Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 décembre 2017, 16-21.302, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 décembre 2017, 16-21.302, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 16-21.302
- ECLI:FR:CCASS:2017:SO02648
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 20 décembre 2017
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 27 mai 2016- Président
- Mme Guyot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., engagée par la société Friedlander le 16 juillet 2002 en qualité de cadre assistante administration et gestion, affectée à Port Gentil au Gabon, a, par avenant du 1er juillet 2003, été promue responsable administrative et financière pour le secteur grands projets et agence avec affectation au Cameroun, Gabon et Guinée ; que, dans le cadre d'un conflit social au Gabon, les employés ont déposé un préavis de grève au mois d'octobre 2008, revendiquant notamment son départ ; que la salariée, placée en arrêt de travail pour maladie le 15 octobre 2008, est rentrée en France le 6 novembre suivant et n'a pas repris le travail ; qu'après avoir saisi le 27 janvier 2010 la juridiction prud'homale, sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, la salariée a, au terme des examens médicaux des 31 mai et 14 juin 2010, été déclarée inapte à tous les postes par le médecin du travail et a, le 30 juillet 2010, été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'il a manqué à son obligation de sécurité, alors, selon le moyen :
1°/ que ne méconnaît pas ses obligations l'employeur qui prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale du salarié ; que l'employeur, tout en contestant tout danger et tout harcèlement, a fait valoir qu'il avait soutenu la salariée, que tout avait été mis en oeuvre pour qu'elle soit en sécurité, et qu'au terme des négociations, son départ n'était plus demandé par les salariés ; que la cour d'appel a affirmé que « l'obligation de sécurité n'étant pas de moyen mais de résultat, l'employeur y a manqué sans qu'il soit besoin d'entrer dans la discussion entretenue par les parties sur le point de savoir si la direction n'a pas suffisamment soutenu sa salariée
» ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en refusant de rechercher si l'employeur n'avait pas tout mis en oeuvre pour que la salariée soit en sécurité et s'il l'avait soutenue, en sorte que sa responsabilité n'était pas engagée, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;
2°/ que les juges ne peuvent méconnaître les termes du litige tels que résultant des conclusions des parties ; alors que la salariée soutenait qu'elle avait été exposée à un danger, que l'employeur ne l'avait pas soutenue et qu'elle avait cédé à la demande de retour en France formulée par les grévistes, l'employeur a vivement protesté en faisant valoir que la salariée n'avait été exposée à aucun danger, qu'elle n'apportait aucune preuve de ses dires, qu'il lui avait apporté son soutien et qu'elle avait elle-même décidé de rentrer en France à un moment où son départ ne faisait l'objet d'aucune demande ; que la cour d'appel, qui a affirmé que l'employeur ne contredisait pas les circonstances relatées par la salariée, a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que sans méconnaître les termes du litige, la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur ne contestait pas l'existence d'un conflit collectif du travail entre les salariés locaux et la direction et le confinement de la salariée à son domicile, a, sans être tenue de répondre à une simple argumentation dépourvue d'offre de preuve, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;
Attendu qu'il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu que pour dire que la salariée a été victime de harcèlement moral et condamner l'employeur à lui payer une somme à titre de dommages et intérêts en réparation de l'exécution fautive du contrat de travail, l'arrêt retient que l'altération de la santé mentale et de l'avenir professionnel de la salariée trouvant leur origine dans la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, le harcèlement moral est constitué ;
