Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 décembre 2017, 16-17.193, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 décembre 2017, 16-17.193, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 16-17.193
- ECLI:FR:CCASS:2017:SO02622
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 13 décembre 2017
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 18 mars 2016- Président
- M. Frouin
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 9-1 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. A... a été engagé le 13 mars 1993 par la société Euro Disney associés en qualité de cast member et exerçait en dernier lieu les fonctions d'assistant spectacle ; qu'au printemps 2012, une procédure d'instruction a été ouverte sur des faits d'infraction à la législation sur les stupéfiants au sein du parc d'attractions, plusieurs salariés étant mis en cause ; que M. A... a fait l'objet d'une audition le 27 février 2013 par les services de police ; qu'il n'a pas été mis en examen et n'a pas fait l'objet de condamnation dans le cadre de cette procédure ; que par ordonnance du 29 mai 2013, la constitution de partie civile de la société Euro Disney a été déclarée recevable, une copie du dossier pénal étant communiquée à son avocat ; que par lettre du 24 septembre 2013, M. A... a été licencié pour faute ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale ; que par lettre du 16 septembre 2014, le procureur de la République a autorisé l'avocat de la société à produire dans le cadre de l'instance prud'homale différentes pièces de la procédure pénale dont le procès-verbal d'audition du salarié ;
Attendu que pour prononcer la nullité du licenciement, l'arrêt retient que la présomption d'innocence, principe à valeur constitutionnelle, consacré aussi par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et la Déclaration universelle des droits de l'homme constitue une liberté fondamentale, que toute personne est présumée innocente et que chacun doit pouvoir se défendre de poursuites pénales dirigées contre lui, qu'en conséquence, il ne saurait être autorisé de fonder un licenciement sur des déclarations faites par un salarié lors d'une audition auprès des services de police menant une enquête pénale, alors que la personne est nécessairement en situation de contrainte, qu'un licenciement intervenu dans de telles conditions, en violation de cette liberté fondamentale, ne peut qu'être déclaré nul ; que le licenciement prononcé sur la seule base du contenu de ce procès-verbal d'audition, en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté fondamentale de se défendre en justice, garantie d'une bonne justice, est également atteint de nullité, qu'en outre, l'utilisation de documents extraits d'un dossier pénal ne peut être effectuée que pour les besoins de la défense de l'intéressé, qu'à la date du licenciement, aucune procédure judiciaire n'ayant été introduite, l'employeur ne pouvait faire valoir pour les besoins de sa défense, ni de plus fort fonder un licenciement sur des déclarations faites lors d'une audition sur convocation par les services de police alors qu'il ne justifie d'aucun autre élément matériel ni surtout d'aucun élément extérieur à la procédure pénale dont il n'est pas allégué qu'elle a abouti à la condamnation du salarié ;
Attendu cependant que le droit à la présomption d'innocence qui interdit de présenter publiquement une personne poursuivie pénalement comme coupable, avant condamnation, d'une infraction pénale n'a pas pour effet d'interdire à un employeur de se prévaloir de faits dont il a régulièrement eu connaissance au cours d'une procédure pénale à l'appui d'un licenciement à l'encontre d'un salarié qui n'a pas été poursuivi pénalement ;
Attendu par ailleurs que la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale, de sorte que l'exercice par l'employeur de son pouvoir disciplinaire ne méconnaît pas le principe de la présomption d'innocence lorsque l'employeur prononce une sanction pour des faits identiques à ceux visés par la procédure pénale ;
Qu'en statuant comme l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la nullité du licenciement de M. A..., ordonne sa réintégration sur son poste de travail sous astreinte, rappelle que le contrat de travail n'est pas rompu et que le salaire demeure dû, et condamne la société Euro Disney associés à payer à M. A... les salaires dus à compter du 24 novembre 2013, l'arrêt rendu le 18 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. X..., président, et par Mme Piquot, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt le treize décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Euro Disney associés.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité du licenciement de M. A..., d'avoir ordonné sous astreinte à la société Euro Disney Associés de procéder à la réintégration de ce salarié sur son poste de travail, d'avoir rappelé que le contrat de travail n'est pas rompu et que le salaire demeure dû et d'avoir condamné la société Euro Disney Associés à régler à M. A... les salaires dus à compter du 20 novembre 2013 ;
AUX MOTIFS QUE : « Sur la nullité du licenciement et la violation d'une liberté fondamentale : Le juge prud'homal ne peut annuler un licenciement et ordonner la réintégration du salarié licencié que s'il constate que le licenciement est intervenu malgré un texte prévoyant sa nullité ou en violation d'une liberté fondamentale ; qu'en l'espèce, la SCA EURO DISNEY ASSOCIES a été informée, au printemps 2012 d'actes d'enquêtes et d'instruction afin de mettre à jour un trafic de stupéfiants entre ses salariés. Un certain nombre de salariés ont été mis en cause et interpellés au printemps 2013 ; que Monsieur A... a été convoqué par les services de police et entendu dans le cadre d'une audition libre du 27 février 2013 ; Il n'a pas été placé en garde à vue et ne s'est donc pas vu notifier ses droits au silence ou à a présence d'un avocat ; L'intimé fonde sa demande incidente de nullité sur la violation de trois principes qu'il qualifie de libertés fondamentales ; le salarié considère que le secret de l'instruction n'a pas été respecté ; l'employeur s'étant prévalu d'une audition de