Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2017, 16-22.479 16-22.480, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Joint les pourvois n° Q 16-22.479 et R 16-22.480 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 18 décembre 2014 et 23 juin 2016), que M. X... a été blessé après s'être endormi au volant de son véhicule et avoir heurté un arbre ; qu'il a assigné son assureur, la société Axa France IARD, en présence de la caisse du régime social des indépendants, afin d'obtenir l'application de la garantie individuelle conducteur qu'il a souscrite ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° Q 16-22.479 et le moyen unique du pourvoi n° R 16-22.480, pris en leurs deux premières branches, qui sont identiques :

Attendu que la société Axa France IARD fait grief à l'arrêt du 18 décembre 2014 de dire que M. X... a droit à la réparation intégrale de son préjudice, en ce inclus les troubles et séquelles psychiatriques et d'ordonner, avant dire droit sur l'évaluation de cet entier dommage corporel, une expertise complémentaire, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient au conducteur victime d'un accident de la circulation qui réclame le bénéfice de l'assurance de dommages souscrite d'établir que l'atteinte à son intégrité physique et psychique dont il réclame la prise en charge est imputable à l'accident ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'expert nommé par convention d'arbitrage a formellement exclu, en raison de leur nature exclusive de toute pathologie post traumatique, l'imputabilité à l'accident du 4 mai 2008 des troubles psychotiques apparus plusieurs mois plus tard ; qu'en ordonnant la prise en charge par l'assureur de dommages psychiques apparus postérieurement à l'accident aux motifs qu'il n'existait pas d'antécédents personnels antérieurs, et que les troubles psychiatriques décrits par Mme Y..., psychologue que M. X... avait consultée, étaient apparus dans les semaines ayant suivi l'accident, la cour d'appel, qui a fait peser sur l'assureur la charge de la preuve de l'absence d'imputabilité du dommage à l'accident a violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article 1134 du code civil en leur rédaction applicable au présent litige ;

2°/ que si, à la suite d'un accident, la victime ne peut voir son indemnisation réduite au motif qu'une partie des séquelles est due à une pathologie préexistante, ce principe n'a vocation à s'appliquer que s'il est constaté que cette pathologie existait bien avant l'accident ; que la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'accident subi par M. X... n'aurait fait que provoquer ou révéler une pathologie dont un expert aurait reconnu qu'elle était latente avant la survenance de l'accident, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315, 1134 et 1382 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que M. X... ne présentait aucun antécédent psychiatrique connu, que préalablement à l'accident, il travaillait à plein temps sans difficultés et avait une vie personnelle et sociale normale et que le trouble psychotique litigieux était apparu dans les semaines qui avaient suivi l'accident, alors qu'une telle symptomatologie clinique ne s'était jamais manifestée auparavant, la cour d'appel a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, l'existence d'un lien de causalité entre l'accident et les troubles psychotiques de M. X... ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche en ce qu'il s'attaque à des motifs surabondants de l'arrêt relatifs à une pathologie antérieure, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen du pourvoi n° Q 16-22.479 :

Attendu que la société Axa France IARD fait grief à l'arrêt du 23 juin 2016 de dire qu'en vertu de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 18 décembre 2014, elle est irrecevable en sa demande de désignation d'un expert psychiatre afin de déterminer la part de pathologie psychiatrique imputable à l'accident, de fixer le préjudice corporel global de M. X... à la somme de 1 129 357,50 euros, de dire que l'indemnité revenant à cette victime s'établit à 1 125 708,20 euros, de la condamner à payer à M. X... les sommes de 450 000 euros, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 2012 et 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation d'un chef de dispositif d'un jugement emporte de plein droit l'annulation des décisions qui en sont la suite ou qui en dépendent ; qu'en l'espèce, le rejet de la demande de désignation d'un expert psychiatre formulée par la société Axa France IARD et l'allocation à M. X... d'une indemnité d'un montant de 1 125 708,20 euros n'ont été justifiés que par le fait que la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, dans son arrêt du 23 juin 2016, considéré qu'elle avait définitivement jugé, dans son arrêt avant dire droit du 18 décembre 2014, « le moyen tiré de l'imputabilité des séquelles psychiatriques à l'accident initial », en retenant que « M. X... a droit à la réparation intégrale de son préjudice, en ce inclus les troubles et séquelles psychiatriques » ; que la cassation à intervenir sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 décembre 2014 (n° R 16-22.480) critiquant ce chef de dispositif emportera par voie de conséquence la cassation des chefs de dispositif ayant rejeté la demande de la société Axa France IARD, fixé le préjudice corporel global de M. X... à la somme de 1 129 357,50 euros et condamné la société Axa France IARD au paiement d'une indemnité de 1 125 708,20 euros et d'une somme de 450 000 euros par application de l'article 625 du code de procédure civile ;