Qu'en statuant ainsi, en déduisant l'existence d'un harcèlement moral de la seule violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel, qui n'a pas respecté le mécanisme probatoire applicable, a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cour d'appel ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail en raison du seul manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la cassation du chef de l'arrêt allouant à la salariée des dommages et intérêts en réparation de l'exécution fautive du contrat de travail n'atteint pas le chef de dispositif de l'arrêt prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et le condamnant à payer à la salariée diverses sommes au titre de la rupture ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que Mme Y... a été victime de faits de harcèlement moral et condamne la société Friedlander à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'exécution fautive du contrat de travail, l'arrêt rendu le 27 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par Mme X..., conseiller doyen faisant fonction de président, et par Mme Lavigne, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt le vingt décembre deux mille dix-sept. MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la société Friedlander.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société Friedlander a manqué à son obligation de sécurité ;
AUX MOTIFS QUE la salariée soutient qu'elle s'est trouvée, à compter du printemps 2008, placée au coeur d'un conflit collectif du travail entre les salariés locaux et la direction, qu'elle a été, directement et injustement, prise à partie par le personnel gabonais et finalement confinée à son domicile de crainte de violences avant de céder à la demande de retour en France formulée par les grévistes ; elle explique que ces événements lui ont causé un stress post-traumatique à l'origine d'une grave dépression nerveuse dont elle n'a pas guéri et qui l'a laissé invalide à hauteur de 60 % ; la cour relève qu'il résulte des travaux des docteurs A... et B..., qui ne sont contredit par aucune pièce, que la salariée est bien affectée d'un trouble dépressif d'intensité sévère, conséquence d'un syndrome de stress post-traumatique, que dans ses antécédents on ne note aucun trouble psychique ou conduite addictive et que l'examen médical a mis en évidence la chronicisation de l'état dépressif entrant dans le cadre d'un syndrome névrotique post-traumatique, aucun élément ne permettant de préjuger d'une amélioration ; l'employeur ne fait état d'aucun événement ou d'aucune circonstance susceptible d'avoir engendré un stress post-traumatique à compter d'octobre 2008 distinct des circonstances qui viennent d'être relatées et qu'il ne contredit pas ; il se contente d'imputer le retour de la salariée en France à son caractère rigide et cassant et à son défaut de considération des salariés gabonais ; quoiqu'il en soit, il est ainsi établi que la maladie présentée par la salariée, qui s'est consolidée en invalidité, a bien une origine professionnelle et cela même si les règles propres au droit de la sécurité sociale rendent la seconde décision prise par la CPAM inopposable à l'employeur ; en conséquence, l'obligation de sécurité n'étant pas de moyen mais de résultat, l'employeur y a manqué sans qu'il soit besoin d'entrer dans la discussion entretenue par les parties sur le point de savoir si la direction n'a pas suffisamment soutenu sa salariée française ou si, à l'inverse, cette dernière a eu un comportement inadapté à l'égard des salariés gabonais, étant relevé que ce comportement prétendument fautif n'a jamais été reproché à la salarié à titre disciplinaire ;
Et ALORS enfin QUE ne méconnaît pas ses obligations l'employeur qui prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale du salarié ; que l'employeur, tout en contestant tout danger et tout harcèlement, a fait valoir qu'il avait soutenu la salariée, que tout avait été mis en oeuvre pour qu'elle soit en sécurité, et qu'au terme des négociations, le départ de Madame Y... n'était plus demandé par les salariés ; que la cour d'appel a affirmé que « l'obligation de sécurité n'étant pas de moyen mais de résultat, l'employeur y a manqué sans qu'il soit besoin d'entrer dans la discussion entretenue par les parties sur le point de savoir si la direction n'a pas suffisamment soutenu sa salariée
» ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en refusant de rechercher si l'employeur n'avait pas tout mis en oeuvre pour que la salariée soit en sécurité et s'il l'avait soutenue, en sorte que sa responsabilité n'était pas engagée, la cour d'appel a violé les articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail.