Monsieur A..., tiers à la procédure d'instruction, couverte par le secret de l'instruction, recueillie sans débat contradictoire, Monsieur A... ajoutant que la SCA EURO DISNEY ASSOCIES ne justifie pas du respect des dispositions de l'article 114 du code de procédure pénale ; Monsieur A... soutient qu'il a contesté les faits qui lui étaient reprochés lors de son entretien préalable et, qu'il a déposé, le 9 janvier 2014, une plainte près le Procureur de la République pour violation du secret de l'instruction. Cette plainte a été classée sans suite le 14 janvier 2014 ; l'intimé fait observer à la cour qu'il n'a jamais été convoqué suite à son dépôt de plainte et, que le délai de traitement de celle-ci était de trois jours ; l'employeur répond qu'outre le fait que le secret de l'instruction ne constitue pas une liberté fondamentale dont la violation justifierait la nullité du licenciement, les pièces communiquées par la partie civile dans le cadre d'un procès civil sont présumées avoir été obtenues régulièrement ; la SCA EURO DISNEY ASSOCIES précise qu'en sa qualité de partie civile, elle n'a jamais été destinataire d'aucune copie du dossier pénal, que la remise de la copie du dossier pénal à son conseil a fait l'objet d'une autorisation expresse du magistrat instructeur. L'appelante produit au soutien de ses arguments l'autorisation de copie du dossier pénal en date du 29 mai 2013, l'ordonnance du 30 mai 2013 jugeant recevable sa constitution de partie civile, la demande d'autorisation au Procureur de la République du 30 juillet 2014 de produire devant l'instance prud'homale les pièces de procédure pénale concernant l'intimé ainsi que la réponse du Procureur de la République du 16 septembre 2014 faisant droit à cette demande ; la SCA EURO DISNEY ASSOCIES ajoute que la cour n'est pas compétente pour apprécier l'existence du délit de violation du secret de l'instruction et, que la plainte déposée par Monsieur A... a été classée sans suite au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée ; s'agissant du procès-verbal d'audition de Monsieur A..., ce dernier précise que ce document n'expose ni les motifs ni les conditions d'exercice de ses droits (droit de se taire, droit d'être assisté de son avocat), qu'il n'a jamais été convoqué auparavant par les services de police et, qu'il s'est retrouvé en position de faiblesse craignant un placement en garde à vue ; le salarié assure qu'il n'a fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire pendant plus de 20 ans, que ses visites médicales n'ont rien révélé, qu'il n'a jamais eu d'accident et, que compte tenu de son ancienneté et de son attitude irréprochable, son employeur aurait pu le soumettre à un dépistage de produit stupéfiant, expressément prévu par l'article 13 du règlement intérieur de la société, avant de procéder à son licenciement ; l'employeur rétorque que le procès-verbal d'audition du salarié a débuté par la prise de connaissance de ses droits comme suit ; "je prends acte du motif de ma convocation en vos services et consens à répondre à vos questions. Je prends acte que je peux partir à tout moment " et, qu'à l'issue de son audition, Monsieur A... a été invité à relire le procès-verbal et à le signer ; la SCA EURO DISNEY ASSOCIES produit également certaines pièces du dossier pénal dont les enregistrements des appels et messages échangés entre Monsieur B..., Maurice A... et Monsieur Fabrice C..., principal mis en cause dans la procédure pénale, qu'elle considère comme étant nombreux et significatifs malgré le vocabulaire utilisé et les sous-entendus convenus ainsi que, le procès-verbal d'interrogatoire de Monsieur Fabrice C... qui reconnait avoir vendu à son collègue de la résine de cannabis ; l'appelante considère que compte tenu de sa consommation régulière de cannabis et des fonctions qui lui étaient assignées, l'intimé n'était pas en possession de l'ensemble de ses facultés lors de l'exécution de son contrat de travail. La SCA EURO DISNEY ASSOCIES verse à ce titre diverses études sur les conséquences d'une consommation régulière de produit stupéfiant (trouble de la mémoire, de l'attention, du raisonnement, de la coordination, de la vigilance, allongement du temps de réaction) ; la cour relève que les faits reprochés au salarié ne reposent que sur la découverte de son audition, dans le cadre d'une enquête de police sur un trafic de stupéfiants, dont le salarié a contesté la teneur et qui n'a été suivie d'aucune garde à vue ni mise en examen ni poursuite pénale ; l'employeur n'a pas constaté les faits reprochés, n'allègue pas de dégradation dans l'exécution des tâches confiées et n'apporte pas de témoignage en ce sens ; il résulte de ces éléments que Monsieur B... Maurice A... a été licencié pour des faits pour lesquels il n'a été ni poursuivi ni condamné et dont l'employeur n'établit pas qu'ils aient eu un impact sur le travail du salarié ; Monsieur A... invoque également la liberté fondamentale de témoigner pour fonder la nullité de son licenciement ; la SCA EURO DISNEY ASSOCIES soutient qu'il n'est pas reproché à Monsieur A... d'avoir témoigné auprès des services de police mais d'avoir " facilité et participé au développement d'un trafic de stupéfiant au sein du parc DISNEYLAND Paris portant un grave préjudice à l'entreprise " et d'avoir violé les articles 1 I et 13 du règlement intérieur de l'entreprise interdisant toute " introduction, la distribution et la consommation sur le lieu de travail des drogues et susbstances hallucinogènes " et prévoyant qu'il " incombe à chaque salarié de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail " ; l'appelante assure que les griefs retenus à l'encontre de l'intimé sont liés aux conditions d'exécution de son contrat de travail et, que seul son comportement est en cause dans le licenciement ; concernant la présomption d'innocence, Monsieur A... n'a cessé de contester son audition et rappelle à la cour qu'il n'a pas été poursuivi ni mis en examen, ni placé sous statut de témoin assisté ; la SCA EURO DISNEY ASSOCIES soutient que certes la présomption d'innocence est un principe fondamental du droit pénal et de la procédure pénale mais ne constitue pas une liberté fondamentale