2°/ que les dispositions d'une décision ordonnant une expertise sont dépourvues d'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, dans le dispositif de l'arrêt avant dire droit rendu le 18 décembre 2014, a : « dit que M. X... a droit à la réparation intégrale de son préjudice, en ce inclus les troubles et séquelles psychiatriques », « ordonné une expertise complémentaire » et « désigné le docteur Z... pour y procéder avec mission, en tenant compte de la pathologie de M. X... », de l'examiner et de déterminer les préjudices subis ; que ces dispositions ne tranchaient pas au fond la question de l'imputabilité à l'accident des troubles psychotiques de M. X... ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel, dans son arrêt du 23 juin 2016, a violé les articles 480 et 482 du code de procédure civile et l'article 1351 du code civil dans sa version applicable au présent litige ;

3°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que les motifs d'un jugement, fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif, n'ont pas l'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, pour considérer que la question de l'imputabilité des troubles psychiques à l'accident du 4 mai 2008 avait été définitivement jugée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans l'arrêt avant dire droit rendu le 18 décembre 2014, la même cour d'appel a retenu, dans l'arrêt du 23 juin 2016, que « dans la motivation qu'elle a adoptée la cour d'appel a considéré que le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable » ; qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêt avant dire droit du 18 décembre 2014 n'avait pas reconnu, dans son dispositif, l'imputabilité des dommages psychiques à l'accident du 4 mai 2008, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et l'article 1351 du code civil, dans sa version applicable au présent litige ;

Mais attendu que le premier moyen étant rejeté, la première branche, invoquant une cassation par voie de conséquence, est sans portée ;

Et attendu qu'ayant, dans le dispositif de son arrêt du 18 décembre 2014, dit que M. X... avait droit à la réparation intégrale de son préjudice, en ce inclus les troubles et séquelles psychiatriques, la cour d'appel avait nécessairement tranché au fond la question de l'imputabilité de ces troubles à l'accident ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, ne peut être accueilli ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les troisièmes branches, identiques, du premier moyen du pourvoi n° Q 16-22.479 et du moyen unique du pourvoi n° R 16-22.480, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette ses demandes et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° Q 16-22.479 par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD.

Sur l'arrêt du 18 décembre 2014

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Monsieur X... a droit à la réparation intégrale de son préjudice, en ce inclus les troubles et séquelles psychiatriques et d'AVOIR, avant dire droit sur l'évaluation de cet entier dommage corporel, ordonné une expertise complémentaire, désigné le Docteur Z... pour y procéder avec mission, en tenant compte de la pathologie psychotique présenté par Monsieur X... de : examiner Monsieur X..., estimer la durée du déficit fonctionnel temporaire total et/ou partiel, déterminer la ou les périodes pendant lesquelles cette victime a été dans l'incapacité d'une part d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, d'autre part de poursuivre ses activités personnelles habituelles - en cas d'incapacité partielle en préciser le taux-, indiquer la date de consolidation des blessures, apprécier le degré des souffrances physiques et/ou psychiques endurées, évaluer le taux de déficit fonctionnel permanent qui peut subsister, avec le cas échéant sa répercussion sur la vie professionnelle, donner son avis sur le préjudice esthétique, donner son avis sur le préjudice d'agrément spécifique ;

