Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 décembre 2017, 12-28.016, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'existence d'un contrat de travail entre Mme Y... et la société Zamkic a été définitivement reconnue, la salariée exerçant des fonctions de gardienne ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'en allouant à Mme Y... la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, tout en constatant que « l'intéressée, qui doit faire la preuve de l'étendue de son préjudice et affirme ne pas avoir retrouvé de travail, ne produit pas le moindre justificatif à cet égard et ne verse aux débats aucun document justifiant de sa situation tant à l'égard de ses ressources que de ses recherches d'emploi », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1235-5 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a apprécié souverainement le montant du préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse, tenant au non respect de la procédure, à la brutalité de la mesure, aux circonstances de celles-ci et à l'ancienneté de la salariée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de réparation du préjudice résultant du harcèlement moral, l'arrêt retient que cette demande est exclusivement fondée sur les articles L. 122-49 et L. 122-52, devenus L. 1152-1 et L. 1152-4 du code du travail tels qu'interprétés et explicités par la jurisprudence, l'intéressée indiquant expressément dans ses conclusions écrites, qui ont été reprises oralement, qu'elle « demande à la cour de se prononcer au vu des éléments et documents dont elle se prévaut dans ses conclusions au regard des articles L. 1152-1 et L. 1152-4, anciens L. 122-49 et L. 122- 52 » dudit code, que les dispositions dont il est demandé l'application ont été introduites dans le code du travail par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 modifiée par la loi du 27 mai 2008, que les textes invoqués sont donc sans application en l'occurrence, la rupture de la relation de travail étant intervenue le 12 novembre 1997 ;

Q'en statuant ainsi, alors qu'un salarié est en droit d'obtenir des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'un harcèlement, pour des faits antérieurs au 17 janvier 2002, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, la cour d'appel, qui devait examiner si les agissements fautifs invoqués par la salariée étaient établis, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme Y... de sa demande de réparation du préjudice résultant d'un harcèlement moral, l'arrêt rendu le 18 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Zamkic aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Zamkic à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par Mme X..., conseiller doyen faisant fonction de président et par Mme Lavigne, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt le vingt décembre deux mille dix-sept. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me A..., avocat aux Conseils, pour la société Zamkic LTD demanderesse au pourvoi principal,

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Zamkic Ltd à payer à Mme Y..., au titre des rappels de salaires, sur la période allant du 20 mai 1992 au 12 novembre 1997, la somme de 79.631,74 € ainsi que celle de 7.963,17 € au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE la nature des tâches confiées à Michèle Y... ressort des témoignages ou lettres versées par elle aux débats, notamment ceux ou celles de Patrick B..., du 16 mai 1997 qui atteste «
Cette villa m'a été louée avec gardien
et Madame Y..., qui m'a été présentée à l'époque par la propriétaire, comme gardienne et la personne qui s'occupait de l'entretien de cette propriété
», de Alain et Isabelle C... du 2 mai 1997 (locataires de la villa principale de novembre 1994 à juillet 1995) qui indiquent « Mme Y... Michèle entretenait régulièrement la propriété sise [...]                   . Nous l'avons vu tondre la pelouse, tailler les haies durant notre séjour du 11/04/1994 au 07/1995 », des époux Dick D... (locataires de la villa principale) qui écrivent dans leur lettre (pièce n° 4) « Nous sommes restés durant 6 mois (de l'été 1991 à janvier 1992),
toute la propriété était bien entretenue, la piscine, les oliviers, les pelouses, spécialement la piscine qui était toujours bien entretenue et propre
quand nous avions besoin d'aide pour réparer quelque chose toujours un de vous deux étaient toujours là pour faire le travail ou pour donner le matériel ou l'avis », de Didier E..., qui atteste notamment «
la propriété de Mme F...
