Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 septembre 2017, 16-13.151, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 septembre 2017, 16-13.151, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 16-13.151
- ECLI:FR:CCASS:2017:C101004
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 27 septembre 2017
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 16 décembre 2015- Président
- Mme Batut
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2015), que Michel Y..., compositeur de musique, s'est marié le 13 octobre 1990 avec Mme C... ; que le 14 février 1999, il a établi et fait enregistrer, aux Etats-Unis, un testament aux termes duquel il a légué tous ses biens au Y... family trust ; que le 16 février 1999, Michel Y... et Mme C... ont organisé la gestion de leur patrimoine sous la forme de ce trust commun, prévoyant que l'époux survivant deviendrait l'unique bénéficiaire de l'intégralité des biens du couple, lesquels doivent revenir, au décès de ce dernier, à leurs deux filles ; que Michel Y... est décédé le [...] à [...] , Etat de Californie (Etats-Unis d'Amérique), laissant à sa survivance son épouse, leurs deux enfants, D... et E... , et quatre autres enfants issus d'unions et d'une relation antérieures, Christian, David, Agathe et B... ; que Mme C... estimant être la seule bénéficiaire de la succession de Michel Y..., qui comprend des immeubles aux Etats-Unis et des biens mobiliers aux Etats-Unis et en France, dont les redevances et droits d'auteur attachés à ses compositions musicales, MM. Christian et David Y... et Mme Agathe Y... ont saisi un tribunal de grande instance d'une action en prélèvement sur les actifs successoraux situés en France, fondée sur l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; que, par décision du 5 août 2011 (n° 2011-159 QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition contraire à la Constitution ; que MM. Christian et David Y... et Mmes Agathe et B... Y... (les consorts Y...) ont alors demandé d'exercer leurs droits d'héritiers réservataires sur la masse successorale, en soutenant que l'ordre public international français s'opposait à l'application de la loi californienne, qui ignore la réserve ;
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes et, notamment, celle tendant au prélèvement sur la masse successorale de Michel Y... au titre de leur réserve héréditaire, alors, selon le moyen :
1°/ que doit être écartée par le juge la loi étrangère qui, bien qu'en principe applicable en vertu de la règle de conflit de lois, est contraire à la conception française de l'ordre public international ; qu'en tant qu'elle garantit la cohésion familiale et le principe d'égalité entre les héritiers, la réserve héréditaire, qui interdit au de cujus d'exhéréder ses enfants ou seulement une partie d'entre eux, constitue un principe essentiel du droit français, relevant de la conception française de l'ordre public international ; qu'en jugeant que l'application en l'espèce de la loi californienne, qui ignore la réserve et se borne à prévoir une créance alimentaire de secours au profit de l'enfant majeur effectivement à la charge du défunt, ne contrevenait pas à la conception française de l'ordre public international, dès lors qu'il n'était pas démontré que l'absence de réserve héréditaire laisserait les quatre premiers enfants du de cujus dans un état de précarité ou de besoin, et en réduisant ainsi la réserve héréditaire à une fonction purement alimentaire, la cour d'appel a violé le principe d'égalité entre les héritiers et les articles 3, 912 et 913 du code civil ;
2°/ qu'en ne recherchant pas si, l'application, en l'espèce, de la loi californienne n'avait pas permis à Michel Y... de déshériter ses quatre premiers enfants au seul profit de sa dernière épouse et de ses deux dernières filles au mépris du principe essentiel du droit français d'égalité entre les héritiers, que tend à garantir la réserve héréditaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe d'égalité entre les héritiers et les articles 3, 912 et 913 du code civil ;
3°/ que l'ordre public de proximité ne joue pas en présence de principes essentiels du droit français ; qu'en considérant, pour écarter l'exception d'ordre public opposée à la loi californienne, que Michel Y... résidait depuis près de trente ans en Californie où étaient nés ses trois derniers enfants et où étaient situés son patrimoine immobilier et une grande partie de son patrimoine mobilier, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ;
4°/ qu'en ne recherchant pas si le litige conservait avec la France un lien privilégié dès lors que Michel Y..., bien qu'il ait résidé aux Etats-Unis les trente dernières années de sa vie, qu'y soient nés ses trois derniers enfants et qu'y soient situés son patrimoine immobilier et une partie de son patrimoine mobilier, avait conservé la nationalité française qu'il avait transmise à tous ses enfants, même ceux nés aux Etats-Unis, que trois de ses enfants résidaient en France et qu'une partie de sa succession était composée de meubles situés en France, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 3 du code civil ;
5°/ qu'en considérant, par des motifs supposés adoptés, qu'il n'était pas démontré que le droit successoral californien bien qu'il ignore la réserve héréditaire était contraire à la conception française de l'ordre public international, que la réserve héréditaire n'avait jamais été consacrée par la Cour de cassation comme un principe ayant valeur universelle, comme l'est le principe de non-discrimination, cependant que, sans pouvoir se retrancher derrière le silence de la loi ou statuer par voie de règlement, il lui appartenait de rechercher elle-même si la violation de la réserve héréditaire des consorts Y... par l'application de la loi californienne était ou non contraire à la conception française de l'ordre public international, la cour d'appel a violé les articles 3, 4 et 5 du code civil ;