ALORS au demeurant QUE les juges ne peuvent méconnaître les termes du litige tels que résultant des conclusions des parties ; alors que la salariée soutenait qu'elle avait été exposée à un danger, que l'employeur ne l'avait pas soutenue et qu'elle avait cédé à la demande de retour en France formulée par les grévistes, l'employeur a vivement protesté en faisant valoir que la salariée n'avait été exposée à aucun danger, qu'elle n'apportait aucune preuve de ses dires, qu'il lui avait apporté son soutien et qu'elle avait elle-même décidé de rentrer en France à un moment où son départ ne faisait l'objet d'aucune demande ; que la cour d'appel, qui a affirmé que l'employeur ne contredisait pas les circonstances relatées par la salariée, a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Et ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; alors que l'employeur soulignait dans ses écritures que la salariée ne produisait aucun autre rapport médical ou document médical que celui du Docteur C... et que, dans ses conclusions, la salariée ne s'est pas prévalue des « travaux des docteurs A... et B... », la cour d'appel a fondé sa décision que les « travaux des docteurs A... et B... » en affirmant qu'ils n'étaient contredits par aucune pièce ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand la salariée n'avait pas fondé son argumentation sur ces pièces dont la communication était contestée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, encore, QUE la cour d'appel s'est fondée sur les « travaux des docteurs A... et B... », sans qu'il résulte de ses motifs que ces travaux avaient un lien avec les évènements dont la salariée faisait état ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Mme Y... a été victime de harcèlement moral, condamné la société Friedlander à payer à Mme Y... les sommes de 30000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'exécution fautive du contrat de travail, 1500 € au titre des frais irrépétibles d'appel, et d'avoir condamné la société Friedlander aux dépens d'appel ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; l'article L. 1154-1 précise que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et enfin que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; lorsque le harcèlement moral a effectivement altéré la santé physique ou mentale du salarié, il convient de faire application non seulement des dispositions précédentes mais de l'obligation de résultat à laquelle l'employeur est tenu en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et en application de laquelle il engage sa responsabilité même en l'absence de faute de sa part ou de mise en oeuvre de tous les moyens propres à faire cesser le harcèlement, et encore dont il ne peut s'exonérer qu'en prouvant la cause extérieure, à savoir un cas de force majeure ; ainsi en l'espèce, l'altération de la santé mentale et de l'avenir professionnel de la salariée trouvant leur origine dans la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, le harcèlement moral est constitué ; le préjudice de la victime, qui consiste en son retour en France, en la souffrance causée par une longue dépression nerveuse puis en une invalidité à hauteur de 60 %, sera réparé par l'allocation de la somme de 30 000 € ;
ALORS QU'en application de l'article L 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; que le seul manquement à l'obligation de sécurité ne suffit pas à caractériser l'existence de faits répétés de nature à constituer le harcèlement ; que la cour d'appel a retenu l'existence d'un harcèlement moral au seul motif de l'existence d'un manquement à l'obligation de sécurité, sans faire état du moindre fait permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail ;
Et éventuellement AUX MOTIFS QUE (sur le manquement à l'obligation de sécurité), la salariée soutient qu'elle s'est trouvée, à compter du printemps 2008, placée au coeur d'un conflit collectif du travail entre les salariés locaux et la direction, qu'elle a été, directement et injustement, prise à partie par le personnel gabonais et finalement confinée à son domicile de crainte de violences avant de céder à la demande de retour en France formulée par les grévistes ; elle explique que ces événements lui ont causé un stress post-traumatique à l'origine d'une grave dépression nerveuse dont elle n'a pas guéri et qui l'a laissé invalide à hauteur de 60 % ; la cour relève qu'il résulte des travaux des docteurs A... et B..., qui ne sont contredit par aucune pièce, que la salariée est bien affectée d'un trouble dépressif d'intensité sévère, conséquence d'un syndrome de stress post-traumatique, que dans ses antécédents on ne note aucun trouble psychique ou conduite addictive et que l'examen médical a mis en évidence la chronicisation de l'état dépressif entrant