Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 novembre 2017, 16-19.555, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 26 avril 2016), que, par acte notarié des 23 et 31 décembre 1993, André X... a consenti à son fils Alain la jouissance d'un domaine agricole par bail rural à long terme d'une durée de dix-huit années ayant commencé à courir le 31 décembre 1993 pour se terminer le 31 décembre 2011 ; qu'André X... est décédé le 25 octobre 1998 ; que, par acte du 30 juin 2010, M. Hubert X..., attributaire d'une parcelle ZC 14 par l'effet du partage successoral, a délivré congé à M. Alain X... au motif qu'il l'avait sous-louée ; que le preneur a saisi le tribunal paritaire en annulation du congé et autorisation de cession du bail à son fils ;

Attendu que M. Hubert X... fait grief à l'arrêt d'annuler le congé et de dire que le preneur avait droit au renouvellement du bail ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu, à bon droit, que le congé doit, à peine de nullité, mentionner les motifs allégués par le bailleur, ce qui lui interdit d'en modifier ensuite l'énoncé et, souverainement, que M. Hubert X... avait refusé le renouvellement du bail sur la parcelle litigieuse au seul motif que le preneur l'avait sous-louée sans autorisation, la cour d'appel a pu en déduire que le grief tenant à la sous-location d'une maison dépendant d'une autre parcelle, invoqué en cours d'instance, était inopérant ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la mise à disposition de la parcelle louée au profit d'une EARL dont M. Alain X... était l'associé avait suivi un déroulement normal et que les irrégularités invoquées par M. Hubert X... tenant au caractère prématuré de l'information qu'il avait reçue avant l'immatriculation de la personne morale ne présentaient qu'un caractère formel, dès lors que le bailleur ne justifiait ni d'une mise en demeure adressée au preneur ni d'avoir été induit en erreur par celui-ci, la cour d'appel en a justement déduit l'absence de sous-location prohibée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Hubert X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Hubert X... et le condamne à payer à M. Alain X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X...


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le congé délivré par M. Hubert X... à M. Alain X... par acte d'huissier du 30 juin 2010 est nul et de nul effet et d'AVOIR dit, en conséquence, que M. Alain X... a droit au renouvellement du bail portant sur la parcelle de terre d'une surface de 8 hectares 10 ares et 20 centiares sise sur le territoire de la commune de Germaine, lieudit « Pâture de Vaux » et cadastrée ZC n° 14 à compter du 1er janvier 2012 ;

AUX MOTIFS QU'il résulte des dispositions d'ordre public de l'article L411-53 du code rural et de la pêche maritime que nonobstant toute clause contraire le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du bail que s'il justifie de l'un des motifs mentionnés à l'article L411-31 qui renvoie aux motifs de résiliation du bail ; que l'article L411-47 du même code prévoit que le congé doit, à peine de nullité, mentionner expressément les motifs allégués par le bailleur ; qu'il découle de cet article, le principe dit d'intangibilité du motif du congé qui interdit au bailleur de modifier le motif énoncé au congé ; qu'en l'occurrence, le motif énoncé au congé dont les termes ont été ci-dessus rappelés n'est constitué que de la sous-location de la parcelle cadastrée ZC 14 dont l'éviction est poursuivie ; qu'en conséquence, le grief tenant à une sous-location d'une maison ouvrière qui dépend d'une autre parcelle soutenu par M. Hubert X... au titre de sa demande en validation du congé qui porte atteinte au principe d'intangibilité du congé est inopérant. Les moyens de défense de M. Alain X... pour s'opposer à la demande en validation de congé sur le chef de la sous-location irrégulière de la maison ouvrière deviennent de ce fait inutiles ; que pour échapper aux conséquences du principe d'intangibilité du congé relevé par l'arrêt avant dire droit de la cour du 14 avril 2015, M. Hubert X... soutient désormais que la mise à disposition irrégulière de la parcelle cadastrée ZC 14 à l'Earl Société des Limons est constitutive de la sous-location de la parcelle visée au congé ; que la mise à disposition par le preneur des terres données à bail à une société à objet principalement agricole dont il est associé, faculté reconnue au preneur par l'article L411-37 du code rural et de la pêche maritime, est une convention soumise à un régime juridique qui lui est spécifique, distincte de la sous-location ; que si M. Hubert X... entend requalifier cette mise à disposition à raison des irrégularités qu'il invoque en sous-location, il lui incombe de caractériser les éléments de fond constitutifs d'une sous-location, à savoir une mise à disposition moyennant contrepartie ; qu'en l'occurrence, les irrégularités invoquées per M. Hubert X... dans l'information qu'a donnée M. Alain X... au bailleur de cette mise à disposition, tenant à son caractère prématurée aux motifs que l'Eurl Société des Limons n'était pas encore constituée ou à l'absence de notification par lettre recommandée avec avis de réception qui ne présentent qu'un aspect formel, ne caractérisent pas l'existence d'une sous-location prohibée ; de même, les arguments de M. Hubert X... selon lesquels il n'aurait pas été informé de cette mise à disposition alors qu'il ne désavoue pas formellement sa signature figurant sur l'avis de réception de la notification de cette mise à disposition contrairement aux prescriptions de l'article 1323 du code civil, sont inopérants ; que si la jurisprudence a admis que la mise à disposition par le preneur des terres données à bail à une société dont il n'est pas associé était constitutive d'une cession prohibée par le statut du fermage, cette solution ne peut pas s'appliquer à la présente espèce, M. Alain X... étant comme il résulte des statuts de l'Earl Société des Limons associé de cette société ; il est, par conséquent, autorisé par le statut du fermage à mettre à disposition les terres dont il est le preneur à cette société ; que le fait que M. Alain X... continue à s'acquitter du paiement des fermages n'a pas pour effet de transformer cette mise à disposition en sous-location ou cession prohibée, celui-ci restant seul titulaire du bail, il demeure tenu à ce titre de son exécution même si bailleur peut également poursuivre son exécution à l'encontre de la société et de ses associés comme l'article L411-37 in fine lui en laisse la faculté ; que la demande de M. Hubert X... tendant à voir enjoindre à M. Alain X... de produire les extraits du grand livre comptable de l'Earl Société des Limons censés faire apparaître les mouvements de fonds de remboursement du paiement des fermages qui n'apportera rien aux débats est en conséquence rejetée ; que l'irrégularité de fond invoquée par M. Hubert X... dans cette opération de mise à disposition tenant à l'absence d'information de la levée de la condition suspensive affectant les immeubles apportés par les associés (immeubles autres que les terres mises à disposition par les associés), ne caractérise nullement l'existence d'une cession ou d'une sous-location prohibée de la parcelle cadastrée ZC 14 de nature à entraîner la requalification de la convention de mise à disposition ; qu'il résulte de ce qui précède que la mise à disposition par M. Alain X... de la parcelle cadastrée ZC 14 à I'Earl Société des Limons ne constitue pas une sous-location prohibée ; qu'en application du principe d'intangibilité du motif du congé qui interdit au bailleur d'invoquer un motif autre que celui de la sous-location irrégulière de la parcelle cadastrée ZC 14, seul visé au congé, il n'y a pas lieu de rechercher si les irrégularités invoquées par M. Hubert X... dans l'information qu'il a reçue de la mise à disposition à l'Earl Société des Limons ces terres données à bail à M. Alain X... étaient de nature à justifier le refus de renouvellement ; que l'irrégularité de l'information donnée par le preneur au bailleur de la mise à disposition des terres données à bail à une société à objet principalement agricole dont il est l'associé ne peut emporter la résiliation du bail rural aux termes de l'article L411-37 du code rural et de la prêche maritime qu'après mise en demeure restée infructueuse d'avoir à communiquer ses informations et si ces omissions ou irrégularités ont été de nature à induire le bailleur en erreur ; que M. Hubert X... qui ne justifie pas d'une mise en demeure adressée à M. Alain X... et avoir été induit en erreur sera débouté de sa demande subsidiaire en résiliation de bail ; qu'en l'absence d'une sous-location prohibée de la parcelle cadastrée ZC 14, le motif visé au congé n'étant pas valable, celui-ci est par conséquent nul et de nul effet et le jugement sera infirmé en qu'il a validé et ordonné à défaut de départ volontaire de M. Alain X... son expulsion ;

