Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2017, 16-23.685, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2017, 16-23.685, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 16-23.685
- ECLI:FR:CCASS:2017:C301160
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 16 novembre 2017
Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, du 06 juillet 2016- Président
- M. Chauvin (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1846 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 6 juillet 2016), rendu en référé, que MM. X..., Y... et Z... ont constitué la société civile immobilière « Cabinet de kinésithérapie du Fango » (la SCI) et la société civile de moyens « Cabinet de kinésithérapie du Fango » (la SCM), qui a pris à bail les locaux de la SCI ; que M. Y... a été nommé gérant de ces sociétés pour une durée de deux ans, à l'issue desquels, aucun gérant n'a été désigné ; que M. X... a obtenu le 20 avril 2015, une ordonnance désignant, pour chacune de ces sociétés, un administrateur provisoire ayant mission de les représenter dans la procédure de dissolution qu'il entendait engager et de les gérer jusqu'à l'achèvement de cette procédure conformément aux pouvoirs conférés au gérant par les statuts ; que MM. Y... et Z... ont saisi le juge des référés en rétractation de cette ordonnance et, subsidiairement, en limitation de la mission confiée à l'administrateur à la réunion des associés en vue de la désignation de gérants ;
Attendu que, pour rejeter la demande en rétractation, l'arrêt retient que la vacance de la gérance constitue déjà un dysfonctionnement grave et que l'administrateur provisoire confirme la mésentente entre les associés et les difficultés paralysant le bon fonctionnement des sociétés ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les sociétés ne fonctionnaient pas sans difficulté en dépit de la vacance de droit de la gérance et sans s'expliquer sur les « difficultés » qu'elles retenait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. Y... et Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour MM. Y... et Z....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de rétractation des ordonnances du 20 avril 2015 ayant désigné M. Jean-Loup A... en qualité d'administrateur provisoire de la SCI Cabinet Kinésithérapie du Fango et de la SCM Cabinet Kinésithérapie du Fango,
AUX MOTIFS QUE « (…) il est constant, et admis par les parties, que depuis la constitution des sociétés aucune assemblée générale n'a été réunie, et que depuis la cessation de plein droit des fonctions de gérant de M. Y... aucun gérant n'a été désigné ; qu'aucune des parties n'a usé, ni de la disposition des statuts permettant de convoquer une assemblée générale dans le mois de la vacance (article 14 alinea 7), ni de la faculté offerte par l'article 1846 alinea 5 du code civil de demander au président du tribunal, par requête, de désigner un mandataire chargé de réunir les associés afin de procéder à la nomination d'un ou plusieurs gérants ; il est constant également que M. X... a saisi le tribunal de grande instance de Bastia d'une demande de dissolution des deux sociétés par assignations des 25 juin 2015, sur le fondement des articles 1846 et 1846-1 du code civil, lequel prévoit que la dissolution peut être prononcée par le tribunal lorsque la société est dépourvue de gérant depuis plus d'un an ; que le juge des référés, qui n'a pas compétence pour trancher la question de la dissolution de la société et notamment celle du caractère facultatif ou non de cette dissolution en cas de vacance de la gérance, est seulement amené, dans le cadre de la requête en rétractation, à vérifier s'il existe des circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et un péril imminent pour celle-ci ; qu'en l'espèce, la vacance de la gérance constitue déjà un dysfonctionnement grave ; ensuite, tant les griefs exposés par M. X... dans ses écritures que ceux exposés par les consorts Y... et Z..., reprochant à M. X... d'agir dans son propre intérêt et non pas dans celui des sociétés, et faisant état de son intention de nuire, ainsi que de la perte de l'affectio societatis, traduisent la réalité d'un péril imminent pour les deux sociétés ; l'administrateur provisoire confirme la mésentente entre les associés et les difficultés paralysant le bon fonctionnement des sociétés ; que c'est dès lors à bon droit que le premier juge, estimant que la survie la société apparaissait menacée et que le risque de dissolution pèse sur elle, a rejeté la demande de rétractation de la requête ; que contrairement à ce que soutiennent les appelants, la mission de