dans le cadre d'un syndrome névrotique post-traumatique, aucun élément ne permettant de préjuger d'une amélioration ; l'employeur ne fait état d'aucun événement ou d'aucune circonstance susceptible d'avoir engendré un stress post-traumatique à compter d'octobre 2008 distinct des circonstances qui viennent d'être relatées et qu'il ne contredit pas ; il se contente d'imputer le retour de la salariée en France à son caractère rigide et cassant et à son défaut de considération des salariés gabonais ; quoiqu'il en soit, il est ainsi établi que la maladie présentée par la salariée, qui s'est consolidée en invalidité, a bien une origine professionnelle et cela même si les règles propres au droit de la sécurité sociale rendent la seconde décision prise par la CPAM inopposable à l'employeur ; en conséquence, l'obligation de sécurité n'étant pas de moyen mais de résultat, l'employeur y a manqué sans qu'il soit besoin d'entrer dans la discussion entretenue par les parties sur le point de savoir si la direction n'a pas suffisamment soutenu sa salariée française ou si, à l'inverse, cette dernière a eu un comportement inadapté à l'égard des salariés gabonais, étant relevé que ce comportement prétendument fautif n'a jamais été reproché à la salarié à titre disciplinaire ;
ALORS subsidiairement QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ses dispositions relatives au harcèlement et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
ALORS plus subsidiairement QUE les juges ne peuvent méconnaître les termes du litige tels que résultant des conclusions des parties ; alors que la salariée soutenait qu'elle avait été exposée à un danger, que l'employeur ne l'avait pas soutenue et qu'elle avait cédé à la demande de retour en France formulée par les grévistes, l'employeur a vivement protesté en faisant valoir que la salariée n'avait été exposée à aucun danger, qu'elle n'apportait aucune preuve de ses dires, qu'il lui avait apporté son soutien et qu'elle avait elle-même décidé de rentrer en France à un moment où son départ ne faisait l'objet d'aucune demande ; que la cour d'appel, qui a affirmé que l'employeur ne contredisait pas les circonstances relatées par la salariée, a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Et ALORS, à titre encore plus subsidiaire, QUE lorsque le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il appartient aux juges de rechercher si ces évènements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement mais justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que l'employeur, tout en contestant tout danger et tout harcèlement, a fait valoir, d'une part, que si un mouvement social avait effectivement eu lieu dans le cadre duquel le personnel avait demandé le départ de Madame Y..., c'était en raison du comportement fautif de cette dernière et que, d'autre part, il avait soutenu la salariée, que tout avait été mis en oeuvre pour qu'elle soit en sécurité, et qu'au terme des négociations, le départ de Madame Y... n'était plus demandé par les salariés ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si l'employeur ne justifiait pas que les évènements évoqués par la salariée n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement mais justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1154-1 du code du travail ;
Et ALORS enfin QUE la cour d'appel a condamné l'employeur au paiement de dommages et intérêts en réparation de l'exécution fautive du contrat de travail, sans caractériser l'existence d'une faute commise par l'employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de la société Friedlander, d'avoir condamné la société Friedlander à payer à Mme Marie-Françoise Y... les sommes de 1350,13 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, 28877,52 € à titre d'indemnité de préavis, 2887,75 € au titre des congés payés y afférents, 57755,04 € à titre de dommages et intérêts à raison de la résiliation du contrat de travail, 1500 € au titre des frais irrépétibles d'appel, ordonné la remise des documents de rupture rectifiés et condamné la société Friedlander aux dépens d'appel ;
