Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 novembre 2017, 16-12.109, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en référé, que M. X..., engagé le 2 novembre 1992, en qualité de responsable d'application, par la Caisse nationale de prévoyance et de retraites de la presse et de la communication, aux droits de laquelle vient l'association Groupe Audiens, délégué syndical, représentant syndical au comité d'entreprise et conseiller du salarié, s'est vu notifier le 30 septembre 2014, une mise à pied disciplinaire de cinq jours ; qu'il a saisi le juge des référés en suspension de cette sanction, puis en suspension d'un blâme notifié le 25 août 2015 ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 2143-13 et L. 1333-2 du code du travail ;

Attendu que pour dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de suspension de la mise à pied disciplinaire notifiée au salarié le 30 septembre 2014 à la suite d'incidents survenus le 5 août 2014 l'ayant opposé aux collaborateurs du service « paie et administration du personnel » puis au directeur du pôle social alors qu'il réclamait avec insistance la délivrance du formulaire « billet annuel SNCF » au profit d'une salariée en arrêt maladie, l'arrêt retient que si l'employeur avait parfaitement conscience que la démarche du salarié s'inscrivait dans le cadre de son activité syndicale de représentant du personnel, il ressort de la lettre de notification de la sanction que l'employeur a entendu relater précisément le déroulement des incidents survenus le 5 août 2014, notamment en faisant état des accusations de discrimination proférées par le salarié, sans tirer aucun grief de ces accusations ni formuler à cet égard un quelconque reproche au salarié et a entendu le sanctionner exclusivement pour son attitude agressive et intimidante, tant verbale que physique ;

Attendu, cependant, qu'une sanction disciplinaire ne peut être prononcée qu'en raison de faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles envers l'employeur ;

Qu'en statuant comme elle a fait, sans caractériser un abus alors qu'elle avait constaté que l'intervention du salarié s'inscrivait dans l'exercice de son mandat représentatif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de référé rendue le 16 janvier 2015 par le conseil de prud'hommes de Paris, sur la demande de suspension de la mise à pied disciplinaire, l'arrêt rendu le 26 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne l'association Groupe Audiens aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Groupe Audiens à payer à M. X... et au syndicat CGT des personnels du Groupe Audiens la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X... et le syndicat CGT des personnels du Groupe Audiens.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées par Monsieur X... et le syndicat CGT des personnels du GROUPE AUDIENS tendant à voir ordonner la suspension à titre provisoire de la mise à pied du 3 au 7 novembre 2014 et, en conséquence, à voir l'association GROUPE AUDIENS condamnée à verser à Monsieur X... diverses sommes à titre de provision, avec remise d'un bulletin de salaire rectifié sous astreinte, et à valoir sur le préjudice causé par cette mise à pied illicite et à voir cette même association condamnée à verser au syndicat susvisé une somme à valoir sur la réparation du préjudice ainsi que sur leur demande tendant à voir ordonner à l'association GROUPE AUDIENS de faire publier, sous astreinte, dans le prochain numéro à paraître de son journal d'entreprise le dispositif de l'ordonnance à intervenir et d'avoir condamné in solidum les exposants à payer à l'association GROUPE AUDIENS une somme sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « En application de l'article R 1455-6 du code du travail» la formation des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Le prononcé par l'employeur d'une sanction encourant la nullité ou injustifiée est susceptible de constituer un trouble manifestement illicite. Au cas présent, il ressort des productions qu'après convocation à un entretien préalable prévu le 12 septembre 2014 auquel le salarié ne s'est pais présenté, l'association Groupe AUDIENS a sanctionné M. Vincent X... le 30 septembre 2014 d'une mise à pied disciplinaire exécutée du 03 au 07 novembre 2014 pour s'être montré agressif le 05 août 2014, d'abord avec l'adjoint « paie et administration du personnel » M. Y... puis avec le directeur du pôle social M, Z..., alors que dans l'exercice de ses fonctions syndicales il réclamait avec insistance la délivrance d'un formulaire « billet annuel SNCF » au profit d'une salariée en arrêt maladie, Mme A... (pièces n° 6 et 8 des appelants). Conformément aux dispositions conventionnelles applicables, la convocation à l'entretien préalable présentait de façon détaillée les motifs pour