dont l'atteinte justifierait la nullité du licenciement ; l'appelante affirme qu'elle n'a pas remis en cause la présomption d'innocence dont bénéficie l'intimé et, qu'elle s'est limitée à demander des explications à son salarié et à les sanctionner ; l'employeur ajoute que la lettre de licenciement notifiée à Monsieur A... est rédigée au visa des dispositions du règlement intérieur de la société ; la cour relève néanmoins que la lettre de licenciement fait état de l'audition de Monsieur A... et constitue son motif de licenciement puisqu'il est précisé que ce dernier a contesté son témoignage auprès des services de police lors de l'entretien préalable : " Lors de l'entretien, il s'avère que vous nous avez effectivement confirmé avoir été en rapport avec Monsieur Fabrice C..., autre salarié mis en cause dans l'information judiciaire en cours, mais que vous n'aviez pas souvenir avoir effectué une quelconque transaction sur le site de l'entreprise DISNEYLAND Paris ; néanmoins, vous avez reconnu auprès des services de police que vous passiez des commandes de stupéfiants (résine de cannabis) auprès 'de Monsieur Fabrice C... de vive voix ou par téléphone, SMS ou conversations, puis qu'il vous donnait rendez-vous sur le parc, à son algéco ou au parking Nord du site de Disneyland Paris ; En agissant ainsi, vous avez facilité et participé au développement d'un trafic de stupéfiant au sein du Parc Disneyland Paris, trafic portant un grave préjudice à l'entreprise" ; mais, la présomption d'innocence, principe à valeur constitutionnelle, consacré aussi par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et la Déclaration universelle des droits de l'homme constitue une liberté fondamentale ; Toute personne est présumée innocente et chacun doit pouvoir se défendre de poursuites pénales dirigées contre lui en conséquence, il ne saurait être autorisé de fonder un licenciement sur des déclarations faites par un salarié lors d'une audition auprès des services de police menant une enquête pénale, alors que la personne est nécessairement en situation de contrainte un licenciement intervenu dans de telles conditions, en violation de cette liberté fondamentale ne peut qu'être déclaré nul ; En application des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 9-1 du code civil, et en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté fondamentale de se défendre en justice, garantie d'une bonne justice, le licenciement prononcé sur la seule base du contenu d'un procès-verbal d'audition est atteint de nullité. En outre, la cour rappelle que l'utilisation de documents extraits d'un dossier pénal ne peut être effectuée que pour les besoins de la défense de l'intéressé. A la date du licenciement, aucune procédure judiciaire n'avait été introduite, de ce fait l'employeur ne pouvait faire valoir les besoins de sa défense et de plus fort l'employeur ne pouvait fonder un licenciement sur des déclarations faites lors d'une audition sur convocation par les services de police alors qu'il ne justifie d'aucun autre élément matériel ni surtout d'aucun élément extérieur à la procédure pénale dont il n'est pas allégué qu'elle a abouti à la condamnation du salarié ; En conséquence, le jugement du conseil de prud'hommes de MEAUX doit être infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur B... Maurice A... de sa demande de nullité de licenciement ; Dès lors, il convient de faire droit à la demande de Monsieur B... Maurice A... tendant à sa réintégration et au rappel de salaires ; Ainsi convient-il d'ordonner à la SCA EURO DISNEY ASSOCIES de procéder à la réintégration de Monsieur B... Maurice A... sur son poste de travail, sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard et de la condamner à lui régler les salaires dus à compter du 24 novembre 2013 ; Dans la mesure où la cour fait droit à la demande principale, il n'y pas lieu à examiner la demande subsidiaire ; Sur la demande d'exécution provisoire de l'arrêt : Le pourvoi en cassation n'étant pas suspensif ; il convient de débouter l'intimé de cette demande sans objet ; Sur les frais irrépétibles et les dépens : L'appelante succombant en appel, ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées, elle doit être condamnée aux dépens et il convient de faire droit aux demandes de Monsieur B... Maurice A... au titre des frais irrépétibles dans la limite de 2.000 € » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le droit à la présomption d'innocence, tel qu'il est consacré par les articles 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés fondamentales, 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 9-1 du code civil ne concerne que les personnes poursuivies pénalement et a pour objet, d'une part, de faire peser sur l'accusation la preuve de la culpabilité pénale de la personne poursuivie et, d'autre part, d'interdire de présenter publiquement cette dernière comme coupable, avant condamnation, d'une infraction pénale ; que cette liberté fondamentale n'a nullement pour objet d'interdire à un employeur de se prévaloir de faits dont il a régulièrement eu connaissance au cours d'une procédure pénale à l'appui d'un licenciement à l'encontre d'un salarié qui n'a pas été poursuivi pénalement ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt que, si M. A... avait été entendu par les services de police au cours d'une enquête pénale, il n'a jamais été poursuivi pénalement, de sorte qu'aucune atteinte à la présomption d'innocence n'était susceptible d'avoir été commise ; qu'en estimant néanmoins nul comme attentatoire à la présomption d'innocence le licenciement prononcé par la société Euro Disney, au seul motif que cette dernière s'était fondée sur des éléments dont elle avait eu connaissance au cours d'une procédure pénale, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 9-1 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'exercice du pouvoir disciplinaire dont est légalement investi l'employeur est indépendant des poursuites pénales pouvant être engagées pour les mêmes faits et que l'employeur, qui a connaissance d'agissements commis par un salarié à l'occasion d'une procédure pénale en cours, n'est pas tenu d'attendre l'issue