AUX MOTIFS QUE le manquement à l'obligation de sécurité de résultat imputable à l'employeur a rendu impossible la poursuite du contrat de travail à raison de la gravité de ses conséquences, soit une maladie de plus d'un an et demi et une invalidité subséquente de 60 % ; ainsi, il convient de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ; la résiliation judiciaire du contrat de travail à durée indéterminée prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et l'indemnité de préavis se trouve due ; l'indemnité conventionnelle de licenciement sera calculée sur la base d'un salaire mensuel moyen de 4 812,92 € et d'une ancienneté de 8 ans et 8 mois. Elle s'établit ainsi : 2 x ((4 812,92 € x 1/5 x 7 ans) + (4 812,92 € x 3/5) + (4 812,92 € x 8/12 x 3/5) = 2 x (6 738,08 € + 2 887,75 € + 1 925,16 €) = 23 101,99 € ; compte tenu de la somme déjà versée de 21 751,86 €, l'employeur reste devoir à ce titre la somme de 1 350,13 € ; compte tenu du caractère professionnel de l'inaptitude, l'indemnité de préavis égale à 6 mois de salaire, est due, soit la somme de 28 877,52 outre 2 887,75 € au titre des congés payés y afférents ; le préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse sera réparé, compte tenu de l'ancienneté de la salariée de près de 9 ans, par l'allocation de 12 mois de salaire soit la somme de 4 812,92 € x 12 mois = 57 755,04 € ; il convient d'ordonner la remise des documents de rupture rectifiés ; l'équité commande d'allouer à la salariée la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; l'employeur supportera les dépens d'appel ;
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier et / ou le deuxième moyen emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ses dispositions relatives à la résiliation du contrat de travail et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2017:SO02648
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., engagée par la société Friedlander le 16 juillet 2002 en qualité de cadre assistante administration et gestion, affectée à Port Gentil au Gabon, a, par avenant du 1er juillet 2003, été promue responsable administrative et financière pour le secteur grands projets et agence avec affectation au Cameroun, Gabon et Guinée ; que, dans le cadre d'un conflit social au Gabon, les employés ont déposé un préavis de grève au mois d'octobre 2008, revendiquant notamment son départ ; que la salariée, placée en arrêt de travail pour maladie le 15 octobre 2008, est rentrée en France le 6 novembre suivant et n'a pas repris le travail ; qu'après avoir saisi le 27 janvier 2010 la juridiction prud'homale, sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, la salariée a, au terme des examens médicaux des 31 mai et 14 juin 2010, été déclarée inapte à tous les postes par le médecin du travail et a, le 30 juillet 2010, été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'il a manqué à son obligation de sécurité, alors, selon le moyen :
1°/ que ne méconnaît pas ses obligations l'employeur qui prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale du salarié ; que l'employeur, tout en contestant tout danger et tout harcèlement, a fait valoir qu'il avait soutenu la salariée, que tout avait été mis en oeuvre pour qu'elle soit en sécurité, et qu'au terme des négociations, son départ n'était plus demandé par les salariés ; que la cour d'appel a affirmé que « l'obligation de sécurité n'étant pas de moyen mais de résultat, l'employeur y a manqué sans qu'il soit besoin d'entrer dans la discussion entretenue par les parties sur le point de savoir si la direction n'a pas suffisamment soutenu sa salariée
» ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en refusant de rechercher si l'employeur n'avait pas tout mis en oeuvre pour que la salariée soit en sécurité et s'il l'avait soutenue, en sorte que sa responsabilité n'était pas engagée, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;
2°/ que les juges ne peuvent méconnaître les termes du litige tels que résultant des conclusions des parties ; alors que la salariée soutenait qu'elle avait été exposée à un danger, que l'employeur ne l'avait pas soutenue et qu'elle avait cédé à la demande de retour en France formulée par les grévistes, l'employeur a vivement protesté en faisant valoir que la salariée n'avait été exposée à aucun danger, qu'elle n'apportait aucune preuve de ses dires, qu'il lui avait apporté son soutien et qu'elle avait elle-même décidé de rentrer en France à un moment où son départ ne faisait l'objet d'aucune demande ; que la cour d'appel, qui a affirmé que l'employeur ne contredisait pas les circonstances relatées par la salariée, a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que sans méconnaître les termes du litige, la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur ne contestait pas l'existence d'un conflit collectif du travail entre les salariés locaux et la direction et le confinement de la salariée à son domicile, a, sans être tenue de répondre à une simple argumentation dépourvue d'offre de preuve, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;
Attendu qu'il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu que pour dire que la salariée a été victime de harcèlement moral et condamner l'employeur à lui payer une somme à titre de dommages et intérêts en réparation de l'exécution fautive du contrat de travail, l'arrêt retient que l'altération de la santé mentale et de l'avenir professionnel de la salariée trouvant leur origine dans la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, le harcèlement moral est constitué ;