6°/ qu'en considérant, par des motifs supposés adoptés que les réformes législatives intervenues traduisaient un affaiblissement de la réserve, que le règlement européen des successions, applicable aux successions ouvertes à compter du 17 août 2015, prévoyait que le règlement ne pouvait être déclaré contraire à l'ordre public du for au seul motif que ses modalités concernant la réserve sont différentes de celles en vigueur dans le for, et que le législateur, après l'abrogation de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, n'avait pas jugé utile de permettre à un héritier, français ou non, d'opérer un prélèvement sur les biens successoraux situés en France, cependant que ces motifs, en partie fondés sur un texte non applicable en l'espèce, procédaient par voie de simples affirmations générales et sans rechercher concrètement, si en l'espèce, l'application de la loi californienne ne consacrait pas une rupture d'égalité entre les héritiers, contraire à la conception française de l'ordre public international, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ que la réserve héréditaire, qui garantit la cohésion familiale et le principe d'égalité entre les héritiers du de cujus, en lui interdisant d'exhéréder ses enfants ou seulement une partie d'entre eux, doit être considérée comme un principe essentiel du droit français, relevant de la conception française de l'ordre public international ; qu'en considérant le contraire par des motifs supposés adoptés, la cour d'appel a violé le principe d'égalité entre les héritiers et les articles 3, 912 et 913 du code civil ;
Mais attendu qu'une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d'espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels ;
Et attendu qu'après avoir énoncé que la loi normalement applicable à la succession est celle de l'Etat de Californie, qui ne connaît pas la réserve héréditaire, l'arrêt relève qu'il n'est pas soutenu que l'application de cette loi laisserait l'un ou l'autre des consorts Y..., tous majeurs au jour du décès de leur père, dans une situation de précarité économique ou de besoin, que Michel Y... résidait depuis presque trente ans en Californie, où sont nés ses trois derniers enfants, et que tout son patrimoine immobilier et une grande partie de son patrimoine mobilier sont situés aux Etats-Unis ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui a procédé aux recherches prétendument omises, en a exactement déduit que la loi californienne ayant permis à Michel Y... de disposer de tous ses biens en faveur d'un trust bénéficiant à son épouse, mère de leurs deux filles alors mineures, sans en réserver une part à ses autres enfants, ne heurtait pas l'ordre public international français ; que le moyen, inopérant en ses cinquième, sixième et septième branches qui critiquent des motifs surabondants du jugement, ne peut être accueilli en ses autres branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. Christian et David Y... et Mmes Agathe et B... Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour MM. Christian et David Y... et Mmes Agathe et B... Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté MM. Christian et David Y... et Mmes Agathe et B... Y... de toutes leurs demandes et, notamment, de leur demande de prélèvement sur la masse successorale de Michel Y... au titre de leur réserve héréditaire ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, selon la règle française de conflit de lois, le dernier domicile du défunt étant situé en Californie, sa succession mobilière est régie par la loi de l'Etat de Californie ; qu'il n'est pas fait état de l'existence d'actifs immobiliers situés en France ; que la loi de l'Etat de Californie ne connaît pas la réserve héréditaire ; que le trust institué par les époux Y... a pour effet de priver les consorts Y... de toute part successorale dans la succession de leur père ; que les dispositions de la loi étrangère ne sont pas contraires à l'ordre public international français par cela seul qu'elles différent des dispositions impératives du droit français, mais uniquement en ce qu'elles contreviennent à des principes essentiels de ce droit ; que les modifications apportées en France par la loi du 23 juin 2006 au droit des successions, telles l'exclusion des ascendants du bénéfice de la réserve, la faculté de renoncer de façon anticipée à l'action en réduction, l'exclusion des assurances-vie de la masse successorale, la réduction en valeur et plus en nature, et les mécanisme instaurés par le règlement européen du 4 juillet 2012 marqués par une plus grande liberté de tester et l'anticipation successorale, désormais en vigueur en France, ont fait évoluer le sens de la réserve héréditaire ; que la fonction alimentaire de celle-ci prend le pas sur sa fonction de conservation des biens dans la famille ; qu'elle n'en demeure pas moins l'expression d'un devoir de famille et touche en cela aux fondements de la société ; que cependant, les exigences de l'ordre public international doivent être appréciées de manière concrète et ce n'est pas tant l'absence de réserve héréditaire dans la loi étrangère qui doit conduire à déclencher l'exception d'ordre public que la résultat de son application au litige ; qu'il n'est ni démontré, ni soutenu que l'application de la loi californienne ignorant la réserve héréditaire laisserait l'un ou l'autre des consorts Y..., tous majeurs au jour du décès de leur père, dans une situation de précarité économique ou de besoin ; que s'il est argué du handicap de M. David Y..., il n'est en rien établi ni allégué que l'intéressé était économiquement dépendant de son père avant son décès et se trouverait dans un état de précarité financière depuis celui-ci, étant observé que le code des successions de l'Etat de Californie (sections 6540 et 6541) comporte des dispositions permettant l'octroi par le juge d'une allocation familiale alimentaire de secours sur la succession au profit des enfants adultes d'un défunt qui étaient effectivement en totalité ou en partie à sa charge ; que dès lors, le fait que la loi californienne applicable à sa succession en vertu des règles de conflit de lois, ait permis à Michel Y..., résidant habituellement depuis 30 ans en Californie, où sont nés ses trois derniers enfants, et dont le patrimoine immobilier et une grande partie du patrimoine mobilier se trouvent aux Etats-Unis, de disposer de tous ses biens en faveur d'un trust bénéficiant à son épouse, mère de ses deux filles mineures, âgées de 11 et 13 ans à son décès, sans en réserver une part à ses enfants issus de précédentes unions, ne heurte pas la conception française de l'ordre public international à un degré tel qu'il doive conduire à déclencher l'exception d'ordre public international ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté les consorts Y... de leur demande aux fins de substitution de la loi française à la loi californienne, d'application de la réserve héréditaire à leur profit et de désignation d'un expert à l'effet d'établir la masse de calcul de leur part réservataire ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE le principe d'égalité des enfants entre eux au regard de leurs droits successoraux consacré par l'article 912 du code civil qui prévoit une réserve héréditaire au profit de chacun, relève incontestablement de l'ordre public français, au sens de l'article 6 du code civil ; que dans le cas où, en application de la règle de conflit de lois, la situation litigieuse soumise au tribunal français est régie par une loi étrangère, la juridiction saisie doit veiller, au moyen de l'exception d'ordre public international, à ce que l'application concrète de cette loi ne vise par des valeurs considérées comme essentielles ; qu'en l'espèce, les consorts Y... ne démontrent pas que le maintien de la réserve héréditaire relève de l'ordre public international français ; que si la Cour de cassation a pu affirmer, dans un arrêt du 27 avril 1868 (DP 1868, I, 302) que le principe d'égalité des partages « tient si essentiellement à l'ordre public que dans aucun cas et sous aucun prétexte, il ne peut être atteint en France par les dispositions contraires des coutumes locales étrangères, quelles qu'elles soient, qui tendraient à en suspendre ou à en modifier les effets », elle a ensuite jugé, dans un arrêt Lautour du 25 mai 1948 que les dispositions de la loi étrangère applicable « ne sont pas contraires à l'ordre public international français par cela seul qu'elles différent des dispositions impératives du droit français mais uniquement en ce qu'elles heurtent des principes de justice universelle considérés dans l'opinion française comme doués de valeur internationale absolue » ; que malgré son importance dans le droit interne français, l'institution de réserve successorale n'a jamais été consacrée par la Cour de Cassation comme contraire à des valeurs que l'ordre juridique français considère comme universelles, comme pourrait l'être toute disposition d'une loi étrangère qui réduirait ou supprimerait les droits d'une personne pour des raisons d'ordre social, racial, politique, sexuel ou religieux ; qu'en l'espèce, le droit successoral californien qui ne prévoit aucune forme de discrimination, n'est donc pas contraire à l'ordre public international français en ce qu'il ignore la réserve héréditaire d'un héritier français ; qu'il n'est pas contesté que la réserve serait fondée sur un devoir familial qu'aurait le défunt de laisser une fraction de ses biens à ses enfants : mais le contenu de l'ordre public est susceptible de varier au fil du temps et des évolutions de la société et les réformes législatives intervenues depuis traduisent un affaiblissement de la réserve, notamment après l'adoption de la loi du 23 juin 2006 sur les successions et la généralisation de la réduction en valeur ; que le tribunal relève enfin que le règlement successoral européen n° 650/2012 du 4 juillet 2012, applicable aux successions ouvertes en France à compter du 17 août 2015 (art. 83 § 1) autorise désormais une profesio juris, qui permet au disposant d'organiser dès à présent sa succession en optant entre la loi successorale de sa dernière résidence habituelle et celle de sa nationalité, pour un décès survenant à partir du 17 août 2015 ; que l'article 27-2 du règlement prévoit que « l'application d'une disposition de la loi désignée par le présent règlement ne peut être considérée comme contraire à l'ordre public du for au seul motif que ses modalités concernant la réserve héréditaire sont différentes de celle en vigueur dans le for » ; qu'un français résidant habituellement dans un pays étranger dont le droit ne connaît pas l'institution de la réserve, tels les pays de droit anglo-saxon, pourra, dès lors, valablement écarter ses descendants de sa succession au profit de tout autre personne physique ou morale ; que si le Conseil constitutionnel estime, dans le considérant 6 de sa décision qu' « afin de rétablir l'égalité entre les héritiers garantie par la loi française, le législateur pouvait fonder une différence de traitement sur la circonstance que la loi étrangère privilégie l'héritier étranger au détriment de l'héritier français (