à [...]
dont Madame Y... était la gardienne
» et « nous voyions Madame Y... au volant d'une tondeuse en train de couper le gazon sous le soleil
», de Jean G..., du 25 mai 1997 (pièce n° 6) qui indique en particulier « A la recherche d'une villa à vendre
j'ai obtenu un rendez-vous avec la gardienne, Y... Michèle. Un homme m'a fait entrer et m'a conduit jusqu'à son épouse qui était en train de couper une haie de lierre près de la piscine avec un appareil électrique
quelques mois plus tard, j'ai contourné la propriété, j'ai aperçu cette même dame sur un tracteur de couleur orangé qui coupait l'herbe du pré sur cet engin
», de Patrick H..., du 23 mai 1997 (pièce n° 8) «
Y... Michelle, est gardienne de la propriété, située au [...]                      
Celle-ci s'occupait de l'entretien et de la surveillance de cette propriété
Il y avait un panneau de vente à droite de l'entrée principale où était mentionné le n° de téléphone de Mme Y..., s'occupant de faire visiter cette propriété à d'éventuels acheteurs », de Michel I..., qui atteste le 15 avril 1997 (pièce n° 11) «
avoir toujours connu Michèle Y... comme gardienne de la propriété où elle vit avec ses deux enfants et son époux au [...]                     de Grasse
», de Baptistin J..., du 28 janvier 1998 (pièce n° 14) qui précise «
avoir vu régulièrement Mme Y... Michèle tondre le parc au [...]        de Grasse et ce depuis des années avec des engins (tracteur, débroussailleuse). J'habite juste en face du portail de la maison principale
», de K... Gérard et P...-Thérèse (pièce n° 16) qui écrivent « Nous connaissons
Mme Y... Michelle
pour la fonction de gardienne de ladite propriété. Elle en possède les clés
Elle y effectue l'entretien de propriété de l'extérieur à la maison régulièrement depuis sa date d'entrée
», de Patrick L..., du 21 avril 1997 (pièce n° 18) qui indique « J'atteste que nous avons rendu visite à M. et Mme Y... en septembre 1988 dans la propriété sise au [...]                      
époque à laquelle Michèle Y... venait de prendre ses fonctions de gardiennage. Nous l'avons d'ailleurs aidée à défricher les allées
et pouvons confirmer le fait que Madame Y... travaillait à tondre la pelouse, entretenait la piscine pour des locataires
», témoignages qui sont confirmés sur ces différents points notamment par ceux de Jacques M..., de Béatrice N..., des époux O..., de Jean P... et Claude Q..., de Alain R..., de Louisette S..., de P...-Thérèse T... ; qu'il est donc avéré que la salariée effectuait le gardiennage ainsi que l'entretien et le jardinage, notamment la tonte de l'herbe et de la pelouse, de la propriété appartenant à cette société ; que Michèle Y..., dont l'emploi répond à la définition légale du concierge définie par l'article L.771-1, devenu L.7211-2 du code du travail, lequel dispose « Sont considérées comme concierges, employés d'immeubles ou femmes de ménage d'immeuble à usage d'habitation, toutes personnes salariées par le propriétaire ou par le principal locataire et qui, logeant dans l'immeuble au titre d'accessoire du contrat de travail, sont chargées d'assurer sa garde, sa surveillance et son entretien ou une partie de ces fonctions
», relève donc du régime dérogatoire soit de la catégorie B prévue par l'article 18 de la convention collective précitée, les parties étant d'accord sur ce point dans leurs écritures ; que, selon le B de cet article, le taux d'emploi des salariés de cette catégorie est « déterminé par application du barème d'évaluation des tâches constituant l'annexe I à la convention, 10.000 unités de valeur correspondant à un emploi à service complet exercé dans le cadre de l'amplitude définie au paragraphe 3 ci-après », celui-ci disposant que « le total des unités de valeur correspondant aux tâches attribuées à un salarié ne peut excéder 12.000 UV et la partie des unités de valeur excédant 10.000 doit être majoré de 25 % pour déterminer le total effectif des UV (soit 12.500 au maximum) » ; que, en se référant, d'une part, au paragraphe VII de l'annexe I de la convention et, d'autre part, au détail et décompte des tâches figurant en pages 42 à 44 des conclusions de Michèle Y..., auquel la cour se réfère pour plus de détail, lequel n'est pas discuté par la SA Zamkic Ltd, le total des unités de valeur devant être attribuées à Michèle Y... en fonction des tâches dont elle avait la charge au regard des témoignages précités doit être fixée à 12.500 UV, qui