1) ALORS QUE le principe de l'intangibilité du congé n'interdit pas au bailleur d'apporter, au cours de l'instance en contestation du congé délivré au preneur, des précisions sur le motif de ce congé, pourvu que le preneur en ait eu connaissance au jour de la délivrance du congé ; qu'en l'espèce, le congé délivré par Hubert X... à Alain X..., le 30 juin 2010, avec refus de renouvellement du bail portant sur la parcelle cadastrée ZC 14, indiquait qu'il était motivé par le comportement fautif du preneur, celui-ci ayant « sous-loué sans autorisation préalable la parcelle ci-dessus désignée » ; qu'en affirmant, que le grief tenant à la sous-location d'une maison ouvrière dépendant d'une autre parcelle portait atteinte au principe d'intangibilité du congé et était par conséquent inopérant, sans rechercher si cette autre sous-location, qui constituait elle aussi une cause de non-renouvellement du bail, n'était pas connue d'Alain X... au jour de la délivrance du congé pour lui avoir été dénoncée par sommation interpellative du 27 septembre 2010, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 411-47 et L. 411-53 du code rural et de la pêche maritime ;

2) ALORS QUE le preneur associé d'une société à objet principalement agricole qui a mis à disposition de celle-ci tout ou partie des biens dont il est locataire doit en informer le bailleur dans les deux mois qui suivent la mise à disposition ; que le défaut d'accomplissement de cette formalité est sanctionnée par le non-renouvellement du bail à son échéance ; que ne vaut pas notification de mise à disposition, la lettre du preneur informant le bailleur qu'une mise à disposition du bail est envisagée au profit d'une société à constituer ; qu'en l'espèce, Hubert X... faisait valoir que la lettre qui lui avait été adressée le 25 mai 2002 était antérieure non seulement à la mise à disposition des parcelles en cause mais également antérieure à la constitution et à l'immatriculation de l'Earl société des Limons intervenue le 29 juin et le 21 octobre 2002 ; qu'il en déduisait que cette lettre ne pouvait valoir information de la mise à disposition des parcelles louées au profit d'une société dans laquelle le preneur est associé ; qu'en retenant, pour annuler le congé délivré par Hubert X... à Alain X..., le 30 juin 2010, que l'irrégularité de la mise à disposition des biens à l'Earl Société des Limons tenant au caractère prématuré de l'information délivrée à Hubert X... ne présentait qu'un aspect formel, la cour d'appel a violé les articles L. 411-35, L. 411-31 et L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime.ECLI:FR:CCASS:2017:C301192
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