Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 octobre 2017, 16-14.780, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article 1315 du code civil devenu l'article 1353 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z... a été engagée par la société Restaurants et Sites à compter du 18 novembre 1986 par des contrats de travail à durée déterminée dénommés « contrat de travail d'extra à durée déterminée d'usage » pour des durées d'une journée en qualité d'adjointe au responsable du bar ; qu'estimant que ces contrats devaient être requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée et que la rupture des relations contractuelles s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour dire que la relation de travail sera requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire à ce titre, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article L. 3123-14 du code du travail que le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit et que pour ce qui concerne les périodes de 1986 à 2005 inclus puis de 2008 à 2009, en l'absence de contrats de travail à durée déterminée écrits, l'emploi de la salariée est présumé à temps complet et il appartient à la société de démontrer la durée exacte du travail convenue et que la salariée n'était pas dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail et qu'elle ne devait pas se maintenir constamment à sa disposition, ce que la société ne fait pas ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que la salariée engagée par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que si elle s'est tenue à la disposition de l'employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail, la cour d'appel qui n'a pas vérifié, comme elle y était invitée, si la salariée établissait s'être tenue à la disposition de l'employeur durant ces périodes non travaillées, a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Restaurants et Sites à payer à Mme Z... les sommes de 25 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 19 593,24 euros au titre de l'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 3 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille dix-sept. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Restaurants et Sites.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié les contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, et d'AVOIR en conséquence condamné la société Restaurants et Sites à verser à Madame Y... X... Z... diverses sommes à titre de rappels de salaires et congés payés afférents, indemnités de rupture, de requalification et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « Sur la requalification des contrats de travail en un contrat de travail à temps complet Madame Z... soutient que la relation contractuelle doit être requalifiée en un contrat de travail à temps complet car la société avait l'obligation de lui fournir du travail et de la rémunérer de manière régulière et constante. Elle ajoute qu'en l'absence d'écrit, le contrat de travail est présumé à temps plein et qu'il appartient à l'employeur de prouver la durée exacte du travail convenue, le fait qu'elle n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail et ne devait pas se maintenir constamment à sa disposition, ce que la société ne fait pas.
En réponse, la société fait valoir qu'il appartient à la salariée de démontrer qu'en dehors des périodes d'extra, elle se tenait à sa disposition et se conformait à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations ce qu'elle ne fait pas. Elle ajoute qu'elle a perçu au titre des périodes interstitielles des compléments de rémunération de Pôle Emploi.
Il résulte de l'article L 3123-14 du code du travail que le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit.
Pour ce qui concerne les périodes de 1986 à 2005 inclus puis de 2008 à 2009, en l'absence de contrats de travail à durée déterminée écrits, l'emploi de Madame Z... est présumé à temps complet et il appartient à la société de démontrer la durée exacte du travail convenue et que la salariée n'était pas dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail et qu'elle ne devait pas se maintenir constamment à sa disposition, ce que la société ne fait pas.
Dès lors, la relation de travail sera requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.
La décision des premiers juges sera infirmée.
Sur le rappel de salaire
Madame Z... sollicite un rappel de salaire pour la période du 1er janvier 201l au 14 janvier 2013. Elle précise tenir compte de la prescription triennale des salaires.
La société soutient que la demande ne peut concerner que les trois années précédant la saisine du conseil de prud'hommes soit à compter du 21 novembre 201l et que le dernier jour de travail est le 21 novembre 2012 et non comme le prétend la salariée, le 14 janvier 2013.
Il résulte des dispositions de l'article L 3245-1 du code du travail que « l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat de travail ».
En l'espèce, la prescription court à compter de la date d'exigibilité des salaires soit à la fin du mois.
Madame Z... a saisi le conseil de prud'hommes le 26 novembre 2014.
Sa demande est donc prescrite pour la période antérieure au 26 novembre 2011.
Madame Z... considère que sa dernière journée de travail doit être fixée au 14 janvier 2013. Cependant d'une part, elle a refusé de signer le contrat de travail à durée déterminée qu'elle verse aux débats (pièce 48) puisqu'elle a indiqué au-dessus de sa signature "lu et non approuvé" et qu'elle a raturé le montant du salaire et d'autre part, elle ne démontre pas l'existence d'une prestation de travail au-delà du 21 novembre 2012, terme du dernier contrat de travail à durée déterminée.
Dès lors, la cour retient qu'un rappel de salaire lui est dû pour la période du 26 novembre 2011 au 21 novembre 2012 inclus.
Compte tenu des tableaux qu'elle a établis (pièce 46) pour les années 2011 et 2012 dont les mentions reprennent le montant du salaire brut figurant sur les bulletins de paie, il est dû à titre de rappel de salaire à Madame Z... pour cette période la somme de 1l 704,74 euros outre la somme de 1170,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents.
La décision des premiers juges sera infirmée »

ET QUE « Sur la rupture des relations contractuelles Au terme du dernier contrat de travail à durée déterminée, le 21 novembre 2012, la relation contractuelle a cessé. Cette rupture du contrat de travail à durée indéterminée à l'initiative de l'employeur et sans qu'une lettre de licenciement énonçant des motifs de licenciement soit notifiée à la salarié, s'analyse nécessairement en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Madame Z... souligne qu'il est troublant qu'elle ait été licenciée alors qu'elle avait été victime d'un accident du travail. Elle ne justifie pas de sa situation après son licenciement et ne produit pas de relevés de prestations POLE EMPLOI.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Madame Z... sur la base d'un temps complet et sur la moyenne des douze derniers mois d'emploi, fixée à 2555,64 euros, de son âge, 53 ans, de son ancienneté, 26 ans, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, une somme de 25000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il est dû en outre à Madame Z... la somme de 5111,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 511,13 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents.
Enfin, il lui est dû à titre d'indemnité de licenciement la somme de 19593,24 euros, somme non utilement contestée en son calcul par la société qui critique seulement le montant de la rémunération moyenne retenu par la salariée et validé par la cour »

1/ ALORS QUE la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; que réciproquement, la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; qu'en cas de requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée à temps complet, le salarié ne peut obtenir de rappel de salaires pour les périodes interstitielles qu'à la condition de prouver qu'il est resté à la disposition de l'employeur ; qu'en accordant à Mme Z... un rappel de salaire sur la période non prescrite après avoir jugé qu'à défaut de production de tous les contrats écrits couvrant la période, la relation contractuelle était à temps complet, sans cependant caractériser que la salariée démontrait s'être tenue à la disposition permanente de son employeur pendant les périodes interstitielles au cours desquelles elle n'avait pas travaillé, la Cour d' appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1315 du Code civil, ensemble les articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du Code du travail ;

2/ ALORS QUE la cassation d'un chef de dispositif entraine la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif qui sont dans un lien de dépendance nécessaire; que la Cour d'appel a calculé les indemnités de rupture et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base d'un salaire moyen fixé sur les douze derniers mois à la somme de 2455, 54 euros correspondant à la rémunération d'un travail à temps complet ; que dès lors, la cassation à intervenir sur la première branche du moyen entrainera par voie de conséquence la cassation de ces chefs de dispositif en application de l'article 624 du Code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2017:SO02289
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