Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 décembre 2017, 16-19.882, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 28 avril 2016), que, le 22 octobre 2010, M. X... a confié son véhicule automobile à la société Garage Le Clech (le garagiste) aux fins de vidange et de changement des filtres à huile et à gasoil et, de nouveau, le 17 janvier 2011, en vue d'une vidange et du changement du filtre à huile ainsi que du turbocompresseur ; qu'ayant constaté une surconsommation d'huile, M. X... a, au vu du rapport de l'expert désigné en référé, assigné le garagiste et son assureur en réparation de son préjudice ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de limiter son indemnisation à la somme de 1 946,16 euros ;

Attendu que la responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste réparateur s'étend aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat et qu'il appartient à celui qui l'assigne en responsabilité de rapporter la preuve que les dysfonctionnements allégués sont dus à une défectuosité déjà existante au jour de l'intervention du garagiste ou sont reliés à celle-ci ; qu'après avoir relevé que l'expert indiquait une lacune d'entretien du véhicule depuis la date de son achat pouvant expliquer l'usure mécanique anormale du moteur et l'augmentation de sa consommation d'huile, et que les différences techniques entre le filtre d'origine constructeur et le filtre posé n'étaient pas de nature à expliquer la consommation d'huile, l'arrêt retient que le garagiste ne peut être tenu responsable, même partiellement, de l'avarie du moteur ; que, de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a pu déduire que le dommage n'était pas imputable à un manquement du garagiste à ses obligations contractuelles ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer la somme de 8 386,95 euros au titre de la location du véhicule de remplacement ;

Attendu que l'arrêt retient, d'une part, que le document contractuel signé par M. X... fait état d'un prêt pour une durée prévue du 6 au 27 avril 2011, avec restitution à cette date, d'autre part, que la société produit une facture de location du 27 janvier 2012 d'un montant de 9 027,41 euros correspondant à deux-cent-quatre-vingt-seize jours de location du 6 avril 2011 au 27 janvier 2012 au prix journalier de 25,50 euros, non réglée par M. X..., dont il y a lieu de déduire la période de prêt à usage prévue entre les parties, soit vingt-et-un jours ; que, de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a souverainement déduit, sans dénaturation, que M. X... devait être condamné à payer une somme correspondant à deux-cent-soixante-quinze jours de location ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Joseph X... de sa demande tendant à la condamnation de la société Garage Le Clech et de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire à lui payer la somme de 10.146,16 € et d'avoir limité le montant de cette condamnation à la somme de 1.946,16 € ;

AUX MOTIFS QU' en application des articles 1146 et 1147 du code civil, le garagiste, qui en vertu de l'article 1710 du même code, est lié à son client par un contrat d'entreprise par lequel il s'oblige à assurer certains services d'entretien et de réparation du véhicule qui lui est confié, est tenu envers son client d'une obligation de résultat ; qu'il résulte de ces dispositions que le garagiste a le devoir d'informer son client de l'opportunité de réaliser certains travaux que ce dernier n'avait pas sollicités mais qu'en sa qualité de professionnel, il juge nécessaire après examen du véhicule ; que la preuve de l'exécution de cette obligation incombe au garagiste ; qu'en l'espèce, il ressort des factures versées aux débats que la société Garage Le Clech a effectué sur le véhicule de marque Hyundai modèle Santa Fe appartenant à M. X... une première vidange avec remplacement des filtres à huile et à gasoil le 22 octobre 2010 ; que suite à une consommation d'huile importante, la société Garage Le Clech a procédé à une nouvelle vidange et au changement du filtre à huile ainsi que du turbo compresseur ; que cette seconde intervention n'a pas résolu le problème de consommation d'huile et que le moteur a été atteint d'une avarie irréversible causée par un défaut de lubrification ; que le rapport déposé par l'expert judiciaire le 24 mai 2012 relève une lacune d'entretien entre les 84.949 km, date d'achat du véhicule, et les 122.294 km, date de la première vidange réalisée par la société Garage Le Clech, alors que le livret d'entretien du véhicule recommande un entretien tous les 15.000 km ; que l'expert indique que ce défaut d'entretien régulier est une raison technique pouvant expliquer l'usure mécanique anormale du moteur et l'augmentation de sa consommation d'huile ; que si l'expert relève des différences techniques entre le filtre d'origine constructeur et le filtre de marque Mecafiter posé par la société Garage Le Clech, il indique que ces différences n'expliquent pas la consommation d'huile, d'autant que le véhicule a réalisé avec ce filtre un faible kilométrage, à savoir 5.597 km et qu'au surplus, ce véhicule était déjà équipé de ce type de filtres avant les interventions de la société Garage Le Clech ; qu'en conséquence, l'avarie du moteur ne peut être considérée comme consécutive à l'utilisation de filtres non appropriés par la société Garage Le Clech qui ne saurait être tenue responsable même partiellement de l'avarie du moteur ; qu'en revanche, l'expert indique que le garagiste avait les moyens de détecter l'insuffisance de graissage des éléments du moteur et l'usure de ce dernier, en sorte que même si le remplacement du turbo compresseur a été réalisé dans la logique classique d'un diagnostic de moteur en bon état, ce remplacement constitue une erreur de diagnostic constituant un manquement du garagiste à son obligation de résultat ; qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'écartant la responsabilité de la société Garage Le Clech concernant l'avarie du moteur et retenant sa responsabilité au titre de l'erreur de diagnostic, il l'a condamné avec son assureur à payer à M. X... la somme de 1.946,16 € correspondant au montant du remplacement du turbocompresseur ;