l'administrateur telle que définie dans les ordonnances du 20 avril 2015, n'a pas pour conséquence d'aggraver le risque de dissolution, la demande en ce sens étant laissée au libre arbitre de M. X..., M. Jean-Loup A... n'ayant que la mission de représenter la société dans le cadre de cette procédure. Sa nomination n'a donc pour effet que de rendre la procédure réalisable de façon légale et régulière ; que la modification de la mission de l'administrateur provisoire, sollicitée à titre subsidiaire par les appelants, priverait M. X... de son droit de demander la dissolution, ainsi que l'a également dit le premier juge ; que l'ordonnance de référé sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions ; que le fait, pour MM. Y... et Z..., d'avoir à «subir» et financer l'intervention d'un administrateur provisoire n'est pas en soi générateur d'un préjudice illicite ouvrant droit à dommages et intérêts ; au demeurant ceux-ci ont toujours la possibilité de solliciter son remplacement en cas de difficultés graves. La demande de dommages intérêts, bien que recevable au titre de l'article 70 du code de procédure civile, sera en conséquence rejetée (…) » (arrêt attaqué, pp. 4 et 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « (…) le juge de la rétractation doit se placer au jour où il statue pour apprécier le bien fondé de la requête et non au jour de l'ordonnance querellée. Il doit tenir compte de tous les faits survenus depuis la décision contestée. - Sur la persistance des conditions ayant conduit à la désignation d'un administrateur provisoire au jour ou le juge statue ; qu'il est constant que la requête déposée par M. X... le 15 avril 2015, vise la désignation par ordonnance, d'un administrateur provisoire de la SCI "Cabinet Kinésithérapie du Fango" et de la SCM "Cabinet Kinésithérapie du Fango", dépourvues de gérants depuis plus de 4 ans, préalablement à l'action en dissolution que celui-ci envisage d'entreprendre et afin que les intérêts des sociétés soient représentés dans cette action qui les concernent ; qu'aucune des parties ne contestent que la SCI "Cabinet Kinésithérapie du Fango" et la SCM "Cabinet Kinésithérapie du Fango" sont dépourvues de gérant depuis le 29 août 2011 pour la SCM et depuis le 30 mai 2011 pour la SCI et aucune procédure de désignation d'un gérant n'a été entreprise par les associés antérieurement aux ordonnances du 20 avril 2015 rendues sur requêtes ; il a été jugé comme en l'espèce, que lorsque la survie d'une société apparaît menacée et qu'un risque de dissolution pèse sur elle, il incombe à la partie la plus diligente fût-elle le demandeur à l'action en dissolution de requérir la désignation d'un administrateur provisoire dans l'attente d'une solution ; que dès lors, il n'y a donc pas lieu de rétracter les ordonnances critiquées. - sur l'impossibilité de modifier le contenu de la mission donnée à l'administrateur provisoire des sociétés ; qu'ainsi que le rappelle M. X..., s'agissant de la déshérence de gestion depuis plus d'un an, l'article 1864-1 du code civil ne prévoit aucune possibilité de régularisation, sauf interprétation contraire du juge du fond appelé à statuer sur la demande de dissolution. Par voie de conséquence, il n'y a pas lieu de modifier la mission de l'administrateur provisoire aux fins de réunir les associés en vue de la nomination d'un gérant dans les deux sociétés (…) » (ordonnance entreprise, pp. 4 et 5) ;
ALORS QUE 1°), la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d'un péril imminent ; que les exposants faisaient valoir, dans leurs conclusions (pp. 2 et 13), que malgré l'absence de gérance de droit de la SCI Cabinet Kinésithérapie du Fango et de la SCM Cabinet Kinésithérapie du Fango, ces deux sociétés fonctionnaient sans difficulté ni risque de péril imminent ; qu'en rejetant la demande de rétractation des ordonnances du 20 avril 2015 ayant désigné M. Jean-Loup A... en qualité d'administrateur provisoire de la SCI et de la SCM, au motif pris de la « vacance de la gérance » de droit (arrêt, p. 5, § 1er), sans s'expliquer sur les circonstances invoquées par les exposants pour démontrer que, malgré cette vacance de la gérance de droit, les deux sociétés fonctionnaient en fait sans difficulté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 497 du code de procédure civile et 1846 du code civil,
ALORS QUE 2°), la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d'un péril imminent ; qu'en se bornant à affirmer, pour refuser de rétracter les ordonnances du 20 avril 2015, que « les griefs exposés par M. X... dans ses écritures (…) traduisent la réalité d'un péril imminent » (arrêt, p. 5, § 1er), sans mieux s'expliquer sur ces « griefs » et sans permettre ainsi de caractériser la réalité d'un « péril imminent », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 497 du code de procédure civile et 1846 du code civil,
