Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 décembre 2017, 16-17.998, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1221-21, L. 2252-1, L. 2253-3 du code du travail, l'article 2 de l'avenant « mensuels » du 2 mai 1979 à la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954, en sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article 4 de l'accord national du 10 juillet 1970 sur la mensualisation du personnel ouvrier dans la branche de la métallurgie, modifié par avenant du 21 juin 2010 ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que la période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit, cet accord fixant les conditions et les durées de renouvellement ; qu'il résulte du quatrième de ces textes que seule la période d'essai des mensuels occupant un emploi classé au niveau I peut être prolongée ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé par la société Georges Briere en qualité d'approvisionneur/acheteur, niveau V, échelon 2, coefficient 335, catégorie agent de maîtrise, selon un contrat du 3 juillet 2013 prévoyant une période d'essai de trois mois renouvelable une fois d'un commun accord ; que la période d'essai a été renouvelée par avenant du 3 octobre 2013 pour une durée de trois mois ; que l'employeur a mis fin le 29 novembre 2013 à la période d'essai ; que soutenant que cette rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes à ce titre ;

Attendu que pour dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en une rupture de la période d'essai et débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que le contrat de travail visant la convention collective des industries métallurgiques de la région parisienne prévoit expressément la possibilité de renouveler la période d'essai, conformément aux dispositions de l'article L. 1221-23 du code du travail , que la convention collective régionale du 16 juillet 1954 modifiée ne prévoit pas de renouvellement de la période d'essai pour les ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise occupant un emploi classé au niveau V, la possibilité de renouveler la période d'essai n'existant que pour les salariés occupant un emploi classé au niveau I, que s'agissant d'une période d'essai conventionnelle plus courte que les nouvelles durées légales fixées par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 et contenues dans l'article L. 1221-21 du code du travail, cette durée ne continuait de s'appliquer que jusqu'au 30 juin 2009, période laissée aux partenaires sociaux pour négocier un nouvel accord ; que depuis le 1er juillet 2009, les dispositions de l'accord de branche prévoyant des durées de périodes d'essai plus courtes que la loi ne peuvent plus s'appliquer, à la différence des périodes d'essai conventionnelles ayant des durées plus longues que les durées légales qui peuvent, quant à elles, continuer à s'appliquer, qu'en ce qui concerne la convention collective régionale du 16 juillet 1954 modifiée, en l'absence de l'intervention d'un nouvel accord conclu après la date de la publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, les durées légales s'imposent et se substituent aux durées conventionnelles, qu'il en résulte que les dispositions de la convention collective des industries métallurgiques de la région parisienne, prévoyant des périodes d'essai conventionnelles plus courtes et conclues antérieurement à la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, ne sont pas applicables, que la rupture du contrat est intervenue le 29 novembre 2013, soit moins de cinq mois (renouvellement compris) après sa conclusion de telle sorte que la rupture est intervenue dans le délai impératif de six mois prévu par la loi, étant précisé que l'avenant à la convention collective nationale de la métallurgie du 21 juin 2010, en son article 2, prévoit une durée maximum totale de période d'essai, renouvellement compris, de cinq mois pour les salariés classés au niveau V, coefficients 305 à 365 (cas de M. Eric Y...), ainsi respectée par l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi alors d'une part, que l'accord national du 10 juillet 1970 dispose en son article 4 qu'il ne s'applique qu'à défaut d'une convention collective ou d'un avenant applicable aux Etam ou ouvriers d'un établissement parce que celui-ci ne se trouve pas dans le champ d'application territorial d'une convention collective territoriale, d'autre part, que la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954, applicable au contrat de travail, dont les dispositions ne prévoyant pas de renouvellement de la période d'essai devaient primer sur celles, moins favorables, du contrat de travail, ce dont il résultait que la clause contractuelle prévoyant le renouvellement de la période d'essai était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Georges Briere aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. Y....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur Eric Y... notifiée le 29 novembre 2013 par la Société Georges Brière SA était intervenue en période d'essai et, en conséquence, débouté le salarié de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture et dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE "l'appelante, la SA Georges Brière, invoque la réforme du 25 juin 2008 et le caractère impératif des nouvelles durées des périodes d'essai, qui rendent caduques les dispositions de la Convention collective nationale et territoriale ; qu'elle fait valoir que la période d'essai a été rompue le cinquième mois, dans le délai impératif fixé par la loi, de telle sorte que la décision doit être infirmée ; que l'intimé fait valoir que les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des industries métallurgiques de la région parisienne ne prévoyant pas la possibilité de renouveler la période d'essai ;

QU'aux termes des dispositions de l'article [L. 1221-20] du code du travail, "la période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent" ;
que l'article L. 1221-21 du même code prévoit que "la période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.
La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :
1° Quatre mois pour les ouvriers et employés ;
2° Six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;
3° Huit mois pour les cadres" ;
qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1221-22 du code du travail que "les durées des périodes d'essai fixées par les articles L. 1221-19 et L. 1221-21 ont un caractère impératif, à l'exception :
- de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail ;
- de durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 précitée,
- de durées plus courtes fixées par la lettre d'engagement ou le contrat de travail" ;
qu'enfin l'article L. 1221-23 du même code dispose que : "la période d'essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail" ;

QUE en l'espèce, le contrat de travail, visant la convention collective des industries métallurgiques de la région parisienne, prévoit expressément la possibilité de renouveler la période d'essai, conformément aux dispositions de l'article L. 1221-23 susmentionné ;

QUE la convention collective régionale du 16 juillet 1954 modifiée, dont Monsieur Eric Y... se prévaut à l'appui de sa demande, ne prévoit pas le renouvellement de la période d'essai pour les ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise occupant un emploi classé au niveau V, la possibilité de renouveler la période d'essai n'existant que pour les salariés classés au niveau I ;