AUX MOTIFS QUE « sur la demande de complément d'expertise : des termes non critiqués de l'expertise, il ressort que Monsieur X..., né le 17 octobre 1957, vannier-rempailleur au moment de l'accident, a subi une fracture du cadre obturateur gauche et du cotyle gauche, ainsi qu'une rupture de la coupole diaphragmatique gauche et des fractures costales gauches, dont il conserve notamment une limitation pluridirectionnelle de la hanche gauche avec douleurs positionnelles et à l'effort et essoufflement à l'effort, séquelles admises par les parties, qui justifient une atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique de 12 % ; que cette victime présente également des troubles cognitifs et comportementaux mentionnés lors d'un bilan psychologique le 8 juillet 2008 et a fait l'objet de prescription anti-dépressives, neuroleptiques et hypnotiques, de consultations neurologiques en août 2008 et septembre 2010 qui ont éliminé une origine organique dans leur éclosion ; elle est régulièrement suivie sur le plan psychiatrique depuis le 25 juillet 2008 à raison de deux consultations mensuelles ; que consulté par l'expert en qualité de sapiteur, le Professeur A..., médecin psychiatre, a établi un rapport en date du 8/09/2011, par lequel il indique que « il n'y a pas eu de traumatisme crânio-rachidien, ce qui nous permet d'exclure un syndrome subjectif post-traumatique ; il n'y a pas eu de syndrome de stress aigu puisqu'il était endormi au moment de l'accident et on ne retrouve pas les symptômes typique de la névrose post-traumatique, ce qui nous permet d'exclure un syndrome de stress post-traumatique ; que Monsieur X... a développé, apparemment dans les suites de l'accident, un trouble psychotique d'aggravation progressive, aujourd'hui évocateur d'une psychose atypique (hallucinations, apragmatisme, perplexité anxieuse, prescription d'antipsychotiques) ; que d'après les éléments dont nous disposons, il n'y aurait pas d'antécédent psychiatriques ; que néanmoins, la symptomatologie développée n'entrant dans aucun des syndromes typiques de la pathologie psychiatrique post traumatique, nous ne pouvons pas retenir l'imputabilité du trouble présenté à l'accident du 04/05/2008 » ; que l'expert note l'absence de tout antécédent médical, chirurgical ou traumatique, et de toute addiction (alcool, tabac..), ce qui est confirmé par le sapiteur qui observe également qu'il n'y aurait pas d'antécédents psychiatriques apparents ; qu'il relève cependant, la proximité temporelle du trouble psychotique dont s'agit et de l'accident ; que dans le même sens, Mme Y..., auteur d'un compte rendu d'examen psychologique établi le 08/07/2008, 2 mois seulement après l'accident, a rapporté les doléances de la victime et de son épouse, signalant depuis l'accident, une agitation le soir notamment, avec difficultés du sommeil, cauchemars et cris ; qu'elle a elle-même observé une sidération du fonctionnement cérébral dont le temps de latence et la lenteur idéative sont significatifs, ainsi qu'une inadéquation de la réponse aux questions posées ; que ces éléments démontrent qu'il n'existe pas d'antécédents connus, que Monsieur X... travaillait à plein temps sans difficulté et avait une vie personnelle et sociale normale, que le trouble psychotique litigieux est apparu dans les semaines qui ont suivi l'accident, alors qu'une telle symptomatologie clinique ne s'était jamais manifestée auparavant ; que le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable ; que Monsieur X..., qui est en droit de prétendre à l'indemnisation de l'entier dommage provoqué par l'accident en ce compris les troubles psychiatriques, est dès lors bien fondé à solliciter un complément d'expertise, afin d'en évaluer toutes les composantes » ;

1°) ALORS QU'il appartient au conducteur victime d'un accident de la circulation qui réclame le bénéfice de l'assurance de dommages souscrite d'établir que l'atteinte à son intégrité physique et psychique dont il réclame la prise en charge est imputable à l'accident ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'expert nommé par convention d'arbitrage a formellement exclu, en raison de leur nature exclusive de toute pathologie posttraumatique, l'imputabilité à l'accident du 4 mai 2008 des troubles psychotiques apparus plusieurs mois plus tard ; qu'en ordonnant la prise en charge par l'assureur de dommages psychiques apparus postérieurement à l'accident aux motifs qu'il n'existait pas d'antécédents personnels antérieurs, et que les troubles psychiatriques décrits par Madame Y..., Psychologue que Monsieur X... avait consultée, étaient apparus dans les semaines ayant suivi l'accident, la Cour d'appel, qui a fait peser sur l'assureur la charge de la preuve de l'absence d'imputabilité du dommage à l'accident, a violé l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 1134 du Code civil en leur rédaction applicable au présent litige ;