de cette procédure pour notifier au salarié son licenciement ; que, par ailleurs, le juge prud'homal est tenu d'apprécier, conformément à l'article L. 1235-1 du code du travail, si les faits reprochés sont ou non fautifs dans une relation salariale et donc constitutifs ou non d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, peu important leur éventuelle qualification pénale ; qu'au cas présent, il est constant que M. A... a été licencié pour avoir facilité et participé au développement d'un trafic de stupéfiants au sein du parc Disneyland Paris et d'avoir méconnu les dispositions du règlement intérieur relatives à l'interdiction d'introduire, de distribuer ou consommer des produits stupéfiants au sein de l'établissement ; qu'en refusant de rechercher si ces faits étaient établis et constituaient, indépendamment de toute qualification pénale, une cause réelle et sérieuse de licenciement, au motif erroné selon lequel l'employeur aurait porté atteinte à la présomption d'innocence en se fondant uniquement sur des éléments dont il avait eu connaissance lors d'une procédure pénale qui n'a pas donné lieu à poursuite ni à condamnation du salarié, la cour d'appel a violé derechef, les articles 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés fondamentales, 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 9-1 du code civil, ensemble les articles L. 1321-1, L. 1331-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU'il résulte du principe de liberté de la preuve en matière prud'homale que l'employeur peut rapporter la preuve des faits qu'il invoque par tout moyen légalement admissible ; que l'employeur peut donc se prévaloir à l'appui d'un licenciement disciplinaire des éléments dont il a régulièrement eu connaissance à l'occasion d'une procédure pénale à laquelle il était partie civile et qu'il a été autorisé à produire au cours de la procédure prud'homale par le Procureur de la République ; qu'au cas présent, il est constant que la constitution de partie civile de la société Euro Disney Associés dans la procédure pénale avait été déclarée recevable par le juge d'instruction et que la société Euro Disney Associés avait été autorisée par le Procureur de la République à produire les pièces de procédure pénale concernant M. A..., de sorte que l'employeur avait régulièrement pris connaissance et produit ces pièces ; qu'en jugeant néanmoins le licenciement attentatoire à la présomption d'innocence et en refusant d'examiner si, au regard des éléments régulièrement produits, les faits invoqués par la société Euro Disney Associés étaient établis et constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement, au motif que cette dernière ne produisait aucun élément extérieur à la procédure pénale, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-1 du code du travail, ensemble les articles 9 du code de procédure civile, 11 du code de procédure pénale et le principe de liberté de la preuve en matière prud'homale ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'il résulte du principe de liberté de la preuve en matière prud'homale que l'employeur peut rapporter la preuve des faits qu'il invoque par tout moyen légalement admissible ; que l'employeur peut donc se prévaloir à l'appui d'un licenciement disciplinaire sur des éléments dont il a régulièrement eu connaissance à l'occasion d'une procédure pénale à laquelle il était partie civile et qu'il a été autorisé à produire au cours de la procédure prud'homale par le Procureur de la République ; qu'au cas présent, il est constant que la constitution de partie civile de la société Euro Disney Associés dans la procédure pénale avait été déclarée recevable par le juge d'instruction et que la société Euro Disney Associés avait été autorisée par le Procureur de la République à produire les pièces de procédure pénale concernant M. A..., de sorte que l'employeur avait régulièrement pris connaissance et produit le procès-verbal d'audition du 27 février 2013 ; qu'en énonçant que le licenciement du salarié était nul au seul motif qu'il était fondé « sur des déclarations faites par un salarié lors d'une audition auprès des services de police, alors que par définition la personne est en situation de contrainte », la cour d'appel a violé les articles 9 du code de procédure civile, 11 du code de procédure pénale et le principe de liberté de la preuve en matière prud'homale ;
ALORS, DE CINQUIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la société Euro Disney faisait valoir dans ses écritures que les agissements reprochés à M. A... - consistant à avoir facilité et participé au développement d'un trafic de stupéfiants au sein du parc Disneyland Paris et à avoir méconnu les dispositions du règlement intérieur relatives à l'interdiction d'introduire, de distribuer ou consommer des produits stupéfiants au sein de l'établissement – étaient établis, non pas seulement par le procès-verbal d'audition de ce salarié par les services de police en date du 27 février 2013, mais étaient corroborés par les procès-verbaux de retranscription des échanges téléphoniques entre M. A... et M. C..., qui était l'un des principaux acteurs présumés du trafic, ainsi que par le procès-verbal d'interrogatoire de M. C... par le juge d'instruction en date du 2 avril 2013 (Conclusions p. 19-20) ; qu'elle avait produit aux débats, après autorisation du Procureur de la République, l'ensemble de ces pièces ; qu'en énonçant néanmoins que le licenciement était atteint de nullité au motif qu'il n'était fondé sur « aucun autre élément matériel » que le procès-verbal d'audition de M. A... par les services de police, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation des articles 4 du code de procédure civile et 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en reprochant à la société Euro Disney Associés d'avoir fondé le licenciement « sur des déclarations faites par un salarié lors d'une audition auprès des services de police, alors que par définition la personne est en situation de contrainte », sans rechercher, comme cela lui était expressément demandé par l'exposante (Conclusions p. 18), si ces déclarations n'étaient pas corroborées par les procès-verbaux de retranscription des échanges téléphoniques entre M. A... et M. C..., qui était l'un des principaux acteurs présumés du trafic, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2017:SO02622
