Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 novembre 2017, 16-24.383, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 31 mars 2016), que, suivant acte dressé le 21 mai 1999 par Mme X... (le notaire), la commune de Suzette (le bailleur), propriétaire d'un local dépendant d'un immeuble affecté à l'usage de mairie, a conclu un bail commercial avec M. Y..., auquel s'est substituée, le 22 juin 2006, suivant cession de fonds acceptée par le bailleur, la société Les Coquelicots (le preneur) ; que, le 4 octobre 2010, sollicitant du bailleur le renouvellement du bail, le preneur s'est heurté à un refus, motif pris de ce que la convention liant les parties échappait à la réglementation sur les baux commerciaux et constituait une simple convention d'occupation temporaire et précaire du domaine public ; que, saisi par le preneur, le tribunal administratif a, par jugement définitif du 15 mars 2013, retenu la responsabilité du bailleur et l'a condamné à verser une indemnité ; que le preneur a assigné le notaire en responsabilité et indemnisation ;

Attendu que le preneur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes ;

Attendu, d'abord, que si le preneur invoquait une perte de chance de pouvoir bénéficier du statut protecteur des baux commerciaux, il précisait que le préjudice en résultant était constitué par une menace d'expulsion immédiate, la proposition du bailleur de signer une convention précaire et temporaire d'une durée d'un an, l'absence de garantie de pouvoir se maintenir dans les locaux de manière durable et stable pour exercer son activité commerciale, la perte de chance d'obtenir une garantie d'éviction et, enfin, les frais exposés pour l'aménagement du fonds ; que la cour d'appel, qui a examiné l'ensemble de ces postes de préjudice, n'a pas modifié l'objet du litige ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel ne s'est pas fondée sur l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif mais a, au terme de son pouvoir souverain d'appréciation des preuves à elle soumises, estimé que le preneur n'établissait pas l'existence de préjudices distincts de ceux déjà réparés par ladite décision ;

Attendu, enfin, que, tant par motifs propres qu'adoptés, elle a souverainement estimé que la preuve de l'existence d'un préjudice réparable au titre des frais exposés pour l'aménagement du fonds de commerce n'était pas rapportée ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Les Coquelicots aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Les Coquelicots


La société Les Coquelicots fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande indemnitaire à l'encontre de Me X..., anciennement notaire à Beaumes de Venise ;

AUX MOTIFS QUE sur le préjudice, il est constant que par jugement du 15 mars 2013, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la commune de Suzette à verser à la société Les Coquelicots une somme de 15 000 € en réparation de son préjudice financier résultant tant de la perte pour elle qui a cru acquérir en 2006 un droit à un bail commercial, de la garantie d'une plus grande stabilité dans ce local que de la moindre sécurité quant à son maintien dans les lieux accrue par l'absence de régularisation de sa situation par une autorisation d'occupation temporaire du domaine public ; que le tribunal a par contre considéré que n'étant pas légalement titulaire d'un bail commercial dans les locaux de l'enceinte de la mairie, la société Les Coquelicots n'était pas en droit de demander une indemnité correspondant à la valeur de son fonds de commerce ni une somme équivalant à l'indemnité d'éviction calculée selon les dispositions des articles L. 145-1 et suivants du code du commerce ; que de même le tribunal a rejeté la demande de cette même société en réparation des dommages qu'elle subirait du fait du coût de l'aménagement de son emplacement actuel dès lors qu'elle n'établissait pas le caractère direct et certain de ces préjudices alors qu'elle occupait toujours les locaux dont s'agit et y exerçait son activité ; que le préjudice dont la société Les Coquelicots demande à ce jour réparation à Me X... est la menace d'expulsion immédiate par le bailleur qui rappelle que le preneur n'a aucun titre pour se maintenir dans les lieux, la seule proposition par la commune de la signature d'une convention d'occupation précaire et temporaire d'une durée d'un an alors qu'elle pensait bénéficier d'un bail commercial de neuf ans renouvelable, l'absence de garantie de pouvoir se maintenir dans les locaux de manière durable et stable pour exercer son activité commerciale, la perte de chance de l'obtention d'une indemnité d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement du bail d'un montant qui ne saurait être inférieur à la somme de 115.000 euros, enfin la perte financière résultant des frais importants engagés pour l'exercice de l'activité commerciale pour un montant de 56.005,95 euros, investissement décidé dans le cadre d'une politique gestion à long terme du fait de la croyance en l'existence d'un bail commercial ; que la cour admet avec la société Les Coquelicots que Me X... a commis une faute distincte de celle de la commune de Suzette reconnue par le tribunal administratif de Nîmes ; que cependant ces deux fautes ont concouru à un même dommage découlant de la perte d'un droit à un bail commercial ; que par suite, il appartient à la société Les Coquelicots qui ne peut obtenir deux fois réparation d'un même préjudice, de rapporter la preuve que la faute de Me X... lui a occasionné un préjudice distinct de celui qu'a entraîné pour elle la faute de la commune de Suzette et qui a déjà été indemnisé par le tribunal administratif ; qu'à l'examen des chefs de demande d'indemnisation formés à hauteur de 171 005,95 € par la société Les Coquelicots devant la cour, il ne peut qu'être constaté qu'il a été statué sur chacun d'eux par le tribunal administratif de Nîmes et plus particulièrement sur la perte d'une indemnité d'éviction et les frais exposés pour l'aménagement du fonds qui ont fait l'objet d'un rejet ; qu'aucun appel n'a été inscrit à ce jour à l'encontre de cette décision ; que force est de constater que la société Les Coquelicots qui a choisi de poursuivre la réparation de son préjudice devant la juridiction administrative à l'encontre de la commune de Suzette et obtenu en grande partie gain de cause, succombe dans la charge de cette preuve ; que la décision déférée qui a débouté la société Les Coquelicots de sa demande d'indemnisation mérite donc confirmation ;

1°) ALORS QUE dans ses écritures (p. 9 & p. 11), la société Les Coquelicots demandait à Me X... réparation notamment de son préjudice résultant de la perte de chance, pour elle, d'avoir pu contracter un bail commercial effectif en raison du déclassement des locaux que le maire aurait pu décider ; qu'en énonçant, pour dire que la société Les Coquelicots ne rapportait pas la preuve d'un préjudice distinct de celui résultant de la faute commise par la commune de Suzette et déjà indemnisé par le tribunal administratif, que le préjudice dont la société Les Coquelicots demande à ce jour réparation à Me X... est la menace d'expulsion immédiate par le bailleur rappelant que le preneur n'a aucun titre pour se maintenir dans les lieux, la seule proposition par la commune de la signature d'une convention d'occupation précaire et temporaire d'une durée d'un an quand elle pensait bénéficier d'un bail commercial de neuf ans renouvelable, l'absence de garantie de pouvoir se maintenir dans les locaux de manière durable et stable pour exercer son activité commerciale, la perte de chance de l'obtention d'une indemnité d'éviction et, enfin la perte financière résultant des frais importants engagés pour l'exercice de l'activité commerciale, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée suppose une demande entre les mêmes parties ; qu'en se fondant, pour dire que la société Les Coquelicots ne rapportait pas la preuve d'un préjudice distinct de celui résultant de la faute commise par la commune de Suzette et déjà indemnisé par le tribunal administratif, sur la circonstance que, par jugement définitif du 15 mars 2013, ce dernier avait statué sur chacun des chefs de la demande d'indemnisation formés par la société Les Coquelicots à l'encontre de Me X..., et plus particulièrement sur la perte d'une indemnité d'éviction et les frais exposés pour l'aménagement du fonds qui avaient fait l'objet d'un rejet, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;

3°) ALORS QUE tenu de motiver sa décision, le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières du procès et non par voie de référence à une autre décision de justice ; qu'en se bornant, pour rejeter le chef de préjudice tiré de la perte financière résultant des frais engagés pour l'exercice de l'activité commerciale, à énoncer que par jugement du 15 mars 2013 le tribunal administratif de Nîmes avait rejeté les frais exposés par l'aménagement du fonds, la cour d'appel a statué par voie de référence à une autre décision et a ainsi violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2017:C101219
Retourner en haut de la page