est le maximum prévu par la convention collective, et non aux 12.900 UV sollicitées, dès lors que, d'une part, la superficie de la propriété dont Michèle Y... avait le gardiennage et dont elle assurait les travaux de jardinage (hors élagage et taille des haies de 800 m linéaires entourant la propriété, lesquels, selon ses écritures, étaient effectués par des entreprises extérieures) étant, selon les documents versés aux débats, de 29.655 m², l'annexe précitée prévoit, pour l'entretien et la propreté des espaces libres, dans lesquels figurent les espaces verts, l'attribution de 10 UV par tranche de 100 m² et, que, d'autre part, le V de l'annexe précitée intitulé « Travaux spécialisés et qualifiés non prévus aux paragraphes I à IV » disposant « Lorsque la définition de l'une ou de plusieurs des tâches données aux paragraphes I à IV ci-avant est inadaptée à la situation de l'immeuble, et sauf application d'un commun accord entre l'employeur et le salarié d'un nombre d'UV dérogatoire ou d'une ligne de tâches complémentaires, les tâches peuvent être définies en nombre d'heures de travaux spécialisés ou qualifiés
/ Ce dispositif est en outre utilisé pour le décompte des tâches accessoires suivantes : 1° travaux spécialisés : entretien complet d'espaces verts ; tonte et arrosage des pelouses, massifs, jeunes arbres, arbustes, binage, désherbage, plantations diverses / conduites d'installations de chaufferie : conditionnement de l'air, filtrage des eaux de piscine et bassin, etc. / L'annexe au contrat de travail (modèle ci-après) fixe le détail de ces tâches et le nombre d'unités de valeur attribuées à raison de 60 UV par heure (ce taux étant porté à 70 pour les travaux qualifiés confiés à un salarié classé au niveau 2, employé spécialisé) » c'est à raison que Michèle Y... sollicite, au titre de l'entretien complet des espaces verts (tonte, arrosage des pelouses, des massifs et arbustes, du binage et des plantations diverses) ainsi que de l'entretien de la piscine, la fixation des UV à 6300 à 1680 ces tâches dépassant manifestement celles qui sont énoncées au paragraphe IV correspondant, selon ses énonciations, à « l'enlèvement des papiers et déchets divers sur les pelouses et plate-bandes, arrosage et entretien sommaire des plantes et plates-bandes, ramassage des feuilles et propreté ») ; que la salariée ne saurait être considérée comme employée à temps partiel dès lors que, en l'absence de tout écrit, le contrat est présumé conclu à temps complet et que l'employeur sur lequel pèse cette charge ne démontre pas et n'offre d'ailleurs pas de démontrer la durée exacte du travail convenu ainsi que sa répartition sur la semaine et le mois ; que Michèle Y... doit donc être considérée comme une salariée à service complet, le moyen tiré de ce que celle-ci exerçait parallèlement une activité commerciale, ne pouvant être retenu dès lors qu'il n'est pas avéré que cette activité, dont la réalité ne ressort que d'une inscription au registre du commerce, que Michèle Y... dit avoir envisagé la suite de la mise en vente, en 1990, de la propriété dont elle assurait le gardiennage, relative, selon les indications fournies et non contestées, à une activité de vente par correspondance, a eu un caractère effectif ; que l'article 21 de la convention prévoit, en ce qui concerne la classification des postes de travail et les qualification des employés, que ces derniers sont classés en 4 niveaux ; que le niveau 1, correspondant au coefficient 235 (auquel Michèle Y... devrait être classée selon la SA Zamkic Limited) est celui dans lequel « L'employé exécute des tâches simples ne nécessitant pas de connaissances particulières, selon les consignes précises de l'employeur. Poste n'exigeant pas de formation au-delà de la scolarité obligatoire ou professionnelle sanctionnée ou non par un diplôme (correspondant au niveau VI de l'éducation nationale, circulaire du 11 juillet 1967) défini ainsi : personnel occupant des emplois n'exigeant pas une formation au-delà de la scolarité obligatoire). Les emplois de ce niveau n'exigent qu'une courte période d'adaptation. Poste repère : employé d'immeuble, chargé des tâches matérielles dans l'ensemble immobilier, exécutant des travaux de nettoyage et/ou de manutention courante et/ou d'entretien d'espaces verts (tonte de gazon, arrosage, ramassage des feuilles et propreté) » ; que le niveau 2, correspondant au coefficient 255 (auquel Michèle