Qu'en statuant ainsi, en déduisant l'existence d'un harcèlement moral de la seule violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel, qui n'a pas respecté le mécanisme probatoire applicable, a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cour d'appel ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail en raison du seul manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la cassation du chef de l'arrêt allouant à la salariée des dommages et intérêts en réparation de l'exécution fautive du contrat de travail n'atteint pas le chef de dispositif de l'arrêt prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et le condamnant à payer à la salariée diverses sommes au titre de la rupture ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que Mme Y... a été victime de faits de harcèlement moral et condamne la société Friedlander à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'exécution fautive du contrat de travail, l'arrêt rendu le 27 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par Mme X..., conseiller doyen faisant fonction de président, et par Mme Lavigne, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt le vingt décembre deux mille dix-sept. MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la société Friedlander.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société Friedlander a manqué à son obligation de sécurité ;
AUX MOTIFS QUE la salariée soutient qu'elle s'est trouvée, à compter du printemps 2008, placée au coeur d'un conflit collectif du travail entre les salariés locaux et la direction, qu'elle a été, directement et injustement, prise à partie par le personnel gabonais et finalement confinée à son domicile de crainte de violences avant de céder à la demande de retour en France formulée par les grévistes ; elle explique que ces événements lui ont causé un stress post-traumatique à l'origine d'une grave dépression nerveuse dont elle n'a pas guéri et qui l'a laissé invalide à hauteur de 60 % ; la cour relève qu'il résulte des travaux des docteurs A... et B..., qui ne sont contredit par aucune pièce, que la salariée est bien affectée d'un trouble dépressif d'intensité sévère, conséquence d'un syndrome de stress post-traumatique, que dans ses antécédents on ne note aucun trouble psychique ou conduite addictive et que l'examen médical a mis en évidence la chronicisation de l'état dépressif entrant dans le cadre d'un syndrome névrotique post-traumatique, aucun élément ne permettant de préjuger d'une amélioration ; l'employeur ne fait état d'aucun événement ou d'aucune circonstance susceptible d'avoir engendré un stress post-traumatique à compter d'octobre 2008 distinct des circonstances qui viennent d'être relatées et qu'il ne contredit pas ; il se contente d'imputer le retour de la salariée en France à son caractère rigide et cassant et à son défaut de considération des salariés gabonais ; quoiqu'il en soit, il est ainsi établi que la maladie présentée par la salariée, qui s'est consolidée en invalidité, a bien une origine professionnelle et cela même si les règles propres au droit de la sécurité sociale rendent la seconde décision prise par la CPAM inopposable à l'employeur ; en conséquence, l'obligation de sécurité n'étant pas de moyen mais de résultat, l'employeur y a manqué sans qu'il soit besoin d'entrer dans la discussion entretenue par les parties sur le point de savoir si la direction n'a pas suffisamment soutenu sa salariée française ou si, à l'inverse, cette dernière a eu un comportement inadapté à l'égard des salariés gabonais, étant relevé que ce comportement prétendument fautif n'a jamais été reproché à la salarié à titre disciplinaire ;
Et ALORS enfin QUE ne méconnaît pas ses obligations l'employeur qui prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale du salarié ; que l'employeur, tout en contestant tout danger et tout harcèlement, a fait valoir qu'il avait soutenu la salariée, que tout avait été mis en oeuvre pour qu'elle soit en sécurité, et qu'au terme des négociations, le départ de Madame Y... n'était plus demandé par les salariés ; que la cour d'appel a affirmé que « l'obligation de sécurité n'étant pas de moyen mais de résultat, l'employeur y a manqué sans qu'il soit besoin d'entrer dans la discussion entretenue par les parties sur le point de savoir si la direction n'a pas suffisamment soutenu sa salariée
» ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en refusant de rechercher si l'employeur n'avait pas tout mis en oeuvre pour que la salariée soit en sécurité et s'il l'avait soutenue, en sorte que sa responsabilité n'était pas engagée, la cour d'appel a violé les articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail.