Sur le moyen unique :
Vu les articles 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 9-1 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. A... a été engagé le 13 mars 1993 par la société Euro Disney associés en qualité de cast member et exerçait en dernier lieu les fonctions d'assistant spectacle ; qu'au printemps 2012, une procédure d'instruction a été ouverte sur des faits d'infraction à la législation sur les stupéfiants au sein du parc d'attractions, plusieurs salariés étant mis en cause ; que M. A... a fait l'objet d'une audition le 27 février 2013 par les services de police ; qu'il n'a pas été mis en examen et n'a pas fait l'objet de condamnation dans le cadre de cette procédure ; que par ordonnance du 29 mai 2013, la constitution de partie civile de la société Euro Disney a été déclarée recevable, une copie du dossier pénal étant communiquée à son avocat ; que par lettre du 24 septembre 2013, M. A... a été licencié pour faute ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale ; que par lettre du 16 septembre 2014, le procureur de la République a autorisé l'avocat de la société à produire dans le cadre de l'instance prud'homale différentes pièces de la procédure pénale dont le procès-verbal d'audition du salarié ;
Attendu que pour prononcer la nullité du licenciement, l'arrêt retient que la présomption d'innocence, principe à valeur constitutionnelle, consacré aussi par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et la Déclaration universelle des droits de l'homme constitue une liberté fondamentale, que toute personne est présumée innocente et que chacun doit pouvoir se défendre de poursuites pénales dirigées contre lui, qu'en conséquence, il ne saurait être autorisé de fonder un licenciement sur des déclarations faites par un salarié lors d'une audition auprès des services de police menant une enquête pénale, alors que la personne est nécessairement en situation de contrainte, qu'un licenciement intervenu dans de telles conditions, en violation de cette liberté fondamentale, ne peut qu'être déclaré nul ; que le licenciement prononcé sur la seule base du contenu de ce procès-verbal d'audition, en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté fondamentale de se défendre en justice, garantie d'une bonne justice, est également atteint de nullité, qu'en outre, l'utilisation de documents extraits d'un dossier pénal ne peut être effectuée que pour les besoins de la défense de l'intéressé, qu'à la date du licenciement, aucune procédure judiciaire n'ayant été introduite, l'employeur ne pouvait faire valoir pour les besoins de sa défense, ni de plus fort fonder un licenciement sur des déclarations faites lors d'une audition sur convocation par les services de police alors qu'il ne justifie d'aucun autre élément matériel ni surtout d'aucun élément extérieur à la procédure pénale dont il n'est pas allégué qu'elle a abouti à la condamnation du salarié ;
Attendu cependant que le droit à la présomption d'innocence qui interdit de présenter publiquement une personne poursuivie pénalement comme coupable, avant condamnation, d'une infraction pénale n'a pas pour effet d'interdire à un employeur de se prévaloir de faits dont il a régulièrement eu connaissance au cours d'une procédure pénale à l'appui d'un licenciement à l'encontre d'un salarié qui n'a pas été poursuivi pénalement ;
Attendu par ailleurs que la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale, de sorte que l'exercice par l'employeur de son pouvoir disciplinaire ne méconnaît pas le principe de la présomption d'innocence lorsque l'employeur prononce une sanction pour des faits identiques à ceux visés par la procédure pénale ;
Qu'en statuant comme l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la nullité du licenciement de M. A..., ordonne sa réintégration sur son poste de travail sous astreinte, rappelle que le contrat de travail n'est pas rompu et que le salaire demeure dû, et condamne la société Euro Disney associés à payer à M. A... les salaires dus à compter du 24 novembre 2013, l'arrêt rendu le 18 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. X..., président, et par Mme Piquot, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt le treize décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Euro Disney associés.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité du licenciement de M. A..., d'avoir ordonné sous astreinte à la société Euro Disney Associés de procéder à la réintégration de ce salarié sur son poste de travail, d'avoir rappelé que le contrat de travail n'est pas rompu et que le salaire demeure dû et d'avoir condamné la société Euro Disney Associés à régler à M. A... les salaires dus à compter du 20 novembre 2013 ;
AUX MOTIFS QUE : « Sur la nullité du licenciement et la violation d'une liberté fondamentale : Le juge prud'homal ne peut annuler un licenciement et ordonner la réintégration du salarié licencié que s'il constate que le licenciement est intervenu malgré un texte prévoyant sa nullité ou en violation d'une liberté fondamentale ; qu'en l'espèce, la SCA EURO DISNEY ASSOCIES a été informée, au printemps 2012 d'actes d'enquêtes et d'instruction afin de mettre à jour un trafic de stupéfiants entre ses salariés. Un certain nombre de salariés ont été mis en cause et interpellés au printemps 2013 ; que Monsieur A... a été convoqué par les services de police et entendu dans le cadre d'une audition libre du 27 février 2013 ; Il n'a pas été placé en garde à vue et ne s'est donc pas vu notifier ses droits au silence ou à a présence d'un avocat ; L'intimé fonde sa demande incidente de nullité sur la violation de trois principes qu'il qualifie de libertés fondamentales ; le salarié considère que le secret de l'instruction n'a pas été respecté ; l'employeur s'étant prévalu d'une audition de Monsieur A..., tiers à la procédure d'instruction, couverte par le secret de l'instruction, recueillie sans débat contradictoire, Monsieur A... ajoutant que la SCA EURO DISNEY ASSOCIES ne justifie pas du respect des dispositions de l'article 114 du code de procédure pénale ; Monsieur A... soutient qu'il a contesté les faits qui lui étaient reprochés lors de son entretien préalable et, qu'il a déposé, le 9 janvier 2014, une plainte près le Procureur de la République pour violation du secret de l'instruction. Cette plainte a été classée sans suite le 14 janvier 2014 ; l'intimé fait observer à la cour qu'il n'a jamais été convoqué suite à son dépôt de plainte et, que le délai de traitement de celle-ci était de trois jours ; l'employeur répond qu'outre le fait que le secret de l'instruction ne constitue pas une liberté fondamentale dont la violation justifierait la nullité du licenciement, les pièces communiquées par la partie civile dans le cadre d'un procès civil sont présumées avoir été obtenues régulièrement ; la SCA EURO DISNEY ASSOCIES précise qu'en sa qualité de partie civile, elle n'a jamais été destinataire d'aucune copie du dossier pénal, que la remise de la copie du dossier pénal à son conseil a fait l'objet d'une autorisation expresse du magistrat instructeur. L'appelante produit au soutien de ses arguments l'autorisation de copie du dossier pénal en date du 29 mai 2013, l'ordonnance du 30 mai 2013 jugeant recevable sa constitution de partie civile, la demande d'autorisation au Procureur de la République du 30 juillet 2014 de produire devant l'instance prud'homale les pièces de procédure pénale concernant l'intimé ainsi que la réponse du Procureur de la République du 16 septembre 2014 faisant droit à cette demande ; la SCA EURO DISNEY ASSOCIES ajoute que la cour n'est pas compétente pour apprécier l'existence du délit de violation du secret de l'instruction et, que la plainte déposée par Monsieur A... a été classée sans suite au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée ; s'agissant du procès-verbal d'audition de Monsieur A..., ce dernier précise que ce document n'expose ni les motifs ni les conditions d'exercice de ses droits (droit de se taire, droit d'être assisté de son avocat), qu'il n'a jamais été convoqué auparavant par les services de police et, qu'il s'est retrouvé en position de faiblesse craignant un placement en garde à vue ; le salarié assure qu'il n'a fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire pendant plus de 20 ans, que ses visites médicales n'ont rien révélé, qu'il n'a jamais eu d'accident et, que compte tenu de son ancienneté et de son attitude irréprochable, son employeur aurait pu le soumettre à un dépistage de produit stupéfiant, expressément prévu par l'article 13 du règlement intérieur de la société, avant de procéder à son licenciement ; l'employeur rétorque que le procès-verbal d'audition du salarié a débuté par la prise de connaissance de ses droits comme suit ; "je prends acte du motif de ma convocation en vos services et consens à répondre à vos questions. Je prends acte que je peux partir à tout moment " et, qu'à l'issue de son audition, Monsieur A... a été invité à relire le procès-verbal et à le signer ; la SCA EURO DISNEY ASSOCIES produit également certaines pièces du dossier pénal dont les enregistrements des appels et messages échangés entre Monsieur B..., Maurice A... et Monsieur Fabrice C..., principal mis en cause dans la procédure pénale, qu'elle considère comme étant nombreux et significatifs malgré le vocabulaire utilisé et les sous-entendus convenus ainsi que, le procès-verbal d'interrogatoire de Monsieur Fabrice C... qui reconnait avoir vendu à son collègue de la résine de cannabis ; l'appelante considère que compte tenu de sa consommation régulière de cannabis et des fonctions qui lui étaient assignées, l'intimé n'était pas en possession de l'ensemble de ses facultés lors de l'exécution de son contrat de travail. La SCA EURO DISNEY ASSOCIES verse à ce titre diverses études sur les conséquences d'une consommation régulière de produit stupéfiant (trouble de la mémoire, de l'attention, du raisonnement, de la coordination, de la vigilance, allongement du temps de réaction) ; la cour relève que les faits reprochés au salarié ne reposent que sur la découverte de son audition, dans le cadre d'une enquête de police sur un trafic de stupéfiants, dont le salarié a contesté la teneur et qui n'a été suivie d'aucune garde à vue ni mise en examen ni poursuite pénale ; l'employeur n'a pas constaté les faits reprochés, n'allègue pas de dégradation dans l'exécution des tâches confiées et n'apporte pas de témoignage en ce sens ; il résulte de ces éléments que Monsieur B... Maurice A... a été licencié pour des faits pour lesquels il n'a été ni poursuivi ni condamné et dont l'employeur n'établit pas qu'ils aient eu un impact sur le travail du salarié ; Monsieur A... invoque également la liberté fondamentale de témoigner pour fonder la nullité de son licenciement ; la SCA EURO DISNEY ASSOCIES soutient qu'il n'est pas reproché à Monsieur A... d'avoir témoigné auprès des services de police mais d'avoir " facilité et participé au développement d'un trafic de stupéfiant au sein du parc DISNEYLAND Paris portant un grave préjudice à l'entreprise " et d'avoir violé les articles 1 I et 13 du règlement intérieur de l'entreprise interdisant toute " introduction, la distribution et la consommation sur le lieu de travail des drogues et susbstances hallucinogènes " et prévoyant qu'il " incombe à chaque salarié de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail " ; l'appelante assure que les griefs retenus à l'encontre de l'intimé sont liés aux conditions d'exécution de son contrat de travail et, que seul son comportement est en cause dans le licenciement ; concernant la présomption d'innocence, Monsieur A... n'a cessé de contester son audition et rappelle à la cour qu'il n'a pas été poursuivi ni mis en examen, ni placé sous statut de témoin assisté ; la SCA EURO DISNEY ASSOCIES soutient que certes la présomption d'innocence est un principe fondamental du droit pénal et de la procédure pénale mais ne constitue pas une liberté fondamentale dont l'atteinte justifierait la nullité du licenciement ; l'appelante affirme qu'elle n'a pas remis en cause la présomption d'innocence dont bénéficie l'intimé et, qu'elle s'est limitée