Y... sollicite son classement) est celui dans lequel « L'employé spécialisé exécute les tâches d'entretien courant et de gardiennage à partir de directives générales. Il a une certaine initiative dans le choix des moyens lui permettant d'accomplir ses tâches. Il peut être amené à assurer, sur instructions précises, des tâches administratives ou techniques simples et limitées (encaissement du terme, par exemple). Les connaissances requises sont celles fixées au niveau V bis de l'éducation nationale (circulaire éducation nationale du 11 juillet 1967. Définition du niveau V bis : personnel occupant des emplois supposant une formation spécialisée d'une durée maximale de 1 an au-delà du premier cycle de l'enseignement du second degré, du niveau du certificat de formation professionnelle) acquises par la formation initiale, professionnelle ou continue ou par une expérience équivalente (VAE). Poste repère : gardien-concierge, chargé de l'entretien courant et de la surveillance d'un immeuble ou ensemble immobilier pouvant accomplir des tâches administratives ou techniques simples et limitées » ; que, eu égard à la liberté d'organisation dont la salariée disposait et à la nature des tâches confiées, comprenant, selon les attestations, la réception et la distribution du courrier, la visite des lieux à louer ou à vendre, la surveillance de la chaufferie, Michèle Y... doit être classée au niveau 2 avec application du coefficient 255 ;

ALORS, D'UNE PART, QU' aux termes de l'article 21 de la convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d'immeubles, le niveau 2 (coefficient 255) correspond à un employé ayant bénéficié d'une formation spécialisée, dans l'un des cadres visés par le texte précité, cependant que l'employé n'ayant bénéficié d'aucune formation particulière relève du niveau 1 (coefficient 235) ; qu'en en attribuant à Mme Y... le coefficient 255, au regard du fait que celle-ci accomplissait des tâches d'entretien avec une certaine autonomie, sans constater que l'intéressée avait bénéficié d'une formation spécialisée, la cour d'appel a violé ce texte ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que dans ses conclusions d'appel (p. 10, alinéa 4), la société Zamkic Ltd faisait valoir que, s'agissant de l'évaluation des unités de valeur, Mme Y... ne produisait aucun élément permettant de calculer les tâches prétendument exécutées ; qu'en déclarant que, sur ce point, elle se référait « au détail et décompte des tâches figurant en pages 42 et 44 des conclusions de Michèle Y... (
) lequel n'est pas discuté par la SA Zamkic Limited » (arrêt attaqué, p. 8, lignes 29 à 31), la cour d'appel, qui a ainsi adopté purement et simplement la thèse controversée de la salariée, statuant ainsi par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute sur l'impartialité de la juridiction, a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les article 455 et 458 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme Y... par la société Zamkic Ltd était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la seconde à payer à la première les sommes de 3.570,18 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 2.134,83 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 18.000 euros à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE si Michèle Y... a été effectivement convoquée, le 27 octobre 1997, par acte d'huissier, à un entretien préalable devant avoir lieu le 5 novembre suivant et si elle a été licenciée le 12 novembre 2007 pour faute grave ensuite de la remise par voie d'huissier d'une lettre ainsi rédigée : « Faisant suite à la convocation à l'entretien préalable du 5 novembre 1997, je suis amené, en tant que de besoin, à vous notifier la rupture de votre contrat de travail, si tant est qu'il existait./ J'entends solennellement réaffirmer que vous n'avez jamais travaillé pour la société en tous cas ces derniers temps que vous n'êtes liée par aucun lien de subordination. Je vous ai d'ailleurs exprimé mon point de vue dans une lettre du 10 avril 1997. Je vous ai indiqué que vous étiez hébergés sans contrepartie et si par impossible il existait un contrat, le motif de la rupture serait évident
vous ne faites rien et vous n'avait jamais rien fait, ce qui entraînerait en l'état une rupture pour faute grave. / Je vous sommes itérativement en conséquence d'évacuer le logement qui vous a été confié./ Je fais bien entendu toutes réserves sur votre résistance abusive et j'engagerai une action pour vous demander, à la suite de ma première mise en demeure d'évacuer, une indemnité d'occupation
» force est de constater cependant qu'il ne s'agit là que d'une tentative de régularisation de la procédure de licenciement et de justification de celui-ci puisque l'immeuble dont Michèle Y... assurait le gardiennage et l'entretien ayant été vendu et les acquéreurs désirant que la propriété soit libre de toute occupation, dans une lettre du 17 février 1997, Michèle Y... était sommée par l'employeur de restituer toutes les clés de la maison principale et du garage, de vider la cabane du jardinier et de remettre en état l'ensemble et que, par un courrier du 5 mars 1997, elle était mise en demeure de libérer les lieux, ces correspondances manifestant que la décision de rupture, sans respect de la procédure et sans motivation de ladite rupture a été prise bien antérieurement à la notification qui a été faite le 12 novembre 2007 ; que si la SA Zamkic Ltd verse aux débats un constat d'huissier établi le 12 septembre 1997 démontrant que la propriété dont Michèle Y... assurait le gardiennage et l'entretien était, à cette date, à l'abandon (herbes folles poussant ça et là, allées non nettoyées et encombrées d'herbes, feuilles mortes et détritus épars, arbustes morts non coupés, piscine présentant une eau verte selon ledit constat et les photos qui y sont annexées) force est de constater au surplus que cette situation n'apparaît pas comme imputable à la salariée celle-ci, qui n'a jamais reçu d'avertissement auparavant, faisant valoir par ailleurs et établissant, sans que cet état de fait soit au demeurant contesté, que l'employeur l'a, et ce antérieurement à ces constatations, progressivement privée des moyens matériels nécessaires à l'accomplissement de ses tâches, notamment par la suppression du matériel de jardinage et d'entretien de la piscine le 17 février 1997, en l'obligeant à restituer les clefs de la villa principale ainsi que celles du garage dans lequel était entreposé l'autoporté Ropper et tous les matériels nécessaires à l'entretien de propreté des espaces verts et enfin par la suppression tant de l'accès à la filtration de la piscine se situant dans le garage ainsi que le matériel indispensable à son entretien (produits, aspirateur, balai, épuisette, etc
) que de l'outillage dans la cabane de jardinier (tuyau d'arrosage, pelle, pioche, bêche, râteau, débroussailleuse, balais, etc
) ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que le licenciement de Michèle Y..., qui a été fait en méconnaissance tant des dispositions conventionnelles (article 14 de la convention collective) que les dispositions légales (articles L.122-14 et suivants du code du travail auxquelles cette convention renvoie) était sans cause réelle et sérieuse ; que le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, Michèle Y... est en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis, dont seule une faute grave était susceptible de la priver ainsi qu'à une indemnité conventionnelle de licenciement et à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, observation étant faite que, en l'occurrence, la salariée ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L.122-14-4, devenu l'article L.1235-3 du code du travail sur une indemnité minimale de six mois, Michèle Y... étant la seule salariée de la SA Zamkic Ltd ; qu'aux termes de l'article 14 de la convention collective déclarée applicable, Michèle Y..., qui est classée en catégorie B, avait droit à un préavis de trois mois ; que l'article 16 de ladite convention dispose « le salarié licencié (sauf pour faute grave ou lourde) recevra une indemnité égale à
après cinq années de présence chez le même employeur : 1/5 de mois par année de service et à partir de la première année de service » ; que, selon ce même texte « Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité est : soit la rémunération globale brute mensuelle contractuelle visée à l'article 22.2, soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement, à l'exclusion de l'indemnité de remplacement allouée au concierge assurant son propre remplacement dans les conditions prévues à l'article 26, 3ème alinéa, soit le tiers des trois derniers mois (à l'exclusion de l'indemnité de remplacement susvisée), étant entendu que dans ce cas toute prime ou gratification à caractère annuel ou exceptionnel