ALORS au demeurant QUE les juges ne peuvent méconnaître les termes du litige tels que résultant des conclusions des parties ; alors que la salariée soutenait qu'elle avait été exposée à un danger, que l'employeur ne l'avait pas soutenue et qu'elle avait cédé à la demande de retour en France formulée par les grévistes, l'employeur a vivement protesté en faisant valoir que la salariée n'avait été exposée à aucun danger, qu'elle n'apportait aucune preuve de ses dires, qu'il lui avait apporté son soutien et qu'elle avait elle-même décidé de rentrer en France à un moment où son départ ne faisait l'objet d'aucune demande ; que la cour d'appel, qui a affirmé que l'employeur ne contredisait pas les circonstances relatées par la salariée, a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Et ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; alors que l'employeur soulignait dans ses écritures que la salariée ne produisait aucun autre rapport médical ou document médical que celui du Docteur C... et que, dans ses conclusions, la salariée ne s'est pas prévalue des « travaux des docteurs A... et B... », la cour d'appel a fondé sa décision que les « travaux des docteurs A... et B... » en affirmant qu'ils n'étaient contredits par aucune pièce ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand la salariée n'avait pas fondé son argumentation sur ces pièces dont la communication était contestée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, encore, QUE la cour d'appel s'est fondée sur les « travaux des docteurs A... et B... », sans qu'il résulte de ses motifs que ces travaux avaient un lien avec les évènements dont la salariée faisait état ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Mme Y... a été victime de harcèlement moral, condamné la société Friedlander à payer à Mme Y... les sommes de 30000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'exécution fautive du contrat de travail, 1500 € au titre des frais irrépétibles d'appel, et d'avoir condamné la société Friedlander aux dépens d'appel ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; l'article L. 1154-1 précise que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et enfin que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; lorsque le harcèlement moral a effectivement altéré la santé physique ou mentale du salarié, il convient de faire application non seulement des dispositions précédentes mais de l'obligation de résultat à laquelle l'employeur est tenu en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et en application de laquelle il engage sa responsabilité même en l'absence de faute de sa part ou de mise en oeuvre de tous les moyens propres à faire cesser le harcèlement, et encore dont il ne peut s'exonérer qu'en prouvant la cause extérieure, à savoir un cas de force majeure ; ainsi en l'espèce, l'altération de la santé mentale et de l'avenir professionnel de la salariée trouvant leur origine dans la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, le harcèlement moral est constitué ; le préjudice de la victime, qui consiste en son retour en France, en la souffrance causée par une longue dépression nerveuse puis en une invalidité à hauteur de 60 %, sera réparé par l'allocation de la somme de 30 000 € ;
ALORS QU'en application de l'article L 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; que le seul manquement à l'obligation de sécurité ne suffit pas à caractériser l'existence de faits répétés de nature à constituer le harcèlement ; que la cour d'appel a retenu l'existence d'un harcèlement moral au seul motif de l'existence d'un manquement à l'obligation de sécurité, sans faire état du moindre fait permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail ;
Et éventuellement AUX MOTIFS QUE (sur le manquement à l'obligation de sécurité), la salariée soutient qu'elle s'est trouvée, à compter du printemps 2008, placée au coeur d'un conflit collectif du travail entre les salariés locaux et la direction, qu'elle a été, directement et injustement, prise à partie par le personnel gabonais et finalement confinée à son domicile de crainte de violences avant de céder à la demande de retour en France formulée par les grévistes ; elle explique que ces événements lui ont causé un stress post-traumatique à l'origine d'une grave dépression nerveuse dont elle n'a pas guéri et qui l'a laissé invalide à hauteur de 60 % ; la cour relève qu'il résulte des travaux des docteurs A... et B..., qui ne sont contredit par aucune pièce, que la salariée est bien affectée d'un trouble dépressif d'intensité sévère, conséquence d'un syndrome de stress post-traumatique, que dans ses antécédents on ne note aucun trouble psychique ou conduite addictive et que l'examen médical a mis en évidence la chronicisation de l'état dépressif entrant dans le cadre d'un syndrome névrotique post-traumatique, aucun élément ne permettant de préjuger d'une amélioration ; l'employeur ne fait état d'aucun événement ou d'aucune circonstance susceptible d'avoir engendré un stress post-traumatique à compter d'octobre 2008 distinct des circonstances qui viennent d'être relatées et qu'il ne contredit pas ; il se contente d'imputer le retour de la salariée en France à son caractère rigide et cassant et à son défaut de considération des salariés gabonais ; quoiqu'il en soit, il est ainsi établi que la maladie présentée par la salariée, qui s'est consolidée en invalidité, a bien une origine professionnelle et cela même si les règles propres au droit de la sécurité sociale rendent la seconde décision prise par la CPAM inopposable à l'employeur ; en conséquence, l'obligation de sécurité n'étant pas de moyen mais de résultat, l'employeur y a manqué sans qu'il soit besoin d'entrer dans la discussion entretenue par les parties sur le point de savoir si la direction n'a pas suffisamment soutenu sa salariée française ou si, à l'inverse, cette dernière a eu un comportement inadapté à l'égard des salariés gabonais, étant relevé que ce comportement prétendument fautif n'a jamais été reproché à la salarié à titre disciplinaire ;