à demander des explications à son salarié et à les sanctionner ; l'employeur ajoute que la lettre de licenciement notifiée à Monsieur A... est rédigée au visa des dispositions du règlement intérieur de la société ; la cour relève néanmoins que la lettre de licenciement fait état de l'audition de Monsieur A... et constitue son motif de licenciement puisqu'il est précisé que ce dernier a contesté son témoignage auprès des services de police lors de l'entretien préalable : " Lors de l'entretien, il s'avère que vous nous avez effectivement confirmé avoir été en rapport avec Monsieur Fabrice C..., autre salarié mis en cause dans l'information judiciaire en cours, mais que vous n'aviez pas souvenir avoir effectué une quelconque transaction sur le site de l'entreprise DISNEYLAND Paris ; néanmoins, vous avez reconnu auprès des services de police que vous passiez des commandes de stupéfiants (résine de cannabis) auprès 'de Monsieur Fabrice C... de vive voix ou par téléphone, SMS ou conversations, puis qu'il vous donnait rendez-vous sur le parc, à son algéco ou au parking Nord du site de Disneyland Paris ; En agissant ainsi, vous avez facilité et participé au développement d'un trafic de stupéfiant au sein du Parc Disneyland Paris, trafic portant un grave préjudice à l'entreprise" ; mais, la présomption d'innocence, principe à valeur constitutionnelle, consacré aussi par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et la Déclaration universelle des droits de l'homme constitue une liberté fondamentale ; Toute personne est présumée innocente et chacun doit pouvoir se défendre de poursuites pénales dirigées contre lui en conséquence, il ne saurait être autorisé de fonder un licenciement sur des déclarations faites par un salarié lors d'une audition auprès des services de police menant une enquête pénale, alors que la personne est nécessairement en situation de contrainte un licenciement intervenu dans de telles conditions, en violation de cette liberté fondamentale ne peut qu'être déclaré nul ; En application des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 9-1 du code civil, et en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté fondamentale de se défendre en justice, garantie d'une bonne justice, le licenciement prononcé sur la seule base du contenu d'un procès-verbal d'audition est atteint de nullité. En outre, la cour rappelle que l'utilisation de documents extraits d'un dossier pénal ne peut être effectuée que pour les besoins de la défense de l'intéressé. A la date du licenciement, aucune procédure judiciaire n'avait été introduite, de ce fait l'employeur ne pouvait faire valoir les besoins de sa défense et de plus fort l'employeur ne pouvait fonder un licenciement sur des déclarations faites lors d'une audition sur convocation par les services de police alors qu'il ne justifie d'aucun autre élément matériel ni surtout d'aucun élément extérieur à la procédure pénale dont il n'est pas allégué qu'elle a abouti à la condamnation du salarié ; En conséquence, le jugement du conseil de prud'hommes de MEAUX doit être infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur B... Maurice A... de sa demande de nullité de licenciement ; Dès lors, il convient de faire droit à la demande de Monsieur B... Maurice A... tendant à sa réintégration et au rappel de salaires ; Ainsi convient-il d'ordonner à la SCA EURO DISNEY ASSOCIES de procéder à la réintégration de Monsieur B... Maurice A... sur son poste de travail, sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard et de la condamner à lui régler les salaires dus à compter du 24 novembre 2013 ; Dans la mesure où la cour fait droit à la demande principale, il n'y pas lieu à examiner la demande subsidiaire ; Sur la demande d'exécution provisoire de l'arrêt : Le pourvoi en cassation n'étant pas suspensif ; il convient de débouter l'intimé de cette demande sans objet ; Sur les frais irrépétibles et les dépens : L'appelante succombant en appel, ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées, elle doit être condamnée aux dépens et il convient de faire droit aux demandes de Monsieur B... Maurice A... au titre des frais irrépétibles dans la limite de 2.000 € » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le droit à la présomption d'innocence, tel qu'il est consacré par les articles 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés fondamentales, 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 9-1 du code civil ne concerne que les personnes poursuivies pénalement et a pour objet, d'une part, de faire peser sur l'accusation la preuve de la culpabilité pénale de la personne poursuivie et, d'autre part, d'interdire de présenter publiquement cette dernière comme coupable, avant condamnation, d'une infraction pénale ; que cette liberté fondamentale n'a nullement pour objet d'interdire à un employeur de se prévaloir de faits dont il a régulièrement eu connaissance au cours d'une procédure pénale à l'appui d'un licenciement à l'encontre d'un salarié qui n'a pas été poursuivi pénalement ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt que, si M. A... avait été entendu par les services de police au cours d'une enquête pénale, il n'a jamais été poursuivi pénalement, de sorte qu'aucune atteinte à la présomption d'innocence n'était susceptible d'avoir été commise ; qu'en estimant néanmoins nul comme attentatoire à la présomption d'innocence le licenciement prononcé par la société Euro Disney, au seul motif que cette dernière s'était fondée sur des éléments dont elle avait eu connaissance au cours d'une procédure pénale, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 9-1 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'exercice du pouvoir disciplinaire dont est légalement investi l'employeur est indépendant des poursuites pénales pouvant être engagées pour les mêmes faits et que l'employeur, qui a connaissance d'agissements commis par un salarié à l'occasion d'une procédure pénale en cours, n'est pas tenu d'attendre l'issue de cette procédure pour notifier au salarié son licenciement ; que, par ailleurs, le juge prud'homal est tenu d'apprécier, conformément à l'article L. 1235-1 du code du travail, si