qui aurait été versée au salarié pendant cette période ne serait prise en compte que pro rata temporis, selon la formule la plus avantageuse pour l'intéressé, étant entendu que cette indemnité de licenciement ne se cumule pas avec toute autre indemnité de même nature » ; qu'au regard de ces dispositions, Michèle Y... est en droit de prétendre, sur la base d'un salaire mensuel brut de 7.806,29 francs, formule la plus avantageuse pour elle à une indemnité compensatrice de préavis de 23.418,87 francs (7.806,29 francs x 3), soit 3.570,17 €, et une indemnité conventionnelle de licenciement de 14.003,57 francs (7.806,29 francs x 1/5 x 9 années, 2 mois et 12 jours), soit 2.134,83 € ; qu'en réparation des préjudices que Michèle Y... a nécessairement subi à la suite de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, tenant au non-respect de la procédure, à la brutalité de la mesure, aux circonstances de celles-ci, à l'ancienneté de la salariée, la cour allouera à Michèle Y..., toutes causes confondues, la somme de 18.000 €, observation étant faite que l'intéressée, qui doit faire la preuve de l'étendue de son préjudice et affirme ne pas avoir retrouvé de travail, ne produit pas le moindre justificatif à cet égard et ne verse aux débats aucun document justifiant de sa situation tant à l'égard de ses ressources que de ses recherches d'emploi ;

ALORS QU' en allouant à Mme Y... la somme de 18.000 € à Mme Y... à titre de dommages et intérêts en raison d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, tout en constatant que « l'intéressée, qui doit faire la preuve de l'étendue de son préjudice et affirme ne pas avoir retrouvé de travail, ne produit pas le moindre justificatif à cet égard et ne verse aux débats aucun document justifiant de sa situation tant à l'égard de ses ressources que de ses recherches d'emploi » (arrêt attaqué, p. 14 in fine et p. 15 in limine), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L.1235-5 du code du travail. Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., demanderesse au pourvoi incident,

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'IL a débouté MME Y... de sa demande de réparation du préjudice résultant du harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QUE la demande de Michelle Y..., tendant à la réparation du préjudice qu'elle allègue consécutif d'un prétendu harcèlement moral, à l'appui de laquelle Michelle Y... fait état de dégradation de ses conditions de travail ainsi que de brimades, de pressions et de menaces et ayant eu (pour) et fait, d'une part, de porter atteinte à ses droits et à sa dignité et, d'autre part, à altérer sa santé et à compromettre son avenir professionnel, est exclusivement fondée sur les articles L 122-49 et L 122-52, devenus L 1152-1 et L 1152-4 du code du travail tels qu'interprétés et explicités par la jurisprudence, l'intéressé indiquant expressément dans ses conclusions écrites, qui ont été repris oralement, qu'elle « demande à la cour de se prononcer au vu des éléments et documents dont elle se prévaut dans ses conclusions au regard des articles L 1152-1 et L 1152-4, anciens L 122-49 et L 122-52 » dudit code ; que les dispositions dont il est demandé l'application ont été introduites dans le code du travail par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 puis modifié par la loi du 27 mai 2008 ; que les textes invoqués sont donc sans application en l'occurrence la rupture de la relation de travail étant intervenus le 12 novembre 1997 ;

ALORS QUE, en se bornant à considérer, pour écarter la demande indemnitaire de la salariée, fondée sur l'existence d'un harcèlement moral, que les faits invoqués par la salariée ne pouvaient être examinés au seul motif que les dispositions dont elle demandait l'application avaient été introduites dans le code du travail par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, soit postérieurement à la rupture du contrat de travail, sans rechercher s'il n'étaient pas de nature à caractériser le harcèlement moral sur le fondement du droit commun de la responsabilité et notamment de l'article 1147 du Code civil, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil, qu'elle a refusé d'appliquer, ensemble les articles L 122-49 et L 122-52, devenus L 1152-1 et L 1152-4 du code du travail, dont elle a fait une fausse application.ECLI:FR:CCASS:2017:SO02645
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