Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 18 octobre 2017, 16-15.900, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Comater que sur le pourvoi provoqué incident relevé par la société Clomen ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que les sociétés Comater et Clomen (les sociétés adhérentes), spécialisées dans la distribution et l'installation d'articles pour l'aménagement de la maison, ont conclu avec la société Bati-man un contrat aux termes duquel cette dernière s'engageait à leur communiquer son savoir-faire et son assistance, leur accordait le droit d'utiliser l'enseigne « Batiman » et leur concédait une exclusivité territoriale, avec une obligation d'adhérer à une centrale de référencement gérée par la société Aria ; que les relations s'étant détériorées entre les sociétés adhérentes et les sociétés Bati-man et Aria, notamment à la suite de la substitution progressive de la société SPRL Refero (la société Refero) à la société Aria, les premières ont notifié aux secondes la résiliation unilatérale des contrats au cours de l'été 2014 ; que les sociétés adhérentes ont assigné les sociétés Bati-man, Aria et Refero, en référé, devant le président d'un tribunal de commerce pour obtenir sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile la communication de justificatifs leur permettant de vérifier les remises et ristournes qui avaient été négociées par la centrale de référencement de leur réseau et qui devaient leur être reversées ;

Sur les moyens uniques des pourvois principal et incident, pris en leur première branche, rédigés en termes identiques, réunis :

Vu l'article 145 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande de communication de pièces, l'arrêt relève que l'allégation de détournement de fonds dont les adhérents se considèrent victimes ne saurait être étayée par la seule affirmation de ce que des redevances ont été versées par les fournisseurs aux sociétés de référencement, pas plus que des anomalies ne sauraient être déduites de la création de filiales, même très dépendantes de la société mère, domiciliées à l'étranger, dont l'objet demeure licite et ne peut faire présumer une fraude aux droits des adhérents ; qu'il en déduit que ne saurait être admise, dans ces conditions, la création artificielle d'un motif pour voir ordonner des mesures d'investigations intrusives ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser sur les requérantes la charge de la preuve du fait que la mesure demandée avait précisément pour objet de rapporter, a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas et violé le texte susvisé ;

Sur les mêmes moyens, pris en leur troisième branche, rédigés en termes identiques, réunis :

Vu l'article 145 du code de procédure civile ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que les détails de certaines écritures comptables, ainsi que les contrats et factures par fournisseurs, sont des informations directement ou indirectement couvertes par des clauses de confidentialité et que par le caractère exhaustif des pièces sollicitées et leur domaine, portant sur des relations contractuelles avec des entreprises tierces au litige, la mesure aurait finalement pour conséquence de permettre aux sociétés adhérentes de connaître, malgré le secret des affaires, la structure commerciale de sociétés devenues concurrentes de leurs nouveaux intérêts ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application de l'article 145 du code de procédure civile, dès lors que la mesure d'instruction sollicitée procède d'un motif légitime et qu'elle est nécessaire à la protection des droits des requérantes, la cour d'appel, à laquelle il appartenait de circonscrire la mesure aux éléments permettant d'atteindre cet objectif sans porter une atteinte excessive aux intérêts légitimes des autres parties, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de la société Comater de production des documents relatifs à tout paiement effectué entre les mains de la société Concept ouverture, l'arrêt rendu le 22 février 2016 (RG 15/00889), entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne les sociétés Aria, Bati-man et SPRL Refero aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer la somme globale de 1 500 euros à chacune des sociétés Comater et Clomen et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Comater, demanderesse au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Comater de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' : « il résulte de la combinaison des articles 10 du code civil, 11 et 145 du code de procédure civile qu'il ne peut être ordonné à des tiers, sur requête ou en référé, de produire tous documents qu'ils détiennent que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige et que si aucun empêchement légitime ne s'oppose à cette production par le tiers détenteurs ; qu'il en est de même dans le cadre d'une procédure d'expertise judiciaire à l'égard des autres parties à la mesure d'instruction ; que l'expertise ordonnée par le juge des référés et frappée d'appel suivant une procédure distincte de la présente, aux fins de la voir réformer pour défaut de nécessité et de légitimité, avait pour conséquence explicite la production de pièces par les sociétés appelantes que celles-ci se sont refusées à communiquer au motif qu'elles sont sans lien avec l'exécution des contrats litigieux et que leur production porte atteinte au secret des affaires et notamment aux obligations de confidentialité souscrites par elles auprès des différents autres partenaires ; que l'ordonnance critiquée dans la présente procédure a, pour sa part, eu pour objet d'ordonner la production de divers documents et comptables étrangers aux relations contractuelles liant aux sociétés Aria, Bati-Man et Refero les sociétés requérantes dont les sociétés Junet Bois et Broc Poudevigne à qui elle a étendu les opérations d'expertises déjà ordonnées ; qu'ainsi qu'il l'a été rappelé à titre liminaire, le recours à la mesure d'instruction sollicitée doit être proportionné aux intérêts antinomiques en présence et si le secret des affaires ou des correspondances ne constitue pas en luimême un obstacle à la mise en oeuvre de mesures d'instruction, celles-ci doivent procéder d'un motif légitime et être indispensables à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées ; qu'en l'espèce, le premier juge a enjoint la société Aria à communiquer un nombre de pièces n'exigeant aucune plus-value intellectuelle autre que le recensement et le tri des données susceptibles de figurer sur ces pièces dont certaines sont accessibles publiquement telles que les bilans comptables ; que s'agissant des détails de certaines écritures comptables, des contrats et factures par fournisseurs, ces informations sont directement ou indirectement couvertes par des clauses de confidentialité alors qu'il appartient au juge de s'assurer que les faits invoqués ne dissimulent pas en réalité un moyen, pour les parties demanderesses à la production forcée, d'accéder à bon compte et sans raison majeure à des informations confidentielles et de porter une atteinte injustifiée aux secrets commerciaux et industriels, ou plus globalement, à l'activité d'une entreprise concurrente ; qu'à cet égard, les sociétés appelantes ont fait remarquer, preuves à l'appui, que les sociétés intimées ont créé un réseau concurrent de celui du groupe Bati-Man sous la forme d'une société Univerture exerçant sous la marque « Univerture menuiserie & cuisine » et constituée le 15 octobre 2014 à une époque contemporaine des résiliations notifiées aux sociétés Bati-Man et Aria et ayant pour objet déclaré « la recherche et la négociation de conditions générales d'achat, accords de coopération commerciale, de référencement fournisseurs et de tous types d'accord, dans le domaine des matériaux de construction, et notamment de produits de second oeuvre du bâtiment et produits d'agencement et de décoration ». Parmi ses dirigeants figurent ceux de deux des sociétés intimées (Clomen et Comater) ; que par le caractère exhaustif des pièces sollicitées et leur domaine portant sur des relations contractuelles avec des entreprises tierces au litige strictement défini par les conventions passées entre les parties à la présente instance, la mesure demandée aurait finalement pour conséquence de permettre aux sociétés intimées de connaître, malgré le secret des affaires, la structure commerciale des sociétés appelantes, devenues concurrentes de leurs nouveaux intérêts ; qu'au surplus, l'allégation de détournements de fonds dont les adhérents se considèrent victimes ne saurait être étayée par la seule affirmation de redevances versées par les fournisseurs aux sociétés de référencement pas plus que des anomalies ne sauraient être déduites de la création de filiales même très dépendantes de la société mère et fixées à l'étranger dont l'objet demeure licite et ne peut faire présumer une fraude aux droits des adhérents ; qu'il ne saurait être admis, dans ces conditions, la création artificielle d'un motif pour voir ordonner des mesures d'investigations intrusives qui n'ont d'ailleurs pas été sollicitées sur le plan pénal nonobstant les termes employés par les sociétés intimées se contentant in fine d'inviter la juridiction des référés à saisir le parquet ; qu'il en résulte que les sociétés adhérentes n'étaient pas fondées à réclamer la production forcée ordonnée en première instance ni même l'opposabilité de la mesure d'expertise ordonnée le 8 janvier 2015 ; que la décision entreprise sera donc infirmée sur ces points, les sociétés intimées étant ainsi déboutées de leurs prétentions contraires ; que le rejet par le premier juge des autres demandes de communication forcée de pièces, formées devant lui, devra en revanche être confirmé s'agissant des éléments relatifs à la société Concept Ouverture, pour les mêmes raisons qui viennent d'être exposées et que l'ordonnance entreprise avait écartée en raison de l'absence de cette société à la procédure étant relevé que cette demande spécifique n'a pas été expressément reprise en appel » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « la centrale d'achat Refero a été constituée en Belgique sous l'impulsion de Bati-Man ; que jour justifier cette création, les sociétés Bati-Man et Aria font état d'un développement européen ; que la note en délibéré fournie par les sociétés Comater, Clomen, Tobati, Label Menuiseries, Batixel, Junet Bois, Broc Poudevigne défend que cela n'a pas été le cas ; qu'un glissement progressif d'achat par les adhérents s'est effectué auprès de cette centrale ; que la note en délibéré du 5 février 2015 transmise par Bati-Man et Aria précise que la société Refero avait bien été originellement constituée en raison de contacts établis en Belgique, mais comme dans tous les cas, à l'exception d'une société, les adhérents à cette centrale ont vu leurs conditions d'achat s'améliorer, aucun préjudice ne peut être mis en avant justifiant la communication de documents confidentiels la concernant ; que cette situation a perduré plusieurs années sans que les adhérents ne réagissent, sinon en disant pour leur défense qu'ils se sont trouvés devant le fait accompli ; qu'aucun contrat n'est apporté aux débats, conclu entre les sociétés Aria et Refero ainsi qu'entre Refero et les adhérents, sinon que l'on peut considérer qu'un contrat de fait s'était établi en raison de l'utilisation de la central Refero pendant quelque temps par les adhérents ; qu'il n'existe entre les adhérents et la société Bati-Man qu'un contrat de partenariat d'utilisation de l'enseigne Batiman et que les adhérents n'apportent pas la preuve à l'audience de contrat leur permettant l'examen des comptes de Bati-Man ; que ces demandes font apparaître une contestation sérieuse qui ne peut être jugée par l'instance présente ; qu'en conséquence, nous juge des référés nous déclarons incompétent pour juger le litige des adhérents avec la société Référo et la société Bati-Man et les renverrons à mieux se pourvoir au fond » ;

ALORS 1/ QUE l'absence de preuve des faits que la mesure d'instruction a précisément pour objet de conserver ou d'établir ne constitue pas un motif justifiant de refuser d'ordonner une mesure d'instruction in futurum ; que pour débouter l'exposante de sa demande de communication forcée, la cour d'appel a retenu que « l'allégation de détournement de fonds dont les adhérents se considèrent victimes ne saurait être étayée par la seule affirmation de redevances versées par les fournisseurs aux sociétés de référencement pas plus que des anomalies ne sauraient être déduites de la création de filiales même très dépendantes de la société mère et fixées à l'étranger dont l'objet demeure licite et ne peut faire présumer une fraude aux droits des adhérents » (arrêt, p. 7, alinéa 5) ; qu'en refusant ainsi de prononcer une mesure d'instruction in futurum en se bornant à constater que n'était pas rapportée la preuve des détournements qu'elle avait pour objet d'établir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

ALORS 2/ QUE constitue un mode de preuve légalement admissible la communication forcée de pièces relative aux faits déloyaux dénoncés, limitée aux seules relations contractuelles d'une société avec un nombre limité de clients sur une durée déterminée ; qu'en retenant pourtant que la communication ordonnée, en ce qu'elle portait sur « informations directement ou indirectement couvertes par des clauses de confidentialité », serait un moyen « d'accéder à bon compte et sans raison majeure à des informations confidentielles et de porter une atteinte injustifiée aux secrets commerciaux et industriels » (arrêt, p. 7, alinéa 2), la cour d'appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

ALORS 3/ QUE le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à la mise en oeuvre de mesures d'instruction in futurum ; qu'en retenant pourtant que la communication ordonnée serait un moyen « d'accéder à bon compte et sans raison majeure à des informations confidentielles et de porter une atteinte injustifiée aux secrets commerciaux et industriels », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

ALORS 4/ QUE constitue un mode de preuve légalement admissible la production forcée de pièces comptables ou autres pièces publiquement accessibles ; que pour débouter l'exposante de sa demande d'expertise, la cour d'appel a retenu que certaines pièces qui devaient être communiquées à l'expert « sont accessibles publiquement telles que les bilans comptables » (arrêt, p. 7, alinéa 1er) ; qu'en statuant ainsi, cependant que la production forcée de ces pièces constitue une mesure d'instruction légalement admissible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

ALORS 5/ QUE lorsqu'il statue en application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, le juge des référés n'est pas soumis aux conditions exigées par l'article 872 de ce code ; qu'en l'espèce, pour refuser d'ordonner aux sociétés Refero et Bati-Man la communication de pièces sollicitée, l'ordonnance de référé a retenu qu'il existerait à leur égard une « contestation sérieuse » (ordonnance, p. 13, alinéa 4) ; qu'en statuant ainsi, à supposer ce motif adopté, la cour d'appel a violé les articles 145 et 872 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Clomen, demanderesse au pourvoi provoqué

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Clomen de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' : « il résulte de la combinaison des articles 10 du code civil, 11 et 145 du code de procédure civile qu'il ne peut être ordonné à des tiers, sur requête ou en référé, de produire tous documents qu'ils détiennent que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige et que si aucun empêchement légitime ne s'oppose à cette production par le tiers détenteurs ; qu'il en est de même dans le cadre d'une procédure d'expertise judiciaire à l'égard des autres parties à la mesure d'instruction ; que l'expertise ordonnée par le juge des référés et frappée d'appel suivant une procédure distincte de la présente, aux fins de la voir réformer pour défaut de nécessité et de légitimité, avait pour conséquence explicite la production de pièces par les sociétés appelantes que celles-ci se sont refusées à communiquer au motif qu'elles sont sans lien avec l'exécution des contrats litigieux et que leur production porte atteinte au secret des affaires et notamment aux obligations de confidentialité souscrites par elles auprès des différents autres partenaires ; que l'ordonnance critiquée dans la présente procédure a, pour sa part, eu pour objet d'ordonner la production de divers documents et comptables étrangers aux relations contractuelles liant aux sociétés Aria, Bati-Man et Refero les sociétés requérantes dont les sociétés Junet Bois et Broc Poudevigne à qui elle a étendu les opérations d'expertises déjà ordonnées ; qu'ainsi qu'il l'a été rappelé à titre liminaire, le recours à la mesure d'instruction sollicitée doit être proportionné aux intérêts antinomiques en présence et si le secret des affaires ou des correspondances ne constitue pas en lui-même un obstacle à la mise en oeuvre de mesures d'instruction, celles-ci doivent procéder d'un motif légitime et être indispensables à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées ; qu'en l'espèce, le premier juge a enjoint la société Aria à communiquer un nombre de pièces n'exigeant aucune plus-value intellectuelle autre que le recensement et le tri des données susceptibles de figurer sur ces pièces dont certaines sont accessibles publiquement telles que les bilans comptables ; que s'agissant des détails de certaines écritures comptables, des contrats et factures par fournisseurs, ces informations sont directement ou indirectement couvertes par des clauses de confidentialité alors qu'il appartient au juge de s'assurer que les faits invoqués ne dissimulent pas en réalité un moyen, pour les parties demanderesses à la production forcée, d'accéder à bon compte et sans raison majeure à des informations confidentielles et de porter une atteinte injustifiée aux secrets commerciaux et industriels, ou plus globalement, à l'activité d'une entreprise concurrente ; qu'à cet égard, les sociétés appelantes ont fait remarquer, preuves à l'appui, que les sociétés intimées ont créé un réseau concurrent de celui du groupe Bati-Man sous la forme d'une société Univerture exerçant sous la marque « Univerture menuiserie & cuisine » et constituée le 15 octobre 2014 à une époque contemporaine des résiliations notifiées aux sociétés Bati-Man et Aria et ayant pour objet déclaré « la recherche et la négociation de conditions générales d'achat, accords de coopération commerciale, de référencement fournisseurs et de tous types d'accord, dans le domaine des matériaux de construction, et notamment de produits de second oeuvre du bâtiment et produits d'agencement et de décoration ». Parmi ses dirigeants figurent ceux de deux des sociétés intimées (Clomen et Comater) ; que par le caractère exhaustif des pièces sollicitées et leur domaine portant sur des relations contractuelles avec des entreprises tierces au litige strictement défini par les conventions passées entre les parties à la présente instance, la mesure demandée aurait finalement pour conséquence de permettre aux sociétés intimées de connaître, malgré le secret des affaires, la structure commerciale des sociétés appelantes, devenues concurrentes de leurs nouveaux intérêts ; qu'au surplus, l'allégation de détournements de fonds dont les adhérents se considèrent victimes ne saurait être étayée par la seule affirmation de redevances versées par les fournisseurs aux sociétés de référencement pas plus que des anomalies ne sauraient être déduites de la création de filiales même très dépendantes de la société mère et fixées à l'étranger dont l'objet demeure licite et ne peut faire présumer une fraude aux droits des adhérents ; qu'il ne saurait être admis, dans ces conditions, la création artificielle d'un motif pour voir ordonner des mesures d'investigations intrusives qui n'ont d'ailleurs pas été sollicitées sur le plan pénal nonobstant les termes employés par les sociétés intimées se contentant in fine d'inviter la juridiction des référés à saisir le parquet ; qu'il en résulte que les sociétés adhérentes n'étaient pas fondées à réclamer la production forcée ordonnée en première instance ni même l'opposabilité de la mesure d'expertise ordonnée le 8 janvier 2015 ; que la décision entreprise sera donc infirmée sur ces points, les sociétés intimées étant ainsi déboutées de leurs prétentions contraires ; que le rejet par le premier juge des autres demandes de communication forcée de pièces, formées devant lui, devra en revanche être confirmé s'agissant des éléments relatifs à la société Concept Ouverture, pour les mêmes raisons qui viennent d'être exposées et que l'ordonnance entreprise avait écartée en raison de l'absence de cette société à la procédure étant relevé que cette demande spécifique n'a pas été expressément reprise en appel » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « la centrale d'achat Refero a été constituée en Belgique sous l'impulsion de Bati-Man ; que jour justifier cette création, les sociétés Bati-Man et Aria font état d'un développement européen ; que la note en délibéré fournie par les sociétés Comater, Clomen, Tobati, Label Menuiseries, Batixel, Junet Bois, Broc Poudevigne défend que cela n'a pas été le cas ; qu'un glissement progressif d'achat par les adhérents s'est effectué auprès de cette centrale ; que la note en délibéré du 5 février 2015 transmise par Bati-Man et Aria précise que la société Refero avait bien été originellement constituée en raison de contacts établis en Belgique, mais comme dans tous les cas, à l'exception d'une société, les adhérents à cette centrale ont vu leurs conditions d'achat s'améliorer, aucun préjudice ne peut être mis en avant justifiant la communication de documents confidentiels la concernant ; que cette situation a perduré plusieurs années sans que les adhérents ne réagissent, sinon en disant pour leur défense qu'ils se sont trouvés devant le fait accompli ; qu'aucun contrat n'est apporté aux débats, conclu entre les sociétés Aria et Refero ainsi qu'entre Refero et les adhérents, sinon que l'on peut considérer qu'un contrat de fait s'était établi en raison de l'utilisation de la central Refero pendant quelque temps par les adhérents ; qu'il n'existe entre les adhérents et la société Bati-Man qu'un contrat de partenariat d'utilisation de l'enseigne Batiman et que les adhérents n'apportent pas la preuve à l'audience de contrat leur permettant l'examen des comptes de Bati-Man ; que ces demandes font apparaître une contestation sérieuse qui ne peut être jugée par l'instance présente ; qu'en conséquence, nous juge des référés nous déclarons incompétent pour juger le litige des adhérents avec la société Référo et la société Bati-Man et les renverrons à mieux se pourvoir au fond» ;

ALORS 1/ QUE l'absence de preuve des faits que la mesure d'instruction a précisément pour objet de conserver ou d'établir ne constitue pas un motif justifiant de refuser d'ordonner une mesure d'instruction in futurum ; que pour débouter l'exposante de sa demande de communication forcée, la cour d'appel a retenu que « l'allégation de détournement de fonds dont les adhérents se considèrent victimes ne saurait être étayée par la seule affirmation de redevances versées par les fournisseurs aux sociétés de référencement pas plus que des anomalies ne sauraient être déduites de la création de filiales même très dépendantes de la société mère et fixées à l'étranger dont l'objet demeure licite et ne peut faire présumer une fraude aux droits des adhérents » (arrêt, p. 7, alinéa 5) ; qu'en refusant ainsi de prononcer une mesure d'instruction in futurum en se bornant à constater que n'était pas rapportée la preuve des détournements qu'elle avait pour objet d'établir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

ALORS 2/ QUE constitue un mode de preuve légalement admissible la communication forcée de pièces relative aux faits déloyaux dénoncés, limitée aux seules relations contractuelles d'une société avec un nombre limité de clients sur une durée déterminée ; qu'en retenant pourtant que la communication ordonnée, en ce qu'elle portait sur « informations directement ou indirectement couvertes par des clauses de confidentialité », serait un moyen « d'accéder à bon compte et sans raison majeure à des informations confidentielles et de porter une atteinte injustifiée aux secrets commerciaux et industriels » (arrêt, p. 7, alinéa 2), la cour d'appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

ALORS 3/ QUE le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à la mise en oeuvre de mesures d'instruction in futurum ; qu'en retenant pourtant que la communication ordonnée serait un moyen « d'accéder à bon compte et sans raison majeure à des informations confidentielles et de porter une atteinte injustifiée aux secrets commerciaux et industriels », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

ALORS 4/ QUE constitue un mode de preuve légalement admissible la production forcée de pièces comptables ou autres pièces publiquement accessibles ; que pour débouter l'exposante de sa demande d'expertise, la cour d'appel a retenu que certaines pièces qui devaient être communiquées à l'expert « sont accessibles publiquement telles que les bilans comptables » (arrêt, p. 7, alinéa 1er) ; qu'en statuant ainsi, cependant que la production forcée de ces pièces constitue une mesure d'instruction légalement admissible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 145 du code de procédure civile.

ALORS 5/ QUE lorsqu'il statue en application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, le juge des référés n'est pas soumis aux conditions exigées par l'article 872 de ce code ; qu'en l'espèce, pour refuser d'ordonner aux sociétés Refero et Bati-Man la communication de pièces sollicitée, l'ordonnance de référé a retenu qu'il existerait à leur égard une « contestation sérieuse » (ordonnance, p. 13, alinéa 4) ; qu'en statuant ainsi, à supposer ce motif adopté, la cour d'appel a violé les articles 145 et 872 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2017:CO01276
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