Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 18 octobre 2017, 15-29.094, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Delta Sport Handelskontor, Lidl SNC, Lidl Stiftung & Co KG, Lidl UK et Lidl Belgium que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société Décathlon ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 mai 2015), que la société Décathlon, titulaire d'un modèle communautaire enregistré sous le n° 001041560-0001 et portant sur la forme d'une tête de club de golf, a assigné les sociétés Lidl SNC, Lidl Stiftung & Co KG, Lidl UK et Lidl Belgium (les sociétés Lidl) en contrefaçon de ce modèle et concurrence déloyale, pour avoir commercialisé un kit de golf dénommé Crivit reproduisant ce modèle, ainsi que les caractéristiques d'un kit Ygolf qu'elle avait antérieurement mis sur le marché ; que la société Delta Sport Handelskontor (la société Delta sport), fournisseur des sociétés Lidl, est volontairement intervenue à l'instance ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que les sociétés Lidl et la société Delta sport font grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande de la société Décathlon fondée sur la concurrence déloyale et de les condamner à diverses réparations et interdictions alors, selon le moyen :

1°/ que la demande de dommages et intérêts fondée sur une faute et un préjudice qui n'avaient pas été invoqués en première instance constitue une prétention nouvelle en cause d'appel ; qu'il importe peu que le fondement juridique des demandes soit identique, dès lors qu'elles reposent sur des faits distincts ; qu'en énonçant, pour déclarer recevable la demande en concurrence déloyale de la société Décathlon tirée de l'imitation de la tête de club de golf, qu'elle était fondée sur l'article 1382 du code civil et qu'elle tendait aux mêmes fins de réparation d'un préjudice résultant d'un comportement déloyal, bien que l'imitation de la tête de club de golf fût invoquée pour la première fois en cause d'appel, la cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile ;

2°/ que l'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale ne tendent pas aux mêmes fins dès lors que la première sanctionne l'atteinte à un droit privatif tandis que la seconde sanctionne une faute au sens de l'article 1382 du code civil ; qu'en l'occurrence, la demande de la société Décathlon tendant à solliciter, pour la première fois en cause d'appel, dans l'hypothèse où « la cour venait à confirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé le modèle communautaire (…), ou à considérer que la contrefaçon n'était pas avérée », que soit sanctionné « sur le fondement de la concurrence déloyale, le risque de confusion issu de la reprise des caractéristiques notoires de la tête de golf Ygolf » ne tendait pas aux mêmes fins que l'action en contrefaçon formée devant les premiers juges et était donc nouvelle et irrecevable ; qu'en décidant que la demande ne revêtait pas un caractère de nouveauté sans rechercher si celle-ci tendait aux mêmes fins que l'action en contrefaçon, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 565 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la société Décathlon ayant formé devant les premiers juges une demande en contrefaçon de modèle, ainsi qu'une demande en concurrence déloyale, cette dernière n'était pas nouvelle en cause d'appel par ce seul fait qu'elle se fondait sur des faits qui n'avaient été invoqués, en première instance, qu'à l'appui de l'action en contrefaçon ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal :

Attendu que les sociétés Lidl et Delta sport font grief à l'arrêt de les condamner pour concurrence déloyale et parasitisme alors, selon le moyen :

1°/ que les juges ne peuvent se déterminer par un motif général et abstrait, sans analyser concrètement les élémets de la cause ; qu'elles faisaient valoir, en cause d'appel, qu'elles n'opéraient pas sur le même marché que la société Décathlon et que l'apposition des marques sur les kits en présence excluait tout risque de confusion ; qu'en affirmant, par principe, pour les condamner à raison d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme, que la présence de signes distinctifs et la commercialisation par des circuits de distribution distincts étaient sans incidence sur le risque de confusion entre les produits en présence, la cour d'appel s'est prononcée par un motif général et abstrait, en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les sociétés Lidl faisaient encore valoir, pour démontrer l'absence de risque de confusion entre les kits « Ygolf » et « Crivit », qu'ils n'avaient pas la même destination, le kit « Ygolf » pouvant être utilisé dans tous les environnements, quand le kit « Crivit » était réservé à la plage ; qu'en se bornant à relever, pour condamner les sociétés Lidl et Delta sport à raison d'actes de concurrence déloyale et parasitisme, que les kits « Ygolf » et « Crivit » produisaient la même impression d'ensemble, sans répondre à ce chef de conclusions pertinent, tiré de leur destination différente, la cour d'appel a de nouveau méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé, au terme d'un examen détaillé, qu'aucun des équipements présents sur le marché ne présentait la combinaison des éléments dont elle constatait la reprise, c'est par une appréciation souveraine des circonstances concrètes de l'espèce que la cour d'appel, qui a ainsi répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées et n'a pas énoncé que, par principe, l'apposition des marques respectives ainsi que l'existence de circuits de distribution distincts ne pourraient être des facteurs pertinents d'examen, a retenu, au vu des similitudes qu'elle constatait, qu'il existait un risque de confusion que ces circonstances n'étaient pas de nature à écarter ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen du pourvoi principal :

