Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 septembre 2017, 16-17.198, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 septembre 2017, 16-17.198, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 16-17.198
- ECLI:FR:CCASS:2017:C101005
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 27 septembre 2017
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 11 mai 2016- Président
- Mme Batut
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. et Mme Y... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société ASCAP ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2016), que Maurice Y..., compositeur de musique, de nationalité française, s'est marié le 6 décembre 1984 avec Mme B... ; qu'en 1991, Maurice Y... et son épouse ont constitué, selon le droit californien, le Y... D..., dont ils étaient les deux uniques "trustors" et "trustees", et auquel ont été transférés tous les biens de Maurice Y... ; qu'en 1995, ils ont constitué une société civile immobilière (la SCI), à laquelle a été apporté le bien immobilier sis à Paris, acquis par celui-ci en 1981 ; qu'il est décédé le [...] à Los Angeles, Etat de Californie (Etats-Unis d'Amérique), laissant à sa survivance son épouse, deux enfants issus de précédentes unions, Jean-Michel et Stéphanie (les consorts Y...), et un fils adoptif, Kevin, en l'état d'un testament du 31 juillet 2008 léguant tous ses biens meubles à son épouse et le reliquat de sa succession au fiduciaire du trust ; qu'en 2010, Mme B... leur ayant contesté tout droit à la succession de leur père, les consorts Y... l'ont assignée ainsi que Kevin Y..., décédé en cours de procédure, la SCI et les sociétés française et américaine de gestion des droits d'auteur, afin de voir juger les tribunaux français compétents à l'égard des héritiers réservataires français pour connaître de l'exercice du droit de prélèvement prévu à l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; que par décision du 5 août 2011 (n° 2011-159 QPC), le Conseil constitutionnel, saisi dans une autre instance, a déclaré cette disposition contraire à la Constitution ;
Sur le premier moyen, pris en ces cinq premières branches :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de dire que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ne peut pas être appliqué dans le présent litige et de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir et qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; que la dévolution successorale est soumise aux règles en vigueur au moment de l'ouverture de la succession ; que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, qui détermine l'étendue de la part successorale d'un héritier français dans une succession internationale, est une règle relative à la dévolution successorale ; qu'une telle règle était donc applicable aux successions ouvertes avant son abrogation ; qu'au cas présent, la succession de Maurice Y... a été ouverte le 29 mars 2009, avant l'abrogation de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 par le Conseil constitutionnel, le 5 août 2011 ; que la succession, et notamment la part successorale des héritiers français, était donc soumise aux règles en vigueur à cette date, y compris l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; qu'en écartant l'application de cette loi pour cela qu'il ne s'agirait pas d'une règle relative à la dévolution successorale mais d'une exception à la règle de conflit de lois, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l'article 2 du code civil ;
2°/ qu'à supposer que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 soit assimilable à une règle portant sur le partage de la succession, la succession restait soumise à la loi en vigueur au moment du décès ; que le partage étant déclaratif, il ne saurait remettre en cause les parts successorales résultant de l'application des règles en vigueur au moment de l'ouverture de la succession ; qu'en se fondant sur ce que le droit de prélèvement serait une règle relative au partage, pour refuser d'appliquer la loi en vigueur au moment de l'ouverture de la succession et en privant ainsi les consorts Y... du prélèvement auquel leur donnait droit la loi de 1819 alors encore en vigueur, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l'article 2 du code civil ;
3°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir et qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; qu'une règle de conflit de lois n'a pas davantage d'effet rétroactif qu'une règle substantielle ; qu'une succession internationale est donc soumise aux règles de conflit de lois applicables au jour de son ouverture ; qu'à supposer donc même que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ne soit pas une règle de dévolution successorale mais une exception à la règle normale de conflit de lois, elle était tout de même applicable aux successions ouvertes avant son entrée en vigueur ; qu'au cas présent, la succession de Maurice Y... a été ouverte le 29 mars 2009, avant l'abrogation de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 par le Conseil constitutionnel, le 5 août 2011 ; que la succession était donc soumise aux règles en vigueur à cette date, y compris l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; qu'en écartant l'application de cette loi au motif qu'il ne s'agirait pas d'une règle relative à la dévolution successorale mais d'une exception à la règle de conflit de lois, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l'article 2 du code civil ;
4°/ que l'application immédiate de la loi nouvelle, ou d'une décision du Conseil constitutionnel, implique que celle-ci sera immédiatement appliquée aux faits postérieurs à son entrée en vigueur ; que cette application immédiate, qui est de principe, s'oppose à l'application rétroactive, selon laquelle la loi ou décision nouvelle est appliquée aux litiges en cours relatifs à des faits antérieurs, et qui, elle, est d'exception ; qu'au cas présent, après avoir énoncé que la décision d'inconstitutionnalité n'était pas rétroactive, la cour d'appel a, par motifs adoptés, estimé qu'« il y a lieu de constater l'application immédiate de cette décision au litige dont le tribunal est saisi », lequel portait par hypothèse sur une succession ouverte antérieurement à ladite décision du Conseil constitutionnel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a confondu application immédiate et rétroactivité, a violé l'article 2 du code civil ;
5°/ qu'au jour de l'ouverture de la succession, l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 était toujours en vigueur ; qu'à cette date, les consorts Y... disposaient donc du droit de prélever dans les biens situés en France la part dont ils étaient privés dans la masse successorale californienne par l'effet de la loi californienne ; que cette part successorale constitue un bien protégé par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en faisant rétroagir la décision d'abrogation du 5 août 2011 et en les privant ainsi rétroactivement de leur part dans la succession de leur père, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 62, alinéa 3, de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à toutes les autorités juridictionnelles ; que, lorsque la déclaration d'inconstitutionnalité est rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité, la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel dès lors que celui-ci n'a pas usé du pouvoir, que les dispositions de l'article 62, alinéa 2, de la Constitution lui réservent, de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets ou de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que dans sa décision du 5 août 2011 (n° 2011-159 QPC), le Conseil constitutionnel avait abrogé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 et qu'aucune décision revêtue de l'autorité de la chose jugée ni aucune reconnaissance de droit antérieure à la publication de cette décision, le 6 août suivant, n'avait consacré le droit de prélèvement que les consorts Y... entendaient exercer, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'ils ne pouvaient invoquer les dispositions abrogées ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas celui d'en acquérir par voie de succession ab intestat ou de libéralités, et constaté que les consorts Y..., auxquels le droit de prélèvement en vigueur au moment du décès de leur père n'avait conféré aucun droit héréditaire définitivement reconnu, ne disposaient pas de biens au sens de l'article précité, elle a exactement retenu que ceux-ci n'étaient pas fondés à exciper d'une atteinte à leur droit de propriété ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de dire que la réserve héréditaire ne relève pas de l'ordre public international français et de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen, que la réserve héréditaire, qui a pour vocation de protéger la pérennité économique et sociale de la famille, l'égalité des enfants et les volontés et libertés individuelles des héritiers, est un principe essentiel du droit français relevant de l'ordre public international ; qu'au cas présent, en refusant d'écarter la loi californienne, qui, pourtant, ne connaît pas la réserve et permet ainsi au de cujus d'exhéréder complètement ses descendants, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ;
Mais attendu qu'une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d'espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels ;
Et attendu qu'après avoir énoncé que la loi applicable à la succession de Maurice Y... est celle de l'Etat de Californie, qui ne connaît pas la réserve, l'arrêt relève, par motifs propres, que le dernier domicile du défunt est situé dans l'Etat de Californie, que ses unions, à compter de 1965, ont été contractées aux Etats-Unis, où son installation était ancienne et durable et, par motifs adoptés, que les parties ne soutiennent pas se trouver dans une situation de précarité économique ou de besoin ; que la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu d'écarter la loi californienne au profit de la loi française ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche, et le troisième moyen, ci-après annexés :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, disposition abrogée par décision du Conseil constitutionnel, ne peut pas être appliquée dans le présent litige et d'avoir, en conséquence, dit qu'en application des dispositions du Y... D... , en vertu desquelles Fui C... B... a la qualité d'unique trustee, et du testament de Maurice Y... du 31 juillet 2008, Stéphanie et Jean-Michel Y... ne peuvent bénéficier d'aucun des biens mobiliers qui en sont l'objet, et ne peuvent davantage prétendre au rapport ou à la réduction des prétendues libéralités opérées par Maurice Y... au titre de ces actes, par suite de l'exclusion du droit successoral français qui fonde leurs demandes, dit que Stéphanie et Jean-Michel Y... sont entièrement mal fondés à agir devant la présente juridiction en leur qualité d'héritiers de Maurice Y... ou d'ayants droit de Kévin Y..., et débouté en particulier Stéphanie et Jean-Michel Y... de toute action visant, par application du droit successoral français, au rapport à la succession ou à la réduction à la quotité disponible des libéralités opérées au bénéfice de Fui C... B... par le moyen de l'institution du trust ;
Aux motifs propres que « selon l'article 62 de la Constitution, "une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause" ; que les consorts Y... soutiennent que le droit de prélèvement est une règle de dévolution successorale et que leur droit est donc né au jour du décès, de sorte que la déclaration d'inconstitutionnalité ne s'applique pas à la succession de leur père, ouverte avant l'abrogation de ce droit, qu'en outre, le juge est autorisé à interpréter le dispositif de la décision du Conseil constitutionnel à la lumière des motifs qui en sont le support nécessaire de sorte que lorsqu'il ressort de ces motifs qu'un litige ne se trouve pas dans le champ des situations visées par la déclaration d'inconstitutionnalité, le juge n'a à tirer aucune conséquence de la décision du Conseil constitutionnel, ce qui est le cas en l'espèce, le droit de prélèvement ayant été abrogé en ce qu'il était réservé aux héritiers français et qu'en l'espèce, il n'y a pas d'héritier étranger, Kevin Y... étant décédé le [...] ; que toutefois le droit de prélèvement n'était pas une règle de dévolution successorale mais une exception à l'application normale d'une règle de conflits de loi, qui, lorsqu'un héritier français se voyait reconnaître par une loi successorale compétente des droits inférieurs à ceux qui auraient résulté pour lui de l'application de la loi française, lui permettait de prélever, sur les biens de la succession en France, une portion égale à la valeur des biens dont il était privé, à quelque titre que ce soit, en vertu de cette loi ou coutume locale ; qu'en conséquence, les consorts Y... ne sont pas fondés à prétendre qu'ils ont acquis dès le jour du décès, un droit de prélèvement, l'exercice de ce droit imposant d'examiner lors du partage opéré selon la loi successorale étrangère applicable, si l'héritier français était en droit de revendiquer une part plus importante si le droit français s'était appliqué et les mesures obtenues aux termes des ordonnances de référé du 4 février 2010 du tribunal de grande instance de Nanterre et du 5 juillet 2010 du tribunal de grande instance de Paris, prononçant la mise sous séquestre des redevances d'auteur de Maurice Y... ainsi que des parts détenues par ce dernier dans la SCI F.M.A.A.J., biens sur lesquels les appelants étaient à l'époque susceptibles d'exercer leur droit de prélèvement, étant simplement conservatoires et ne leur conférant aucun droit reconnu ; que le droit de prélèvement ayant été déclaré contraire à la Constitution et ayant été abrogé, peu importe que le motif qui a présidé à cette abrogation, à savoir une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi entre les héritiers étrangers venant également à la succession d'après la loi française et qui ne sont pas privilégiés par la loi étrangère, ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce en l'absence d'héritier étranger, dès lors que l'abrogation ne comporte aucune condition ni limite ; que les appelants soutiennent que la privation de la possibilité d'invoquer l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, porte atteinte à leur droit de propriété, tel que garanti par l'article 1 du Protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, aux termes duquel, "toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international" ; que, toutefois, le droit au respect des biens ne garantit pas le droit d'en acquérir par voie de succession ab intestat ou de libéralités, le droit de prélèvement encore en vigueur au moment du décès de leur père n'ayant conféré aux consorts Y... aucun droit héréditaire, mais leur ayant ouvert la possibilité, à certaines conditions, d'obtenir que soit écartée l'application normale d'une règle de conflit de loi attribuant à une loi étrangère le règlement de la succession ; que de même, ne disposant pas de biens au sens de l'article 1 du protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, les consorts Y... ne sont pas fondés à exciper d'une ingérence dans le droit au respect de ces biens que créerait l'application de la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 2 au présent litige, pas plus que d'une atteinte excessive à leur droit de propriété ; que, en conséquence, les consorts Y... ne sont pas fondés à invoquer l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 et à demander de faire application de leur droit de prélèvement sur les biens situés en France, l'abrogation de l'article précité s'appliquant au règlement de la succession de leur père » (arrêt attaqué, p. 8-9) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « Fui C... B... soutient que l'effet abrogatif de la déclaration d'inconstitutionnalité interdit en principe, par motif d'ordre public, que les juridictions appliquent la loi en cause non seulement dans l'instance ayant donné lieu à la question prioritaire de constitutionnalité, mais également dans. toutes les instances en cours à la date de cette décision, rien ne permettant d'y déroger lorsque comme au cas présent le Conseil constitutionnel n'a pas expressément indiqué dam sa décision qu'elle s'appliquait aux instances en cours ; que Stéphanie et Jean-Michel Y... font valoir au contraire que lorsque le Conseil constitutionnel veut que ses décisions s'appliquent aux instances en cours, il le précise, ce qu'il n'a pas fait au cas présent ; qu'ils précisent que la décision du Conseil constitutionnel qui n'a pu remettre en cause les autres dispositions légales non soumises à sa censure, et n'a pas davantage pu porter atteinte à la séparation des pouvoirs, n'a prévu aucune disposition transitoire et ne dit rien sur les instances en cours, de sorte que, par application de l'article 62 alinéa 2 de la constitution, l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 est abrogé pour l'avenir à compter à compter de sa publication, le 6 août 2011, mais continue à régir les successions ouvertes antérieurement et non encore partagée, sans préjudice de la saisine acquise aux héritiers au jour du décès en vertu des articles 720 et 724 du code civil, sous peine d'enfreindre le principe de non rétroactivité des Lois, alors que la présente action en partage serait seulement déclarative et non constitutive de droits ; qu'ils soulignent que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 a pour objet de faire respecter l'égalité des héritiers dans l'ordre de dévolution au jour du décès en faisant obstacle à l'application de la loi étrangère dès lors que deux critères sont réunis : un héritier français ab intestat est exclu de la succession par l'application de la loi étrangère et il existe des biens mobilier et/ou immobilier en France, ces critère n'ayant pas été déclarés contraires à la constitution ; que selon Stéphanie et Jean-Michel Y... le Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas des mêmes pouvoirs d'appréciation que le Parlement, ne pouvait ordonner l'application immédiate de l'abrogation aux instances en cours, alors que le législateur de 2006 ayant réformé la matière des successions a d'abord précisé que les nouvelles règles en matière de partage s'appliquaient aux successions ouvertes mais non encore liquidées à la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, puis a ensuite dérogé à cette dérogation au principe de non-rétroactivité en précisant que lorsque l'instance avait été engagée avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, l'action était poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; qu'il s'ensuivrait, selon les demandeurs, que le Tribunal serait tenu d'appliquer dans le cadre de la présente instance, les dispositions abrogées de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, "sauf à rajouter aux termes de la décision du 5 août 2011 du Conseil constitutionnel" ; mais qu'aux termes de l'article 62 de la Constitution, une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que le Conseil constitutionnel détermine, en outre, les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ; que si, dans sa nouvelle rédaction issue de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, l'article 62, alinéa 2, de la Constitution confère explicitement au Conseil constitutionnelle pouvoir de moduler les effets dans le temps des décisions rendues au titre de l'article 61-1 de la Constitution, en l'espèce, le Conseil, juge de la loi, a fait le choix de supprimer purement et simplement le droit de prélèvement ; que s'il a considéré qu'afin de rétablir l'égalité entre les héritiers garantie par la loi française, le législateur pouvait fonder une différence de traitement sur la circonstance que la loi étrangère privilégie l'héritier étranger au détriment de l'héritier français, il n'a cependant pas jugé utile de préciser ou d'exiger du législateur des mesures transitoires pour des motifs de sécurité juridique ou de lui laisser un délai pour créer un droit équivalent au droit de prélèvement respectant le principe constitutionnel d'égalité ; que la déclaration d'inconstitutionnalité n'est pas rétroactive, et s'impose, à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, aux pouvoirs publics comme à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, en application de l'article 62, alinéa 3 de la Constitution, sans toutefois porter atteinte aux droits reconnus, antérieurement à cette publication, dans des situations régulièrement acquises et constituées ; qu'en l'espèce que nulle décision revêtue de l'autorité de chose jugée ni aucune reconnaissance de droit antérieure à la publication n'est venue consacrer le droit de prélèvement que Stéphanie et Jean-Michel Y... entendent mettre en oeuvre dans le cadre de la présente instance ; que par suite, il y a lieu de constater l'application immédiate de cette décision au litige dont le tribunal est saisi » (jugement entrepris, p. 14-16) ;
1°) Alors que la loi ne dispose que pour l'avenir et qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; que la dévolution successorale est soumise aux règles en vigueur au moment de l'ouverture de la succession ; que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, qui détermine l'étendue de la part successorale d'un héritier français dans une succession internationale, est une règle relative à la dévolution successorale ; qu'une telle règle était donc applicable aux successions ouvertes avant son abrogation ; qu'au cas présent, la succession de Maurice Y... a été ouverte le 29 mars 2009, avant l'abrogation de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 par le Conseil constitutionnel, le 5 août 2011 ; que la succession, et notamment la part successorale des héritiers français, était donc soumise aux règles en vigueur à cette date, y compris l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; qu'en écartant l'application de cette loi pour cela qu'il ne s'agirait pas d'une règle relative à la dévolution successorale mais d'une exception à la règle de conflit de lois, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l'article 2 du code civil ;
2°) Alors que, subsidiairement, à supposer que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 soit assimilable à une règle portant sur le partage de la succession, la succession restait soumise à la loi en vigueur au moment du décès ; que le partage étant déclaratif, il ne saurait remettre en cause les parts successorales résultant de l'application des règles en vigueur au moment de l'ouverture de la succession ; qu'en se fondant sur ce que le droit de prélèvement serait une règle relative au partage, pour refuser d'appliquer la loi en vigueur au moment de l'ouverture de la succession et en privant ainsi les consorts Y... du prélèvement auquel leur donnait droit la loi de 1819 alors encore en vigueur, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l'article 2 du code civil ;
3°) Alors que, en tout état de cause, la loi ne dispose que pour l'avenir et qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; qu'une règle de conflit de lois n'a pas davantage d'effet rétroactif qu'une règle substantielle ; qu'une succession internationale est donc soumise aux règles de conflit de lois applicables au jour de son ouverture ; qu'à supposer donc même que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ne soit pas une règle de dévolution successorale mais une exception à la règle normale de conflit de lois, elle était tout de même applicable aux successions ouvertes avant son entrée en vigueur ; qu'au cas présent, la succession de Maurice Y... a été ouverte le 29 mars 2009, avant l'abrogation de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 par le Conseil constitutionnel, le 5 août 2011 ; que la succession était donc soumise aux règles en vigueur à cette date, y compris l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; qu'en écartant l'application de cette loi au motif qu'il ne s'agirait pas d'une règle relative à la dévolution successorale mais d'une exception à la règle de conflit de lois, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l'article 2 du code civil ;
4°) Alors que, de la même manière, l'application immédiate de la loi nouvelle, ou d'une décision du Conseil constitutionnel, implique que celle-ci sera immédiatement appliquée aux faits postérieurs à son entrée en vigueur ; que cette application immédiate, qui est de principe, s'oppose à l'application rétroactive, selon laquelle la loi ou décision nouvelle est appliquée aux litiges en cours relatifs à des faits antérieurs, et qui, elle, est d'exception ; qu'au cas présent, après avoir énoncé que la décision d'inconstitutionnalité n'était pas rétroactive (jugement, p. 15, in fine), la cour d'appel a, par motifs adoptés, estimé qu'« il y a lieu de constater l'application immédiate de cette décision au litige dont le tribunal est saisi » (jugement, p. 16, § 2), lequel portait par hypothèse sur une succession ouverte antérieurement à ladite décision du Conseil constitutionnel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a confondu application immédiate et rétroactivité, a violé l'article 2 du code civil ;
5°) Alors que, de la même manière, au jour de l'ouverture de la succession, l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 était toujours en vigueur ; qu'à cette date, M. et Mme Y... disposaient donc du droit de prélever dans les biens situés en France la part dont ils étaient privés dans la masse successorale californienne par l'effet de la loi californienne ; que cette part successorale constitue un bien protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme ; qu'en faisant rétroagir la décision d'abrogation du 5 août 2011 et en privant ainsi rétroactivement les consorts Y... de leur part dans la succession de leur père, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens garanti par l'article 1er du 1er Protocole additionnel à la CEDH ;
6°) Alors que, en tout état de cause, lorsque le Conseil constitutionnel abroge une disposition sans user du pouvoir que lui confère la Constitution de préciser les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition déclarée inconstitutionnelle a produits sont susceptibles d'être remis en cause, il appartient alors au juge saisi d'un litige de préciser, pour la solution du litige, ces conditions et limites ; qu'en particulier, si, compte tenu des motifs qui sont le support nécessaire de la décision du Conseil constitutionnel et eu égard à l'objet du litige, les parties ne peuvent utilement demander aucune remise en cause des effets de la disposition déclarée inconstitutionnelle en se prévalant des droits et libertés auxquels le Conseil constitutionnel a jugé que cette disposition portait atteinte, il appartient au juge de faire application de la disposition en cause pour le règlement du litige ; que le Conseil constitutionnel a censuré l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 au motif qu'il était susceptible de créer une discrimination entre héritiers français et étrangers venant également à la succession d'après la loi française ; qu'au cas présent, la succession ne concernait que des héritiers français ; qu'aucune discrimination à raison de la nationalité ne pouvait donc résulter de l'application de l'article 2 et que, par suite, aucune des parties ne pouvait se prévaloir des droits et libertés auxquels le Conseil constitutionnel a jugé que cette disposition portait atteinte ; qu'en écartant néanmoins l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, la cour d'appel a violé, par refus d'application, ledit texte.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la réserve héréditaire ne relève pas de l'ordre public international français, d'avoir rejeté l'exception d'ordre public international soulevée par Stéphanie et Jean-Michel Y... et d'avoir, en conséquence, dit qu'en application des dispositions du Y... D... , en vertu desquelles Fui C... B... a la qualité d'unique trustee, et du testament de Maurice Y... du 31 juillet 2008, Stéphanie et Jean-Michel Y... ne peuvent bénéficier d'aucun des biens mobiliers qui en sont l'objet, et ne peuvent davantage prétendre au rapport ou à la réduction des prétendues libéralités opérées par Maurice Y... au titre de ces actes, par suite de l'exclusion du droit successoral français qui fonde leurs demandes, dit que Stéphanie et Jean-Michel Y... sont entièrement mal fondés à agir devant la présente juridiction en leur qualité d'héritiers de Maurice Y... ou d'ayants droit de Kévin Y..., et débouté en particulier Stéphanie et Jean-Michel Y... de toute demande action visant, par application du droit successoral français, au rapport à la succession ou à la réduction à la quotité disponible des libéralités opérées au bénéfice de Fui C... B... par le moyen de l'institution du trust ;
Aux motifs propres que « les appelants soutiennent subsidiairement que l'institution juridique de la réserve héréditaire est bien incluse dans la conception française de l'ordre public international et que l'application de la loi française au présent litige permettra, après reconstitution de la masse de calcul de la succession de Maurice Y..., de leur attribuer leur part de réserve héréditaire ; que si la réserve héréditaire est en droit interne, un principe ancien mais aussi un principe actuel et important dans la société française en ce qu'elle exprime la solidarité familiale, garantit une certaine égalité entre les enfants et protège l'héritier d'éventuels errements du testateur, elle ne constitue pas un principe essentiel de ce droit, telle principe de non-discrimination des successibles en raison du sexe, de la religion, ou de la nature de la filiation qui imposerait qu'il soit protégé par l'ordre public international français de l'application de dispositions étrangères qui le méconnaissent ; que si la liberté testamentaire diffère des dispositions impératives du droit français, elle ne contrevient pas à des principes essentiels de ce droit ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter la loi étrangère normalement applicable au profit de la loi française, le jugement étant confirmé de ce chef » (arrêt attaqué, p. 9) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « en droit nonobstant l'affaiblissement de l'institution de la réserve héréditaire résultant incidemment de l'abrogation récente par le Conseil constitutionnel du droit de retrait issu de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, cette circonstance ne peut conduire le juge à déformer par motif d'opportunité la notion d'ordre public au sens du droit international privé français ; que en effet l'ordre public français au sens international du terme a longtemps été défini par la cour de cassation (depuis l'arrêt Lautour du 25 mai 1948) comme l'ensemble des principes de justice universelle considérés dans l'opinion française comme doués de valeur internationale absolue ; que sous l'empire de cette formulation, il n'a jamais été reconnu par la cour de cassation que le droit des enfants d'hériter d'une partie des biens de leurs parents ait revêtu une telle valeur internationale ; que désormais la formulation retenue (depuis Civ. 1ère 4 nov. 2010, n° 09-15.302), qui n'a rien perdu de la visée universaliste traditionnelle, et qui au contraire prévient encore davantage de consacrer à l'international de simples particularités nationale, écarte la loi étrangère lorsqu'elle est contraire aux principes essentiels du droit français fondés sur une norme identifiée et manifestement requise par le système juridique français, dont l'application conduit dans l'espèce considérée à un résultat contraire à la loi étrangère (par exemple l'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale et le respect dû à la vie privée et familiale ; mais on peut encore évoquer la prohibition des discriminations fondées sur le sexe, la race, la religion...) ; que sous l'empire de la formulation actuelle, la cour de cassation n'a pas davantage érigé la réserve héréditaire en un tel principe essentiel du droit français fondé sur un droit général et inconditionnel des enfants d'hériter d'une partie des biens de leurs parents ; que si le règlement européen relatif à la loi applicable aux successions (Règl, UE n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juill. 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen) contient pour l'avenir une réserve d'ordre public et laisse aux Etats membres la liberté de déterminer le contenu de leur ordre public international, il appartiendra au législateur de se prononcer sur ce point, et de tirer s'il le juge utile les conséquences de l'abrogation du droit de retrait (cf. article 35 : "L'application d'une disposition de la loi d'un Etat désignée par le présent règlement ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l'ordre public du for") ; qu'en conséquence l'institution de la réserve, qui en droit interne ne peut donner lieu - de manière générale et inconditionnelle à des atteintes privant les héritiers réservataires (réduits désormais aux seuls enfants et au conjoint survivant non divorcé depuis la réforme opérée par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006) de la possibilité de demander la réduction des libéralités excessives, n'a jamais fait partie de l'ordre public français au sens international du terme, de sorte que la loi californienne normalement applicable ne peut pas être écartée en l'espèce au seul motif qu'elle ne connaît pas la réserve héréditaire ; que encore les parties n'allèguent pas se trouver dans une situation de précarité économique ou de besoin, et que rien n'indique qu'elles s'y trouvent, de sorte que le Tribunal peut écarter en l'espèce de s'interroger plus avant sur les conséquences qui devraient être attachées au plan de la définition de l'ordre public à la situation d'enfants frustrés de tout droit de succession sur les biens de leur père par suite de l'application des règles de conflit de loi en matière internationale et de la désignation d'une loi étrangère qui ignore la réserve héréditaire ; qu'en conséquence le choix de Maurice Y... de préparer sa succession en la soumettant à la loi successorale de son domicile ne connaissant pas la réserve héréditaire, choix qui n'a pas eu pour effet de maintenir ses héritiers dans un état de besoin économique particulier, n'apparaît pas heurter l'ordre public international français en l'état du droit positif » (jugement entrepris, p. 21-22) ;
Alors que la réserve héréditaire, qui a pour vocation de protéger la pérennité économique et sociale de la famille, l'égalité des enfants et les volontés et libertés individuelles des héritiers, est un principe essentiel du droit français relevant de l'ordre public international ; qu'au cas présent, en refusant d'écarter la loi californienne, qui, pourtant, ne connaît pas la réserve et permet ainsi au de cujus d'exhéréder complètement ses descendants, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que la succession immobilière de Maurice Y... ne contient en réalité aucun immeuble situé en France, de sorte qu'elle ne peut donner lieu à application du droit successoral français, dit que la loi français ne régit pas la succession relativement à l'immeuble situé [...] , détenu par la SCI MAJJ dont des parts dépendent de la succession mobilière de Maurice Y..., dit qu'en application des dispositions du Y... D... , en vertu desquelles Fui C... B... a la qualité d'unique trustee, et du testament de Maurice Y... du 31 juillet 2008, Stéphanie et Jean-Michel Y... ne peuvent bénéficier d'aucun des biens mobiliers qui en sont l'objet, et ne peuvent davantage prétendre au rapport ou à la réduction des prétendues libéralités opérées par Maurice Y... au titre de ces actes, par suite de l'exclusion du droit successoral français qui fonde leurs demandes, dit que Stéphanie et Jean-Michel Y... sont entièrement mal fondés à agir devant la présente juridiction en leur qualité d'héritiers de Maurice Y... ou d'ayants droit de Kévin Y..., et débouté en particulier Stéphanie et Jean-Michel Y... de toute demande action visant, par application du droit successoral français, au rapport à la succession ou à la réduction à la quotité disponible des libéralités opérées au bénéfice de Fui C... B... par le moyen de l'institution du trust ;
Aux motifs que « les appelants, rappelant que les successions immobilières sont gouvernées par la loi de situation des immeubles en application de l'article 3 du code civil, soutiennent que la loi française est applicable à l'immeuble situé [...] , dès lors que l'apport fictif à la société civile immobilière, entaché de nullité, n'a pas modifié la nature immobilière du bien et que l'opération frauduleuse, destinée à éluder l'application de la loi successorale française, conduit à refuser l'application de la loi californienne ; qu'ils soutiennent en effet que dans la mesure où l'immeuble faisait l'objet d'un trust depuis 1991, il n'a pas pu valablement être apporté à la SCI en 1995, comme bien propre de Maurice Y..., de sorte que l'apport de l'immeuble sis [...] à la SCI constitue un apport « a non domino », entaché de nullité dès lors qu'à la date de la signature des statuts de la SCI, le 3 mars 1995, Maurice Y... n'avait pas un droit de propriété plein et entier sur l'immeuble parisien ; que Mme C... Y... réplique qu'à la suite de la constitution du Y... D... en 1991, aucun acte d'enregistrement n'a été diligenté en France pour formaliser le transfert de propriété de Maurice Y... au trust de telle sorte qu'au 3 mars 1995, l'immeuble n'avait pas quitté le patrimoine de Maurice Y... au regard de la loi française ; qu'en vertu de l'article 1 de l'acte constitutif du trust, ce dernier a opéré un transfert de propriété, des trustors aux trustees, portant sur les biens désignés dans l'annexe A, au nombre desquels figure l'immeuble sis [...] ; que les époux Y... étaient désignés trustors et trustees du Y... D... , constitué, à titre principal, au bénéfice de l'époux survivant ; que les appelants exposent que le trust crée une division de la propriété entre les droits de legal ownership (détenus par le trustee) et de beneficial ownership (détenus par le bénéficiaire du trust) et que de ce fait, le bénéficiaire d'un trust bénéficie d'un droit réel portant sur les actifs, ce qui limite les droits de disposition du legal owner ; que les époux Y... rassemblant les qualités de trustors et trustees et de bénéficiaire en cas de décès de l'un d'eux du Y... D... , Maurice Y... avait tout pouvoir pour procéder à l'apport à la SCI de l'immeuble quand bien même cet actif avait été préalablement apporté au trust ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de nullité de l'apport de l'immeuble à la SCI formée par les appelants de ce chef » (p. 9 in fine et p. 10) ;
Alors que le juge doit en toutes circonstances respecter le principe de la contradiction ; qu'au cas présent, les consorts Y... faisaient valoir que le transfert de l'immeuble parisien à la SCI était nul dans la mesure où il était le fait de Maurice Y... qui, pourtant, à la date du transfert, n'était plus propriétaire dudit immeuble, l'ayant transféré au trust Y... D... (conclusions d'appel, p. 41-42) ; que Mme B... répliquait que ce transfert aurait été sans effet en France dans la mesure où il n'avait jamais été publié et que le bien n'aurait donc jamais quitté le patrimoine de Maurice Y... (conclusions d'appel, p. 27 et 28) ; que, pour écarter la demande des consorts Y..., la cour d'appel a relevé, d'office, le moyen selon lequel les époux Y... auraient été, à cette date, trustors, trustees et bénéficiaires du trust en cas de décès de l'un d'eux de sorte que Maurice Y... aurait eu tout pouvoir pour procéder à l'apport de l'immeuble à la SCI au nom du trust (arrêt, p. 10, § 7) ; qu'en statuant ainsi, par un moyen soulevé d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2017:C101005
Donne acte à M. et Mme Y... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société ASCAP ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2016), que Maurice Y..., compositeur de musique, de nationalité française, s'est marié le 6 décembre 1984 avec Mme B... ; qu'en 1991, Maurice Y... et son épouse ont constitué, selon le droit californien, le Y... D..., dont ils étaient les deux uniques "trustors" et "trustees", et auquel ont été transférés tous les biens de Maurice Y... ; qu'en 1995, ils ont constitué une société civile immobilière (la SCI), à laquelle a été apporté le bien immobilier sis à Paris, acquis par celui-ci en 1981 ; qu'il est décédé le [...] à Los Angeles, Etat de Californie (Etats-Unis d'Amérique), laissant à sa survivance son épouse, deux enfants issus de précédentes unions, Jean-Michel et Stéphanie (les consorts Y...), et un fils adoptif, Kevin, en l'état d'un testament du 31 juillet 2008 léguant tous ses biens meubles à son épouse et le reliquat de sa succession au fiduciaire du trust ; qu'en 2010, Mme B... leur ayant contesté tout droit à la succession de leur père, les consorts Y... l'ont assignée ainsi que Kevin Y..., décédé en cours de procédure, la SCI et les sociétés française et américaine de gestion des droits d'auteur, afin de voir juger les tribunaux français compétents à l'égard des héritiers réservataires français pour connaître de l'exercice du droit de prélèvement prévu à l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; que par décision du 5 août 2011 (n° 2011-159 QPC), le Conseil constitutionnel, saisi dans une autre instance, a déclaré cette disposition contraire à la Constitution ;
Sur le premier moyen, pris en ces cinq premières branches :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de dire que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ne peut pas être appliqué dans le présent litige et de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir et qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; que la dévolution successorale est soumise aux règles en vigueur au moment de l'ouverture de la succession ; que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, qui détermine l'étendue de la part successorale d'un héritier français dans une succession internationale, est une règle relative à la dévolution successorale ; qu'une telle règle était donc applicable aux successions ouvertes avant son abrogation ; qu'au cas présent, la succession de Maurice Y... a été ouverte le 29 mars 2009, avant l'abrogation de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 par le Conseil constitutionnel, le 5 août 2011 ; que la succession, et notamment la part successorale des héritiers français, était donc soumise aux règles en vigueur à cette date, y compris l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; qu'en écartant l'application de cette loi pour cela qu'il ne s'agirait pas d'une règle relative à la dévolution successorale mais d'une exception à la règle de conflit de lois, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l'article 2 du code civil ;
2°/ qu'à supposer que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 soit assimilable à une règle portant sur le partage de la succession, la succession restait soumise à la loi en vigueur au moment du décès ; que le partage étant déclaratif, il ne saurait remettre en cause les parts successorales résultant de l'application des règles en vigueur au moment de l'ouverture de la succession ; qu'en se fondant sur ce que le droit de prélèvement serait une règle relative au partage, pour refuser d'appliquer la loi en vigueur au moment de l'ouverture de la succession et en privant ainsi les consorts Y... du prélèvement auquel leur donnait droit la loi de 1819 alors encore en vigueur, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l'article 2 du code civil ;
3°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir et qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; qu'une règle de conflit de lois n'a pas davantage d'effet rétroactif qu'une règle substantielle ; qu'une succession internationale est donc soumise aux règles de conflit de lois applicables au jour de son ouverture ; qu'à supposer donc même que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ne soit pas une règle de dévolution successorale mais une exception à la règle normale de conflit de lois, elle était tout de même applicable aux successions ouvertes avant son entrée en vigueur ; qu'au cas présent, la succession de Maurice Y... a été ouverte le 29 mars 2009, avant l'abrogation de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 par le Conseil constitutionnel, le 5 août 2011 ; que la succession était donc soumise aux règles en vigueur à cette date, y compris l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; qu'en écartant l'application de cette loi au motif qu'il ne s'agirait pas d'une règle relative à la dévolution successorale mais d'une exception à la règle de conflit de lois, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l'article 2 du code civil ;
4°/ que l'application immédiate de la loi nouvelle, ou d'une décision du Conseil constitutionnel, implique que celle-ci sera immédiatement appliquée aux faits postérieurs à son entrée en vigueur ; que cette application immédiate, qui est de principe, s'oppose à l'application rétroactive, selon laquelle la loi ou décision nouvelle est appliquée aux litiges en cours relatifs à des faits antérieurs, et qui, elle, est d'exception ; qu'au cas présent, après avoir énoncé que la décision d'inconstitutionnalité n'était pas rétroactive, la cour d'appel a, par motifs adoptés, estimé qu'« il y a lieu de constater l'application immédiate de cette décision au litige dont le tribunal est saisi », lequel portait par hypothèse sur une succession ouverte antérieurement à ladite décision du Conseil constitutionnel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a confondu application immédiate et rétroactivité, a violé l'article 2 du code civil ;
5°/ qu'au jour de l'ouverture de la succession, l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 était toujours en vigueur ; qu'à cette date, les consorts Y... disposaient donc du droit de prélever dans les biens situés en France la part dont ils étaient privés dans la masse successorale californienne par l'effet de la loi californienne ; que cette part successorale constitue un bien protégé par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en faisant rétroagir la décision d'abrogation du 5 août 2011 et en les privant ainsi rétroactivement de leur part dans la succession de leur père, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 62, alinéa 3, de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à toutes les autorités juridictionnelles ; que, lorsque la déclaration d'inconstitutionnalité est rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité, la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel dès lors que celui-ci n'a pas usé du pouvoir, que les dispositions de l'article 62, alinéa 2, de la Constitution lui réservent, de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets ou de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que dans sa décision du 5 août 2011 (n° 2011-159 QPC), le Conseil constitutionnel avait abrogé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 et qu'aucune décision revêtue de l'autorité de la chose jugée ni aucune reconnaissance de droit antérieure à la publication de cette décision, le 6 août suivant, n'avait consacré le droit de prélèvement que les consorts Y... entendaient exercer, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'ils ne pouvaient invoquer les dispositions abrogées ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas celui d'en acquérir par voie de succession ab intestat ou de libéralités, et constaté que les consorts Y..., auxquels le droit de prélèvement en vigueur au moment du décès de leur père n'avait conféré aucun droit héréditaire définitivement reconnu, ne disposaient pas de biens au sens de l'article précité, elle a exactement retenu que ceux-ci n'étaient pas fondés à exciper d'une atteinte à leur droit de propriété ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de dire que la réserve héréditaire ne relève pas de l'ordre public international français et de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen, que la réserve héréditaire, qui a pour vocation de protéger la pérennité économique et sociale de la famille, l'égalité des enfants et les volontés et libertés individuelles des héritiers, est un principe essentiel du droit français relevant de l'ordre public international ; qu'au cas présent, en refusant d'écarter la loi californienne, qui, pourtant, ne connaît pas la réserve et permet ainsi au de cujus d'exhéréder complètement ses descendants, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ;
Mais attendu qu'une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d'espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels ;
Et attendu qu'après avoir énoncé que la loi applicable à la succession de Maurice Y... est celle de l'Etat de Californie, qui ne connaît pas la réserve, l'arrêt relève, par motifs propres, que le dernier domicile du défunt est situé dans l'Etat de Californie, que ses unions, à compter de 1965, ont été contractées aux Etats-Unis, où son installation était ancienne et durable et, par motifs adoptés, que les parties ne soutiennent pas se trouver dans une situation de précarité économique ou de besoin ; que la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu d'écarter la loi californienne au profit de la loi française ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche, et le troisième moyen, ci-après annexés :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, disposition abrogée par décision du Conseil constitutionnel, ne peut pas être appliquée dans le présent litige et d'avoir, en conséquence, dit qu'en application des dispositions du Y... D... , en vertu desquelles Fui C... B... a la qualité d'unique trustee, et du testament de Maurice Y... du 31 juillet 2008, Stéphanie et Jean-Michel Y... ne peuvent bénéficier d'aucun des biens mobiliers qui en sont l'objet, et ne peuvent davantage prétendre au rapport ou à la réduction des prétendues libéralités opérées par Maurice Y... au titre de ces actes, par suite de l'exclusion du droit successoral français qui fonde leurs demandes, dit que Stéphanie et Jean-Michel Y... sont entièrement mal fondés à agir devant la présente juridiction en leur qualité d'héritiers de Maurice Y... ou d'ayants droit de Kévin Y..., et débouté en particulier Stéphanie et Jean-Michel Y... de toute action visant, par application du droit successoral français, au rapport à la succession ou à la réduction à la quotité disponible des libéralités opérées au bénéfice de Fui C... B... par le moyen de l'institution du trust ;
Aux motifs propres que « selon l'article 62 de la Constitution, "une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause" ; que les consorts Y... soutiennent que le droit de prélèvement est une règle de dévolution successorale et que leur droit est donc né au jour du décès, de sorte que la déclaration d'inconstitutionnalité ne s'applique pas à la succession de leur père, ouverte avant l'abrogation de ce droit, qu'en outre, le juge est autorisé à interpréter le dispositif de la décision du Conseil constitutionnel à la lumière des motifs qui en sont le support nécessaire de sorte que lorsqu'il ressort de ces motifs qu'un litige ne se trouve pas dans le champ des situations visées par la déclaration d'inconstitutionnalité, le juge n'a à tirer aucune conséquence de la décision du Conseil constitutionnel, ce qui est le cas en l'espèce, le droit de prélèvement ayant été abrogé en ce qu'il était réservé aux héritiers français et qu'en l'espèce, il n'y a pas d'héritier étranger, Kevin Y... étant décédé le [...] ; que toutefois le droit de prélèvement n'était pas une règle de dévolution successorale mais une exception à l'application normale d'une règle de conflits de loi, qui, lorsqu'un héritier français se voyait reconnaître par une loi successorale compétente des droits inférieurs à ceux qui auraient résulté pour lui de l'application de la loi française, lui permettait de prélever, sur les biens de la succession en France, une portion égale à la valeur des biens dont il était privé, à quelque titre que ce soit, en vertu de cette loi ou coutume locale ; qu'en conséquence, les consorts Y... ne sont pas fondés à prétendre qu'ils ont acquis dès le jour du décès, un droit de prélèvement, l'exercice de ce droit imposant d'examiner lors du partage opéré selon la loi successorale étrangère applicable, si l'héritier français était en droit de revendiquer une part plus importante si le droit français s'était appliqué et les mesures obtenues aux termes des ordonnances de référé du 4 février 2010 du tribunal de grande instance de Nanterre et du 5 juillet 2010 du tribunal de grande instance de Paris, prononçant la mise sous séquestre des redevances d'auteur de Maurice Y... ainsi que des parts détenues par ce dernier dans la SCI F.M.A.A.J., biens sur lesquels les appelants étaient à l'époque susceptibles d'exercer leur droit de prélèvement, étant simplement conservatoires et ne leur conférant aucun droit reconnu ; que le droit de prélèvement ayant été déclaré contraire à la Constitution et ayant été abrogé, peu importe que le motif qui a présidé à cette abrogation, à savoir une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi entre les héritiers étrangers venant également à la succession d'après la loi française et qui ne sont pas privilégiés par la loi étrangère, ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce en l'absence d'héritier étranger, dès lors que l'abrogation ne comporte aucune condition ni limite ; que les appelants soutiennent que la privation de la possibilité d'invoquer l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, porte atteinte à leur droit de propriété, tel que garanti par l'article 1 du Protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, aux termes duquel, "toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international" ; que, toutefois, le droit au respect des biens ne garantit pas le droit d'en acquérir par voie de succession ab intestat ou de libéralités, le droit de prélèvement encore en vigueur au moment du décès de leur père n'ayant conféré aux consorts Y... aucun droit héréditaire, mais leur ayant ouvert la possibilité, à certaines conditions, d'obtenir que soit écartée l'application normale d'une règle de conflit de loi attribuant à une loi étrangère le règlement de la succession ; que de même, ne disposant pas de biens au sens de l'article 1 du protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, les consorts Y... ne sont pas fondés à exciper d'une ingérence dans le droit au respect de ces biens que créerait l'application de la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 2 au présent litige, pas plus que d'une atteinte excessive à leur droit de propriété ; que, en conséquence, les consorts Y... ne sont pas fondés à invoquer l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 et à demander de faire application de leur droit de prélèvement sur les biens situés en France, l'abrogation de l'article précité s'appliquant au règlement de la succession de leur père » (arrêt attaqué, p. 8-9) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « Fui C... B... soutient que l'effet abrogatif de la déclaration d'inconstitutionnalité interdit en principe, par motif d'ordre public, que les juridictions appliquent la loi en cause non seulement dans l'instance ayant donné lieu à la question prioritaire de constitutionnalité, mais également dans. toutes les instances en cours à la date de cette décision, rien ne permettant d'y déroger lorsque comme au cas présent le Conseil constitutionnel n'a pas expressément indiqué dam sa décision qu'elle s'appliquait aux instances en cours ; que Stéphanie et Jean-Michel Y... font valoir au contraire que lorsque le Conseil constitutionnel veut que ses décisions s'appliquent aux instances en cours, il le précise, ce qu'il n'a pas fait au cas présent ; qu'ils précisent que la décision du Conseil constitutionnel qui n'a pu remettre en cause les autres dispositions légales non soumises à sa censure, et n'a pas davantage pu porter atteinte à la séparation des pouvoirs, n'a prévu aucune disposition transitoire et ne dit rien sur les instances en cours, de sorte que, par application de l'article 62 alinéa 2 de la constitution, l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 est abrogé pour l'avenir à compter à compter de sa publication, le 6 août 2011, mais continue à régir les successions ouvertes antérieurement et non encore partagée, sans préjudice de la saisine acquise aux héritiers au jour du décès en vertu des articles 720 et 724 du code civil, sous peine d'enfreindre le principe de non rétroactivité des Lois, alors que la présente action en partage serait seulement déclarative et non constitutive de droits ; qu'ils soulignent que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 a pour objet de faire respecter l'égalité des héritiers dans l'ordre de dévolution au jour du décès en faisant obstacle à l'application de la loi étrangère dès lors que deux critères sont réunis : un héritier français ab intestat est exclu de la succession par l'application de la loi étrangère et il existe des biens mobilier et/ou immobilier en France, ces critère n'ayant pas été déclarés contraires à la constitution ; que selon Stéphanie et Jean-Michel Y... le Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas des mêmes pouvoirs d'appréciation que le Parlement, ne pouvait ordonner l'application immédiate de l'abrogation aux instances en cours, alors que le législateur de 2006 ayant réformé la matière des successions a d'abord précisé que les nouvelles règles en matière de partage s'appliquaient aux successions ouvertes mais non encore liquidées à la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, puis a ensuite dérogé à cette dérogation au principe de non-rétroactivité en précisant que lorsque l'instance avait été engagée avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, l'action était poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; qu'il s'ensuivrait, selon les demandeurs, que le Tribunal serait tenu d'appliquer dans le cadre de la présente instance, les dispositions abrogées de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, "sauf à rajouter aux termes de la décision du 5 août 2011 du Conseil constitutionnel" ; mais qu'aux termes de l'article 62 de la Constitution, une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que le Conseil constitutionnel détermine, en outre, les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ; que si, dans sa nouvelle rédaction issue de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, l'article 62, alinéa 2, de la Constitution confère explicitement au Conseil constitutionnelle pouvoir de moduler les effets dans le temps des décisions rendues au titre de l'article 61-1 de la Constitution, en l'espèce, le Conseil, juge de la loi, a fait le choix de supprimer purement et simplement le droit de prélèvement ; que s'il a considéré qu'afin de rétablir l'égalité entre les héritiers garantie par la loi française, le législateur pouvait fonder une différence de traitement sur la circonstance que la loi étrangère privilégie l'héritier étranger au détriment de l'héritier français, il n'a cependant pas jugé utile de préciser ou d'exiger du législateur des mesures transitoires pour des motifs de sécurité juridique ou de lui laisser un délai pour créer un droit équivalent au droit de prélèvement respectant le principe constitutionnel d'égalité ; que la déclaration d'inconstitutionnalité n'est pas rétroactive, et s'impose, à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, aux pouvoirs publics comme à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, en application de l'article 62, alinéa 3 de la Constitution, sans toutefois porter atteinte aux droits reconnus, antérieurement à cette publication, dans des situations régulièrement acquises et constituées ; qu'en l'espèce que nulle décision revêtue de l'autorité de chose jugée ni aucune reconnaissance de droit antérieure à la publication n'est venue consacrer le droit de prélèvement que Stéphanie et Jean-Michel Y... entendent mettre en oeuvre dans le cadre de la présente instance ; que par suite, il y a lieu de constater l'application immédiate de cette décision au litige dont le tribunal est saisi » (jugement entrepris, p. 14-16) ;
1°) Alors que la loi ne dispose que pour l'avenir et qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; que la dévolution successorale est soumise aux règles en vigueur au moment de l'ouverture de la succession ; que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, qui détermine l'étendue de la part successorale d'un héritier français dans une succession internationale, est une règle relative à la dévolution successorale ; qu'une telle règle était donc applicable aux successions ouvertes avant son abrogation ; qu'au cas présent, la succession de Maurice Y... a été ouverte le 29 mars 2009, avant l'abrogation de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 par le Conseil constitutionnel, le 5 août 2011 ; que la succession, et notamment la part successorale des héritiers français, était donc soumise aux règles en vigueur à cette date, y compris l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; qu'en écartant l'application de cette loi pour cela qu'il ne s'agirait pas d'une règle relative à la dévolution successorale mais d'une exception à la règle de conflit de lois, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l'article 2 du code civil ;
2°) Alors que, subsidiairement, à supposer que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 soit assimilable à une règle portant sur le partage de la succession, la succession restait soumise à la loi en vigueur au moment du décès ; que le partage étant déclaratif, il ne saurait remettre en cause les parts successorales résultant de l'application des règles en vigueur au moment de l'ouverture de la succession ; qu'en se fondant sur ce que le droit de prélèvement serait une règle relative au partage, pour refuser d'appliquer la loi en vigueur au moment de l'ouverture de la succession et en privant ainsi les consorts Y... du prélèvement auquel leur donnait droit la loi de 1819 alors encore en vigueur, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l'article 2 du code civil ;
3°) Alors que, en tout état de cause, la loi ne dispose que pour l'avenir et qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; qu'une règle de conflit de lois n'a pas davantage d'effet rétroactif qu'une règle substantielle ; qu'une succession internationale est donc soumise aux règles de conflit de lois applicables au jour de son ouverture ; qu'à supposer donc même que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ne soit pas une règle de dévolution successorale mais une exception à la règle normale de conflit de lois, elle était tout de même applicable aux successions ouvertes avant son entrée en vigueur ; qu'au cas présent, la succession de Maurice Y... a été ouverte le 29 mars 2009, avant l'abrogation de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 par le Conseil constitutionnel, le 5 août 2011 ; que la succession était donc soumise aux règles en vigueur à cette date, y compris l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; qu'en écartant l'application de cette loi au motif qu'il ne s'agirait pas d'une règle relative à la dévolution successorale mais d'une exception à la règle de conflit de lois, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, ensemble l'article 2 du code civil ;
4°) Alors que, de la même manière, l'application immédiate de la loi nouvelle, ou d'une décision du Conseil constitutionnel, implique que celle-ci sera immédiatement appliquée aux faits postérieurs à son entrée en vigueur ; que cette application immédiate, qui est de principe, s'oppose à l'application rétroactive, selon laquelle la loi ou décision nouvelle est appliquée aux litiges en cours relatifs à des faits antérieurs, et qui, elle, est d'exception ; qu'au cas présent, après avoir énoncé que la décision d'inconstitutionnalité n'était pas rétroactive (jugement, p. 15, in fine), la cour d'appel a, par motifs adoptés, estimé qu'« il y a lieu de constater l'application immédiate de cette décision au litige dont le tribunal est saisi » (jugement, p. 16, § 2), lequel portait par hypothèse sur une succession ouverte antérieurement à ladite décision du Conseil constitutionnel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a confondu application immédiate et rétroactivité, a violé l'article 2 du code civil ;
5°) Alors que, de la même manière, au jour de l'ouverture de la succession, l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 était toujours en vigueur ; qu'à cette date, M. et Mme Y... disposaient donc du droit de prélever dans les biens situés en France la part dont ils étaient privés dans la masse successorale californienne par l'effet de la loi californienne ; que cette part successorale constitue un bien protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme ; qu'en faisant rétroagir la décision d'abrogation du 5 août 2011 et en privant ainsi rétroactivement les consorts Y... de leur part dans la succession de leur père, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens garanti par l'article 1er du 1er Protocole additionnel à la CEDH ;
6°) Alors que, en tout état de cause, lorsque le Conseil constitutionnel abroge une disposition sans user du pouvoir que lui confère la Constitution de préciser les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition déclarée inconstitutionnelle a produits sont susceptibles d'être remis en cause, il appartient alors au juge saisi d'un litige de préciser, pour la solution du litige, ces conditions et limites ; qu'en particulier, si, compte tenu des motifs qui sont le support nécessaire de la décision du Conseil constitutionnel et eu égard à l'objet du litige, les parties ne peuvent utilement demander aucune remise en cause des effets de la disposition déclarée inconstitutionnelle en se prévalant des droits et libertés auxquels le Conseil constitutionnel a jugé que cette disposition portait atteinte, il appartient au juge de faire application de la disposition en cause pour le règlement du litige ; que le Conseil constitutionnel a censuré l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 au motif qu'il était susceptible de créer une discrimination entre héritiers français et étrangers venant également à la succession d'après la loi française ; qu'au cas présent, la succession ne concernait que des héritiers français ; qu'aucune discrimination à raison de la nationalité ne pouvait donc résulter de l'application de l'article 2 et que, par suite, aucune des parties ne pouvait se prévaloir des droits et libertés auxquels le Conseil constitutionnel a jugé que cette disposition portait atteinte ; qu'en écartant néanmoins l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, la cour d'appel a violé, par refus d'application, ledit texte.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la réserve héréditaire ne relève pas de l'ordre public international français, d'avoir rejeté l'exception d'ordre public international soulevée par Stéphanie et Jean-Michel Y... et d'avoir, en conséquence, dit qu'en application des dispositions du Y... D... , en vertu desquelles Fui C... B... a la qualité d'unique trustee, et du testament de Maurice Y... du 31 juillet 2008, Stéphanie et Jean-Michel Y... ne peuvent bénéficier d'aucun des biens mobiliers qui en sont l'objet, et ne peuvent davantage prétendre au rapport ou à la réduction des prétendues libéralités opérées par Maurice Y... au titre de ces actes, par suite de l'exclusion du droit successoral français qui fonde leurs demandes, dit que Stéphanie et Jean-Michel Y... sont entièrement mal fondés à agir devant la présente juridiction en leur qualité d'héritiers de Maurice Y... ou d'ayants droit de Kévin Y..., et débouté en particulier Stéphanie et Jean-Michel Y... de toute demande action visant, par application du droit successoral français, au rapport à la succession ou à la réduction à la quotité disponible des libéralités opérées au bénéfice de Fui C... B... par le moyen de l'institution du trust ;
Aux motifs propres que « les appelants soutiennent subsidiairement que l'institution juridique de la réserve héréditaire est bien incluse dans la conception française de l'ordre public international et que l'application de la loi française au présent litige permettra, après reconstitution de la masse de calcul de la succession de Maurice Y..., de leur attribuer leur part de réserve héréditaire ; que si la réserve héréditaire est en droit interne, un principe ancien mais aussi un principe actuel et important dans la société française en ce qu'elle exprime la solidarité familiale, garantit une certaine égalité entre les enfants et protège l'héritier d'éventuels errements du testateur, elle ne constitue pas un principe essentiel de ce droit, telle principe de non-discrimination des successibles en raison du sexe, de la religion, ou de la nature de la filiation qui imposerait qu'il soit protégé par l'ordre public international français de l'application de dispositions étrangères qui le méconnaissent ; que si la liberté testamentaire diffère des dispositions impératives du droit français, elle ne contrevient pas à des principes essentiels de ce droit ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter la loi étrangère normalement applicable au profit de la loi française, le jugement étant confirmé de ce chef » (arrêt attaqué, p. 9) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « en droit nonobstant l'affaiblissement de l'institution de la réserve héréditaire résultant incidemment de l'abrogation récente par le Conseil constitutionnel du droit de retrait issu de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, cette circonstance ne peut conduire le juge à déformer par motif d'opportunité la notion d'ordre public au sens du droit international privé français ; que en effet l'ordre public français au sens international du terme a longtemps été défini par la cour de cassation (depuis l'arrêt Lautour du 25 mai 1948) comme l'ensemble des principes de justice universelle considérés dans l'opinion française comme doués de valeur internationale absolue ; que sous l'empire de cette formulation, il n'a jamais été reconnu par la cour de cassation que le droit des enfants d'hériter d'une partie des biens de leurs parents ait revêtu une telle valeur internationale ; que désormais la formulation retenue (depuis Civ. 1ère 4 nov. 2010, n° 09-15.302), qui n'a rien perdu de la visée universaliste traditionnelle, et qui au contraire prévient encore davantage de consacrer à l'international de simples particularités nationale, écarte la loi étrangère lorsqu'elle est contraire aux principes essentiels du droit français fondés sur une norme identifiée et manifestement requise par le système juridique français, dont l'application conduit dans l'espèce considérée à un résultat contraire à la loi étrangère (par exemple l'égalité des parents dans l'exercice de l'autorité parentale et le respect dû à la vie privée et familiale ; mais on peut encore évoquer la prohibition des discriminations fondées sur le sexe, la race, la religion...) ; que sous l'empire de la formulation actuelle, la cour de cassation n'a pas davantage érigé la réserve héréditaire en un tel principe essentiel du droit français fondé sur un droit général et inconditionnel des enfants d'hériter d'une partie des biens de leurs parents ; que si le règlement européen relatif à la loi applicable aux successions (Règl, UE n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juill. 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen) contient pour l'avenir une réserve d'ordre public et laisse aux Etats membres la liberté de déterminer le contenu de leur ordre public international, il appartiendra au législateur de se prononcer sur ce point, et de tirer s'il le juge utile les conséquences de l'abrogation du droit de retrait (cf. article 35 : "L'application d'une disposition de la loi d'un Etat désignée par le présent règlement ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l'ordre public du for") ; qu'en conséquence l'institution de la réserve, qui en droit interne ne peut donner lieu - de manière générale et inconditionnelle à des atteintes privant les héritiers réservataires (réduits désormais aux seuls enfants et au conjoint survivant non divorcé depuis la réforme opérée par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006) de la possibilité de demander la réduction des libéralités excessives, n'a jamais fait partie de l'ordre public français au sens international du terme, de sorte que la loi californienne normalement applicable ne peut pas être écartée en l'espèce au seul motif qu'elle ne connaît pas la réserve héréditaire ; que encore les parties n'allèguent pas se trouver dans une situation de précarité économique ou de besoin, et que rien n'indique qu'elles s'y trouvent, de sorte que le Tribunal peut écarter en l'espèce de s'interroger plus avant sur les conséquences qui devraient être attachées au plan de la définition de l'ordre public à la situation d'enfants frustrés de tout droit de succession sur les biens de leur père par suite de l'application des règles de conflit de loi en matière internationale et de la désignation d'une loi étrangère qui ignore la réserve héréditaire ; qu'en conséquence le choix de Maurice Y... de préparer sa succession en la soumettant à la loi successorale de son domicile ne connaissant pas la réserve héréditaire, choix qui n'a pas eu pour effet de maintenir ses héritiers dans un état de besoin économique particulier, n'apparaît pas heurter l'ordre public international français en l'état du droit positif » (jugement entrepris, p. 21-22) ;
Alors que la réserve héréditaire, qui a pour vocation de protéger la pérennité économique et sociale de la famille, l'égalité des enfants et les volontés et libertés individuelles des héritiers, est un principe essentiel du droit français relevant de l'ordre public international ; qu'au cas présent, en refusant d'écarter la loi californienne, qui, pourtant, ne connaît pas la réserve et permet ainsi au de cujus d'exhéréder complètement ses descendants, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que la succession immobilière de Maurice Y... ne contient en réalité aucun immeuble situé en France, de sorte qu'elle ne peut donner lieu à application du droit successoral français, dit que la loi français ne régit pas la succession relativement à l'immeuble situé [...] , détenu par la SCI MAJJ dont des parts dépendent de la succession mobilière de Maurice Y..., dit qu'en application des dispositions du Y... D... , en vertu desquelles Fui C... B... a la qualité d'unique trustee, et du testament de Maurice Y... du 31 juillet 2008, Stéphanie et Jean-Michel Y... ne peuvent bénéficier d'aucun des biens mobiliers qui en sont l'objet, et ne peuvent davantage prétendre au rapport ou à la réduction des prétendues libéralités opérées par Maurice Y... au titre de ces actes, par suite de l'exclusion du droit successoral français qui fonde leurs demandes, dit que Stéphanie et Jean-Michel Y... sont entièrement mal fondés à agir devant la présente juridiction en leur qualité d'héritiers de Maurice Y... ou d'ayants droit de Kévin Y..., et débouté en particulier Stéphanie et Jean-Michel Y... de toute demande action visant, par application du droit successoral français, au rapport à la succession ou à la réduction à la quotité disponible des libéralités opérées au bénéfice de Fui C... B... par le moyen de l'institution du trust ;
Aux motifs que « les appelants, rappelant que les successions immobilières sont gouvernées par la loi de situation des immeubles en application de l'article 3 du code civil, soutiennent que la loi française est applicable à l'immeuble situé [...] , dès lors que l'apport fictif à la société civile immobilière, entaché de nullité, n'a pas modifié la nature immobilière du bien et que l'opération frauduleuse, destinée à éluder l'application de la loi successorale française, conduit à refuser l'application de la loi californienne ; qu'ils soutiennent en effet que dans la mesure où l'immeuble faisait l'objet d'un trust depuis 1991, il n'a pas pu valablement être apporté à la SCI en 1995, comme bien propre de Maurice Y..., de sorte que l'apport de l'immeuble sis [...] à la SCI constitue un apport « a non domino », entaché de nullité dès lors qu'à la date de la signature des statuts de la SCI, le 3 mars 1995, Maurice Y... n'avait pas un droit de propriété plein et entier sur l'immeuble parisien ; que Mme C... Y... réplique qu'à la suite de la constitution du Y... D... en 1991, aucun acte d'enregistrement n'a été diligenté en France pour formaliser le transfert de propriété de Maurice Y... au trust de telle sorte qu'au 3 mars 1995, l'immeuble n'avait pas quitté le patrimoine de Maurice Y... au regard de la loi française ; qu'en vertu de l'article 1 de l'acte constitutif du trust, ce dernier a opéré un transfert de propriété, des trustors aux trustees, portant sur les biens désignés dans l'annexe A, au nombre desquels figure l'immeuble sis [...] ; que les époux Y... étaient désignés trustors et trustees du Y... D... , constitué, à titre principal, au bénéfice de l'époux survivant ; que les appelants exposent que le trust crée une division de la propriété entre les droits de legal ownership (détenus par le trustee) et de beneficial ownership (détenus par le bénéficiaire du trust) et que de ce fait, le bénéficiaire d'un trust bénéficie d'un droit réel portant sur les actifs, ce qui limite les droits de disposition du legal owner ; que les époux Y... rassemblant les qualités de trustors et trustees et de bénéficiaire en cas de décès de l'un d'eux du Y... D... , Maurice Y... avait tout pouvoir pour procéder à l'apport à la SCI de l'immeuble quand bien même cet actif avait été préalablement apporté au trust ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de nullité de l'apport de l'immeuble à la SCI formée par les appelants de ce chef » (p. 9 in fine et p. 10) ;
Alors que le juge doit en toutes circonstances respecter le principe de la contradiction ; qu'au cas présent, les consorts Y... faisaient valoir que le transfert de l'immeuble parisien à la SCI était nul dans la mesure où il était le fait de Maurice Y... qui, pourtant, à la date du transfert, n'était plus propriétaire dudit immeuble, l'ayant transféré au trust Y... D... (conclusions d'appel, p. 41-42) ; que Mme B... répliquait que ce transfert aurait été sans effet en France dans la mesure où il n'avait jamais été publié et que le bien n'aurait donc jamais quitté le patrimoine de Maurice Y... (conclusions d'appel, p. 27 et 28) ; que, pour écarter la demande des consorts Y..., la cour d'appel a relevé, d'office, le moyen selon lequel les époux Y... auraient été, à cette date, trustors, trustees et bénéficiaires du trust en cas de décès de l'un d'eux de sorte que Maurice Y... aurait eu tout pouvoir pour procéder à l'apport de l'immeuble à la SCI au nom du trust (arrêt, p. 10, § 7) ; qu'en statuant ainsi, par un moyen soulevé d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.