les faits reprochés sont ou non fautifs dans une relation salariale et donc constitutifs ou non d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, peu important leur éventuelle qualification pénale ; qu'au cas présent, il est constant que M. A... a été licencié pour avoir facilité et participé au développement d'un trafic de stupéfiants au sein du parc Disneyland Paris et d'avoir méconnu les dispositions du règlement intérieur relatives à l'interdiction d'introduire, de distribuer ou consommer des produits stupéfiants au sein de l'établissement ; qu'en refusant de rechercher si ces faits étaient établis et constituaient, indépendamment de toute qualification pénale, une cause réelle et sérieuse de licenciement, au motif erroné selon lequel l'employeur aurait porté atteinte à la présomption d'innocence en se fondant uniquement sur des éléments dont il avait eu connaissance lors d'une procédure pénale qui n'a pas donné lieu à poursuite ni à condamnation du salarié, la cour d'appel a violé derechef, les articles 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés fondamentales, 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 9-1 du code civil, ensemble les articles L. 1321-1, L. 1331-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU'il résulte du principe de liberté de la preuve en matière prud'homale que l'employeur peut rapporter la preuve des faits qu'il invoque par tout moyen légalement admissible ; que l'employeur peut donc se prévaloir à l'appui d'un licenciement disciplinaire des éléments dont il a régulièrement eu connaissance à l'occasion d'une procédure pénale à laquelle il était partie civile et qu'il a été autorisé à produire au cours de la procédure prud'homale par le Procureur de la République ; qu'au cas présent, il est constant que la constitution de partie civile de la société Euro Disney Associés dans la procédure pénale avait été déclarée recevable par le juge d'instruction et que la société Euro Disney Associés avait été autorisée par le Procureur de la République à produire les pièces de procédure pénale concernant M. A..., de sorte que l'employeur avait régulièrement pris connaissance et produit ces pièces ; qu'en jugeant néanmoins le licenciement attentatoire à la présomption d'innocence et en refusant d'examiner si, au regard des éléments régulièrement produits, les faits invoqués par la société Euro Disney Associés étaient établis et constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement, au motif que cette dernière ne produisait aucun élément extérieur à la procédure pénale, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-1 du code du travail, ensemble les articles 9 du code de procédure civile, 11 du code de procédure pénale et le principe de liberté de la preuve en matière prud'homale ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'il résulte du principe de liberté de la preuve en matière prud'homale que l'employeur peut rapporter la preuve des faits qu'il invoque par tout moyen légalement admissible ; que l'employeur peut donc se prévaloir à l'appui d'un licenciement disciplinaire sur des éléments dont il a régulièrement eu connaissance à l'occasion d'une procédure pénale à laquelle il était partie civile et qu'il a été autorisé à produire au cours de la procédure prud'homale par le Procureur de la République ; qu'au cas présent, il est constant que la constitution de partie civile de la société Euro Disney Associés dans la procédure pénale avait été déclarée recevable par le juge d'instruction et que la société Euro Disney Associés avait été autorisée par le Procureur de la République à produire les pièces de procédure pénale concernant M. A..., de sorte que l'employeur avait régulièrement pris connaissance et produit le procès-verbal d'audition du 27 février 2013 ; qu'en énonçant que le licenciement du salarié était nul au seul motif qu'il était fondé « sur des déclarations faites par un salarié lors d'une audition auprès des services de police, alors que par définition la personne est en situation de contrainte », la cour d'appel a violé les articles 9 du code de procédure civile, 11 du code de procédure pénale et le principe de liberté de la preuve en matière prud'homale ;
ALORS, DE CINQUIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la société Euro Disney faisait valoir dans ses écritures que les agissements reprochés à M. A... - consistant à avoir facilité et participé au développement d'un trafic de stupéfiants au sein du parc Disneyland Paris et à avoir méconnu les dispositions du règlement intérieur relatives à l'interdiction d'introduire, de distribuer ou consommer des produits stupéfiants au sein de l'établissement – étaient établis, non pas seulement par le procès-verbal d'audition de ce salarié par les services de police en date du 27 février 2013, mais étaient corroborés par les procès-verbaux de retranscription des échanges téléphoniques entre M. A... et M. C..., qui était l'un des principaux acteurs présumés du trafic, ainsi que par le procès-verbal d'interrogatoire de M. C... par le juge d'instruction en date du 2 avril 2013 (Conclusions p. 19-20) ; qu'elle avait produit aux débats, après autorisation du Procureur de la République, l'ensemble de ces pièces ; qu'en énonçant néanmoins que le licenciement était atteint de nullité au motif qu'il n'était fondé sur « aucun autre élément matériel » que le procès-verbal d'audition de M. A... par les services de police, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation des articles 4 du code de procédure civile et 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en reprochant à la société Euro Disney Associés d'avoir fondé le licenciement « sur des déclarations faites par un salarié lors d'une audition auprès des services de police, alors que par définition la personne est en situation de contrainte », sans rechercher, comme cela lui était expressément demandé par l'exposante (Conclusions p. 18), si ces déclarations n'étaient pas corroborées par les procès-verbaux de retranscription des échanges téléphoniques entre M. A... et M. C..., qui était l'un des principaux acteurs présumés du trafic, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile.