Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 5 octobre 2017, 16-21.962, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 5 octobre 2017, 16-21.962, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 16-21.962
- ECLI:FR:CCASS:2017:C301014
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 05 octobre 2017
Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, du 07 juin 2016- Président
- M. Chauvin (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 7 juin 2016), que, par actes du 10 juillet 1998, M. et Mme X...et M. et Mme Y...ont respectivement acquis en l'état futur d'achèvement de la SCI La Geraude les lots n° 1 et 2 d'une copropriété horizontale ; que, le 25 septembre 2013, ils ont assigné cette société en achèvement de la voie commune desservant leurs lots ;
Attendu que, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, l'arrêt retient qu'il ressort des actes de vente que celle-ci est expressément limitée à un lot en nature de terrain bâti dont la propriété comprend exclusivement la pleine propriété de la maison d'habitation édifiée sur ce lot, celle du garage attenant à la maison, celle des accessoires et dépendances tels que les branchements aux différents réseaux pour leur partie desservant ce seul lot, ainsi que la jouissance exclusive et particulière de la totalité du sol du lot, pour en déduire que M. et Mme X...et M. et Mme Y...ne peuvent avoir pris possession de la voie d'accès qui concerne l'aménagement des parties communes ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il était mentionné dans les actes de vente que les lots acquis comprenaient des millièmes de copropriété du sol et des parties communes générales, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs de ces actes, a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que les demandes formées par M. et Mme X...et M. et Mme Y...à hauteur d'appel tendant à la réalisation d'un aménagement paysager et de trois parkings sont des demandes nouvelles et qu'elles sont par conséquent irrecevables, l'arrêt rendu le 7 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. et Mme X...et M. et Mme Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme X...à payer à la SCI La Geraude la somme de 1 500 euros et M. et Mme Y...à payer à la SCI La Geraude la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société La Geraude.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société La Geraude de sa demande aux fins de voir déclarer prescrite l'action engagée par M. et Mme X...et M. et Mme Y...;
AUX MOTIFS QUE l'article 563 du code de procédure civile permet à l'appelant d'invoquer à hauteur d'appel des moyens nouveaux. Tel est le cas de la prescription de l'action qui est une fin de non-recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause, y compris à hauteur d'appel. L'appelante conclut à la prescription de l'action engagée par les consorts X...et Y... au regard des règles spécifiques en la matière posées par l'article 1642-1 du code civil. Cet article dispose, dans sa version antérieure à la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 applicable en l'espèce, que le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction alors apparents. L'action en garantie prévue à ce titre doit, en application de l'article 1648 alinéa 2, être introduite dans l'année qui suit la date du plus tardif des deux événements suivants : la réception des travaux, avec ou sans réserves, ou l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur. * La réception des travaux : La réception des travaux, au sens de cet article, résulte de l'acte passé entre le maître de l'ouvrage et le constructeur et ne concerne pas les rapports entre le vendeur et les acquéreurs. En matière de vente en état futur d'achèvement, le promoteur a la qualité de maître de l'ouvrage et il lui incombe donc de réceptionner les travaux qu'il a fait réaliser par le constructeur. L'article L 261-3 alinéa 2 du code de la construction et de l'habitation dispose que le vendeur conserve les pouvoirs du maître de l'ouvrage jusqu'à la réception des travaux. Il n'est pas contesté qu'aucun procès-verbal de réception des travaux n'a été formalisé par la SCI La Geraude, qui a la qualité de maître de l'ouvrage. La charge de la preuve de l'acquisition de la prescription lui incombant, elle ne démontre donc pas qu'une réception de travaux ait eu lieu, de sorte qu'elle ne peut opposer à ses acquéreurs une fin de non-recevoir à ce titre. * La prise de possession par les acquéreurs : Si les deux actes notariés du 10 juillet 1998 font expressément référence à la fois à l'état descriptif de division et au règlement de copropriété établis le même jour, l'objet de la vente tel qu'il ressort des actes authentiques est cependant expressément limité à un lot en nature de terrain bâti (lot n° 1 pour les consorts X...et lot n° 2 pour les consorts Y...) dont la propriété comprend exclusivement la pleine propriété de la maison d'habitation édifiée sur ce lot, celle du garage attenant à la maison, celle des accessoires et dépendances tels que les branchements aux différents réseaux pour leur partie desservant ce seul lot, ainsi que la jouissance exclusive et particulière de la totalité du sol du lot. Il en ressort que les intimés ne sont propriétaires que de leur propre immeuble mais pas, à titre privatif, de la voie d'accès commune qui dessert les lots de copropriété, de sorte que s'ils ont pris possession de leurs immeubles, uniques objets de la vente portant sur les parties privatives, ils ne peuvent avoir pris également possession de la voie d'accès qui concerne l'aménagement des parties communes que la SCI La Geraude était chargée de réaliser et qui est étrangère à la transaction proprement dite. La SCI La Geraude ne peut donc pas non plus opposer à ses acquéreurs une fin de non-recevoir à ce titre. L'action n'est par conséquent pas prescrite au regard du texte susvisé ;
1°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; que les actes authentiques de vente du 10 juillet 1998 désignent les lots objets des ventes comme comprenant notamment des « millièmes de copropriété du sol et des parties communes générales » ; qu'en considérant que l'objet des ventes du 10 juillet 1998 aurait été limité à la propriété des maisons d'habitation, celle du garage, des accessoires et dépendances et à la jouissance privative du sol des lots vendus, la cour d'appel a dénaturé les actes authentiques de vente du 10 juillet 1998 en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce, devenu l'article 1103 du même code ;
2°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; que l'article 4 du règlement de copropriété stipule que « les parties communes », dont « la circulation commune située en partie nord-ouest de l'ensemble immobilier, prenant naissance sur la route de Tournes et aboutissant au lot n° 3 (…) y compris le trottoir côté est », « sont l'objet d'une propriété indivise entre tous les copropriétaires des lots constitués sur l'ensemble immobilier » ; qu'en considérant que l'objet des ventes du 10 juillet 1998 aurait été limité à la propriété des maisons d'habitation, celle du garage, des accessoires et dépendances et à la jouissance privative du sol des lots vendus, la cour d'appel a dénaturé l'article 4 du règlement de copropriété, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce, devenu l'article 1103 du même code ;
3°) ALORS QUE des lots de copropriété sont nécessairement composés de parties privatives et de quotes-parts de parties communes ; qu'en considérant que les intimés ne seraient propriétaires que de leur propre immeuble, la cour d'appel a violé les articles 1er et 4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.ECLI:FR:CCASS:2017:C301014
Sur le moyen unique :
Vu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 7 juin 2016), que, par actes du 10 juillet 1998, M. et Mme X...et M. et Mme Y...ont respectivement acquis en l'état futur d'achèvement de la SCI La Geraude les lots n° 1 et 2 d'une copropriété horizontale ; que, le 25 septembre 2013, ils ont assigné cette société en achèvement de la voie commune desservant leurs lots ;
Attendu que, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, l'arrêt retient qu'il ressort des actes de vente que celle-ci est expressément limitée à un lot en nature de terrain bâti dont la propriété comprend exclusivement la pleine propriété de la maison d'habitation édifiée sur ce lot, celle du garage attenant à la maison, celle des accessoires et dépendances tels que les branchements aux différents réseaux pour leur partie desservant ce seul lot, ainsi que la jouissance exclusive et particulière de la totalité du sol du lot, pour en déduire que M. et Mme X...et M. et Mme Y...ne peuvent avoir pris possession de la voie d'accès qui concerne l'aménagement des parties communes ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il était mentionné dans les actes de vente que les lots acquis comprenaient des millièmes de copropriété du sol et des parties communes générales, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs de ces actes, a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que les demandes formées par M. et Mme X...et M. et Mme Y...à hauteur d'appel tendant à la réalisation d'un aménagement paysager et de trois parkings sont des demandes nouvelles et qu'elles sont par conséquent irrecevables, l'arrêt rendu le 7 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. et Mme X...et M. et Mme Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme X...à payer à la SCI La Geraude la somme de 1 500 euros et M. et Mme Y...à payer à la SCI La Geraude la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société La Geraude.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société La Geraude de sa demande aux fins de voir déclarer prescrite l'action engagée par M. et Mme X...et M. et Mme Y...;
AUX MOTIFS QUE l'article 563 du code de procédure civile permet à l'appelant d'invoquer à hauteur d'appel des moyens nouveaux. Tel est le cas de la prescription de l'action qui est une fin de non-recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause, y compris à hauteur d'appel. L'appelante conclut à la prescription de l'action engagée par les consorts X...et Y... au regard des règles spécifiques en la matière posées par l'article 1642-1 du code civil. Cet article dispose, dans sa version antérieure à la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 applicable en l'espèce, que le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction alors apparents. L'action en garantie prévue à ce titre doit, en application de l'article 1648 alinéa 2, être introduite dans l'année qui suit la date du plus tardif des deux événements suivants : la réception des travaux, avec ou sans réserves, ou l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur. * La réception des travaux : La réception des travaux, au sens de cet article, résulte de l'acte passé entre le maître de l'ouvrage et le constructeur et ne concerne pas les rapports entre le vendeur et les acquéreurs. En matière de vente en état futur d'achèvement, le promoteur a la qualité de maître de l'ouvrage et il lui incombe donc de réceptionner les travaux qu'il a fait réaliser par le constructeur. L'article L 261-3 alinéa 2 du code de la construction et de l'habitation dispose que le vendeur conserve les pouvoirs du maître de l'ouvrage jusqu'à la réception des travaux. Il n'est pas contesté qu'aucun procès-verbal de réception des travaux n'a été formalisé par la SCI La Geraude, qui a la qualité de maître de l'ouvrage. La charge de la preuve de l'acquisition de la prescription lui incombant, elle ne démontre donc pas qu'une réception de travaux ait eu lieu, de sorte qu'elle ne peut opposer à ses acquéreurs une fin de non-recevoir à ce titre. * La prise de possession par les acquéreurs : Si les deux actes notariés du 10 juillet 1998 font expressément référence à la fois à l'état descriptif de division et au règlement de copropriété établis le même jour, l'objet de la vente tel qu'il ressort des actes authentiques est cependant expressément limité à un lot en nature de terrain bâti (lot n° 1 pour les consorts X...et lot n° 2 pour les consorts Y...) dont la propriété comprend exclusivement la pleine propriété de la maison d'habitation édifiée sur ce lot, celle du garage attenant à la maison, celle des accessoires et dépendances tels que les branchements aux différents réseaux pour leur partie desservant ce seul lot, ainsi que la jouissance exclusive et particulière de la totalité du sol du lot. Il en ressort que les intimés ne sont propriétaires que de leur propre immeuble mais pas, à titre privatif, de la voie d'accès commune qui dessert les lots de copropriété, de sorte que s'ils ont pris possession de leurs immeubles, uniques objets de la vente portant sur les parties privatives, ils ne peuvent avoir pris également possession de la voie d'accès qui concerne l'aménagement des parties communes que la SCI La Geraude était chargée de réaliser et qui est étrangère à la transaction proprement dite. La SCI La Geraude ne peut donc pas non plus opposer à ses acquéreurs une fin de non-recevoir à ce titre. L'action n'est par conséquent pas prescrite au regard du texte susvisé ;
1°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; que les actes authentiques de vente du 10 juillet 1998 désignent les lots objets des ventes comme comprenant notamment des « millièmes de copropriété du sol et des parties communes générales » ; qu'en considérant que l'objet des ventes du 10 juillet 1998 aurait été limité à la propriété des maisons d'habitation, celle du garage, des accessoires et dépendances et à la jouissance privative du sol des lots vendus, la cour d'appel a dénaturé les actes authentiques de vente du 10 juillet 1998 en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce, devenu l'article 1103 du même code ;
2°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; que l'article 4 du règlement de copropriété stipule que « les parties communes », dont « la circulation commune située en partie nord-ouest de l'ensemble immobilier, prenant naissance sur la route de Tournes et aboutissant au lot n° 3 (…) y compris le trottoir côté est », « sont l'objet d'une propriété indivise entre tous les copropriétaires des lots constitués sur l'ensemble immobilier » ; qu'en considérant que l'objet des ventes du 10 juillet 1998 aurait été limité à la propriété des maisons d'habitation, celle du garage, des accessoires et dépendances et à la jouissance privative du sol des lots vendus, la cour d'appel a dénaturé l'article 4 du règlement de copropriété, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce, devenu l'article 1103 du même code ;
3°) ALORS QUE des lots de copropriété sont nécessairement composés de parties privatives et de quotes-parts de parties communes ; qu'en considérant que les intimés ne seraient propriétaires que de leur propre immeuble, la cour d'appel a violé les articles 1er et 4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.