QU'en l'espèce, s'agissant d'une période d'essai conventionnelle plus courte que les nouvelles durées légales fixées par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 (contenues dans l'article L. 1221-21 du code du travail susmentionné), cette durée ne continuait à s'appliquer que jusqu'au 30 juin 2009, période laissée aux partenaires sociaux pour négocier un nouvel accord ; qu'en revanche, depuis le 1er juillet 2009, les dispositions de l'accord de branche prévoyant des durées de période d'essai plus courtes que la loi ne peuvent plus s'appliquer, à la différence des périodes d'essai conventionnelles ayant des durées plus longues que les durées légales qui peuvent, quant à elles, continuer à s'appliquer au regard des dispositions de l'article L. 1221-22 du code du travail susmentionné ;

QU'en ce qui concerne la convention collective régionale du 16 juillet 1954 modifiée, en l'absence d'intervention d'un nouvel accord conclu après la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, les durées légales (contenues dans l'article L. 1221-21 du code du travail) s'imposent et se substituent aux durées conventionnelles ; que dès lors, il en résulte que les dispositions de la convention collective des industries métallurgiques de la région parisienne dont se prévaut Eric Y..., prévoyant des périodes d'essai conventionnelles plus courtes et conclues antérieurement à la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, ne sont pas applicables, au regard de ce qui précède ;

QU'en l'espèce, la rupture du contrat est intervenue le 29 novembre 2013, soit moins de cinq mois (renouvellement compris) après sa conclusion, de sorte que la rupture est intervenue dans le délai impératif de six mois prévu par la loi, étant précisé que l'avenant à la Convention collective nationale de la métallurgie du 21 juin 2010, en son article 2, prévoit une durée maximum totale de période d'essai, renouvellement compris, de cinq mois pour les salariés classés au niveau V, coefficient 305 à 365 (cas de Monsieur Eric Y...), ainsi respectée par la SA Georges Brière ;

QU'en conséquence, la rupture du contrat de travail intervenue le 29 novembre 2013 s'analyse en une rupture de la période d'essai, de telle sorte que la décision entreprise sera infirmée en toutes ses dispositions et que Monsieur Eric Y... sera débouté de toutes ses demandes indemnitaires (
)" ;

1°) ALORS QU'en application de l'article L. 2251-1 du code du travail, et sauf disposition expresse contraire, les stipulations des conventions collectives plus favorables aux salariés se substituent aux dispositions légales ayant le même objet ; qu'aux termes de l'article L. 1221-21 du même code, la période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit ; que selon l'article L. 1221-23, les durées des périodes d'essai fixées par les articles L. 1221-19 et L.1221-21 sont impératives et qu'enfin, selon l'article 2-II de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, les stipulations des accords de branche conclus avant la publication de cette loi et fixant des durées d'essai plus courtes que celles fixées par l'article L. 1221-19 restent en vigueur jusqu'au 30 juin 2009 ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. Y..., pour conclure à l'illicéité de la rupture de son contrat de travail intervenue après renouvellement de la période d'essai, se prévalait des stipulations de la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne excluant la possibilité de renouveler l'essai pour les salariés de sa catégorie ; que ces stipulations, qui ne concernaient pas la durée de la période d'essai mais son renouvellement, n'étaient pas visées par la restriction édictée par l'article L. 1221-21 du code du travail ni frappées de la caducité édictée par l'article 2-II de la loi du 25 juin 2008 ; qu'en le déboutant cependant de sa demande aux termes de motifs inopérants, pris de ce que les dispositions impératives de l'article L. 1221-21 fixant la durée des périodes d'essai s'étaient substituées à compter du 1er juillet 2009 aux stipulations de cette convention collective prévoyant des durées d'essai plus courtes, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés, ensemble, par refus d'application, l'article 2 de l'avenant "mensuels" du 2 mai 1979 à la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954 ;

2°) ALORS subsidiairement QU'aux termes de l'article L. 1221-21 du code du travail, la période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit ; que par ailleurs, ni l'article L. 2252-1 du code du travail, ni le caractère impératif attaché à une convention ou à un accord professionnel ou interprofessionnel couvrant un champ d'application territorial ou professionnel plus large, n'emportent abrogation des dispositions d'une convention ou d'un accord collectif antérieur ayant le même objet ou la même cause qui, en l'absence d'accord de révision, demeurent applicables si elles sont plus favorables aux salariés ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que "
la convention collective régionale du 16 juillet 1954 modifiée, dont M. Eric Y... se prévaut à l'appui de sa demande, ne prévoit pas le renouvellement de la période d'essai pour les ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise occupant un emploi classé au niveau V, la possibilité de renouveler la période d'essai n'existant que pour les salariés classés au niveau I" ; que ces dispositions devaient primer sur celles, moins favorables, du contrat de travail et de l'avenant étendu du 21 juin 2010 modifiant l'accord national du 10 juillet 1970 sur la mensualisation du personnel ouvrier dans la branche de la métallurgie autorisant un tel renouvellement, qui n'avaient de caractère impératif que dans les limites de la loi ; que dès lors, le renouvellement de la période d'essai était illicite ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

3°) ALORS en toute hypothèse QUE les durées légales ou conventionnelles de la période d'essai ne prévalent pas sur la durée plus courte fixée par le contrat de travail ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la durée de la période d'essai fixée par le contrat de travail de Monsieur Y... était de trois mois ; qu'en validant cependant la rupture, motif pris qu'elle était intervenue " dans le délai impératif de six mois prévu par la loi" la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1221-22 du code du travail. ECLI:FR:CCASS:2017:SO02696
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