2°) ALORS QUE si, à la suite d'un accident, la victime ne peut voir son indemnisation réduite au motif qu'une partie des séquelles est due à une pathologie préexistante, ce principe n'a vocation à s'appliquer que s'il est constaté que cette pathologie existait bien avant l'accident ; que la Cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'accident subi par Monsieur X... n'aurait fait que provoquer ou révéler une pathologie dont un expert aurait reconnu qu'elle était latente avant la survenance de l'accident, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315, 1134 et 1382 du Code civil dans leur rédaction alors applicable ;

3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise privée non contradictoire réalisée à la demande de l'une des parties pour s'écarter de l'avis de l'expert judiciaire ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'expert nommé par compromis d'arbitrage entre l'assuré et son assureur et dont les conclusions avaient valeur d'expertise judiciaire, avait expressément exclu, en considération de ses caractéristiques médicales, que la pathologie psychiatrique apparue plusieurs mois après l'accident fût imputable à celui-ci ; qu'en se fondant, pour faire droit à la demande d'expertise complémentaire présentée par Monsieur X..., sur les conclusions contraires d'un examen psychologique réalisé à l'initiative de ce dernier, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige.

Sur l'arrêt du 23 juin 2016

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt au fond attaqué d'AVOIR dit qu'en vertu de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 18 décembre 2014, la société Axa est irrecevable en sa demande de désignation d'un expert psychiatre afin de déterminer la part de pathologie psychiatrique imputable à l'accident, d'AVOIR fixé le préjudice corporel global de Monsieur X... à la somme de 1.129.357,50 €, d'AVOIR dit que l'indemnité revenant à cette victime s'établit à 1.125.708,20 €, d'AVOIR condamné la société Axa à payer à Monsieur X... les sommes de 450.000 €, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 2012 et 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'autorité de la chose jugée : l'article 480 du code de procédure civile dispose que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4 ; que l'article 122 du code de procédure civile énonce que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande pour défaut du droit d'agir, tel la chose jugée ; que dans le dispositif de l'arrêt rendu le 18 décembre 2014, la cour d'appel a infirmé le jugement, et statuant à nouveau et y ajoutant, a « Dit que Monsieur X... a droit à la réparation intégrale de son préjudice, en ce inclus les troubles et séquelles psychiatriques » et avant dire droit elle a ordonné une expertise complémentaire en demandant au docteur Z..., précédemment désigné d'y procéder « en tenant compte de la pathologie psychotique présentée par Monsieur X... »; que dans la motivation qu'elle a adoptée la cour a considéré que le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable; que la cour a donc tranché, dans un arrêt qui n'a pas été frappé de pourvoi, et donc de manière définitive, le moyen tiré de l'imputabilité des séquelles psychiatriques à l'accident initial, qui bénéficie de l'autorité de la chose jugée; qu'en conséquence la demande présentée par la société Axa tendant à voir instaurer une nouvelle expertise, ou un complément d'expertise pour que l'expert judiciaire donne un avis sur l'imputabilité de ces séquelles psychiatriques, est irrecevable en lecture de rapport d'expertise » ;

1°) ALORS QUE la cassation d'un chef de dispositif d'un jugement emporte de plein droit l'annulation des décisions qui en sont la suite ou qui en dépendent; qu'en l'espèce, le rejet de la demande de désignation d'un expert psychiatre formulée par la Compagnie AXA et l'allocation à Monsieur X... d'une indemnité d'un montant de 1.125.708,20 € n'ont été justifiés que par le fait que la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a, dans son arrêt du 23 juin 2016, considéré qu'elle avait définitivement jugé, dans son arrêt avant dire droit du 18 décembre 2014, « le moyen tiré de l'imputabilité des séquelles psychiatriques à l'accident initial », en retenant que « Monsieur X... a droit à la réparation intégrale de son préjudice, en ce inclus les troubles et séquelles psychiatriques » ; que la cassation à intervenir sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt de la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE du 18 décembre 2014 (n°R 16-22.480) critiquant ce chef de dispositif emportera par voie de conséquence la cassation des chefs de dispositif ayant rejeté la demande de la Compagnie AXA, fixé le préjudice corporel global de Monsieur X... à la somme de 1.129.357,50 € et condamné AXA au paiement d'une indemnité de 1.125.708,20 € et d'une somme de 450.000 € par application de l'article 625 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS, subsidiairement, QUE les dispositions d'une décision ordonnant une expertise sont dépourvues d'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, dans le dispositif de l'arrêt avant dire droit rendu le 18 décembre 2014, a : « dit que Monsieur X... a droit à la réparation intégrale de son préjudice, en ce inclus les troubles et séquelles psychiatriques », «ordonné une expertise complémentaire » et « désigné le Docteur Z... pour y procéder avec mission, en tenant compte de la pathologie de Monsieur X... », de l'examiner et de déterminer les préjudices subis ; que ces dispositions ne tranchaient pas au fond la question de l'imputabilité à l'accident des troubles psychotiques de Monsieur X... ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel, dans son arrêt du 23 juin 2016, a violé les articles 480 et 482 du Code de procédure civile et l'article 1351 du Code civil dans sa version applicable au présent litige ;