) », le législateur n'a pas jugé utile, jusqu'à présent, de prendre une disposition permettant à tout héritier, français ou non, lésé en application d'une loi successorale étrangère, d'opérer un prélèvement sur les biens successoraux situés en France, étant observé que le règlement précité ne l'interdit pas ; qu'aucune une violation de l'ordre public international français n'est démontrée ;
ALORS, 1°), QUE doit être écartée par le juge la loi étrangère qui, bien qu'en principe applicable en vertu de la règle de conflit de lois, est contraire à la conception française de l'ordre public international ; qu'en tant qu'elle garantit la cohésion familiale et le principe d'égalité entre les héritiers, la réserve héréditaire, qui interdit au de cujus d'exhéréder ses enfants ou seulement une partie d'en eux, constitue un principe essentiel du droit français, relevant de la conception française de l'ordre public international ; qu'en jugeant que l'application en l'espèce de la loi californienne, qui ignore la réserve et se borne à prévoir une créance alimentaire de secours au profit de l'enfant majeur effectivement à la charge du défunt, ne contrevenait pas à la conception française de l'ordre public international, dès lors qu'il n'était pas démontré que l'absence de réserve héréditaire laisserait les quatre premiers enfants du de cujus dans un état de précarité ou de besoin, et en réduisant ainsi la réserve héréditaire à une fonction purement alimentaire, la cour d'appel a violé le principe d'égalité entre les héritiers et les articles 3, 912 et 913 du code civil ;
ALORS, 2°), QU'en ne recherchant pas si, l'application, en l'espèce, de la loi californienne n'avait pas permis à Michel Y... de déshériter ses quatre premiers enfants au seul profit de sa dernière épouse et de ses deux dernières filles au mépris du principe essentiel du droit français d'égalité entre les héritiers, que tend à garantir la réserve héréditaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe d'égalité entre les héritiers et les articles 3, 912 et 913 du code civil ;
ALORS, 3°), QUE l'ordre public de proximité ne joue pas en présence de principes essentiels du droit français : qu'en considérant, pour écarter l'exception d'ordre public opposée à la loi californienne, que Michel Y... résidait depuis près de trente ans en Californie où étaient nés ses trois derniers enfants et où étaient situés son patrimoine immobilier et une grande partie de son patrimoine mobilier, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ;
ALORS, 4°) et en tout état de cause, QU'en ne recherchant pas si litige conservait avec la France un lien privilégié dès lors que Michel Y..., bien qu'il ait résidé aux Etats-Unis les trente dernières années de sa vie, qu'y soient nés ses trois derniers enfants et qu'y soient situés son patrimoine immobilier et une partie de son patrimoine mobilier, avait conservé la nationalité française qu'il avait transmise à tous ses enfants, même ceux nés aux Etats-Unis, que trois de ses enfants résidaient en France et qu'une partie de sa succession était composée de meubles situés en France, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 3 du code civil ;
ALORS, 5°), QU'en considérant, par des motifs supposés adoptés, qu'il n'était pas démontré que le droit successoral californien bien qu'il ignore la réserve héréditaire était contraire à la conception française de l'ordre public international, que la réserve héréditaire n'avait jamais été consacrée par la Cour de cassation comme un principe ayant valeur universelle, comme l'est le principe de non-discrimination, cependant que, sans pourvoir se retrancher derrière le silence de la loi ou statuer par voie de règlement, il lui appartenait de rechercher elle-même si la violation de la réserve héréditaire des consorts Y... par l'application de la loi californienne était ou non contraire à la conception française de l'ordre public international, la cour d'appel a violé les articles 3, 4 et 5 du code civil ;
ALORS, 6°), QU'en considérant, par des motifs supposés adoptés que les réformes législatives intervenues traduisaient un affaiblissement de la réserve, que le règlement européen des successions, applicables aux successions ouvertes à compter du 17 août 2015, prévoyait que le règlement ne pouvait être déclaré contraire à l'ordre public du for au seul motif que ses modalités concernant la réserve sont différents de celle en vigueur dans le for, et que le législateur, après l'abrogation de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, n'avait pas jugé utile de permettre à un héritier, français ou non, d'opérer un prélèvement sur les biens successoraux situés en France, cependant que ces motifs, en partie fondés sur un texte non applicable en l'espèce, procédaient par voie de simples affirmations générales et sans rechercher concrètement, si en l'espèce, l'application de la loi californienne ne consacrait pas une rupture d'égalité entre les héritiers, contraire à la conception française de l'ordre public international, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, 7°), QUE la réserve héréditaire, qui garantit la cohésion familiale et le principe d'égalité entre les héritiers du de cujus, en lui interdisant d'exhéréder ses enfants ou seulement une partie d'en eux, doit être considérée comme un principe essentiel du droit français, relevant de la conception française de l'ordre public international ; qu'en considérant le contraire par des motifs supposés adoptés, la cour d'appel a violé le principe d'égalité entre les héritiers et les articles 3, 912 et 913 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2017:C101004
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2015), que Michel Y..., compositeur de musique, s'est marié le 13 octobre 1990 avec Mme C... ; que le 14 février 1999, il a établi et fait enregistrer, aux Etats-Unis, un testament aux termes duquel il a légué tous ses biens au Y... family trust ; que le 16 février 1999, Michel Y... et Mme C... ont organisé la gestion de leur patrimoine sous la forme de ce trust commun, prévoyant que l'époux survivant deviendrait l'unique bénéficiaire de l'intégralité des biens du couple, lesquels doivent revenir, au décès de ce dernier, à leurs deux filles ; que Michel Y... est décédé le [...] à [...] , Etat de Californie (Etats-Unis d'Amérique), laissant à sa survivance son épouse, leurs deux enfants, D... et E... , et quatre autres enfants issus d'unions et d'une relation antérieures, Christian, David, Agathe et B... ; que Mme C... estimant être la seule bénéficiaire de la succession de Michel Y..., qui comprend des immeubles aux Etats-Unis et des biens mobiliers aux Etats-Unis et en France, dont les redevances et droits d'auteur attachés à ses compositions musicales, MM. Christian et David Y... et Mme Agathe Y... ont saisi un tribunal de grande instance d'une action en prélèvement sur les actifs successoraux situés en France, fondée sur l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ; que, par décision du 5 août 2011 (n° 2011-159 QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition contraire à la Constitution ; que MM. Christian et David Y... et Mmes Agathe et B... Y... (les consorts Y...) ont alors demandé d'exercer leurs droits d'héritiers réservataires sur la masse successorale, en soutenant que l'ordre public international français s'opposait à l'application de la loi californienne, qui ignore la réserve ;
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes et, notamment, celle tendant au prélèvement sur la masse successorale de Michel Y... au titre de leur réserve héréditaire, alors, selon le moyen :
1°/ que doit être écartée par le juge la loi étrangère qui, bien qu'en principe applicable en vertu de la règle de conflit de lois, est contraire à la conception française de l'ordre public international ; qu'en tant qu'elle garantit la cohésion familiale et le principe d'égalité entre les héritiers, la réserve héréditaire, qui interdit au de cujus d'exhéréder ses enfants ou seulement une partie d'entre eux, constitue un principe essentiel du droit français, relevant de la conception française de l'ordre public international ; qu'en jugeant que l'application en l'espèce de la loi californienne, qui ignore la réserve et se borne à prévoir une créance alimentaire de secours au profit de l'enfant majeur effectivement à la charge du défunt, ne contrevenait pas à la conception française de l'ordre public international, dès lors qu'il n'était pas démontré que l'absence de réserve héréditaire laisserait les quatre premiers enfants du de cujus dans un état de précarité ou de besoin, et en réduisant ainsi la réserve héréditaire à une fonction purement alimentaire, la cour d'appel a violé le principe d'égalité entre les héritiers et les articles 3, 912 et 913 du code civil ;
2°/ qu'en ne recherchant pas si, l'application, en l'espèce, de la loi californienne n'avait pas permis à Michel Y... de déshériter ses quatre premiers enfants au seul profit de sa dernière épouse et de ses deux dernières filles au mépris du principe essentiel du droit français d'égalité entre les héritiers, que tend à garantir la réserve héréditaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe d'égalité entre les héritiers et les articles 3, 912 et 913 du code civil ;
3°/ que l'ordre public de proximité ne joue pas en présence de principes essentiels du droit français ; qu'en considérant, pour écarter l'exception d'ordre public opposée à la loi californienne, que Michel Y... résidait depuis près de trente ans en Californie où étaient nés ses trois derniers enfants et où étaient situés son patrimoine immobilier et une grande partie de son patrimoine mobilier, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ;
4°/ qu'en ne recherchant pas si le litige conservait avec la France un lien privilégié dès lors que Michel Y..., bien qu'il ait résidé aux Etats-Unis les trente dernières années de sa vie, qu'y soient nés ses trois derniers enfants et qu'y soient situés son patrimoine immobilier et une partie de son patrimoine mobilier, avait conservé la nationalité française qu'il avait transmise à tous ses enfants, même ceux nés aux Etats-Unis, que trois de ses enfants résidaient en France et qu'une partie de sa succession était composée de meubles situés en France, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 3 du code civil ;
5°/ qu'en considérant, par des motifs supposés adoptés, qu'il n'était pas démontré que le droit successoral californien bien qu'il ignore la réserve héréditaire était contraire à la conception française de l'ordre public international, que la réserve héréditaire n'avait jamais été consacrée par la Cour de cassation comme un principe ayant valeur universelle, comme l'est le principe de non-discrimination, cependant que, sans pouvoir se retrancher derrière le silence de la loi ou statuer par voie de règlement, il lui appartenait de rechercher elle-même si la violation de la réserve héréditaire des consorts Y... par l'application de la loi californienne était ou non contraire à la conception française de l'ordre public international, la cour d'appel a violé les articles 3, 4 et 5 du code civil ;
6°/ qu'en considérant, par des motifs supposés adoptés que les réformes législatives intervenues traduisaient un affaiblissement de la réserve, que le règlement européen des successions, applicable aux successions ouvertes à compter du 17 août 2015, prévoyait que le règlement ne pouvait être déclaré contraire à l'ordre public du for au seul motif que ses modalités concernant la réserve sont différentes de celles en vigueur dans le for, et que le législateur, après l'abrogation de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, n'avait pas jugé utile de permettre à un héritier, français ou non, d'opérer un prélèvement sur les biens successoraux situés en France, cependant que ces motifs, en partie fondés sur un texte non applicable en l'espèce, procédaient par voie de simples affirmations générales et sans rechercher concrètement, si en l'espèce, l'application de la loi californienne ne consacrait pas une rupture d'égalité entre les héritiers, contraire à la conception française de l'ordre public international, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ que la réserve héréditaire, qui garantit la cohésion familiale et le principe d'égalité entre les héritiers du de cujus, en lui interdisant d'exhéréder ses enfants ou seulement une partie d'entre eux, doit être considérée comme un principe essentiel du droit français, relevant de la conception française de l'ordre public international ; qu'en considérant le contraire par des motifs supposés adoptés, la cour d'appel a violé le principe d'égalité entre les héritiers et les articles 3, 912 et 913 du code civil ;
Mais attendu qu'une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d'espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels ;
Et attendu qu'après avoir énoncé que la loi normalement applicable à la succession est celle de l'Etat de Californie, qui ne connaît pas la réserve héréditaire, l'arrêt relève qu'il n'est pas soutenu que l'application de cette loi laisserait l'un ou l'autre des consorts Y..., tous majeurs au jour du décès de leur père, dans une situation de précarité économique ou de besoin, que Michel Y... résidait depuis presque trente ans en Californie, où sont nés ses trois derniers enfants, et que tout son patrimoine immobilier et une grande partie de son patrimoine mobilier sont situés aux Etats-Unis ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui a procédé aux recherches prétendument omises, en a exactement déduit que la loi californienne ayant permis à Michel Y... de disposer de tous ses biens en faveur d'un trust bénéficiant à son épouse, mère de leurs deux filles alors mineures, sans en réserver une part à ses autres enfants, ne heurtait pas l'ordre public international français ; que le moyen, inopérant en ses cinquième, sixième et septième branches qui critiquent des motifs surabondants du jugement, ne peut être accueilli en ses autres branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. Christian et David Y... et Mmes Agathe et B... Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour MM. Christian et David Y... et Mmes Agathe et B... Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté MM. Christian et David Y... et Mmes Agathe et B... Y... de toutes leurs demandes et, notamment, de leur demande de prélèvement sur la masse successorale de Michel Y... au titre de leur réserve héréditaire ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, selon la règle française de conflit de lois, le dernier domicile du défunt étant situé en Californie, sa succession mobilière est régie par la loi de l'Etat de Californie ; qu'il n'est pas fait état de l'existence d'actifs immobiliers situés en France ; que la loi de l'Etat de Californie ne connaît pas la réserve héréditaire ; que le trust institué par les époux Y... a pour effet de priver les consorts Y... de toute part successorale dans la succession de leur père ; que les dispositions de la loi étrangère ne sont pas contraires à l'ordre public international français par cela seul qu'elles différent des dispositions impératives du droit français, mais uniquement en ce qu'elles contreviennent à des principes essentiels de ce droit ; que les modifications apportées en France par la loi du 23 juin 2006 au droit des successions, telles l'exclusion des ascendants du bénéfice de la réserve, la faculté de renoncer de façon anticipée à l'action en réduction, l'exclusion des assurances-vie de la masse successorale, la réduction en valeur et plus en nature, et les mécanisme instaurés par le règlement européen du 4 juillet 2012 marqués par une plus grande liberté de tester et l'anticipation successorale, désormais en vigueur en France, ont fait évoluer le sens de la réserve héréditaire ; que la fonction alimentaire de celle-ci prend le pas sur sa fonction de conservation des biens dans la famille ; qu'elle n'en demeure pas moins l'expression d'un devoir de famille et touche en cela aux fondements de la société ; que cependant, les exigences de l'ordre public international doivent être appréciées de manière concrète et ce n'est pas tant l'absence de réserve héréditaire dans la loi étrangère qui doit conduire à déclencher l'exception d'ordre public que la résultat de son application au litige ; qu'il n'est ni démontré, ni soutenu que l'application de la loi californienne ignorant la réserve héréditaire laisserait l'un ou l'autre des consorts Y..., tous majeurs au jour du décès de leur père, dans une situation de précarité économique ou de besoin ; que s'il est argué du handicap de M. David Y..., il n'est en rien établi ni allégué que l'intéressé était économiquement dépendant de son père avant son décès et se trouverait dans un état de précarité financière depuis celui-ci, étant observé que le code des successions de l'Etat de Californie (sections 6540 et 6541) comporte des dispositions permettant l'octroi par le juge d'une allocation familiale alimentaire de secours sur la succession au profit des enfants adultes d'un défunt qui étaient effectivement en totalité ou en partie à sa charge ; que dès lors, le fait que la loi californienne applicable à sa succession en vertu des règles de conflit de lois, ait permis à Michel Y..., résidant habituellement depuis 30 ans en Californie, où sont nés ses trois derniers enfants, et dont le patrimoine immobilier et une grande partie du patrimoine mobilier se trouvent aux Etats-Unis, de disposer de tous ses biens en faveur d'un trust bénéficiant à son épouse, mère de ses deux filles mineures, âgées de 11 et 13 ans à son décès, sans en réserver une part à ses enfants issus de précédentes unions, ne heurte pas la conception française de l'ordre public international à un degré tel qu'il doive conduire à déclencher l'exception d'ordre public international ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté les consorts Y... de leur demande aux fins de substitution de la loi française à la loi californienne, d'application de la réserve héréditaire à leur profit et de désignation d'un expert à l'effet d'établir la masse de calcul de leur part réservataire ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE le principe d'égalité des enfants entre eux au regard de leurs droits successoraux consacré par l'article 912 du code civil qui prévoit une réserve héréditaire au profit de chacun, relève incontestablement de l'ordre public français, au sens de l'article 6 du code civil ; que dans le cas où, en application de la règle de conflit de lois, la situation litigieuse soumise au tribunal français est régie par une loi étrangère, la juridiction saisie doit veiller, au moyen de l'exception d'ordre public international, à ce que l'application concrète de cette loi ne vise par des valeurs considérées comme essentielles ; qu'en l'espèce, les consorts Y... ne démontrent pas que le maintien de la réserve héréditaire relève de l'ordre public international français ; que si la Cour de cassation a pu affirmer, dans un arrêt du 27 avril 1868 (DP 1868, I, 302) que le principe d'égalité des partages « tient si essentiellement à l'ordre public que dans aucun cas et sous aucun prétexte, il ne peut être atteint en France par les dispositions contraires des coutumes locales étrangères, quelles qu'elles soient, qui tendraient à en suspendre ou à en modifier les effets », elle a ensuite jugé, dans un arrêt Lautour du 25 mai 1948 que les dispositions de la loi étrangère applicable « ne sont pas contraires à l'ordre public international français par cela seul qu'elles différent des dispositions impératives du droit français mais uniquement en ce qu'elles heurtent des principes de justice universelle considérés dans l'opinion française comme doués de valeur internationale absolue » ; que malgré son importance dans le droit interne français, l'institution de réserve successorale n'a jamais été consacrée par la Cour de Cassation comme contraire à des valeurs que l'ordre juridique français considère comme universelles, comme pourrait l'être toute disposition d'une loi étrangère qui réduirait ou supprimerait les droits d'une personne pour des raisons d'ordre social, racial, politique, sexuel ou religieux ; qu'en l'espèce, le droit successoral californien qui ne prévoit aucune forme de discrimination, n'est donc pas contraire à l'ordre public international français en ce qu'il ignore la réserve héréditaire d'un héritier français ; qu'il n'est pas contesté que la réserve serait fondée sur un devoir familial qu'aurait le défunt de laisser une fraction de ses biens à ses enfants : mais le contenu de l'ordre public est susceptible de varier au fil du temps et des évolutions de la société et les réformes législatives intervenues depuis traduisent un affaiblissement de la réserve, notamment après l'adoption de la loi du 23 juin 2006 sur les successions et la généralisation de la réduction en valeur ; que le tribunal relève enfin que le règlement successoral européen n° 650/2012 du 4 juillet 2012, applicable aux successions ouvertes en France à compter du 17 août 2015 (art. 83 § 1) autorise désormais une profesio juris, qui permet au disposant d'organiser dès à présent sa succession en optant entre la loi successorale de sa dernière résidence habituelle et celle de sa nationalité, pour un décès survenant à partir du 17 août 2015 ; que l'article 27-2 du règlement prévoit que « l'application d'une disposition de la loi désignée par le présent règlement ne peut être considérée comme contraire à l'ordre public du for au seul motif que ses modalités concernant la réserve héréditaire sont différentes de celle en vigueur dans le for » ; qu'un français résidant habituellement dans un pays étranger dont le droit ne connaît pas l'institution de la réserve, tels les pays de droit anglo-saxon, pourra, dès lors, valablement écarter ses descendants de sa succession au profit de tout autre personne physique ou morale ; que si le Conseil constitutionnel estime, dans le considérant 6 de sa décision qu' « afin de rétablir l'égalité entre les héritiers garantie par la loi française, le législateur pouvait fonder une différence de traitement sur la circonstance que la loi étrangère privilégie l'héritier étranger au détriment de l'héritier français (
) », le législateur n'a pas jugé utile, jusqu'à présent, de prendre une disposition permettant à tout héritier, français ou non, lésé en application d'une loi successorale étrangère, d'opérer un prélèvement sur les biens successoraux situés en France, étant observé que le règlement précité ne l'interdit pas ; qu'aucune une violation de l'ordre public international français n'est démontrée ;
ALORS, 1°), QUE doit être écartée par le juge la loi étrangère qui, bien qu'en principe applicable en vertu de la règle de conflit de lois, est contraire à la conception française de l'ordre public international ; qu'en tant qu'elle garantit la cohésion familiale et le principe d'égalité entre les héritiers, la réserve héréditaire, qui interdit au de cujus d'exhéréder ses enfants ou seulement une partie d'en eux, constitue un principe essentiel du droit français, relevant de la conception française de l'ordre public international ; qu'en jugeant que l'application en l'espèce de la loi californienne, qui ignore la réserve et se borne à prévoir une créance alimentaire de secours au profit de l'enfant majeur effectivement à la charge du défunt, ne contrevenait pas à la conception française de l'ordre public international, dès lors qu'il n'était pas démontré que l'absence de réserve héréditaire laisserait les quatre premiers enfants du de cujus dans un état de précarité ou de besoin, et en réduisant ainsi la réserve héréditaire à une fonction purement alimentaire, la cour d'appel a violé le principe d'égalité entre les héritiers et les articles 3, 912 et 913 du code civil ;
ALORS, 2°), QU'en ne recherchant pas si, l'application, en l'espèce, de la loi californienne n'avait pas permis à Michel Y... de déshériter ses quatre premiers enfants au seul profit de sa dernière épouse et de ses deux dernières filles au mépris du principe essentiel du droit français d'égalité entre les héritiers, que tend à garantir la réserve héréditaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe d'égalité entre les héritiers et les articles 3, 912 et 913 du code civil ;
ALORS, 3°), QUE l'ordre public de proximité ne joue pas en présence de principes essentiels du droit français : qu'en considérant, pour écarter l'exception d'ordre public opposée à la loi californienne, que Michel Y... résidait depuis près de trente ans en Californie où étaient nés ses trois derniers enfants et où étaient situés son patrimoine immobilier et une grande partie de son patrimoine mobilier, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil ;
ALORS, 4°) et en tout état de cause, QU'en ne recherchant pas si litige conservait avec la France un lien privilégié dès lors que Michel Y..., bien qu'il ait résidé aux Etats-Unis les trente dernières années de sa vie, qu'y soient nés ses trois derniers enfants et qu'y soient situés son patrimoine immobilier et une partie de son patrimoine mobilier, avait conservé la nationalité française qu'il avait transmise à tous ses enfants, même ceux nés aux Etats-Unis, que trois de ses enfants résidaient en France et qu'une partie de sa succession était composée de meubles situés en France, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 3 du code civil ;
ALORS, 5°), QU'en considérant, par des motifs supposés adoptés, qu'il n'était pas démontré que le droit successoral californien bien qu'il ignore la réserve héréditaire était contraire à la conception française de l'ordre public international, que la réserve héréditaire n'avait jamais été consacrée par la Cour de cassation comme un principe ayant valeur universelle, comme l'est le principe de non-discrimination, cependant que, sans pourvoir se retrancher derrière le silence de la loi ou statuer par voie de règlement, il lui appartenait de rechercher elle-même si la violation de la réserve héréditaire des consorts Y... par l'application de la loi californienne était ou non contraire à la conception française de l'ordre public international, la cour d'appel a violé les articles 3, 4 et 5 du code civil ;
ALORS, 6°), QU'en considérant, par des motifs supposés adoptés que les réformes législatives intervenues traduisaient un affaiblissement de la réserve, que le règlement européen des successions, applicables aux successions ouvertes à compter du 17 août 2015, prévoyait que le règlement ne pouvait être déclaré contraire à l'ordre public du for au seul motif que ses modalités concernant la réserve sont différents de celle en vigueur dans le for, et que le législateur, après l'abrogation de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819, n'avait pas jugé utile de permettre à un héritier, français ou non, d'opérer un prélèvement sur les biens successoraux situés en France, cependant que ces motifs, en partie fondés sur un texte non applicable en l'espèce, procédaient par voie de simples affirmations générales et sans rechercher concrètement, si en l'espèce, l'application de la loi californienne ne consacrait pas une rupture d'égalité entre les héritiers, contraire à la conception française de l'ordre public international, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, 7°), QUE la réserve héréditaire, qui garantit la cohésion familiale et le principe d'égalité entre les héritiers du de cujus, en lui interdisant d'exhéréder ses enfants ou seulement une partie d'en eux, doit être considérée comme un principe essentiel du droit français, relevant de la conception française de l'ordre public international ; qu'en considérant le contraire par des motifs supposés adoptés, la cour d'appel a violé le principe d'égalité entre les héritiers et les articles 3, 912 et 913 du code civil.