ALORS QUE le garagiste, à qui un véhicule présentant une anomalie inexpliquée est confié afin qu'il en détermine la cause et y remédie, est tenu d'une obligation de résultat, sauf à dégager sa responsabilité dans le cadre de l'exercice de son devoir de conseil ; que dès lors, la société Garage Le Clech, à qui M. X... avait confié, pour la seconde fois, un véhicule présentant une surconsommation d'huile, était tenue d'une obligation de résultat pour ce qui concerne la détermination de la cause des désordres et la méthode pour y remédier, sauf à indiquer à M. X... que toute réparation était impossible ; qu'en exonérant la société Garage Le Clech de toute responsabilité à ce titre, au motif que l'avarie du moteur ne pouvait être imputée à l'utilisation de filtres à huile non appropriés par le garagiste (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 9), tout en constatant toutefois que la seconde intervention « n'a pas résolu le problème de consommation d'huile et le moteur a été atteint d'une avarie irréversible causée par un défaut de lubrification » (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 6), ce dont il résultait nécessairement que la société Garage Le Clech avait manqué à son obligation de résultat en remettant un véhicule en circulation sans avoir identifié la cause du désordre et y avoir remédié, et sans dégager sa responsabilité dans le cadre de son devoir de conseil, ce qui a conduit à une avarie irréversible du moteur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Joseph X... à payer à la société Garage Le Clech la somme de 8.386,95 € au titre de la location du véhicule de remplacement, avec les intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2014 ;

AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article 1875 du code civil, le prêt à usage est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge pour le preneur de la rendre après s'en être servi ; que l'article 1876 du code civil précise que ce prêt est essentiellement gratuit et l'article 1881 du même code dispose que l'emprunteur qui tarde à restituer la chose est passible de dommages et intérêts correspondant à la privation de jouissance qui en résulte pour le prêteur ; qu'il ressort des pièces produites que la société Garage Le Clech a prêté à M. X... un véhicule Renault Clio et que l'état des lieux du véhicule prêté signé par M. X... fait état d'un prêt pour une durée prévue du 6 avril 2011 au 27 avril 2011 avec restitution à cette date, que le document annexé à cet état des lieux indique que la société Garage Le Clech prête gracieusement un véhicule et se trouve revêtu de la signature de M. X... avec la mention « bon pour location », que le 4 janvier 2012, par lettre recommandée avec accusé de réception la société Garage Le Clech a invité M. X... et sa compagne Mme Jacqueline Y... à régulariser la situation tant au niveau financier en réglant la somme de 8.325,95 € qu'au niveau technique en lui permettant de contrôler le véhicule, que le véhicule n'a été restitué par Mme Y... que le 27 janvier 2012 soit 275 jours après la date de restitution prévue initialement, et que l'état des lieux de restitution démontre que le véhicule a parcouru 18.823 km ; que compte tenu de ses éléments, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a précisé que la société Garage Le Clech est bien fondée à réclamer le paiement des jours de location au-delà de la date de restitution prévue pour le prêt d'usage pendant lesquels elle doit être considérée comme ayant été privée de la jouissance de son véhicule, et que la société Garage Le Clech produisant une facture de location du 27 janvier 2012 d'un montant de 9.027, 41 € correspondant à 296 jours de location du 6 avril 2011 au 27 janvier 2012 au prix journalier de 25,50 € dont il y a lieu de déduire la période de prêt à usage prévue entre les parties soit 21 jours, M. X... doit être condamné à lui payer la somme de 8.386,95 € correspondant au 275 jours de location du 28 avril au 27 janvier 2012 ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer le sens d'une pièce régulièrement versée aux débats ; qu'en l'espèce précisément, M. X... versait aux débats un courrier du garagiste du 6 avril 2011, dans lequel il était clairement indiqué que le prêt d'un véhicule de remplacement était consenti à titre gratuit, sans limite de temps ; qu'en considérant, au vu de cette lettre, que le prêt à usage avait pu se transformer en location à titre onéreux à compter du 27 avril 2011, la cour d'appel a dénaturé le sens du courrier du 6 avril 2011 et a ainsi violé le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ET ALORS, D'AUTRE PART, QU' en tout état de cause, nul ne peut se constituer une preuve à soi-même, de sorte que les juges du fond ne peuvent faire droit à une demande en paiement en se fondant exclusivement sur les factures établies par le requérant ; qu'en condamnant M. X... à payer à la société Garage Le Clech la somme de 8.386,95 € au titre de la location du véhicule de remplacement, au motif que celle-ci produisait aux débats « une facture de location du 27 janvier 2012 d'un montant de 9.027,41 € correspondant à 296 jours de location du 6 avril 2011 au 27 janvier 2012 au prix journalier de 25,50 € » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 3), la cour d'appel, qui a ce faisant autorisé le garagiste à fixer lui-même le prix de sa prestation, a violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.ECLI:FR:CCASS:2017:C101328
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