lesquels une sanction était envisagée. Dans la lettre de notification de la sanction à laquelle la cour fait expressément référence, l'employeur relève que M, Vincent X... a adopté le 05 août 2014 un comportement menaçant et agressif envers notamment M. Y..., qui ne souhaitait pas lui délivrer l'attestation sollicitée sans vérifier qu'un salarié en arrêt maladie pouvait bénéficier d'un billet annuel SNCF à tarif réduit, qu'il a ensuite le même jour exposé dans un courriel que la réponse des services de la direction des relations humaines était à son sens constitutive d'une discrimination et qu'il a de suite interrompu une réunion de M. Z... en intimant à celui-ci l'ordre de s'en occuper immédiatement, en hurlant qu'une grave discrimination était en train d'être commise, en l'accusant de discrimination, en l'intimidant physiquement et en l'empêchant de refermer la porte de la salle de réunion. M. Vincent X... soutient que la sanction est manifestement illicite pour : - en premier lieu, avoir été sanctionné en tant que salarié relatant des agissements discriminatoires en violation des dispositions des articles L1132-3 et L1132-4 du code du travail, l'intéressé se prévalant des arrêts delà chambre sociale de la Cour de cassation des 10 mars 2009 (n° 07-44.092) et 25 septembre 2012 (n° 11-18352) pour en conclure que le seul fait que sa mauvaise foi ne soit pas alléguée emporterait à lui seul la nullité de la sanction ; - en deuxième lieu, avoir été sanctionné en tant que salarié dans l'exercice de ses fonctions syndicales en violation des dispositions de l'article L 2141-5 du code du travail ; - en troisième lieu, avoir déjà été sanctionné pour les mêmes faits par une lettre du 12 septembre 2014 que l'employeur conclut en qualifiant les faits survenus le 05 août 2014 d'agression, une telle conclusion constituant une sanction disciplinaire. - Sur la discrimination : Aux termes de l'article L 113 2-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap, Selon l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 susvisée :- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable, constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés, - la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant. S'agissant de la relation d'agissements discriminatoires, l'article L 1132-3 du code du travail dispose qu' « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux articles L 1132-1 et L 1132-2 ou pour les avoir relatés », S'agissant de l'exercice d'une activité syndicale, l'article L 2145 dispose qu'« il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail », Dans tous les cas, l'article L 1134-1 prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par les dispositions susvisées, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles, la procédure de référé excluant toutefois le recours à une telle possibilité, Au cas présent, M. Vincent X... produit le courriel qu'il a adressé le 05 août à 17h06 à M. Z..., dans lequel il fait état du refus d'établir en faveur de Mme A... l'attestation lui permettant de bénéficier d'un billet de congé annuel SNCF au motif qu'elle n'est pas en congés payés mais en arrêt maladie, en qualifiant ce refus d'acte de discrimination fondé sur l'état de santé, le courriel qu'il lui a adressé dans le même sens peu après l'altercation survenue au niveau du seuil de la salle de réunion et la lettre en dote du 30 septembre 2014 de notification de la mise à pied, dans laquelle l'employeur mentionne à trois reprises l'accusation de discrimination qu'il a proférée au cours de cette altercation (ses pièces n° 2, 3 et 8), il est par ailleurs constant que l'employeur avait parfaitement conscience que la démarche de M. Vincent X... s'inscrivait dans le cadre de son activité syndicale de représentant du personnel. Le salarié présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il appartient dès lors à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En ce qui concerne d'abord le sujet de discorde à l'origine des incidents, la cour relève que la délivrance de l'attestation sollicitée en faveur de Mme A... nécessitait des vérifications sur la situation de cette salariée, dès lors que M. Vincent X... ne justifiait pas de cette situation ainsi qu'il n'est pas contesté et n'en justifie pas davantage dans le cadre de la présente instance. Il ressort ensuite clairement de la lettre de notification de la sanction que si l'employeur a entendu relater précisément le déroulement des incidents survenus le 05 août 2014, notamment en faisant état des accusations de discrimination proférées par M. Vincent X..., il n'a en revanche tiré aucun grief de ces accusations ni formulé à cet égard un quelconque reproche au salarié et a entendu le sanctionner exclusivement pour son attitude agressive et intimidante, tant verbale que physique. Le caractère bien fondé de cet unique grief est amplement établi au regard des témoignages concordants de Mmes B..., C... et D..., qui contrairement à l'argumentaire des appelants ne sont nullement contradictoires (pièces n° 21 à 23 de l'intimée). Il doit être ajouté que M. Y... a lui aussi dressé par courriel du 06 août 2014 un compte rendu de la venue à son bureau de M, Vincent X..., qui lui a intimé l'ordre de remplir l'attestation en faveur de Mme A... et s'est montré à cette occasion très agressif sans aucune raison valable (pièce n° 20 de l'intimée). L'association Groupe AUDIENS prouve dans ces conditions que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. - Sur l'allégation de l'existence d'une double sanction : L'article L 1331-1 du code du travail dispose que « constitue une sanction, toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ». Il en résulte que toute observation écrite à rencontre d'un salarié relative à ses agissements peut constituer une sanction disciplinaire. M. Vincent X... fait valoir que tel est le cas d'une lettre du 12 septembre 2014 (sa pièce n° 7) à la fin de laquelle l'employeur qualifie les faits survenus le 05 août 2014 d'agression en écrivant : « Je constate qu'une nouvelle fois après l'agression du 5 août vous entendez comme de nombreuses fois m'Intimider et de fait, me nuire, en saisissant sur des accusations infondées, mon responsable hiérarchique ». Toutefois, cette lettre de M. Z... est adressée à M. Vincent X... pris non pas en son nom personnel mais en sa qualité de secrétaire du syndicat CGT AUDIENS et a pour seule finalité de répondre à une lettre que celui-ci en cette même qualité a remise en main propre le 08 août 2014 à la direction générale (pièce n° 5 des appelants). Cet échange épistolaire a trait à la situation d'une autre salariée Mme E... et ce n'est donc qu'incidemment que M. Z... qualifie dans la lettre considérée l'incident survenu le 05 août 2014 d' « agression » pour caractériser une intention de lui nuire. Dans ces conditions, la lettre du 12 septembre 2014 ne saurait revêtir le caractère d'une sanction au sens des dispositions susvisées. Il s'ensuit que la preuve de l'existence du trouble manifestement illicite allégué n'est pas rapportée. Par voie de conséquence, les autres demandes en paiement et en remise de document présentées par M. Vincent X..., qui étaient précisément fondées sur l'existence audit trouble, se heurtent à une contestation sérieuse au sens des dispositions de l'article R 1455-7 du code du travail et ne peuvent prospérer. Il en est de même des demandes du syndicat, l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ne reposant en l'espèce que sur l'existence du trouble allégué dont la preuve n'est pas rapportée. Pour ces motifs et ceux non contraires du premier juge, l'ordonnance entreprise sera donc confirmée en toutes ses dispositions.» ;

ALORS d'une part QU'aucun salarié ne peut être sanctionné pour avoir relaté des agissements discriminatoires ; qu'à défaut, la sanction prononcée dans de telles conditions est entachée de nullité sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs invoqués par l'employeur ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la Cour d'appel que le courrier de mise à pied adressé à Monsieur X... le 30 septembre 2014 fait état à trois reprises du fait qu'au cours de l'altercation ayant opposé Monsieur X... à certains salariés du service paie puis à Monsieur Z..., l'exposant a indiqué que le refus de délivrer à Madame A... un billet de congé annuel SNCF au motif qu'elle était en arrêt maladie constituait une discrimination ; qu'en l'état de ces seules constatations dont il ressortait que la mise à pied prononcée à l'encontre de Monsieur X... était au moins en partie liée à la dénonciation par ce dernier d'une discrimination, la Cour d'appel aurait dû en déduire l'existence d'un trouble manifestement illicite ; qu'en décidant au contraire qu'un tel trouble n'était pas caractérisé, au motif inopérant que l'employeur n'aurait tiré aucun grief des accusations de discriminations de Monsieur X... et qu'il aurait entendu le sanctionner exclusivement pour son attitude agressive et intimidante, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1132-3 et L. 1132-4 et R. 1455-6 du Code du travail ;

ALORS d'autre part QU'une sanction ne peut être prononcée qu'en raison de faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles ; que sauf abus, un salarié ne peut se voir infliger une sanction pour des faits s'inscrivant dans l'exercice de son mandat ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé qu'il n'était pas contesté que l'employeur avait parfaitement conscience que la démarche de Monsieur X... s'inscrivait dans le cadre de son activité syndicale de représentant du personnel ; qu'en l'état de ces constatations, la Cour d'appel aurait dû en déduire que la mise à pied notifiée par l'association GROUPE AUDIENS à Monsieur X... en raison de son comportement dans ce cadre constituait un trouble manifestement illicite ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser un abus de la part du salarié, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1333-1, L. 2143-13 et R. 1455-6 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que l'absence du 14 avril 2015 n'était pas prescrite lorsque l'employeur a engagé la procédure disciplinaire le 20 juillet 2015 et que seules les absences des 16 et 17 avril 2015 étaient prescrites, d'avoir dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de Monsieur X... et du syndicat CGT des personnels du GROUPE AUDIENS tendant à voir ordonner la suspension à titre provisoire du blâme notifié le 25 août 2015 et à voir l'association GROUPE AUDIENS condamnée à verser à Monsieur X... une somme à valoir sur le préjudice causé par ce blâme illicite et à verser au syndicat susvisé une somme à valoir sur la réparation du préjudice ainsi que sur leur demande tendant à voir ordonner à l'association GROUPE AUDIENS de faire publier, sous astreinte, dans le prochain numéro à paraître de son journal d'entreprise le dispositif de l'ordonnance à intervenir et d'avoir condamné in solidum les exposants à payer à l'association GROUPE AUDIENS une somme sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le trouble manifestement illicite allégué : Après l'avoir régulièrement convoqué, par lettre du 20 juillet 2015, à un entretien préalable fixé le 31 juillet 2015, l'employeur a notifié le 25 août 2015 à M. Vincent X... un blâme pour : - avoir le 14 avril 2015 interrompu une session de formation en indiquant au formateur qu'il partait en délégation, alors même qu'il n'a déclaré aucune heure de délégation pour cette journée lorsqu'il a remis le 1er juin 2015 le détail de ses heures, - avoir été absent sans motif légitime au cours de deux sessions de formation programmées les 16 et 17 avril 2015 (pièce n° 22 des appelants). M. Vincent X... soutient que ce blâme doit être suspendu aux motifs :- qu'il sanctionne la dénonciation de faits de harcèlement et de discrimination, - que les faits reprochés remontent à plus de deux mois et sont donc prescrits, - que certains des faits reprochés ne sont pas mentionnés dans la lettre de convocation, en violation des dispositions de l'article 34 de la convention collective applicable. a) Sur la dénonciation de faits de discrimination et de harcèlement : La cour se réfère aux dispositions sus-rappelées applicables en matière de discrimination. En ce qui concerne la dénonciation de faits de harcèlement, l'article L 1152-2 du code du travail dispose qu'« aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionnée, licenciée ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire (...) pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ». L'article L1154-1 prévoit que lorsque survient un litige à ce titre, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Contrairement à l'argumentation de M. Vincent X..., la référence faite dans la lettre de notification de la sanction aux accusations de harcèlement ne signifie pas que celles-ci ont été prises en considération dès lors qu'au contraire, l'employeur y fait seulement allusion pour dire qu'il n'entend pas y répondre ; « Je n'entends pas argumenter sur vos accusations de harcèlement. Au-delà du fait que celles-ci sont sans lien avec les raisons concrètes et objectives pour lesquelles vous avez été convoqué à un entretien préalable, une enquête vous a été proposée et c'est dans cadre que cette question sera traitée ». Il a été effectivement proposé le 20 août 2015 à M. Vincent X... de bénéficier de la procédure applicable en la matière prévue car l'article 10 de l'accord d'entreprise, étant observé que le 31 août, l'intéressé n'avait toujours pas donné sa réponse sur ce point (pièces n° 23 et 24 des appelants). Enfin, il n'existe dans la lettre de notification de la sanction aucune référence à la dénonciation de faits de discrimination ni aucun terme pouvant laisser penser que l'employeur ait entendu sanctionner le salarié de ce chef. Il s'ensuit que M. Vincent X... ne présente pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ou d'une discrimination directe ou indirecte. b) Sur la prescription : Ainsi que le rappellent exactement les appelants, en application des dispositions de l'article L. 1332-4 du Code du travail, « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le mime délai à l'exercice de poursuites pénales ». S'agissant de la matinée du 17 avril 2015 au cours de laquelle une session de formation était également programmée, il n'est pas contesté que M. Vincent X... a d'abord adressé un courriel à 08h00 prévenant de son arrivée à 10h30, puis un autre courriel à 10h40 dans lequel il annonçait sa venue vers 11h45 et enfin un dernier courriel à 16h59 dans lequel il indiquait : « Ce matin, j'ai été pris de crises d'angoisses dues à la discrimination dont je suis l'objet Heureusement, cela s'est dissipé» et j'espère ne pas rechuter. » (ses pièces n° 19 et 22), sans pour autant en justifier par un certificat médical. En ce qui concerne l'absence du 14 avril 2015, il ressort des productions que l'employeur n'a pu avoir connaissance de son caractère éventuellement fautif que le 1er juin 2015 puisque c'est à cette date que le salarié, ainsi qu'il le reconnaît dans son courrier du 31 août 2015 (sa pièce n°23), a remis à son employeur le justificatif détaillé de ses heures de délégation pour les six premiers mois de l'année. II doit en outre être relevé à cet égard que M. Vincent X... a reconnu dans ses lettres des 31 juillet et 31 août 2015 (ses pièces n° 20 et 23) avoir oublié de déclarer ses heures de délégation du 14 avril 2015. Les faits n'étaient donc pas prescrits lorsque l'employeur a engagé la procédure disciplinaire le 20 juillet 2015. En ce qui concerne ses absences des 16 et 17 avril 2015 aux sessions de formation, M. Vincent X... s'en est expliqué par courriel transmis le 17 avril 2015 à 16h59, faisant état pour l'après-midi du 16 avril d'un rendez-vous médical ayant duré beaucoup moins longtemps que prévu et pour la matinée du 17 avril de la survenance de crises d'angoisse dues à la discrimination dont il serait l'objet. Or, dès cette date, l'employeur disposait des relevés du badge de l'intéressé pour la journée du 16 avril, démontrant que celui-ci était présent cet après-midi là dans les locaux de l'entreprise et que rien ne s'opposait à sa participation à la session de formation (pièces n° 19 et 22 des appelants). Quant à la matinée du 17 avril 2015 au cours de laquelle une session de formation était également programmée, l'employeur disposait le jour même, ainsi qu'il n'est pas contesté, des courriels adressés par M. Vincent X..., le premier à 08h00 prévenant de son arrivée à 10h30 le deuxième à 10h40 dans lequel il annonçait sa venue vers 11h45 et enfin le troisième précité, transmis à 16h59 alors qu'il avait badge à 12hl4, dans lequel il fait état pour la première fois de crises d'angoisse sans pour autant en justifier par un certificat médical (pièces n° 1° et 22 des appelants). L'employeur avait donc connaissance dès les 16 et 17 avril 2015 de l'insuffisance des explications fournies par le salarié pour justifier de ses absences au cours des deux jours considérés, de sorte que celles-ci étaient prescrites lorsque la procédure disciplinaire a été engagée. Dans ces conditions et en cet état de référé, il convient de constater que l'absence du 14 avril 2015 n'était pas prescrite lorsque l'employeur a engagé la procédure disciplinaire le 20 juillet 2015 et que seules, les absences des 16 et 17 avril 2015 étaient prescrites, de sorte que le blâme repose sur un fait fautif non prescrit, c) Sur la violation alléguée de l'article 34 de la convention collective applicable : II résulte des dispositions de l'article 34 de la convention collective applicable que l'employeur doit, antérieurement à l'entretien préalable à une éventuelle sanction, notifier au salarié par écrit les motifs de la mesure qu'il envisage. L'association Groupe AUDIENS s'est conformée à ses obligations conventionnelles en adressant le 20 juillet 2015 à M. Vincent X... une lettre de convocation à un entretien préalable exposant en détail les reproches faits au salarié quant à ses absences des 14, 16 et 17 avril 2015. Il importe peu que les absences des 08 et 10 avril 2015 n'y soient pas mentionnées dans la mesure où elles ne figurent dans la lettre de notification du blâme qu'à titre de rappel fait au salarié qu'il n'a toujours pas justifié de ces deux absences. La violation de l'article 34 de la convention collective applicable n'est donc pas caractérisée. Considérant l'ensemble des développements ci-avant, la preuve de l'existence du trouble manifestement illicite allégué n'est pas rapportée. Par voie de conséquence, les autres demandes en paiement et en remise de document présentées par M. Vincent X..., qui étaient précisément fondées sur l'existence dudit trouble, se heurtent à une contestation sérieuse au sens des dispositions de l'article R 1455-7 du code du travail et ne peuvent prospérer. Il en est de même des demandes du syndicat, l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ne reposant en l'espèce que sur l'existence du trouble allégué dont la preuve n'est pas rapportée. Il sera dit en conséquence n'y avoir lieu à référé sur ces demandes nouvelles » ;

ALORS, en premier lieu, QU'aucun salarié ne peut être sanctionné ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de ses activités syndicales ou pour avoir relaté des agissements discriminatoires ; qu'en cas de litige relatif à l'application de ces dispositions, le salarié présente les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, la partie défenderesse devant prouver, au vu de ces éléments, que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, Monsieur X... faisait notamment valoir que le blâme qui lui avait été notifié le 25 août 2015 venait sanctionner des faits qu'il avait dénoncés comme résultant de la discrimination dont il était victime dès lors qu'il avait justifié son absence du 17 avril comme étant la conséquence de crises d'angoisses dues à la discrimination dont il est l'objet, ce que l'association avait omis de mentionner dans son courrier de notification du blâme ; que la Cour d'appel a elle-même constaté que, dans un mail envoyé le 17 avril à 16h59, Monsieur X... indiquait « ce matin, j'ai été pris de crises d'angoisses dues à la discrimination dont je suis l'objet. […] » ; qu'en l'état de ces constatations dont il résultait que Monsieur X... présentait un élément de fait laissant supposer qu'il avait été sanctionné en raison de la discrimination dont il faisait l'objet, il appartenait à la Cour d'appel de rechercher si l'employeur justifiait sa décision par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en déboutant néanmoins Monsieur X... de sa demande au motif qu'il ne présentait pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1132-1, L. 1132-3, L. 1134-1 et R. 1455-6 du Code du travail ;

ALORS encore QU'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la Cour d'appel que l'employeur avait été informé dès le 14 avril 2015 du fait que Monsieur X... avait interrompu une session de formation au motif qu'il partait en délégation ; qu'il était donc informé, dès cette date de l'absence du salarié comme du motif de cette absence ; qu'il lui appartenait par conséquent, s'il considérait cette absence comme fautive, d'engager dans un délai de deux mois, à compter de cette date un procédure disciplinaire ; qu'en retenant que les faits reprochés au salarié n'étaient pas prescrits au motif inopérant que l'employeur n'avait pu avoir connaissance de leur caractère éventuellement fautif que le 1er juin, date à laquelle le salarié avait remis le justificatif détaillé de ses heures de délégation pour les six premiers mois de l'année, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1332-4 et R. 1455-6 du Code du travail ;

ALORS en toute hypothèse, QU'encourt l'annulation la sanction disproportionnée à la faute commise ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la Cour d'appel que le blâme notifié à Monsieur X... le 25 août 2015 était fondé sur les absences injustifiées du salarié à des formations les 14, 16 et 17 avril 2015 ; qu'ayant retenu que les absences des 16 et 17 avril 2015 étaient prescrites, seule celle du 14 avril 2015 n'étant pas prescrite lorsque l'employeur a engagé la procédure de licenciement, la Cour d'appel aurait dû en déduire que le blâme infligé à Monsieur X... était disproportionné à la faute commise et qu'il caractérisait donc un trouble manifestement illicite ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1332-4, L. 1333-1, L. 1333-2 et R. 1455-6 du Code du travail ;

ET ALORS enfin QU'il résulte des alinéas 4 et 5 de l'article 34 de la convention collective nationale de travail du personnel des institutions de retraites complémentaires que l'employeur doit, antérieurement à l'entretien préalable à une sanction disciplinaire, notifier au salarié par écrit les motifs de la mesure qu'il envisage ; que la protection des droits de la défense ainsi instituée constitue une garantie de fond ; qu'en l'espèce, Monsieur X... faisait valoir que l'association GROUPE AUDIENS qui n'avait fait état, dans la lettre de convocation à entretien préalable, que du défaut de justification de ses absences pour les journées des 14, 16 et 17 avril 2015 n'avait pas respecté les dispositions conventionnelles susvisées dès lors qu'elle avait mentionné, dans son courrier de notification d'un blâme du 25 août 2015, le défaut de justification de ses absences des 8 et 10 avril 2015 ; que, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite sur ce fondement, la Cour d'appel a néanmoins retenu qu'il importait peu que ces absences n'y soient pas mentionnées dans la mesure où elles ne figuraient dans la lettre de notification du blâme qu'à titre de « rappel fait au salarié qu'il n'a[avait] toujours pas justifié de ces deux absences » ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 34 de la convention collective susvisée ensemble celles des articles L. 1331-1, L. 1333-1, L. 1333-2 et R. 1455-6 du Code du travail.ECLI:FR:CCASS:2017:SO02521
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