3°) ALORS, subsidiairement, QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que les motifs d'un jugement, fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif, n'ont pas l'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, pour considérer que la question de l'imputabilité des troubles psychiques à l'accident du 4 mai 2008 avait été définitivement jugée par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence dans l'arrêt avant dire droit rendu le 18 décembre 2014, la même Cour d'appel a retenu, dans l'arrêt du 23 juin 2016, que « dans la motivation qu'elle a adoptée la cour a considéré que le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable » ; qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêt avant dire droit du 18 décembre 2014 n'avait pas reconnu, dans son dispositif, l'imputabilité des dommages psychiques à l'accident du 4 mai 2008, la cour d'appel a violé les articles 480 du Code de procédure civile et l'article 1351 du Code civil, dans sa version applicable au présent litige.
Moyen produit au pourvoi n° R 16-22.480 par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD.

Sur l'arrêt du 18 décembre 2014

MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Monsieur X... a droit à la réparation intégrale de son préjudice, en ce inclus les troubles et séquelles psychiatriques et d'AVOIR, avant dire droit sur l'évaluation de cet entier dommage corporel, ordonné une expertise complémentaire, désigné le Docteur Z... pour y procéder avec mission, en tenant compte de la pathologie psychotique présenté par Monsieur X... de : examiner Monsieur X..., estimer la durée du déficit fonctionnel temporaire total et/ou partiel, déterminer la ou les périodes pendant lesquelles cette victime a été dans l'incapacité d'une part d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, d'autre part de poursuivre ses activités personnelles habituelles - en cas d'incapacité partielle en préciser le taux-, indiquer la date de consolidation des blessures, apprécier le degré des souffrances physiques et/ou psychiques endurées, évaluer le taux de déficit fonctionnel permanent qui peut subsister, avec le cas échéant sa répercussion sur la vie professionnelle, donner son avis sur le préjudice esthétique, donner son avis sur le préjudice d'agrément spécifique ;

AUX MOTIFS QUE « sur la demande de complément d'expertise : des termes non critiqués de l'expertise, il ressort que Monsieur X..., né le 17 octobre 1957, vannier-rempailleur au moment de l'accident, a subi une fracture du cadre obturateur gauche et du cotyle gauche, ainsi qu'une rupture de la coupole diaphragmatique gauche et des fractures costales gauches, dont il conserve notamment une limitation pluridirectionnelle de la hanche gauche avec douleurs positionnelles et à l'effort et essoufflement à l'effort, séquelles admises par les parties, qui justifient une atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique de 12 % ; que cette victime présente également des troubles cognitifs et comportementaux mentionnés lors d'un bilan psychologique le 8 juillet 2008 et a fait l'objet de prescription anti-dépressives, neuroleptiques et hypnotiques, de consultations neurologiques en août 2008 et septembre 2010 qui ont éliminé une origine organique dans leur éclosion ; elle est régulièrement suivie sur le plan psychiatrique depuis le 25 juillet 2008 à raison de deux consultations mensuelles ; que consulté par l'expert en qualité de sapiteur, le Professeur A..., médecin psychiatre, a établi un rapport en date du 8/09/2011, par lequel il indique que « il n'y a pas eu de traumatisme crânio-rachidien, ce qui nous permet d'exclure un syndrome subjectif post-traumatique ; il n'y a pas eu de syndrome de stress aigu puisqu'il était endormi au moment de l'accident et on ne retrouve pas les symptômes typique de la névrose post-traumatique, ce qui nous permet d'exclure un syndrome de stress post-traumatique ; que Monsieur X... a développé, apparemment dans les suites de l'accident, un trouble psychotique d'aggravation progressive, aujourd'hui évocateur d'une psychose atypique (hallucinations, apragmatisme, perplexité anxieuse, prescription d'antipsychotiques) ; que d'après les éléments dont nous disposons, il n'y aurait pas d'antécédent psychiatriques ; que néanmoins, la symptomatologie développée n'entrant dans aucun des syndromes typiques de la pathologie psychiatrique post traumatique, nous ne pouvons pas retenir l'imputabilité du trouble présenté à l'accident du 04/05/2008 » ; que l'expert note l'absence de tout antécédent médical, chirurgical ou traumatique, et de toute addiction (alcool, tabac..), ce qui est confirmé par le sapiteur qui observe également qu'il n'y aurait pas d'antécédents psychiatriques apparents ; qu'il relève cependant, la proximité temporelle du trouble psychotique dont s'agit et de l'accident ; que dans le même sens, Mme Y..., auteur d'un compte rendu d'examen psychologique établi le 08/07/2008, 2 mois seulement après l'accident, a rapporté les doléances de la victime et de son épouse, signalant depuis l'accident, une agitation le soir notamment, avec difficultés du sommeil, cauchemars et cris ; qu'elle a elle-même observé une sidération du fonctionnement cérébral dont le temps de latence et la lenteur idéative sont significatifs, ainsi qu'une inadéquation de la réponse aux questions posées ; que ces éléments démontrent qu'il n'existe pas d'antécédents connus, que Monsieur X... travaillait à plein temps sans difficulté et avait une vie personnelle et sociale normale, que le trouble psychotique litigieux est apparu dans les semaines qui ont suivi l'accident, alors qu'une telle symptomatologie clinique ne s'était jamais manifestée auparavant ; que le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable ; que Monsieur X..., qui est en droit de prétendre à l'indemnisation de l'entier dommage provoqué par l'accident en ce compris les troubles psychiatriques, est dès lors bien fondé à solliciter un complément d'expertise, afin d'en évaluer toutes les composantes » ;

1°) ALORS QU'il appartient au conducteur victime d'un accident de la circulation qui réclame le bénéfice de l'assurance de dommages souscrite d'établir que l'atteinte à son intégrité physique et psychique dont il réclame la prise en charge est imputable à l'accident ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'expert nommé par convention d'arbitrage a formellement exclu, en raison de leur nature exclusive de toute pathologie post traumatique, l'imputabilité à l'accident du 4 mai 2008 des troubles psychotiques apparus plusieurs mois plus tard ; qu'en ordonnant la prise en charge par l'assureur de dommages psychiques apparus postérieurement à l'accident aux motifs qu'il n'existait pas d'antécédents personnels antérieurs, et que les troubles psychiatriques décrits par Madame Y..., Psychologue que Monsieur X... avait consultée, étaient apparus dans les semaines ayant suivi l'accident, la Cour d'appel, qui a fait peser sur l'assureur la charge de la preuve de l'absence d'imputabilité du dommage à l'accident a violé l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 1134 du Code civil en leur rédaction applicable au présent litige ;

2°) ALORS QUE si, à la suite d'un accident, la victime ne peut voir son indemnisation réduite au motif qu'une partie des séquelles est due à une pathologie préexistante, ce principe n'a vocation à s'appliquer que s'il est constaté que cette pathologie existait bien avant l'accident ; que la Cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'accident subi par Monsieur X... n'aurait fait que provoquer ou révéler une pathologie dont un expert aurait reconnu qu'elle était latente avant la survenance de l'accident, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315, 1134 et 1382 du Code civil dans leur rédaction alors applicable ;

3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise privée non contradictoire réalisée à la demande de l'une des parties pour s'écarter de l'avis de l'expert judiciaire ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'expert nommé par compromis d'arbitrage entre l'assuré et son assureur et dont les conclusions avaient valeur d'expertise judiciaire, avait expressément exclu, en considération de ses caractéristiques médicales, que la pathologie psychiatrique apparue plusieurs mois après l'accident fût imputable à celui-ci ; qu'en se fondant, pour faire droit à la demande d'expertise complémentaire présentée par Monsieur X..., sur les conclusions contraires d'un examen psychologique réalisé à l'initiative de ce dernier, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil dans sa rédaction applicable au présent litige.ECLI:FR:CCASS:2017:C201510
Retourner en haut de la page