Attendu que les sociétés Lidl et Delta sport font grief à l'arrêt de les condamner à payer une somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile alors, selon le moyen :

1°/ qu'en faisant application de l'article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle, qui fixe les règles d'évaluation du préjudice résultant de la contrefaçon d'un dessin ou d'un modèle, pour liquider le préjudice né des actes de concurrence déloyale et de parasitisme qui leur étaient reprochés, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;

2°/ que le juge ne peut accorder plus que ce qui est demandé ; que la société Décathlon concluait, dans l'hypothèse d'une annulation du modèle communautaire, à la condamnation des sociétés Lidl SNC et Delta sport à lui payer la somme de 100 000 euros au titre de la «commercialisation de kits de golf dont les têtes et le conditionnement reprennent l'ensemble des caractéristiques esthétiques des têtes et du kit de golf "Ygolf" », constitutive de « concurrence déloyale » ; qu'en allouant à la société Décathlon, après avoir annulé son modèle communautaire, la somme de 150 000 euros de dommages et intérêts, excédant ce qu'elle demandait, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge est tenu de réparer le préjudice, sans qu'il en résulte pour la victime ni perte ni profit ; que la société Décathlon concluait, dans l'hypothèse d'une annulation du modèle communautaire, à la condamnation des sociétés Lidl SNC et Delta sport à lui payer la somme de 100 000 euros au titre de la « commercialisation de kits de golf dont les têtes et la conditionnement reprennent l'ensemble des caractéristiques esthétiques des têtes et du kit de golf "Ygolf" »,constitutive de « concurrence déloyale » ; qu'en allouant à la société Décathlon, après avoir annulé son modèle communautaire, la somme de 150 000 euros de dommages et intérêts, excédant son préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1382 et le principe de réparation intégrale ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir cité les termes de l'article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle, dont il lui était loisible de s'inspirer pour évaluer le préjudice résultant d'actes déloyaux, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, qui n'a pas fait application de ce texte, a retenu que la reprise dans ses moindres détails des conditions de commercialisation du kit avait banalisé et vulgarisé celui-ci et permis de s'assurer d'un succès commercial sans engager de frais de conception et de promotion, affaiblissant ainsi les efforts commerciaux et promotionnels de la société Décathlon et a fixé le montant de l'indemnisation ;

Et attendu, en second lieu, que les conclusions de la société Décathlon demandant, en cas d'invalidation du modèle, une condamnation au paiement d'une somme de 100 000 euros et, en tout état de cause, de celle de 50 000 euros, c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes de ces conclusions rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que la réclamation portait sur un total de 150 000 euros ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pourvoi principal, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui est éventuel ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi incident ;

Condamne les sociétés Delta Sport Handelskontor, Lidl SNC, Lidl Stiftung & Co KG, Lidl UK GmbH et Lidl Belgium GmbH & Co aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Décathlon la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Delta Sport Handelskontor GmbH, la société Lidl SNC, la société Lidl Stiftung & Co.KG, la société Lidl Uk GmbH et la société Lidl Belgium GmbH & Co

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la demande fondée sur la concurrence déloyale recevable, d'avoir dit que les sociétés Lidl Stiftung & Co KG, Lidl UK GmbH et Lidl Belgium GmbH & Co KG avaient commis, avec les sociétés Lidl SNC et Delta Sport, des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, de les avoirs condamnées, in solidum avec les sociétés Lidl SNC et Delta Sport, à payer à la société Décathlon la somme de 150.000 euros de dommages et intérêts, de leur avoir interdit, sous astreinte, de commercialiser les produits litigieux, d'avoir ordonné une mesure de publication judiciaire, dont elles supportent les frais solidairement avec les sociétés Lidl SNC et Delta Sport, et enfin de les avoir condamnées, in solidum avec les sociétés Lidl SNC et Delta Sport, à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