ALORS subsidiairement QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ses dispositions relatives au harcèlement et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
ALORS plus subsidiairement QUE les juges ne peuvent méconnaître les termes du litige tels que résultant des conclusions des parties ; alors que la salariée soutenait qu'elle avait été exposée à un danger, que l'employeur ne l'avait pas soutenue et qu'elle avait cédé à la demande de retour en France formulée par les grévistes, l'employeur a vivement protesté en faisant valoir que la salariée n'avait été exposée à aucun danger, qu'elle n'apportait aucune preuve de ses dires, qu'il lui avait apporté son soutien et qu'elle avait elle-même décidé de rentrer en France à un moment où son départ ne faisait l'objet d'aucune demande ; que la cour d'appel, qui a affirmé que l'employeur ne contredisait pas les circonstances relatées par la salariée, a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Et ALORS, à titre encore plus subsidiaire, QUE lorsque le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il appartient aux juges de rechercher si ces évènements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement mais justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que l'employeur, tout en contestant tout danger et tout harcèlement, a fait valoir, d'une part, que si un mouvement social avait effectivement eu lieu dans le cadre duquel le personnel avait demandé le départ de Madame Y..., c'était en raison du comportement fautif de cette dernière et que, d'autre part, il avait soutenu la salariée, que tout avait été mis en oeuvre pour qu'elle soit en sécurité, et qu'au terme des négociations, le départ de Madame Y... n'était plus demandé par les salariés ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si l'employeur ne justifiait pas que les évènements évoqués par la salariée n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement mais justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1154-1 du code du travail ;
Et ALORS enfin QUE la cour d'appel a condamné l'employeur au paiement de dommages et intérêts en réparation de l'exécution fautive du contrat de travail, sans caractériser l'existence d'une faute commise par l'employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de la société Friedlander, d'avoir condamné la société Friedlander à payer à Mme Marie-Françoise Y... les sommes de 1350,13 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, 28877,52 € à titre d'indemnité de préavis, 2887,75 € au titre des congés payés y afférents, 57755,04 € à titre de dommages et intérêts à raison de la résiliation du contrat de travail, 1500 € au titre des frais irrépétibles d'appel, ordonné la remise des documents de rupture rectifiés et condamné la société Friedlander aux dépens d'appel ;
AUX MOTIFS QUE le manquement à l'obligation de sécurité de résultat imputable à l'employeur a rendu impossible la poursuite du contrat de travail à raison de la gravité de ses conséquences, soit une maladie de plus d'un an et demi et une invalidité subséquente de 60 % ; ainsi, il convient de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ; la résiliation judiciaire du contrat de travail à durée indéterminée prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et l'indemnité de préavis se trouve due ; l'indemnité conventionnelle de licenciement sera calculée sur la base d'un salaire mensuel moyen de 4 812,92 € et d'une ancienneté de 8 ans et 8 mois. Elle s'établit ainsi : 2 x ((4 812,92 € x 1/5 x 7 ans) + (4 812,92 € x 3/5) + (4 812,92 € x 8/12 x 3/5) = 2 x (6 738,08 € + 2 887,75 € + 1 925,16 €) = 23 101,99 € ; compte tenu de la somme déjà versée de 21 751,86 €, l'employeur reste devoir à ce titre la somme de 1 350,13 € ; compte tenu du caractère professionnel de l'inaptitude, l'indemnité de préavis égale à 6 mois de salaire, est due, soit la somme de 28 877,52 outre 2 887,75 € au titre des congés payés y afférents ; le préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse sera réparé, compte tenu de l'ancienneté de la salariée de près de 9 ans, par l'allocation de 12 mois de salaire soit la somme de 4 812,92 € x 12 mois = 57 755,04 € ; il convient d'ordonner la remise des documents de rupture rectifiés ; l'équité commande d'allouer à la salariée la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; l'employeur supportera les dépens d'appel ;
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier et / ou le deuxième moyen emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ses dispositions relatives à la résiliation du contrat de travail et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile.