire des baux ruraux a retenu avec justesse la règle de la prescription quinquennale de droit commun, la loi du 17 juin 2008 n'ayant pas à cet égard édicté de prescription spécifique et le point de départ constitué par la connaissance de M. Y... de l'exploitation conjointe de ses terres par un tiers au bail ; qu'à cet égard, le premier acte significatif de cette connaissance consiste dans la réception du courrier du 17 février 2007 venant corroborer les règlements des fermages sur le compte joint effectué dès l'année précédente, constitue le point de départ de la prescription extinctive dont le délai qui n'était pas acquis au moment de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, a fait courir un nouveau délai de cinq ans, venant à expiration le 19 juin 2013, antérieurement à la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux le 29 juillet 2013, conduisant ainsi à constater la prescription de l'action engagée par M. Y... plutôt que celle des demandes qu'il a présentées comme l'a retenu le tribunal paritaire des baux ruraux ; que M. Y... ne pourra prospérer dans ses demandes ;
1 ) ALORS QUE toute cession de bail rural comme toute sous-location est interdite, sauf agrément préalable et exprès du bailleur, et emporte de plein droit la résiliation du bail, la demande n'étant pas soumise à un délai et pouvant être formée jusqu'à la fin du bail ; qu'en constatant la prescription de l'action en résiliation du bail rural formé entre M. Y... et M. Z... pour avoir été exercée par acte du 29 juillet 2013, soit plus de cinq ans après avoir eu connaissance, par un courrier du preneur en date du 17 février 2007, corroborant le paiement des fermages opéré sur un compte joint au nom de M. Z... et de son beau frère, des faits fondant l'action soit la co-exploitation des terres données à bail, la cour d'appel a violé les articles L. 411-35 et L. 411-31 du code rural, ensemble l'article 2224 du code civil ;
2 ) ALORS QUE, subsidiairement, dans ses conclusions, M. Y... faisait valoir que le bail consenti en 2001 avait été renouvelé en 2009 et que des courriers libellés sur du papier à en-tête de la « co-exploitation Z... / C... » comme l'établissement de chèques en paiement des fermages sur un compte joint ouvert au nom de la même co-exploitation ne pouvaient pas établir sa connaissance d'une cession ou d'une sous location prohibée de bail, dès lors que M. Z..., à la demande de M. Y..., lui avait adressé, en 2010, des chèques tirés sur son compte personnel et qu'il n'avait eu pleine connaissance de la cession ou sous location déguisée que par les constats d'huissier établis en août et septembre 2012 ; qu'en constatant néanmoins la prescription de l'action en résiliation du bail, faute d'avoir été exercée dans les cinq ans de la connaissance du fait la fondant, la cour d'appel qui n'a pas retenu de fait de nature à caractériser sans équivoque la connaissance, par le bailleur, de la cession ou sous-location prohibée justifiant d'agir en résiliation du bail a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2018:C300068
Donne acte à M. Y... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Y... ;
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles L. 411-31, II, 1°, et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 2224 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que la cession du bail rural et la sous-location constituent des manquements à une prohibition d'ordre public ouvrant au bailleur le droit d'agir en résiliation à tout moment dans les limites de la prescription quinquennale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom,4 avril 2016), que, par acte du 30 juillet 2001, Marcelle Y... et son fils Maurice ont donné à bail à M. Z... des parcelles agricoles ; que Marcelle Y... est décédée [...] ; que, par déclaration du 29 juillet 2013, M. et Mme Maurice Y... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail et expulsion du preneur pour défaut d'exploitation personnelle et sous-location ou coexploitation avec son beau-frère ;
Attendu que, pour déclarer prescrite l'action introduite par le bailleur, l'arrêt retient que la demande a été présentée plus de cinq ans après la date à laquelle il a eu connaissance de l'exploitation conjointe de ses terres par un tiers au bail et que la loi du 17 juin 2008 a fait courir un nouveau délai de même durée venu à expiration le 19 juin 2013, antérieurement à la saisine du tribunal ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la prescription n'a pu commencer à courir qu'à compter de la cessation du manquement imputé au preneur et tenant à la cession du bail ou à une sous-location, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... et le condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Y...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la prescription de l'action engagée par M. et Mme Y...,
AUX MOTIFS QUE le corollaire des droits exorbitants accordés au preneur par le statut est la certitude du bailleur de n'avoir pour locataire que celui qu'il a choisi, ce qui impose l'exploitation personnelle des biens donnés à bail et justifie l'interdiction d'ordre public faite par l'article L. 411-35 du code rural d'une sous-location ou d'une cession non autorisée à laquelle est assimilée la co-exploitaiton, lesquelles ouvrent droit à résiliation du bail ; que la clause insérée dans le bail sous seing privé du 30 juillet 2001, sous le paragraphe « déclarations » qui fait état de la situation de M. Z..., à l'égard du contrôle des structures, est libellée de la façon suivante : « M. Jean Claude Z... déclare avoir obtenu l'autorisation administrative lui permettant d'exploiter le fonds agricole, objet du présent bail et de mettre en valeur actuellement une SAU de 110,86 ha en co-exploitation » ; qu'il est manifeste que la co-exploitation à laquelle il est fait référence ne concerne pas les terres confiées à bail par les consorts Y..., lesquelles sont en outre d'une superficie moindre de 24 ha 59 a et que M. Z... ne peut se prévaloir de l'achat 7 ans plus tard par M. Y... d'une parcelle dont il s'est engagé envers la Safer à en confier l'exploitation à un Gaec Z... C..., non constitué dans le cadre d'une convention pluriannuelle ; qu'en revanche, ces éléments renseignent sur les modalités de travail de M. Z..., dont il est surprenant qu'il n'ait pas constitué un Gaec avec son beau-frère, pour officialiser leurs pratiques, dans le respect du statut conféré par le bail rural ; qu'il résulte en effet des éléments du dossier que les terres données à bail par les consorts Y... mère et fils qui n'ont fait l'objet ni d'une sous-location en l'absence de contrepartie onéreuse ni d'une cession complète en ce que M. Jean Claude Z... en a conservé la disposition tout en la partageant avec son beau-frère ont été co-exploitées dans le cadre d'une société de fait consacrée à l'élevage de bovins de race Salers ayant permis à M. Laurent C... d'y faire pâturer ses animaux, comme l'ont démontré les constats d'huissier des 5 septembre et 13 août 2012 ; que cette co-exploitation disposait d'un compte joint ouvert auprès du Crédit Agricole au nom de Jean-Pierre Z... et Laurent C... à partir duquel M. Z... procédait au paiement des fermages dus à M. Y..., destinataire en 2007, 2008 et 2009 des correspondances adressées par son fermier sur papiers à entête intitulés : « Elevage Salers Système traditionnel, Co-exploitation Z...-C... » dans lesquels M. Z... s'exprimait parfois au nom des deux hommes, en employant par exemple les termes « dès que nous les aurons .. », s'agissant du retard des décomptes annuels des fermages, démontrant ainsi que M. Y... n'entendait pas se formaliser d'une situation qu'il a invoquée ensuite pour engager le 29 juillet 2013 une action en résiliation de bail ; que le caractère d'ordre public s'attachant à la prohibition d'une cession de bail ou sa mise en sous-location n'implique pas l'imprescriptibilité de l'action s'y rattachant et le tribunal paritaire des baux ruraux a retenu avec justesse la règle de la prescription quinquennale de droit commun, la loi du 17 juin 2008 n'ayant pas à cet égard édicté de prescription spécifique et le point de départ constitué par la connaissance de M. Y... de l'exploitation conjointe de ses terres par un tiers au bail ; qu'à cet égard, le premier acte significatif de cette connaissance consiste dans la réception du courrier du 17 février 2007 venant corroborer les règlements des fermages sur le compte joint effectué dès l'année précédente, constitue le point de départ de la prescription extinctive dont le délai qui n'était pas acquis au moment de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, a fait courir un nouveau délai de cinq ans, venant à expiration le 19 juin 2013, antérieurement à la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux le 29 juillet 2013, conduisant ainsi à constater la prescription de l'action engagée par M. Y... plutôt que celle des demandes qu'il a présentées comme l'a retenu le tribunal paritaire des baux ruraux ; que M. Y... ne pourra prospérer dans ses demandes ;
1 ) ALORS QUE toute cession de bail rural comme toute sous-location est interdite, sauf agrément préalable et exprès du bailleur, et emporte de plein droit la résiliation du bail, la demande n'étant pas soumise à un délai et pouvant être formée jusqu'à la fin du bail ; qu'en constatant la prescription de l'action en résiliation du bail rural formé entre M. Y... et M. Z... pour avoir été exercée par acte du 29 juillet 2013, soit plus de cinq ans après avoir eu connaissance, par un courrier du preneur en date du 17 février 2007, corroborant le paiement des fermages opéré sur un compte joint au nom de M. Z... et de son beau frère, des faits fondant l'action soit la co-exploitation des terres données à bail, la cour d'appel a violé les articles L. 411-35 et L. 411-31 du code rural, ensemble l'article 2224 du code civil ;
2 ) ALORS QUE, subsidiairement, dans ses conclusions, M. Y... faisait valoir que le bail consenti en 2001 avait été renouvelé en 2009 et que des courriers libellés sur du papier à en-tête de la « co-exploitation Z... / C... » comme l'établissement de chèques en paiement des fermages sur un compte joint ouvert au nom de la même co-exploitation ne pouvaient pas établir sa connaissance d'une cession ou d'une sous location prohibée de bail, dès lors que M. Z..., à la demande de M. Y..., lui avait adressé, en 2010, des chèques tirés sur son compte personnel et qu'il n'avait eu pleine connaissance de la cession ou sous location déguisée que par les constats d'huissier établis en août et septembre 2012 ; qu'en constatant néanmoins la prescription de l'action en résiliation du bail, faute d'avoir été exercée dans les cinq ans de la connaissance du fait la fondant, la cour d'appel qui n'a pas retenu de fait de nature à caractériser sans équivoque la connaissance, par le bailleur, de la cession ou sous-location prohibée justifiant d'agir en résiliation du bail a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil.