Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 novembre 2017, 16-21.885, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 juin 2016), que la société X... (la société) a relevé appel du jugement rendu par un tribunal de grande instance annulant une convention de cessions de parts sociales qu'elle avait conclue avec M. Y...;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que le consentement de M. Y...a été vicié pour dol, de prononcer en conséquence la nullité de la convention de cession de parts sociales de la société de Matussière intervenue entre elle et M. Y...les 9 et 16 décembre 2008 et de prononcer sa résolution, de la condamner à restituer à M. Y...la somme de 140 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement et capitalisation des intérêts et, enfin, de la condamner aux dépens et aux frais irrépétibles alors, selon le moyen :

1°/ que la partie appelante qui, dans le dispositif de ses dernières écritures, conclut à la réformation du jugement et à la condamnation de l'intimé à des dommages-intérêts pour procédure abusive, saisit valablement le juge d'appel d'une demande d'infirmation fondée sur les moyens qu'il a développés dans les motifs de ses conclusions ; qu'après avoir relevé que la société X... avait conclu, dans le dispositif de ses écritures, à la réformation du jugement et à la condamnation de M. Y...au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'à verser une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel, qui a considéré qu'en l'absence de demande expresse de rejet des demandes de l'intimé dans le dispositif des conclusions, elle n'était saisie d'aucune prétention de l'appelante sur les dispositions du jugement, a violé l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent porter une atteinte excessive au droit d'accès à un tribunal et à rompre le principe de proportionnalité devant exister entre les moyens employés et le but visé ; qu'en jugeant en l'espèce que le dispositif des conclusions d'appel de la société X... demandant la réformation du jugement, la condamnation de M. Y...à paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ne l'avait pas valablement saisie des prétentions en appel de la société X... dès lors qu'il ne sollicitait par expressément le rejet des demandes de M. Y..., qui découlait pourtant nécessairement de la demande de réformation du jugement et de la demande de condamnation de l'adversaire au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, la cour d'appel, qui a fait preuve d'un formalisme excessif et rompu le rapport raisonnable de proportionnalité devant exister entre le souci légitime de cohérence et de lisibilité des écritures devant la cour d'appel et le droit d'être entendu par un juge, a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Mais attendu que, selon l'article 954, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée ; que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ;

Et attendu qu'ayant relevé que, si la société sollicitait, dans les motifs de ses conclusions, le rejet des demandes de M. Y..., elle ne reprenait pas cette prétention dans le dispositif, se bornant à demander à la cour de réformer la décision entreprise, sans formuler aucune prétention relative aux dispositions du jugement et aux demandes de M. Y..., c'est par une exacte application du texte susvisé et sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la cour d'appel a décidé qu'elle n'était saisie d'aucune prétention de l'appelante quant aux dispositions du jugement dont l'intimé demandait la confirmation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société X..., la condamne à payer à M. Y...la somme de 3 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué, confirmant le jugement entrepris, d'avoir dit que le consentement de M. Y...a été vicié pour dol, d'avoir, en conséquence, prononcé la nullité de la convention de cession de parts sociales de la Sarl de Matussiere intervenue entre la société X... et M. Y...les 9 et 16 décembre 2008 et prononcé sa résolution, d'avoir condamné la société X... à restituer à M. Y...la somme de 140 000 € avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement et capitalisation des intérêts et, enfin, de l'avoir condamnée aux dépens et aux frais irrépétibles ;

Aux motifs propres que, en application de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; que si, dans les motifs de ses conclusions, la société X... sollicite le rejet des demandes de M. Y..., elle ne reprend pas cette prétention dans le dispositif, puisqu'elle demande à la cour uniquement de réformer la décision entreprise, sans formuler aucune prétention relative aux dispositions du jugement et aux demandes de M. Y..., et de condamner ce dernier au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, qu'en conséquence, la cour, qui n'est saisie d'aucune prétention de l'appelant sur les dispositions du jugement dont l'intimé demande la confirmation, ne peut que confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la nullité de la cession de parts sociales et a condamné la société X... à restituer à M. Y...la somme de 140 000 euros ; que les intérêts ne peuvent courir au taux légal qu'à compter du jugement confirmé qui a fait naître la créance de restitution, ; que conformément à l'article 1154 du code civil, il doit être fait droit à la demande de capitalisation des intérêts ;

Et aux motifs, à les supposer adoptés que, il convient de se placer à la date de conclusion de l'acte par lequel M. Y...s'est rendu acquéreur auprès de la société X... de 25 parts sociales de la société de Matussière pour apprécier si son consentement a ou non été vicié par dol, ou subsidiairement comme il l'invoque par erreur ; que la société de Matussière a été créée le 16 mai 2007 avec comme associé unique la société X... et un capital de 1 000 € ; que par acte authentique des 9 et 16 décembre 2008, la société de Matussière a été valorisée à la somme de 560 000 € après achat par M. Y...et par la société CPI de 25 parts sociales chacun pour un montant de 140 000 € ; qu'il convient d'observer que cette société porte le nom de la zone d'activité au sein de laquelle le projet d'implantation d'une zone commerciale était formée ; qu'il était prévu dans l'acte de compromis de vente passé entre la communauté de communes et la société Sophora Fit que cette dernière puisse se faire substituer par une autre société le jour du contrat de réalisation de la vente ; qu'enfin le rapport de gestion présenté à l'assemblée générale ordinaire du 5 octobre 2009 permet de constater que l'activité de la société de Matussière était concentrée sur le projet d'acquisition d'un cinquième du foncier de la commune de Thiers ; qu'il apparaît donc que ce projet d'implantation commerciale était déterminant dans l'engagement de M. Y...aux côtés de M. X... au moyen d'une prise de participation au sein de la société de Matussière ; que la vente de parts sociales a été consacrée le 16 décembre 2008 et M. Y...s'est acquitté en trois fois du montant du prix de cession des parts sociales entre le 4 février 2009 et le 5 mai 2009 ; qu'or, il apparait à la lecture de l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 29 octobre 2009 qu'à la date du 16 décembre 2008, la CDAC n'avait pas encore donné son accord au projet ; que M. X... ne pouvait ignorer que la demande n'avait pas été effectuée dans les délais, soit avant le 31 mars 2007, ni que le refus d'autorisation intervenu le 29 octobre 2007 n'avait pas été contesté ; qu'il ne pouvait non plus ignorer qu'aucune autorisation d'urbanisme ait jamais été formulée ; que dès lors, il doit être considéré que la société X... a sciemment retenu l'information selon laquelle les deux conditions suspensives mentionnées dans le compromis de vente n'avaient pas été levées ; qu'il résulte des conclusions établies pour le compte de la société Sophora Fit dans le litige l'opposant à la Communauté des communes que le 18 septembre 2008, soit avant la cession de parts sociales, le président de Thiers communauté avait fait connaître sa position à M. X... ; que c'est par ailleurs la communauté de communes qui a engagé une action à l'encontre de la société Sophora Fit pour voir déclarer caduc le compromis de vente ; que l'existence d'un différend entre la société Sophora Fit et la Communauté des communes n'a été manifestement évoquée que le 5 octobre 2009 lors de l'assemblée générale de la société de Matussière et de façon tronquée puisque l'origine du litige a été présentée comme liée à l'absence de la Communauté de communes lors de la vente et à des difficultés de réalisation du projet d'acquisition d'un cinquième du foncier ; que la réticence dolosive de la société X... à l'égard de M. Y...est donc établie et la poursuite des relations contractuelles entre M. Y...et les sociétés de M. X... ne peuvent suffire à démontrer que M. Y...était parfaitement informé de l'évolution du projet et des obstacles qui se dressaient pour son aboutissement, avant la signature de l'acte de cession de parts ; qu'il convient de faire droit à la demande en nullité de cet acte et de condamner la société X... à restituer à M. Y...la somme de 140 000 € ;

Alors 1°) que la partie appelante qui, dans le dispositif de ses dernières écritures, conclut à la réformation du jugement et à la condamnation de l'intimé à des dommages-intérêts pour procédure abusive, saisit valablement le juge d'appel d'une demande d'infirmation fondée sur les moyens qu'il a développés dans les motifs de ses conclusions ; qu'après avoir relevé que la société X... avait conclu, dans le dispositif de ses écritures, à la réformation du jugement et à la condamnation de M. Y...au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'à verser une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel, qui a considéré qu'en l'absence de demande expresse de rejet des demandes de l'intimé dans le dispositif des conclusions, elle n'était saisie d'aucune prétention de l'appelante sur les dispositions du jugement, a violé l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Alors 2°) et subsidiairement que les juges du fond ne peuvent porter une atteinte excessive au droit d'accès à un tribunal et à rompre le principe de proportionnalité devant exister entre les moyens employés et le but visé ; qu'en jugeant en l'espèce que le dispositif des conclusions d'appel de la société X... demandant la réformation du jugement, la condamnation de M. Y...à paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ne l'avait pas valablement saisie des prétentions en appel de la société X... dès lors qu'il ne sollicitait par expressément le rejet des demandes de M. Y..., qui découlait pourtant nécessairement de la demande de réformation du jugement et de la demande de condamnation de l'adversaire au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, la cour d'appel, qui a fait preuve d'un formalisme excessif et rompu le rapport raisonnable de proportionnalité devant exister entre le souci légitime de cohérence et de lisibilité des écritures devant la cour d'appel et le droit d'être entendu par un juge, a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2017:C201462
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