ALORS QUE 3°), au surplus, en affirmant que « les griefs exposés par M. X... dans ses écritures (…) traduisent la réalité d'un péril imminent » (arrêt, p. 5, § 1er), et en se bornant ainsi à se référer aux allégations de M. X... sans les vérifier personnellement, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 497 du code de procédure civile,
ALORS QUE 4°), la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d'un péril imminent ; qu'en se bornant à affirmer, pour refuser de rétracter les ordonnances du 20 avril 2015, que « l'administrateur provisoire confirme la mésentente entre les associés et les difficultés paralysant le bon fonctionnement des sociétés » (arrêt, p. 5), sans mieux s'expliquer sur ces « difficultés » et sans permettre ainsi de caractériser la paralysie des sociétés, antérieurement à la désignation de l'administrateur provisoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 497 du code de procédure civile et 1846 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à modification de la mission confiée à l'administrateur provisoire aux fins de réunir les associés en vue de la nomination d'un gérant dans les deux sociétés ;
AUX MOTIFS QUE « (…) contrairement à ce que soutiennent les appelants, la mission de l'administrateur telle que définie dans les ordonnances du 20 avril 2015, n'a pas pour conséquence d'aggraver le risque de dissolution, la demande en ce sens étant laissée au libre arbitre de M. X..., M. Jean-Loup A... n'ayant que la mission de représenter la société dans le cadre de cette procédure. Sa nomination n'a donc pour effet que de rendre la procédure réalisable de façon légale et régulière ; la modification de la mission de l'administrateur provisoire, sollicitée à titre subsidiaire par les appelants, priverait M. X... de son droit de demander la dissolution, ainsi que l'a également dit le premier juge ; l'ordonnance de référé sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions (…) » (arrêt attaqué, p. 5),
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « (…) sur l'impossibilité de modifier le contenu de la mission donnée à l'administrateur provisoire des sociétés ; ainsi que le rappelle M. X..., s'agissant de la déshérence de gestion depuis plus d'un an, l'article 1846-1 du code civil ne prévoit aucune possibilité de régularisation, sauf interprétation contraire du juge du fond appelé à statuer sur la demande de dissolution. Par voie de conséquence, il n'y a pas lieu de modifier la mission de l'administrateur provisoire aux fins de réunir les associés en vue de la nomination d'un gérant dans les deux sociétés (…) » (ordonnance entreprise, p. 5),
ALORS QUE 1°), par ses ordonnances sur requête du 20 avril 2015, le président du tribunal de grande instance de Bastia avait nommé un administrateur provisoire aux seules fins de représenter la SCI Cabinet Kinésithérapie du Fango et la SCM Cabinet Kinésithérapie du Fango « dans le cadre de l'action en dissolution que M. X... entend diligenter », et de gérer ces sociétés « jusqu'à l'achèvement de la procédure de dissolution » ; que de telles ordonnances aggravaient nécessairement le risque de dissolution ; qu'en jugeant au contraire, pour refuser de modifier la mission de l'administrateur provisoire, que cette mission « n'a pas pour conséquence d'aggraver le risque de dissolution », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a ainsi violé l'article 497 du code de procédure civile,
ALORS QUE 2°), si, pour quelque cause que ce soit, une société se trouve dépourvue de gérant, le juge peut, en toute hypothèse, désigner un mandataire chargé de réunir les associés en vue de nommer un ou plusieurs gérants ; que la cour d'appel a constaté la vacance de la gérance de droit de la SCI Cabinet Kinésithérapie du Fango et de la SCM Cabinet Kinésithérapie du Fango ; qu'en considérant qu'elle n'aurait pas eu la possibilité de modifier la mission de l'administrateur provisoire aux fins simplement de réunir les associés pour leur permettre de nommer un gérant, aux motifs inopérants qu'une telle modification priverait M. X... de son droit de demander la dissolution pour absence de gérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 497 du code de procédure civile et 1846 du code civil,
ALORS QUE 3°), au demeurant, lorsqu'une société est dépourvue de gérant pendant plus d'un an, le juge « peut » prononcer sa dissolution ; que cette cause de dissolution est susceptible de régularisation par la nomination d'un gérant ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1846-1 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2017:C301160
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1846 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 6 juillet 2016), rendu en référé, que MM. X..., Y... et Z... ont constitué la société civile immobilière « Cabinet de kinésithérapie du Fango » (la SCI) et la société civile de moyens « Cabinet de kinésithérapie du Fango » (la SCM), qui a pris à bail les locaux de la SCI ; que M. Y... a été nommé gérant de ces sociétés pour une durée de deux ans, à l'issue desquels, aucun gérant n'a été désigné ; que M. X... a obtenu le 20 avril 2015, une ordonnance désignant, pour chacune de ces sociétés, un administrateur provisoire ayant mission de les représenter dans la procédure de dissolution qu'il entendait engager et de les gérer jusqu'à l'achèvement de cette procédure conformément aux pouvoirs conférés au gérant par les statuts ; que MM. Y... et Z... ont saisi le juge des référés en rétractation de cette ordonnance et, subsidiairement, en limitation de la mission confiée à l'administrateur à la réunion des associés en vue de la désignation de gérants ;
Attendu que, pour rejeter la demande en rétractation, l'arrêt retient que la vacance de la gérance constitue déjà un dysfonctionnement grave et que l'administrateur provisoire confirme la mésentente entre les associés et les difficultés paralysant le bon fonctionnement des sociétés ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les sociétés ne fonctionnaient pas sans difficulté en dépit de la vacance de droit de la gérance et sans s'expliquer sur les « difficultés » qu'elles retenait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. Y... et Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour MM. Y... et Z....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de rétractation des ordonnances du 20 avril 2015 ayant désigné M. Jean-Loup A... en qualité d'administrateur provisoire de la SCI Cabinet Kinésithérapie du Fango et de la SCM Cabinet Kinésithérapie du Fango,
AUX MOTIFS QUE « (…) il est constant, et admis par les parties, que depuis la constitution des sociétés aucune assemblée générale n'a été réunie, et que depuis la cessation de plein droit des fonctions de gérant de M. Y... aucun gérant n'a été désigné ; qu'aucune des parties n'a usé, ni de la disposition des statuts permettant de convoquer une assemblée générale dans le mois de la vacance (article 14 alinea 7), ni de la faculté offerte par l'article 1846 alinea 5 du code civil de demander au président du tribunal, par requête, de désigner un mandataire chargé de réunir les associés afin de procéder à la nomination d'un ou plusieurs gérants ; il est constant également que M. X... a saisi le tribunal de grande instance de Bastia d'une demande de dissolution des deux sociétés par assignations des 25 juin 2015, sur le fondement des articles 1846 et 1846-1 du code civil, lequel prévoit que la dissolution peut être prononcée par le tribunal lorsque la société est dépourvue de gérant depuis plus d'un an ; que le juge des référés, qui n'a pas compétence pour trancher la question de la dissolution de la société et notamment celle du caractère facultatif ou non de cette dissolution en cas de vacance de la gérance, est seulement amené, dans le cadre de la requête en rétractation, à vérifier s'il existe des circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et un péril imminent pour celle-ci ; qu'en l'espèce, la vacance de la gérance constitue déjà un dysfonctionnement grave ; ensuite, tant les griefs exposés par M. X... dans ses écritures que ceux exposés par les consorts Y... et Z..., reprochant à M. X... d'agir dans son propre intérêt et non pas dans celui des sociétés, et faisant état de son intention de nuire, ainsi que de la perte de l'affectio societatis, traduisent la réalité d'un péril imminent pour les deux sociétés ; l'administrateur provisoire confirme la mésentente entre les associés et les difficultés paralysant le bon fonctionnement des sociétés ; que c'est dès lors à bon droit que le premier juge, estimant que la survie la société apparaissait menacée et que le risque de dissolution pèse sur elle, a rejeté la demande de rétractation de la requête ; que contrairement à ce que soutiennent les appelants, la mission de l'administrateur telle que définie dans les ordonnances du 20 avril 2015, n'a pas pour conséquence d'aggraver le risque de dissolution, la demande en ce sens étant laissée au libre arbitre de M. X..., M. Jean-Loup A... n'ayant que la mission de représenter la société dans le cadre de cette procédure. Sa nomination n'a donc pour effet que de rendre la procédure réalisable de façon légale et régulière ; que la modification de la mission de l'administrateur provisoire, sollicitée à titre subsidiaire par les appelants, priverait M. X... de son droit de demander la dissolution, ainsi que l'a également dit le premier juge ; que l'ordonnance de référé sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions ; que le fait, pour MM. Y... et Z..., d'avoir à «subir» et financer l'intervention d'un administrateur provisoire n'est pas en soi générateur d'un préjudice illicite ouvrant droit à dommages et intérêts ; au demeurant ceux-ci ont toujours la possibilité de solliciter son remplacement en cas de difficultés graves. La demande de dommages intérêts, bien que recevable au titre de l'article 70 du code de procédure civile, sera en conséquence rejetée (…) » (arrêt attaqué, pp. 4 et 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « (…) le juge de la rétractation doit se placer au jour où il statue pour apprécier le bien fondé de la requête et non au jour de l'ordonnance querellée. Il doit tenir compte de tous les faits survenus depuis la décision contestée. - Sur la persistance des conditions ayant conduit à la désignation d'un administrateur provisoire au jour ou le juge statue ; qu'il est constant que la requête déposée par M. X... le 15 avril 2015, vise la désignation par ordonnance, d'un administrateur provisoire de la SCI "Cabinet Kinésithérapie du Fango" et de la SCM "Cabinet Kinésithérapie du Fango", dépourvues de gérants depuis plus de 4 ans, préalablement à l'action en dissolution que celui-ci envisage d'entreprendre et afin que les intérêts des sociétés soient représentés dans cette action qui les concernent ; qu'aucune des parties ne contestent que la SCI "Cabinet Kinésithérapie du Fango" et la SCM "Cabinet Kinésithérapie du Fango" sont dépourvues de gérant depuis le 29 août 2011 pour la SCM et depuis le 30 mai 2011 pour la SCI et aucune procédure de désignation d'un gérant n'a été entreprise par les associés antérieurement aux ordonnances du 20 avril 2015 rendues sur requêtes ; il a été jugé comme en l'espèce, que lorsque la survie d'une société apparaît menacée et qu'un risque de dissolution pèse sur elle, il incombe à la partie la plus diligente fût-elle le demandeur à l'action en dissolution de requérir la désignation d'un administrateur provisoire dans l'attente d'une solution ; que dès lors, il n'y a donc pas lieu de rétracter les ordonnances critiquées. - sur l'impossibilité de modifier le contenu de la mission donnée à l'administrateur provisoire des sociétés ; qu'ainsi que le rappelle M. X..., s'agissant de la déshérence de gestion depuis plus d'un an, l'article 1864-1 du code civil ne prévoit aucune possibilité de régularisation, sauf interprétation contraire du juge du fond appelé à statuer sur la demande de dissolution. Par voie de conséquence, il n'y a pas lieu de modifier la mission de l'administrateur provisoire aux fins de réunir les associés en vue de la nomination d'un gérant dans les deux sociétés (…) » (ordonnance entreprise, pp. 4 et 5) ;
ALORS QUE 1°), la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d'un péril imminent ; que les exposants faisaient valoir, dans leurs conclusions (pp. 2 et 13), que malgré l'absence de gérance de droit de la SCI Cabinet Kinésithérapie du Fango et de la SCM Cabinet Kinésithérapie du Fango, ces deux sociétés fonctionnaient sans difficulté ni risque de péril imminent ; qu'en rejetant la demande de rétractation des ordonnances du 20 avril 2015 ayant désigné M. Jean-Loup A... en qualité d'administrateur provisoire de la SCI et de la SCM, au motif pris de la « vacance de la gérance » de droit (arrêt, p. 5, § 1er), sans s'expliquer sur les circonstances invoquées par les exposants pour démontrer que, malgré cette vacance de la gérance de droit, les deux sociétés fonctionnaient en fait sans difficulté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 497 du code de procédure civile et 1846 du code civil,
ALORS QUE 2°), la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d'un péril imminent ; qu'en se bornant à affirmer, pour refuser de rétracter les ordonnances du 20 avril 2015, que « les griefs exposés par M. X... dans ses écritures (…) traduisent la réalité d'un péril imminent » (arrêt, p. 5, § 1er), sans mieux s'expliquer sur ces « griefs » et sans permettre ainsi de caractériser la réalité d'un « péril imminent », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 497 du code de procédure civile et 1846 du code civil,
ALORS QUE 3°), au surplus, en affirmant que « les griefs exposés par M. X... dans ses écritures (…) traduisent la réalité d'un péril imminent » (arrêt, p. 5, § 1er), et en se bornant ainsi à se référer aux allégations de M. X... sans les vérifier personnellement, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 497 du code de procédure civile,
ALORS QUE 4°), la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d'un péril imminent ; qu'en se bornant à affirmer, pour refuser de rétracter les ordonnances du 20 avril 2015, que « l'administrateur provisoire confirme la mésentente entre les associés et les difficultés paralysant le bon fonctionnement des sociétés » (arrêt, p. 5), sans mieux s'expliquer sur ces « difficultés » et sans permettre ainsi de caractériser la paralysie des sociétés, antérieurement à la désignation de l'administrateur provisoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 497 du code de procédure civile et 1846 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à modification de la mission confiée à l'administrateur provisoire aux fins de réunir les associés en vue de la nomination d'un gérant dans les deux sociétés ;
AUX MOTIFS QUE « (…) contrairement à ce que soutiennent les appelants, la mission de l'administrateur telle que définie dans les ordonnances du 20 avril 2015, n'a pas pour conséquence d'aggraver le risque de dissolution, la demande en ce sens étant laissée au libre arbitre de M. X..., M. Jean-Loup A... n'ayant que la mission de représenter la société dans le cadre de cette procédure. Sa nomination n'a donc pour effet que de rendre la procédure réalisable de façon légale et régulière ; la modification de la mission de l'administrateur provisoire, sollicitée à titre subsidiaire par les appelants, priverait M. X... de son droit de demander la dissolution, ainsi que l'a également dit le premier juge ; l'ordonnance de référé sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions (…) » (arrêt attaqué, p. 5),
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « (…) sur l'impossibilité de modifier le contenu de la mission donnée à l'administrateur provisoire des sociétés ; ainsi que le rappelle M. X..., s'agissant de la déshérence de gestion depuis plus d'un an, l'article 1846-1 du code civil ne prévoit aucune possibilité de régularisation, sauf interprétation contraire du juge du fond appelé à statuer sur la demande de dissolution. Par voie de conséquence, il n'y a pas lieu de modifier la mission de l'administrateur provisoire aux fins de réunir les associés en vue de la nomination d'un gérant dans les deux sociétés (…) » (ordonnance entreprise, p. 5),
ALORS QUE 1°), par ses ordonnances sur requête du 20 avril 2015, le président du tribunal de grande instance de Bastia avait nommé un administrateur provisoire aux seules fins de représenter la SCI Cabinet Kinésithérapie du Fango et la SCM Cabinet Kinésithérapie du Fango « dans le cadre de l'action en dissolution que M. X... entend diligenter », et de gérer ces sociétés « jusqu'à l'achèvement de la procédure de dissolution » ; que de telles ordonnances aggravaient nécessairement le risque de dissolution ; qu'en jugeant au contraire, pour refuser de modifier la mission de l'administrateur provisoire, que cette mission « n'a pas pour conséquence d'aggraver le risque de dissolution », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a ainsi violé l'article 497 du code de procédure civile,
ALORS QUE 2°), si, pour quelque cause que ce soit, une société se trouve dépourvue de gérant, le juge peut, en toute hypothèse, désigner un mandataire chargé de réunir les associés en vue de nommer un ou plusieurs gérants ; que la cour d'appel a constaté la vacance de la gérance de droit de la SCI Cabinet Kinésithérapie du Fango et de la SCM Cabinet Kinésithérapie du Fango ; qu'en considérant qu'elle n'aurait pas eu la possibilité de modifier la mission de l'administrateur provisoire aux fins simplement de réunir les associés pour leur permettre de nommer un gérant, aux motifs inopérants qu'une telle modification priverait M. X... de son droit de demander la dissolution pour absence de gérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 497 du code de procédure civile et 1846 du code civil,
ALORS QUE 3°), au demeurant, lorsqu'une société est dépourvue de gérant pendant plus d'un an, le juge « peut » prononcer sa dissolution ; que cette cause de dissolution est susceptible de régularisation par la nomination d'un gérant ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1846-1 du code civil.