Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 novembre 2017, 16-19.535, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 27 avril 2016), que M. X..., salarié de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes (CPAM) en qualité d'animateur d'équipe, bénéficiait des dispositions de l'article 38 c de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 octroyant aux agents occupés dans les sous-sol ou les locaux insalubres une demi-journée de congés supplémentaire par mois de présence dans les dits sous-sols ou locaux ; que par courrier du 14 janvier 2015, le directeur de la CPAM informait le salarié de la dénonciation de ce qu'il considérait comme un usage et ce à compter du 1er avril 2015 ; qu'à la suite du refus du bénéfice d'un congé en application de ces dispositions le salarié a saisi, en référé, la juridiction prud'homale ;

Attendu que la CPAM des Ardennes fait grief à l'arrêt de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée qui a dit que le juge du référé était déclaré compétent et jugé que le salarié bénéficiait du congé supplémentaire d'une demi-journée par mois tel que fixé par l'article 38 c de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale, l'a condamné à verser à son salarié diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge du référé ne peut ordonné les mesures prévues à l'article R. 1455-5 du code du travail qu'en cas d'urgence dont il doit apprécier l'existence à la date à laquelle il statue ; qu'en l'espèce, le juge des référés s'est déclaré compétent en application de l'article R. 1455-5 du code du travail au seul prétexte que selon lui il n'existait pas de contestation sérieuse ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'urgence de statuer sur la demande formulée par le salarié s'agissant de l'octroi ou non d'un congé supplémentaire conventionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1455-5 du code du travail ;

2°/ que le juge des référés n'est compétent pour ordonner l'exécution d'une obligation, y compris en cas d'urgence, qu'à la condition que son existence ne soit pas sérieusement contestable ; que l'interprétation d'une disposition conventionnelle se heurte à une contestation sérieuse ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que la notion de sous-sol ouvrant droit en application de l'article 38 c de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale devait être interprétée et plus précisément il soutenait qu'un local situé pour partie en dessous du niveau du sol et pour partie au-dessus ne pouvait ouvrir droit au congé conventionnel institué par la disposition litigieuse qui n'avait vocation qu'à compenser des conditions de travail pénibles ; qu'il en résultait une contestation sérieuse ; qu'en affirmant qu'il n'existait aucune contestation sérieuse, la cour d'appel a violé les articles R. 1455-5 et R. 1455-7 du code du travail ;

3°/ que les juges ne peuvent pas dénaturer les termes du litige fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, les parties ne s'accordaient pas pour affirmer que le salarié occupait un bureau situé en sous-sol ; que, dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience, l'employeur soutenait que le bureau du salarié n'était pas situé en sous-sol et qu'il n'avait donc plus droit au congé supplémentaire institué par l'article 38 c de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale, suite à la dénonciation de l'usage du 14 janvier 2015 ; que le salarié prétendait quant à lui que son local de travail était situé en sous-sol ; qu'en affirmant qu'il n'était pas contesté que le salarié occupait un bureau situé en sous-sol, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°/ que l'article 38 c de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité social qui énonce que les agents occupés dans les sous-sols ou les locaux insalubres ont droit à une demi-journée de vacances supplémentaire par mois de présence dans lesdits sous-sols ou locaux, a pour objet de compenser des conditions de travail pénibles par l'octroi d'un repos supplémentaire ; que seul le salarié exerçant son travail dans un lieu totalement situé sous le niveau du sol, et ne disposant en conséquence ni d'ouverture ni de système d'aération sur l'extérieur, a droit à un congé supplémentaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que les locaux au sein desquels le salarié travaillait, étaient conformes aux dispositions des articles R. 4213-2 et R. 4213-3 du code du travail quant à leur éclairage, de sorte que les locaux litigieux bénéficiaient de la lumière naturelle et comportaient à hauteur des yeux des baies transparentes donnant sur l'extérieur, le sol du bureau étant seulement de quelques centimètres en dessous du sol naturel ; que dès lors, en accordant au salarié le bénéfice de l'article 38 c de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale, en se référant à la seule dénomination de " sous-sol " conférée à son bureau dans le plan d'intervention, par la suite modifié, la cour d'appel a violé l'article 38 c de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale ;

5°/ que l'aveu exige de la part de son auteur une manifestation de volonté non équivoque de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques ; qu'en affirmant que l'employeur avait reconnu que le salarié occupait un local en sous-sol puisque son propre plan d'intervention qualifiait le local de travail du salarié de « sous-sol » et qu'il importait peu que le plan nomme par la suite les mêmes locaux de « rez de jardin », la cour d'appel a violé les articles 1354 et suivants du code civil ;

6°/ que l'employeur peut dénoncer un usage et un engagement unilatéral ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver qu'il avait dénoncé l'usage selon lequel M. X... bénéficiait du congé supplémentaire institué par l'article 38 c de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que le plan d'intervention qualifiant le bureau du salarié de « sous-sol » avait été modifié et le qualifiait de « rez de jardin » ; qu'en retenant que l'employeur avait reconnu que le salarié occupait un local en sous-sol puisque son propre plan d'intervention qualifiait le local de travail du salarié de « sous-sol », sans à aucun moment s'expliquer sur la dénonciation de l'usage par l'employeur de faire bénéficier à son salarié d'un congé supplémentaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221 du code travail et 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que la demande présentée à la juridiction des référés, qui tend à ce qu'il soit mis fin au trouble manifestement illicite résultant du refus d'accorder au demandeur un jour de congé supplémentaire en application de la convention collective, relève de l'application de l'article R. 1455-6 du code du travail ; qu'il s'ensuit que les deux premiers griefs du moyen manquent en fait ;

Attendu, ensuite, qu'ayant relevé par une appréciation souveraine, hors de toute dénaturation, que le bureau occupé par le salarié était situé en sous-sol, la cour d'appel a, par ses seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la CPAM des Ardennes aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée qui a dit que le juge du référé était déclaré compétent et jugé que le salarié bénéficiait du congé supplémentaire d'une demi-journée par mois tel que fixé par l'article 38 c de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale, a condamné l'employeur à verser à son salarié la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens de l'instance, et d'AVOIR y ajoutant, condamné l'employeur aux dépens ainsi qu'à payer à M. X... la somme de 1 500 euros pour frais irrépétibles d'appel ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « les premiers juges se sont déterminés au terme d'une pertinente motivation que la cour adopte sauf à la compléter ;
Qu'il est acquis aux débats-et les photos le font parfaitement ressortir-que les locaux où travaille M. X... sont conformes aux stipulations des articles R. 4213-2 et R. 4213-3 du code du travail quant à leur éclairage mais cet argument de la caisse est sans lien avec le litige alors que M. X... n'a jamais émis de prétentions de ce chef ;
Que la disposition claire de l'article 38 de la convention collective qui n'a donc pas à être interprétée prévoit un avantage pour les'agents occupés dans les sous-sols';
Que la caisse avait de longue date reconnu que M. X... remplissait cette condition dans la mesure où son propre plan d'intervention qualifiait le lieu où celui-ci a son bureau de'sous-sol';
Que la circonstance que le plan nouvellement produit nomme désormais et opportunément les mêmes locaux comme'rez de jardin'ne suffit pas à remettre en cause l'ouverture du droit de M. X... tenu de la convention collective ;
que ces constats commandent de confirmer totalement l'ordonnance attaquée ;
que la caisse qui succombe-ce qui impose de rejeter sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive-sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer la somme de 1 500 euros à M. X... pour frais irrépétibles d'appel » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« au terme de l'article R 1455-5 du code du travail, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence du Conseil des Prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou qui justifient l'existence d'un différent ;
Qu'il n'est pas contesté que M. Pascal X... occupe en effet un bureau situé en sous-sol confirmé par le plan d'intervention en cas de sinistre faisant référence aux bureaux en sous-sol ;
Qu'il occupe ce bureau depuis de nombreuses années et qu'il bénéficiait jusqu'au 31 décembre 2014 d'une demi-journée de congé supplémentaire par mois de présence, prévue par l'article 38 C de la C. C. N. T. du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale octroyant cette demi-journée aux agents occupés dans les sous-sols.
Le conseil fait droit à la demande de M. X... quant à son droit à une demi-journée de congé supplémentaire.
Qu'il ne démontre pas son préjudice, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêt ;
Qu'il serait inéquitable de laisser à M. X... l'intégralité des frais irrépétibles qu'il a du engager pour sa défense, il lui sera alloué la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que le conseil fait droit aux demandes de M. X..., elle déboute la CPAM des Ardennes de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la CPAM des Ardennes l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a engagé pour les besoins de la cause, elle est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ;

1°) ALORS QUE le juge des référés ne peut ordonner les mesures prévues à l'article R. 1455-5 du code du travail qu'en cas d'urgence dont il doit apprécier l'existence à la date à laquelle il statue ; qu'en l'espèce, le juge des référés s'est déclaré compétent en application de l'article R. 1455-5 du code du travail au seul prétexte que selon lui il n'existait pas de contestation sérieuse ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'urgence de statuer sur la demande formulée par le salarié s'agissant de l'octroi ou non d'un congé supplémentaire conventionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1455-5 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le juge des référés n'est compétent pour ordonner l'exécution d'une obligation, y compris en cas d'urgence, qu'à la condition que son existence ne soit pas sérieusement contestable ; que l'interprétation d'une disposition conventionnelle se heurte à une contestation sérieuse ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que la notion de sous-sol ouvrant droit en application de l'article 38 c de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale devait être interprétée et plus précisément il soutenait qu'un local situé pour partie en dessous du niveau du sol et pour partie au-dessus ne pouvait ouvrir droit au congé conventionnel institué par la disposition litigieuse qui n'avait vocation qu'à compenser des conditions de travail pénibles ; qu'il en résultait une contestation sérieuse ; qu'en affirmant qu'il n'existait aucune contestation sérieuse, la cour d'appel a violé les articles R. 1455-5 et R. 1455-7 du code du travail ;

3°) ALORS QUE les juges ne peuvent pas dénaturer les termes du litige fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, les parties ne s'accordaient pas pour affirmer que le salarié occupait un bureau situé en sous-sol ; que, dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience (arrêt p. 2 § 3), l'employeur soutenait que le bureau du salarié n'était pas situé en sous-sol et qu'il n'avait donc plus droit au congé supplémentaire institué par l'article 38 c de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale, suite à la dénonciation de l'usage du 14 janvier 2015 (conclusions d'appel de l'exposante p. 4 et 5) ; que le salarié prétendait quant à lui que son local de travail était situé en sous-sol (conclusions d'appel adverses p. 5) ; qu'en affirmant qu'il n'était pas contesté que le salarié occupait un bureau situé en sous-sol (motifs adoptés p. 2 in fine), la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE l'article 38 c de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité social qui énonce que les agents occupés dans les sous-sols ou les locaux insalubres ont droit à une demi-journée de vacances supplémentaire par mois de présence dans lesdits sous-sols ou locaux, a pour objet de compenser des conditions de travail pénibles par l'octroi d'un repos supplémentaire ; que seul le salarié exerçant son travail dans un lieu totalement situé sous le niveau du sol, et ne disposant en conséquence ni d'ouverture ni de système d'aération sur l'extérieur, a droit à un congé supplémentaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que les locaux au sein desquels le salarié travaillait, étaient conformes aux dispositions des articles R. 4213-2 et R. 4213-3 du code du travail quant à leur éclairage, de sorte que les locaux litigieux bénéficiaient de la lumière naturelle et comportaient à hauteur des yeux des baies transparentes donnant sur l'extérieur, le sol du bureau étant seulement de quelques centimètres en dessous du sol naturel ; que dès lors, en accordant au salarié le bénéfice de l'article 38 C de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale, en se référant à la seule dénomination de " sous-sol " conférée à son bureau dans le plan d'intervention, par la suite modifié, la cour d'appel a violé l'article 38 C de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale ;

5°) ALORS QUE l'aveu exige de la part de son auteur une manifestation de volonté non équivoque de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques ; qu'en affirmant que l'employeur avait reconnu que le salarié occupait un local en sous-sol puisque son propre plan d'intervention qualifiait le local de travail du salarié de « sous-sol » et qu'il importait peu que le plan nomme par la suite les mêmes locaux de « rez de jardin », la cour d'appel a violé les articles 1354 et suivants du code civil ;

6°) ALORS QUE l'employeur peut dénoncer un usage et un engagement unilatéral ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver qu'il avait dénoncé l'usage selon lequel M. X... bénéficiait du congé supplémentaire institué par l'article 38 c de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale (conclusions d'appel de l'exposante p. 3 et courrier du 14 janvier 2015) ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que le plan d'intervention qualifiant le bureau du salarié de « sous-sol » avait été modifié et le qualifiait de « rez de jardin » ; qu'en retenant que l'employeur avait reconnu que le salarié occupait un local en sous-sol puisque son propre plan d'intervention qualifiait le local de travail du salarié de « sous-sol », sans à aucun moment s'expliquer sur la dénonciation de l'usage par l'employeur de faire bénéficier à son salarié d'un congé supplémentaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2017:SO02370
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