AUX MOTIFS QUE, sur l'action subsidiaire en concurrence déloyale et l'action principale en parasitisme, […], c'est à bon droit que le tribunal a dit que les sociétés Lidl SNC et Delta Sport avaient, en commercialisant, distribuant et offrant à la vente les kits « Crivit » commis des actes de parasitisme renforcés par des actes de concurrence déloyale ; […] qu'il convient d'allouer à la société Décathlon la somme de 150.000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale et de parasitisme ; […] qu'il convient, en tant que de besoin, d'interdire aux sociétés intimées qui prétendent avoir cessé toute commercialisation depuis le mois de mai 2011 de commercialiser les produits litigieux sous astreinte de 500 euros par infraction constatée dans les huit jours de la signification de la présente décision ; […] qu'il convient à titre de dommages et intérêts complémentaires de faire droit aux demandes de publication judiciaire, selon les modalités prévues au dispositif ; […] que l'équité commande d'allouer à la société appelante la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; […] que les dépens qui comprendront les frais de constat et de saisie-contrefaçon resteront à la charge in solidum des sociétés intimées qui succombent ;

1°/ ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en cause d'appel, la société Décathlon ne formulait aucune demande contre les sociétés Lidl Stiftung & Co KG, Lidl UK GmbH et Lidl Belgium GmbH & Co KG ; qu'en retenant à leur encontre des faits de concurrence déloyale et de parasitisme, en les condamnant, in solidum avec les sociétés Lidl SNC et Delta Sport, à payer à la société Décathlon des dommages et intérêts, à supporter une mesure d'interdiction sous astreinte et une mesure de publication judiciaire, ainsi que les frais irrépétibles et les dépens, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ALORS QUE la responsabilité délictuelle suppose que soient caractérisés une faute, un préjudice et un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice ; qu'en condamnant les sociétés Lidl Stiftung & Co KG, Lidl UK GmbH et Lidl Belgium GmbH & Co KG in solidum avec les sociétés Lidl SNC et Delta Sport sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme, sans relever de faute à leur encontre, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait dit que la société Lidl SNC et la société Delta Sport avaient commis des actes de parasitisme sur la présentation du kit de golf « Crivit» à l'égard de la société Décathlon, d'avoir déclaré la demande fondée sur la concurrence déloyale recevable, d'avoir dit que les sociétés Lidl SNC, Lidl Stiftung & Co KG, Lidl UK GmbH et Lidl Belgium GmbH & Co KG et la société Delta Sport avaient commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, de les avoir condamnées in solidum à payer à la société Décathlon la somme de 150.000 euros de dommages et intérêts, de leur avoir interdit, sous astreinte, de commercialiser les produits litigieux, d'avoir ordonné une mesure de publication judiciaire et, enfin, de les avoir condamnées à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

AUX MOTIFS QUE la société Delta Sport soulève l'irrecevabilité de la demande en concurrence déloyale présentée pour la première fois en cause d'appel sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile au motif que cela revient à présenter pour la première fois en cause d'appel une demande de concurrence déloyale sur la présentation des têtes de club de golf ; que, cependant, l'étendue de la portée de sa demande toujours fondée sur l'article 1382 du code civil et qui tend aux mêmes fins de réparation résultant d'un comportement déloyal, ne revêt pas un caractère de nouveauté au sens de ce texte et est recevable ;

