Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 21 septembre 2017, 16-18.088, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon ce texte, que le caractère professionnel d'une maladie désignée dans l'un des tableaux des maladies professionnelles lorsqu'une ou plusieurs des conditions prévues par ce dernier ne sont pas remplies, ou d'une maladie non désignée dans un tableau, ne peut être reconnu qu'après avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ancien salarié de la société Robatel industries (l'employeur) en qualité de chaudronnier, Rodolphe Y... a souscrit le 20 janvier 2008 une déclaration de reconnaissance du caractère professionnel du cancer broncho-pulmonaire dont il est décédé le [...] ; que le 18 décembre 2009, la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche (la caisse) a reconnu le caractère professionnel de cette pathologie au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles ; que les ayants droit de Rodolphe Y... ayant saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) et accepté les offres d'indemnisation qui leur ont été adressées, ce fonds a saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;

Attendu que pour accueillir ce recours, l'arrêt, après avoir relevé que les conditions tenant à la liste des travaux énoncés au tableau n° 30 bis n'étaient pas réunies, retient que si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut, en application de l'article L. 461-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime ; que si, dans les rapports entre la caisse et l'assuré, une telle reconnaissance suppose nécessairement que celle-ci recueille préalablement l'avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, cette preuve est libre dans les rapports entre l'assuré et son employeur dans le cadre de l'instance tendant à faire reconnaître la faute inexcusable de ce dernier ; qu'il résulte des éléments du dossier que le caractère habituel de l'exposition aux poussières d'amiante pendant plus de dix ans est établi et que la preuve est rapportée que le cancer-broncho pulmonaire de Rodolphe Y... et le décès qui en a été la suite directe, ont un caractère professionnel ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur contestait, en défense à l'action en reconnaissance de sa faute inexcusable, le caractère professionnel de la maladie de son ancien salarié, ce dont il résultait qu'elle devait recueillir au préalable l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit inopposable à la société Robatel industries la décision du 18 décembre 2009 de la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche de prise en charge au titre de la législation professionnelle du décès de Rodolphe Y... en date du [...] ayant suivi sa maladie professionnelle, l'arrêt rendu le 20 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Robatel industries.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la maladie professionnelle dont est décédé M. Y... est due à la faute inexcusable de la société Robatel Industries, ordonné la majoration maximale de rente de conjoint survivant et fixé les réparations des préjudices personnels de M. Y... à la somme totale de 119 700 € et des préjudices moraux des ayants droit à la somme totale de 93 800 € et d'avoir dit que la caisse pourrait exercer son action récursoire à l'encontre de la société Robatel Industries ;

AUX MOTIFS QUE - Sur le caractère professionnel de la pathologie et du décès : La société Robatel Industries discute le caractère professionnel de la maladie prise en charge par la caisse. En application de l'article L.461-1 al.2 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. En l'espèce, le cancer broncho-pulmonaire dont a souffert Rodolphe Y... figure sur le tableau 30 Bis des maladies professionnelles. Ainsi que le rappelle la société Robatel Industries dans ses écritures, et contrairement à ce qu'a retenu le tribunal des affaires de Sécurité sociale, les travaux susceptibles de provoquer la maladie sont limitativement énumérés dans ce tableau, à savoir : -travaux directement associés à la production des matériaux contenant de l'amiante, -travaux nécessitant l'utilisation d'amiante en vrac, -travaux d'isolation utilisant des matériaux contenant de l'amiante ; -travaux de retrait d'amiante, -travaux de pose et de dépose de matériaux isolants à base d'amiante, -travaux de construction et de réparation navale, -travaux d'usinage, de découpe et de ponçage de matériaux contenant de l'amiante, -fabrication de matériels de friction contenant de l'amiante, -travaux d'entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante. Dans ses rapports avec la société Robatel Industries, il appartient donc au FIVA, qui met en avant présomption prévue par l'article L 461-1 al. 2 du code de la sécurité sociale, d'établir notamment que Rodolphe Y... a été exposé au risque dans ces conditions limitativement énumérées. En l'espèce; il ressort du rapport d'enquête administrative de la caisse du 17 août 2009 que l'activité Professionnelle de Rodolphe .Y... a été la suivante : -de 1974 à 1978 : chaudronnier au sein de La Soudure Moderne à Issy-les-Moulineaux, -de novembre 1979 au 31 mai 1980: chaudronnier au sein de Friedlander à Valognes, -du 23 juin 1980 au 27 mars 1997 : chaudronnier au sein de la société Robatel Industries, -du 20 septembre 1999 au 31 décembre 2002: monteur au sein de TP Conseils à Isigny-sur-Mer, -à compter du 6 janvier 2003 : chaudronnier au sein de CTI ADN à Teurtheville-Hague. S'agissant de la société Robatel Industries, les pièces versées au débat montrent qu'il a travaillé au sein de l'établissement situé ZI de Dugulleville à Beaumont-Hague et exercé des missions régulières entre 1993 et 1997 sur le site de la Cogema. Le rapport d'enquête administrative de la caisse indique que Rodolphe Y... a effectué des travaux l'exposant à la poussière d'amiante dans les entreprises suivantes : -La Soudure Moderne, et Friedlander, sociétés qui n'existent plus, -Robatel Industries, Toutefois, les conditions de travail de Rodolphe Y... au sein des sociétés Soudure Moderne à Issy-les-Moulineaux et de Friedlander à Valognes ne sont pas détaillées dans ce rapport en :sorte qu'il est impossible de considérer qu'il y a été exposé à l'amiante dans le cadre de l'un des travaux énoncés dans le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles. S'agissant des tâches réalisées au sein de la société Robatel Industries, il ne résulte pas des déclarations de l'employeur recueillies dans le cadre de l'enquête de la caisse, ni de son rapport décrivant le poste de travail de Rodolphe Y... adressé à la caisse le 16 septembre 2009, que, celui a réalisé des travaux énoncés dans ce même tableau. Certes, la société Robatel Industries concède dans ses écritures que des matériaux contenant de l'amiante ont été utilisés à une époque où cette utilisation n'était pas interdite mais il ne peut être déduit de cette reconnaissance les éléments suffisants pour considérer que Rodolphe Y... a réalisé de tels travaux. L'enquêteur de la caisse a cependant relevé les déclarations de M. A..., salarié de la société Robatel Industries indiquant que Rodolphe Y... travaillait dans l'atelier au sein duquel l'usinage de plomb 's'effectuait, les ouvriers du plomb utilisant du Sindanyo, un produit amianté, dans la réalisation d'équipements pour la Cogema. Il ne résulte pas de ces déclarations que Rodolphe Y... a réalisé des travaux énoncés dans le tableau n° 30 Bis, M. A... ayant au demeurant précisé que celui-ci n'avait travaillé qu'occasionnellement sur ces pièces. D'une manière générale, le rapport d'enquête de la caisse du 17 août 2009 n'indique pas en quoi Rodolphe Y... a été exposé dans les conditions limitatives prévues par le tableau 30 Bis. Le FIVA produit par ailleurs les attestations, qui ne sont pas établies en termes identiques, de deux anciens salariés de la société Robatel Industries. L'attestation établie par M. Jean-Luc B... indique : « Étant embauché en 1977, j'ai travaillé ave Rodolphe de 1980 à 1977 pour le compte de la société Robatel. De 1980 à 1992, par périodes, étant moi-même sur le chantier de l'arsenal, puis de 1993 à 1997 plus régulièrement. Nous coulions le plomb sur des plaques d'amiante, ce qui fait qu'il y en avait partout dans l'atelier. Personne ne nous avait prévenus des risques encourus et nous ne portions un masque que lors des coulées. Les aspirations étaient prévues uniquement pour les vapeurs de plomb, et les ventilations étaient les courants d'air des portes ouvertes». L'attestation établie par M. C... D... indique «Étant embauché en 1977, j'ai travaillé avec Rodolphe de 1980 à 1977 pour le compte de la société Robatel. De 1980 à 1992, par périodes, étant moi-même sur le chantier de l'arsenal, puis de 1993 à 1997 plus régulièrement. Le plomb était coulé directement sur des plaques d'amiante et les coffrages étanchés avec, donc il y en avait partout dans l'atelier. Nous n'avons pas été mis en garde du risque dû à l'amiante, les masques étaient portés uniquement pendant des coulées, l'aspiration était juste sur les chaudières et la ventilation inexistante». Une fois encore, il ne résulte pas de ces déclarations que Rodolphe Y... a réalisé des travaux énoncés dans le tableau n° 30 Bis. Cette condition faisant défaut, le FIVA ne peut bénéficier de la présomption précitée de l'article L.461-1 al.2 du code de la sécurité sociale. Néanmoins, si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut, en application de l'article L.461-1 a1.3 du même code, être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Si, dans les rapports entre la caisse et l'assuré, une telle reconnaissance suppose nécessairement que celle-ci recueille préalablement l'avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, cette preuve est libre dans les rapports entre l'assuré et son employeur dans le cadre de l'instance tendant à faire reconnaître la faute inexcusable de ce dernier. En l'espèce, il est produit un certificat médical établi le 28 mai 2009 par le docteur E..., médecin pneumologue intervenant dans le service de pneumologie du centre hospitalier public du [...], mentionnant : « Je soussigné, Docteur C. E..., avoir examiné M. Y... Rodolphe, né le [...] . Il s'agit d'un patient qui a été exposé aux fibres d'amiantes de façon indirecte Il a travaillé comme chaudronnier. Le patient avait été hospitalisé pour hémoptysie en rapport avec un carcinome bronchique droit. Il s'agissait d'un carcinome épidermoïde. Ce carcinome épidermoïde étant en relation directe avec l'exposition aux fibres d'amiante que le patient avait subie. Il s'agissait donc d'une déclaration au tableau 30E». Ce certificat, qu'aucune pièce médicale ne vient contredire, émanant d'un spécialiste en pneumologie ayant examiné Rodolphe Y... établit suffisamment l'existence d'un cancer broncho, pulmonaire en relation avec une, exposition aux fibres d'amiante; et ce indépendamment de l'absence de recherche de fibres asbestosiques au niveau de ses poumons. Le médecin conseil de la caisse a par ailleurs également considéré que la pathologie était en lien avec une exposition à l'amiante. Par ailleurs, la société Robatel Industries indique dans ses écritures que Rodolphe Y... est décédé le [...] des suites de son cancer broncho-pulmonaire. Ce décès sera donc réputé en lien avec une exposition l'amiante puisqu'il a été lui-même la conséquence finale d'une pathologie ayant une telle origine, peu important l'absence d'autopsie du corps de Rodolphe Y.... Par ailleurs, le fait -que la pathologie éprouvée par Rodolphe Y... soit statistiquement reliée: à proportion de 15% à l'amiante, la cause principale étant le tabagisme, est sans incidence dès lors qu'il n'existe aucune preuve, ni même de commencement de preuve, de ce que Rodolphe Y... fumait ou avait fumé du tabac alors, au contraire, que les preuves sont suffisamment rapportées d'une exposition habituelle durable à l'amiante. Ainsi, les éléments précités du dossier (déclaration de M. A... et attestations de M. Jean-Luc B... et de M. C... D...) établissent suffisamment que Rodolphe Y... a été exposé d'une manière habituelle aux poussières d'amiante au sein de la société Robatel Industries en ce qu'il a travaillé sans protection particulière dans un atelier à l'intérieur duquel d'autres ouvriers utilisaient des produits amiantés ou coulaient du plomb sur des plaques d'amiante, des particules d'amiante se retrouvant partout dans l'atelier insuffisamment ventilé. Il importe peu que la société Robatel Industries ne soit pas une entreprise de fabrication ou de transformation de l'amiante dès lors qu'elle reconnaît que des matériaux contenant de l'amiante ont été utilisés. Si ce n'est son propre rapport adressé à la caisse, la société Robatel Industries ne produit aucun élément pour contredire la matérialité des faits rapportés dans les attestations précitées. Ces témoignages n'ont, au demeurant, rien d'étonnant selon les termes de l'avis en date du 22 octobre 2009 de l'ingénieur conseil de la CRAM consulté par la caisse au cours de l'enquête. Certes, l'ingénieur conseil de la CRAM indique qu'il n'a pas « d'information sur l'exposition à l'amiante au poste occupé par ce salarié » ajoutant toutefois, alors que Rodolphe Y... n'a travaillé en Ile-de-France qu'entre 1974 et 1978, « dans l'établissement francilien cité dans votre courrier ». Cependant, il poursuit en précisant : «toutefois nous notons dans les documents joints au dossier que ce salarié a exercé la profession de chaudronnier. Il est connu que ces professionnels ont pu être exposés au risque d'inhalation, de fibres d'amiante notamment lors d'utilisation de plaques d'amiante pour protéger les installations de la chaleur du chalumeau lors des opérations de découpe ou de soudage, lors de l'emploi de matelas d'amiante pour ralentir la vitesse de refroidissement des pièces formées, soudées..., ou encore lors de la manipulation d'objets chauds exigeant le port d'équipements de protection individuelle (tabliers, gants) souvent constitués d'amiante ». Enfin, si l'exposition du salarié au risque doit avoir été habituelle, son caractère permanent n'est pas requis. Rodolphe Y... a travaillé 17 années en qualité de chaudronnier au sein de la société Robatel Industries. L'enquête de la caisse, qu'aucun élément ne vient démentir sur ce point, indique qu'il a également été exposé pendant les six années précédentes au sein des sociétés La Soudure. Moderne et Friedlander. M. Jean-Luc B... et M. C.... D..., présents dans la société entre 1977 et 1997, ne mentionnent pas, s'agissant des circonstances de l'exposition qu'ils évoquent, le caractère occasionnel de cette exposition. Le caractère habituel de l'exposition aux poussières d'amiante de Rodolphe Y... pendant plus de dix années est donc suffisamment établi. L'argument tendant à soutenir que, compte tenu de son temps de latence, il est probable que la pathologie de Rodolphe Y... a été contractée du fait de ses conditions de travail au sein des sociétés La Soudure Moderne et Friedlander est totalement hypothétique. En conséquence, la preuve est rapportée que le cancer bronchopulmonaire de Rodolphe Y..., et le décès qui en a été la suite directe finale, ont un caractère professionnel » ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « A) Sur les circonstances de l'exposition au risque : A l'occasion de son activité de chaudronnier soudeur, M. Y... a été exposé au risque d'inhalation de poussières d'amiante au sein de la société ROBATEL INDUSTRIES. En effet, M. Y... travaillait dans l'atelier où était effectué l'usinage du plomb, alors que les ouvriers du plomb utilisaient un ciment renforcé de fibres d'amiante (SINDANIO) intervenant dans la réalisation d'équipements pour la COGEMA. En outre, M. Y... effectuait des soudures au plomb et des montages sur le site de la COGEMA sur lequel était utilisé du ciment renforcé de fibres d'amiante pour les pièces servant de coffrage. Il a en outre été affecté à des missions régulières sur le site de l'Arsenal de CHERBOUG, où l'amiante était utilisée très régulièrement. Les conditions de travail et la présence d'amiante sur le lieu de travail habituel de la victime sont confirmées par les attestations de Messieurs A..., D... et B..., anciens collègues de travail de l'intéressé, qui soulignent leurs conditions de travail à l'époque au sein de la société ROBATEL INDUSTRIES, la présence effective et régulière de poussières d'amiante, et l'absence de moyens de protection adaptés et efficaces, de même que l'absence d'information sur les dangers de ce matériau. La société ROBATEL INDUSTRIES soutient pour sa part qu'elle n'a jamais produit ou transformé de l'amiante et qu'elle ne l'a jamais utilisée comme matière première, exerçant une activité dans l'industrie nucléaire. Elle admet toutefois que des matériaux contenant de l'amiante aient pu être utilisés à une époque où son utilisation n'était pas interdite. Il sera ici rappelé que les pathologies liées à l'amiante peuvent survenir alors même que l'exposition au risque n'aurait pas été quotidienne, massive et régulière. Les tableaux n°30 des maladies professionnelles ne fixent en effet qu'un délai de prise en charge, une durée d'exposition et une liste indicative des travaux susceptibles de provoquer les maladies sans exiger, comme le soutient à tort l'employeur, une exposition habituelle. Il est simplement nécessaire que l'exposition au risque soit avérée, ce qui est le cas en l'espèce puisque M. Y... a été en contact régulier avec du ciment renforcé de fibre d'amiante, sans moyen de protection adapté. B) Sur la faute inexcusable de l'employeur : En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise, le manquement à cette obligation ayant le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié (la conscience étant appréciée par rapport à un employeur normalement diligent) et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie développée par le salarié ; il suffit qu'elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage. Le fait que M. Y... ait pu être exposé à l'amiante à l'occasion de ses activités professionnelles précédentes (exposition qui confirmée en l'espèce par aucune pièce à l'exception des déclarations du salarié) ne saurait exonérer la société ROBATEL INDUSTRIES dès lors qu'une exposition au risque est bien établie pour la période où M. Y... était son salarié. Bien évidemment, le FIVA, en sa qualité de partie demanderesse à l'instance, supporte la charge de la preuve de la réunion de l'ensemble des éléments consécutifs de la faute inexcusable invoquée. Sur la question du lien de causalité : Il est constant que le caractère professionnel de la maladie dont est atteint M. Y... a été reconnu par une décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Manche en date du 18 décembre 2009, laquelle est désormais définitivement acquise au bénéfice de la victime. Il s'ensuit nécessairement que le lien de causalité entre l'exposition professionnelle au risque et la maladie se trouve consacré par cette reconnaissance, sans que le FIVA ait à en faire la démonstration dans le cadre de la présente instance. La seule preuve que la FIVA ait à faire, en l'espèce, est de démontrer que, pendant les périodes de travail invoquées, la société ROBATEL INDUSTRIES avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu'elle n'a pas pris toutes les mesures nécessaires afin de protéger son salarié du risque auquel il était exposé » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la faute inexcusable de l'employeur ne peut être retenue que pour autant que l'affection déclarée par la victime revêt le caractère d'une maladie professionnelle ; qu'il incombe, en cas de contestation, à la juridiction saisie de rechercher, après débat contradictoire, si la maladie a un caractère professionnel au regard des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en vertu des alinéas 3 et 5 de ce texte « si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau de maladie maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causé par le travail habituel de la victime » et que, dans une telle hypothèse, « la caisse reconnaît le caractère professionnel de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance de maladies professionnelles » ; qu'en vertu de l'article R. 142-24-2 du même code que « lorsque le différend porte sur la prise en charge prévues au troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse » ; qu'il résulte de ces dispositions, que le juge, saisi d'une contestation relative au caractère professionnel d'une affection désignée par un tableau, qui constate qu'une ou plusieurs conditions relatives au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, ne peut statuer sur l'existence d'un lien de causalité direct entre la maladie et le travail habituel de la victime, sans avoir recueilli préalablement l'avis d'un comité régional de reconnaissance de maladies professionnelles ; qu'au cas présent, il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. Y... n'a pas réalisé de travaux figurant dans la liste limitative du tableau n°30 bis et que la présomption d'imputabilité de l'article L. 461-1 alinéa 2 n'était pas applicable ; que, dans ces conditions, la cour d'appel ne pouvait trancher le différend relatif à une prise en charge prévue par l'article L. 461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, sans recueillir préalablement l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; qu'en statuant néanmoins sur le caractère professionnel de la maladie, sans recueillir préalablement d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, au motif que la preuve serait libre dans les rapports entre l'assuré et son employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1, L. 461-1 et R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale ;

ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le principe de l'égalité des armes interdit que l'établissement d'un lien de causalité directe entre la maladie et travail habituel de la victime puisse résulter des seules affirmations non motivées et non corroborées par d'autres éléments médicaux du médecin traitant de l'assuré ; qu'en considérant que le lien était suffisamment établi par un certificat médical du médecin traitant de M. Y... se bornant à postuler l'existence d'un lien entre le cancer bronchique et l'exposition aux fibres d'amiante, sans rechercher si ces pures affirmations étaient corroborées par d'autres documents médicaux produits aux débats, la cour d'appel a privé sa décision au regard des articles L. 452-1, L. 461-1 et R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents produits aux débats ; qu'il résulte du colloque médico-administratif produit aux débats par la CPAM que le médecin conseil s'était borné à répondre « oui » aux questions relatives son accord « sur le diagnostic figurant sur le CMI » et à l'accomplissement des « conditions médicales réglementaires du tableau » ; que le médecin conseil de la caisse s'est uniquement prononcé sur la nature de la maladie et n'a émis aucun avis quant à l'existence d'un lien entre cette pathologie et une exposition à l'amiante ; qu'en énonçant que « le médecin conseil a par ailleurs également considéré que la pathologie était en lien avec une exposition à l'amiante », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du colloque médico-administratif, en méconnaissance du principe susvisé.

SECOND MOYEN DE CASSATION SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la caisse pourrait exercer son action récursoire à l'encontre de la société Robatel Industries ;

AUX MOTIFS QUE - Sur le caractère professionnel de la pathologie et du décès : La société Robatel Industries discute le caractère professionnel de la maladie prise en charge par la caisse. En application de l'article L.461-1 al.2 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. En l'espèce, le cancer bronchopulmonaire dont a souffert Rodolphe Y... figure sur le tableau 30 Bis des maladies professionnelles. Ainsi que le rappelle la société Robatel Industries dans ses écritures, et contrairement à ce qu'a retenu le tribunal des affaires de Sécurité sociale, les travaux susceptibles de provoquer la maladie sont limitativement énumérés dans ce tableau, à savoir : -travaux directement associés à la production des matériaux contenant de l'amiante, -travaux nécessitant l'utilisation d'amiante en vrac, -travaux d'isolation utilisant des matériaux contenant de l'amiante ; -travaux de retrait d'amiante, -travaux de pose et de dépose de matériaux isolants à base d'amiante, -travaux de construction et de réparation navale, -travaux d'usinage, de découpe et de ponçage de matériaux contenant de l'amiante, -fabrication de matériels de friction contenant de l'amiante, -travaux d'entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante. Dans ses rapports avec la société Robatel Industries, il appartient donc au FIVA, qui met en avant présomption prévue par l'article L 461-1 al. 2 du code de la sécurité sociale, d'établir notamment tue Rodolphe Y... a été exposé au risque dans ces conditions limitativement énumérées. En l'espèce; il ressort du rapport d'enquête administrative de la caisse du 17 août 2009 que l'activité Professionnelle de Rodolphe .Y... a été la suivante : -de 1974 à 1978 : chaudronnier au sein de La Soudure Moderne à Issy-les-Moulineaux, -de novembre 1979 au 31 mai 1980: chaudronnier au sein de Friedlander à Valognes, -du 23 juin 1980 au 27 mars 1997 : chaudronnier au sein de la société Robatel Industries, -du 20 septembre 1999 au 31 décembre 2002: monteur au sein de TP Conseils à Isigny-sur-Mer, -à compter du 6 janvier 2003 : chaudronnier au sein de CTI ADN à Teurtheville-Hague. S'agissant de la société Robatel Industries, les pièces versées au débat montrent qu'il a travaillé au sein de l'établissement situé ZI de Dugulleville à Beaumont-Hague et exercé des missions régulières entre 1993 et 1997 sur le site de la Cogema. Le rapport d'enquête administrative de la caisse indique que Rodolphe Y... a effectué des travaux l'exposant à la poussière d'amiante dans les entreprises suivantes : -La Soudure Moderne, et Friedlander, sociétés qui n'existent plus, -Robatel Industries, Toutefois, les conditions de travail de Rodolphe Y... au sein des sociétés Soudure Moderne à Issy-les-Moulineaux et de Friedlander à Valognes ne sont pas détaillées dans ce rapport en :sorte qu'il est impossible de considérer qu'il y a été exposé à l'amiante dans le cadre de l'un des travaux énoncés dans le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles. S'agissant des tâches réalisées au sein de la société Robatel Industries, il ne résulte pas des déclarations de l'employeur recueillies dans le cadre de l'enquête de la caisse, ni de son rapport décrivant le poste de travail de Rodolphe Y... adressé à la caisse le 16 septembre 2009, que, celui a réalisé des travaux énoncés dans ce même tableau. Certes, la société Robatel Industries concède dans ses écritures que des matériaux contenant de l'amiante ont été utilisés à une époque où cette utilisation n'était pas interdite mais il ne peut être déduit de cette reconnaissance les éléments suffisants pour considérer que Rodolphe Y... a réalisé de tels travaux. L'enquêteur de la caisse a cependant relevé les déclarations de M. A..., salarié de la société Robatel Industries indiquant que Rodolphe Y... travaillait dans l'atelier au sein duquel l'usinage de plomb 's'effectuait, les ouvriers du plomb utilisant du Sindanyo, un produit amianté, dans la réalisation d'équipements pour la Cogema. Il ne résulte pas de ces déclarations que Rodolphe Y... a réalisé des travaux énoncés dans le tableau n° 30 Bis, M. A... ayant au demeurant précisé que celui-ci n'avait travaillé qu'occasionnellement sur ces pièces. D'une manière générale, le rapport d'enquête de la caisse du 17 août 2009 n'indique pas en quoi Rodolphe Y... a été exposé dans les conditions limitatives prévues par le tableau 30 Bis. Le FIVA produit par ailleurs les attestations, qui ne sont pas établies en termes identiques, de deux anciens salariés de la société Robatel Industries. L'attestation établie par M. Jean-Luc B... indique : « Étant embauché en 1977, j'ai travaillé ave Rodolphe de 1980 à 1977 pour le compte de la société Robatel. De 1980 à 1992, par périodes, étant moi-même sur le chantier de l'arsenal, puis de 1993 à 1997 plus régulièrement. Nous coulions le plomb sur des plaques d'amiante, ce qui fait qu'il y en avait partout dans l'atelier. Personne ne nous avait prévenus des risques encourus et nous ne portions un masque que lors des coulées. Les aspirations étaient prévues uniquement pour les vapeurs de plomb, et les ventilations étaient les courants d'air des portes ouvertes». L'attestation établie par M. C... D... indique «Étant embauché en 1977, j'ai travaillé avec Rodolphe de 1980 à 1977 pour le compte de la société Robatel. De 1980 à 1992, par périodes, étant moi-même sur le chantier de l'arsenal, puis de 1993 à 1997 plus régulièrement. Le plomb était coulé directement sur des plaques d'amiante et les coffrages étanchés avec, donc il y en avait partout dans l'atelier. Nous n'avons pas été mis en garde du risque dû à l'amiante, les masques étaient portés uniquement pendant des coulées, l'aspiration était juste sur les chaudières et la ventilation inexistante». Une fois encore, il ne résulte pas de ces déclarations que Rodolphe Y... a réalisé des travaux énoncés dans le tableau n° 30 Bis. Cette condition faisant défaut, le FIVA ne peut bénéficier de la présomption précitée de l'article L.461-1 al.2 du code de la sécurité sociale. Néanmoins, si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut, en application de l'article L.461-1 a1.3 du même code, être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Si, dans les rapports entre la caisse et l'assuré, une telle reconnaissance suppose nécessairement que celle-ci recueille préalablement l'avis motivé d'un comité régional de reconnaissance •des maladies professionnelles, cette preuve est libre dans les rapports entre l'assuré et son employeur dans le cadre de l'instance tendant à faire reconnaître la faute inexcusable de ce dernier. En l'espèce, il est produit un certificat médical établi le 28 mai 2009 par le docteur E..., médecin pneumologue intervenant dans le service de pneumologie du centre hospitalier public du [...], mentionnant : « Je soussigné, Docteur C. E..., avoir examiné M. Y... Rodolphe, né le [...] . Il s'agit d'un patient qui a été exposé aux fibres• d'amiantes de façon indirecte Il a travaillé comme chaudronnier. Le patient avait été hospitalisé pour hémoptysie en rapport avec un carcinome bronchique droit. Il s'agissait d'un carcinome épidermoïde. Ce carcinome épidermoïde étant en relation directe avec l'exposition aux fibres d'amiante que le patient avait subie. Il s'agissait donc d'une déclaration au tableau 30E». Ce certificat, qu'aucune pièce médicale ne vient contredire, émanant d'un spécialiste en pneumologie ayant examiné Rodolphe Y... établit suffisamment l'existence d'un cancer broncho, pulmonaire en relation avec une, exposition aux fibres d'amiante; et ce indépendamment de l'absence de recherche de fibres asbestosiques au niveau de ses poumons. Le médecin conseil de la caisse a par ailleurs également considéré que la pathologie était en lien avec une exposition à l'amiante. Par ailleurs, la société Robatel Industries indique dans ses écritures que Rodolphe Y... est décédé le [...] des suites de son cancer broncho-pulmonaire. Ce décès sera donc réputé en lien avec une exposition l'amiante puisqu'il a été lui-même la conséquence finale d'une pathologie ayant une telle origine, peu important l'absence d'autopsie du corps de Rodolphe Y.... Par ailleurs, le fait -que la pathologie éprouvée par Rodolphe Y... soit statistiquement reliée: à proportion de 15% à l'amiante, la cause principale étant le tabagisme, est sans incidence dès lors qu'il n'existe aucune preuve, ni même de commencement de preuve, de ce que Rodolphe Y... fumait ou avait fumé du tabac alors, au contraire, que les preuves sont suffisamment rapportées d'une exposition habituelle durable à l'amiante. Ainsi, les éléments précités du dossier (déclaration de M. A... et attestations de M. Jean-Luc B... et de M. C... D...) établissent suffisamment que Rodolphe Y... a été exposé d'une manière habituelle aux poussières d'amiante au sein de la société Robatel Industries en ce qu'il a travaillé sans protection particulière dans un atelier à l'intérieur duquel d'autres ouvriers utilisaient des produits amiantés ou coulaient du plomb sur des plaques d'amiante, des particules d'amiante se retrouvant partout dans l'atelier insuffisamment ventilé. Il importe peu que la société Robatel Industries ne soit pas une entreprise de fabrication ou de transformation de l'amiante dès lors qu'elle reconnaît que des matériaux contenant de l'amiante ont été utilisés. Si ce n'est son propre rapport adressé à la caisse, la société Robatel Industries ne produit aucun élément pour contredire la matérialité des faits rapportés dans les attestations précitées. Ces témoignages n'ont, au demeurant, rien d'étonnant selon les termes de l'avis en date du 22 octobre 2009 de l'ingénieur conseil de la CRAM consulté par la caisse au cours de l'enquête. Certes, l'ingénieur conseil de la CRAM indique qu'il n'a pas « d'information sur l'exposition à l'amiante au poste occupé par ce salarié » ajoutant toutefois, alors que Rodolphe Y... n'a travaillé en Ile-de-France qu'entre 1974 et 1978, « dans l'établissement francilien cité dans votre courrier ». Cependant, il poursuit en précisant : «toutefois nous notons dans les documents joints au dossier que ce salarié a exercé la profession de chaudronnier. Il est connu que ces professionnels ont pu être exposés au risque d'inhalation, de fibres d'amiante notamment lors d'utilisation de plaques d'amiante pour protéger les installations de la chaleur du chalumeau lors des opérations de découpe ou de soudage, lors de l'emploi de matelas d'amiante pour ralentir la vitesse de refroidissement des pièces formées, soudées..., ou encore lors de la manipulation d'objets chauds exigeant le port d'équipements de protection individuelle (tabliers, gants) souvent constitués d'amiante ». Enfin, si l'exposition du salarié au risque doit avoir été habituelle, son caractère permanent n'est pas requis. Rodolphe Y... a travaillé 17 années en qualité de chaudronnier au sein de la société Robatel Industries. L'enquête de la caisse, qu'aucun élément ne vient démentir sur ce point, indique qu'il a également été exposé pendant les six années précédentes au sein des sociétés La Soudure. Moderne et Friedlander. M. Jean-Luc B... et M. C.... D..., présents dans la société entre 1977 et 1997, ne mentionnent pas, s'agissant des circonstances de l'exposition qu'ils évoquent, le caractère occasionnel de cette exposition. Le caractère habituel de l'exposition aux poussières d'amiante de Rodolphe Y... pendant plus de dix années est donc suffisamment établi. L'argument tendant à soutenir que, compte tenu de son temps de latence, il est probable que la pathologie de Rodolphe Y... a été contractée du fait de ses conditions de travail au sein des sociétés La Soudure Moderne et Friedlander est totalement hypothétique. En conséquence, la preuve est rapportée que le cancer broncho-pulmonaire de Rodolphe Y..., et le décès qui en a été la suite directe finale, ont un caractère professionnel. - sur l'action récursoire de la caisse à l'égard de la société Robatel Industries : La société Robatel Industries soutient que la décision de la caisse de prise en charge de la pathologie et du décès de Rodolphe Y... au titre de la législation professionnelle doit lui être déclarée inopposable. En l'espèce, elle allègue que la procédure n'a pas été menée au contradictoire de la société CTI ADN, dernier employeur de Rodolphe Y.... Dans sa rédaction applicable au litige, l'article R.441-11 du code de la sécurité sociale dispose que « hors les cas de reconnaissance implicite, et en l'absence de réserves de l'employeur, la caisse primaire assure l'information de la victime, de ses ayants droit et de l'employeur, préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief ». En l'espèce, la société Robatel Industries ne peut exciper d'aucune irrégularité ni violation du principe du contradictoire de ce chef dès lors que la procédure a été menée contradictoirement à son endroit. La société CTI ADN, dernier employeur, a été initialement associée à la procédure menée par la caisse puisqu'il résulte du rapport d'enquête du 17 août 2009 précité que son représentant a été entendu à cette occasion. Cependant, la caisse a considéré que les éléments étaient de nature à établir que Rodolphe Y... n'avait pas été exposé au risque au sein de la société CTI ADN mais l'avait été au sein de la société Robatel Industries. La caisse a donc adressé, à cette dernière un courrier l'informant de la déclaration de maladie professionnelle (lettre du 20 août 2009 dont elle a accusé réception le lendemain), un courrier l'informant de la prolongation de l'enquête pour un nouveau délai maximum de trois mois (lettre du 28 septembre 2009 dont elle a accusé réception le 30 septembre) et un courrier de clôture de l'enquête l'informant du tableau concerné par la maladie déclarée et de la possibilité de consulter le dossier avant la date de la décision devant intervenir le 14 décembre 2009. Il est par ailleurs établi par les pièces produites que la société Robatel Industries : -a complété pour la caisse un rapport décrivant le poste de travail de Rodolphe Y..., -a été directement questionnée par l'enquêteur de la caisse s'agissant des tâches de ce dernier, -a été destinataire, sur sa demande, d'une copie du dossier de la caisse le 4 décembre 2009, celle-ci lui ayant à cette occasion, en suite de sa demande de délai supplémentaire, précisé que la décision était reportée au 17 décembre suivant. La société Robatel Industries a enfin adressé tin courrier d'observations à la caisse le 7 décembre 2009 aux termes duquel elle a soutenu qu'aucune des pièces du dossier ne prouvait que Rodolphe Y... (le courrier mentionne manifestement par erreur M. F...) avait été exposé à l'amiante en son sein et lui a donc demandé de "rejeter sa demande de prise en charge au titre du tableau des maladies professionnelles ". La société Robatel Industries fait cependant valoir également que la caisse a en réalité pris sa décision dès le 10 décembre 2009 alors qu'elle lui avait annoncé qu'elle statuerait le 17 décembre suivant à l'issue du délai de consultation du dossier. De fait, en réponse à son courrier précité du 7 décembre 2009, la caisse lui a, le 10 décembre suivant, adressé une lettre indiquant : « Par fax du 7 décembre 2009, vous demandez à la caisse de rejeter la demande de prise en charge au titre des maladies professionnelles de l'affection dont était atteint M. Y.... Conformément au système prévu par la loi du 25 décembre 1919, une maladie peut être reconnue comme maladie professionnelle si elle figure sur l'un des tableaux annexés au code de la sécurité sociale. Toute affection qui répond aux conditions médicales, professionnelles et administratives mentionnées dans les tableaux est systématiquement « présumée » d'origine professionnelle, sans qu'il soit nécessaire d'en établir la preuve. C'est ainsi que M Y... a pu, compte tenu de sa profession, être exposé au risque d'inhalation de fibres d'amiante. Il bénéficie donc de la présomption d'origine. Je ne peux donc donner une suite favorable à votre demande de rejet de la maladie professionnelle déclarée». Contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la caisse ne s'est pas bornée à rappeler les conditions de prise en charge d'une maladie professionnelle ni l'existence d'une présomption d'origine. Il résulte clairement de ce courrier que la caisse estimait nécessairement à cette date que les conditions du tableau 30 bis des maladies professionnelles étaient établies puisqu'elle considérait que Rodolphe Y... devait bénéficier de la présomption légale en sorte qu'il ne pouvait donc pas être donné une suite favorable à la demande de rejet présentée par la société Robatel Industries. De même, c'est vainement que le tribunal des affaires de sécurité sociale a écarté le moyen de la société Robatel Industries en considérant que l'employeur aurait pu, pendant le délai qui lui restait jusqu'au 17 décembre 2009, présenter d'autres pièces établissant le caractère non-professionnel de la maladie déclarée, une telle possibilité était en réalité totalement théorique en l'état de la conviction de la caisse. Le courrier ne constitue pas davantage, comme le soutient la caisse dans ses écritures, une information de l'employeur sur la nécessité de motiver, ses réserves. D'ailleurs, celui-ci ne réserve pas la possibilité laissée à la société Robatel Industries de combattre la présomption légale jusqu'au 17 décembre 2009, et ne l'informe pas davantage sur les Moyens d'y parvenir, mais conclut en indiquant ne pouvoir donner une suite favorable à la demande de rejet Si en apparence, la décision de la caisse a été prise en la forme le 18 décembre 2009, il est donc suffisamment établi que la caisse avait en réalité déjà pris sa décision le 10 décembre précédent. En ne respectant pas le délai qu'elle avait elle-même imparti à la société Robatel Industries pour faire valoir ses observations avant de prendre sa décision, la caisse a manqué au principe du contradictoire à son égard. Sa décision de prise en charge doit donc lui être déclarée inopposable de ce chef. C'est en conséquence d'une manière justifiée que la société Robatel Industries demande à la cour de dire que la décision de la caisse est inopposable à son égard. Le jugement sera, réformé de ce chef. Cependant l'irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge, par la caisse, au titre de la législation professionnelle, d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute, qui est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ne prive pas, la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et indemnités versés par elle. En conséquence, l'action récursoire de la caisse est fondée à l'égard de la société Robatel Industries en ce qui concerne la majoration de la rente et l'intégralité des préjudices alloués par la cour, lesquelles sont la conséquence de la faute inexcusable de l'employeur. Le jugement sera confirmé sur ce point » ;

ALORS QU'il résulte de l'article L. 461-1 alinéa 3 et 5 que la CPAM ne peut, lorsque les conditions de prise en charge du tableau ne sont pas remplies, prendre en charge une maladie désignée par un tableau de maladies professionnelles que sur le fondement motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles établissant un lien direct entre la pathologie et le travail habituel de la victime ; qu'en l'absence d'un tel avis, le caractère professionnel de la maladie n'est pas établi dans les rapports entre la caisse et l'employeur, de sorte que la CPAM ne peut se prévaloir du caractère professionnel de la maladie pour prétendre exercer à l'encontre de l'employeur l'action récursoire prévue par l'article L. 452-3 du code du travail ; qu'au cas présent, la société Robatel Industries ne fondait pas sa demande d'inopposabilité sur la seule irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge mais également sur le fait que cette décision était mal fondée, dès lors qu'il n'était pas établi que les conditions du tableau n°30 bis sur lequel la CPAM avait fondé sa décision étaient remplies ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que les conditions tenant à l'exposition au risque prévues par le tableau n°30 bis n'étaient pas remplies et qu'aucun avis de CRRMP n'avait été recueilli quant à l'existence d'un lien direct entre la maladie et le travail habituel de M. Y..., de sorte que le caractère professionnel de la maladie n'était pas établi dans les rapports entre la caisse et l'employeur ; qu'en énonçant néanmoins que la caisse pourrait exercer son action récursoire à l'encontre de la société Robatel Industries, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les articles L. 452-3 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale. ECLI:FR:CCASS:2017:C201216
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