1°) ALORS QUE la demande de dommages et intérêts fondée sur une faute et un préjudice qui n'avaient pas été invoqués en première instance constitue une prétention nouvelle en cause d'appel ; qu'il importe peu que le fondement juridique des demandes soit identique, dès lors qu'elles reposent sur des faits distincts ; qu'en énonçant, pour déclarer recevable la demande en concurrence déloyale de la société Décathlon tirée de l'imitation de la tête de club de golf, qu'elle était fondée sur l'article 1382 du code civil et qu'elle tendait aux mêmes fins de réparation d'un préjudice résultant d'un comportement déloyal, bien que l'imitation de la tête de club de golf fût invoquée pour la première fois en cause d'appel, la cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE l'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale ne tendent pas aux mêmes fins dès lors que la première sanctionne l'atteinte à un droit privatif tandis que la seconde sanctionne une faute au sens de l'article 1382 du code civil ; qu'en l'occurrence, la demande de la société Décathlon tendant à solliciter, pour la première fois en cause d'appel, dans l'hypothèse où « la cour venait à confirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé le modèle communautaire (…), ou à considérer que la contrefaçon n'était pas avérée », que soit sanctionné « sur le fondement de la concurrence déloyale, le risque de confusion issu de la reprise des caractéristiques notoires de la tête de golf YGOLF » ne tendait pas aux mêmes fins que l'action en contrefaçon formée devant les premiers juges et était donc nouvelle et irrecevable ; qu'en décidant que la demande ne revêtait pas un caractère de nouveauté sans rechercher si celle-ci tendait aux mêmes fins que l'action en contrefaçon, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 565 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait dit que la société Lidl SNC et la société Delta Sport avaient commis des actes de parasitisme sur la présentation du kit de golf « Crivit» à l'égard de la société Décathlon, d'avoir dit que les sociétés Lidl SNC, Lidl Stiftung & Co KG, Lidl UK GmbH et Lidl Belgium GmbH & Co KG et la société Delta Sport avaient commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, de les avoir condamnées in solidum à payer à la société Décathlon la somme de 150.000 euros de dommages et intérêts, de leur avoir interdit, sous astreinte, de commercialiser les produits litigieux et d'avoir ordonné une mesure de publication judiciaire et enfin de les avoir condamnées à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

AUX MOTIFS PROPRES QUE la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tendant à l'absence de faute par création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce ; que l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause, prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée ; qu'ainsi, le principe est la liberté du commerce, ce qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduit, sous réserve de l'absence de faute préjudiciable à un exercice paisible et loyal de la concurrence ; ue, pour que la vente d'un produit identique constitue un acte de concurrence déloyale, il convient de démontrer que cette reproduction est fautive ; que, lorsqu'à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne physique ou morale copie une valeur économique d'autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements, ces faits sont constitutifs de parasitisme ; […] qu'en l'espèce, la commercialisation sous différentes formes d'emballages de kits de golf démontre que le sac en forme de raquette de tennis n'est pas nécessaire et le caractère usuel de la sangle réglable s'étendant sur toute la longueur et au milieu de l'étui et de la reprise sur la face avant du sac d'un filet noir de bas en haut, dont le contour est délimité par une surpiqûre n'est pas démontré, pas plus que la présence de la poignée située au milieu de l'épaisseur du sac ; qu'ont également été reprises les couleurs dominantes noire et blanche du sac, la visualisation des deux têtes de golf positionnées de manière rentrante l'une vers l'autre dans la partie haute du sac, la poche horizontale en filet noir de la largeur de la tête de la raquette dans laquelle est placée une cible volante de forme ronde et dont le milieu est évasé et contient les balles, à l'intérieur du sac ; qu'aucun des kits présents sur le marché communiqués ne présente cette combinaison d'éléments ; ue la reprise des éléments précités, alors que les têtes de golf respectives, nonobstant les différences existant (l'arête du modèle litigieux présente un arrondi continu, la pointe du modèle est incurvée de face, la tête du club est jaune, le motif sur les faces diffère), présentent une physionomie proche, […] génère une impression d'ensemble identique et présente un risque de confusion entre les kits de golf, l'apposition des marques respectives et les circuits de distribution distincts n'étant pas de nature à écarter ce risque de confusion ; que cette reprise manifeste la volonté des sociétés intimées de se placer dans le sillage de la société Décathlon et de bénéficier ainsi de manière indue des investissements qu'elle a réalisés pour promouvoir ce set de golf "Ygolf" et commercialiser ainsi un an après son set de golf "Crivit", sans justifier d'un quelconque investissement promotionnel ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a dit que ces deux sociétés avaient, en commercialisant, distribuant et offrant à la vente ces kits, commis des actes de parasitisme renforcés par des actes de concurrence déloyale ;

1°/ ALORS QUE les juges ne peuvent se déterminer par un motif général et abstrait, sans analyser concrètement les éléments de la cause ; que les sociétés Lidl et Delta Sport faisaient valoir, en cause d'appel, qu'elles n'opéraient pas sur le même marché que la société Décathlon et que l'apposition des marques sur les kits en présence excluait tout risque de confusion (conclusions récapitulatives des sociétés Lidl, p. 23 et 27 ; conclusions récapitulatives de la société Delta Sport, p. 31) ; qu'en affirmant, par principe, pour condamner les sociétés Lidl et Delta Sport à raison d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme, que la présence de signes distinctifs et la commercialisation par des circuits de distribution distincts étaient sans incidence sur le risque de confusion entre les produits en présence, la cour d'appel s'est prononcée par un motif général et abstrait, en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE les sociétés Lidl faisaient encore valoir, pour démontrer l'absence de risque de confusion entre les kits « Ygolf » et « Crivit », qu'ils n'avaient pas la même destination, le kit « Ygolf » pouvant être utilisé dans tous les environnements, quand le kit « Crivit » était réservé à la plage (conclusions récapitulatives des sociétés Lidl, p. 28) ; qu'en se bornant à relever, pour condamner les sociétés Lidl et Delta Sport à raison d'actes de concurrence déloyale et parasitisme, que les kits « Ygolf » et « Crivit » produisaient la même impression d'ensemble, sans répondre à ce chef de conclusions pertinent, tiré de leur destination différente, la cour d'appel a de nouveau méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les sociétés Lidl SNC, Lidl Stiftung & Co KG, Lidl UK GmbH et Lidl Belgium GmbH & Co KG et la société Delta Sport, in solidum, à payer à la société Décathlon la somme de 150.000 euros de dommages et intérêts, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens,

AUX MOTIFS QUE l'article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle énonce que : « pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte » ; que, depuis son lancement en 2009 et jusqu'au 13 octobre 2012, les kits de golf "Ygolf" ont généré un chiffre d'affaires en France de 5.014.983 euros et 7.321.000 en Europe ; que les opérations de saisie-contrefaçon ont permis d'établir que la société Lidl a commandé 14.358 kits pour un montant de 170.860 euros, dispatchés entre les 24 directions régionales, que la société Delta Sport a vendu 14.358 sets litigieux pour un montant de 170.860 euros ; que les sociétés intimées contestent les quantités vendues qu'elles fixent à 6.359 euros, sans toutefois en justifier, et soutiennent que la société Lidl a réalisé une marge de 8,09 euros par produit, soit un bénéfice de 116.156,22 euros ; que la société Décathlon fait valoir que la société Lidl a réalisé une marge de 52,8%, soit un bénéfice de 90.000 euros (11,90 euros le produit) et la société Delta Sport, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 239.780 euros HT, un bénéfice de 69.000 euros (19,90 euros TTC le produit) ; que la reprise dans ses moindres détails des conditions de commercialisation du kit a banalisé et vulgarisé celui-ci et a permis aux sociétés intimées de s'assurer un succès commercial sans engager des frais de conception et de promotion, ce qui a affaibli les efforts commerciaux et promotionnels de la société Décathlon qu'il convient de réparer, sans qu'il y ait lieu à ordonner la communication de documents supplémentaires, en lui allouant la somme globale de 150.000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;

1°/ ALORS QU'en faisant application de l'article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle, qui fixe les règles d'évaluation du préjudice résultant de la contrefaçon d'un dessin ou d'un modèle, pour liquider le préjudice né des actes de concurrence déloyale et de parasitisme reprochés aux sociétés Lidl et Delta Sport, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;

2°/ ALORS QUE le juge ne peut accorder plus que ce qui est demandé ; que la société Décathlon concluait, dans l'hypothèse d'une annulation du modèle communautaire, à la condamnation des sociétés Lidl SNC et Delta Sport à lui payer la somme de 100.000 euros au titre de la « commercialisation de kits de golf dont les têtes et le conditionnement reprennent l'ensemble des caractéristiques esthétiques des têtes et du kit de golf "Ygolf" », constitutive de « concurrence déloyale » ; qu'en allouant à la société Décathlon, après avoir annulé son modèle communautaire, la somme de 150.000 euros de dommages et intérêts, excédant ce qu'elle demandait, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS QUE le juge est tenu de réparer le préjudice, sans qu'il en résulte pour la victime ni perte ni profit ; que la société Décathlon concluait, dans l'hypothèse d'une annulation du modèle communautaire, à la condamnation des sociétés Lidl SNC et Delta Sport à lui payer la somme de 100.000 euros au titre de la « commercialisation de kits de golf dont les têtes et la conditionnement reprennent l'ensemble des caractéristiques esthétiques des têtes et du kit de golf "Ygolf" », constitutive de « concurrence déloyale » ; qu'en allouant à la société Décathlon, après avoir annulé son modèle communautaire, la somme de 150.000 euros de dommages et intérêts, excédant son préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1382 et le principe de réparation intégrale.ECLI:FR:CCASS:2017:CO01267
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