Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 septembre 2017, 16-18.444, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 septembre 2017, 16-18.444, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 16-18.444
- ECLI:FR:CCASS:2017:C300947
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 14 septembre 2017
Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, du 17 mars 2016- Président
- M. Chauvin (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 mars 2016), que, par actes du 29 août 2006, la société SDS Salon-de-Provence, propriétaire dans un immeuble des lots numéros 1, 6, 7, 18 et 19 et donnés à bail commercial à la société Sainte-Marthe, lui a délivré, pour l'ensemble de ces lots, des congés avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction pour les 31 mars et 30 avril 2007 et 31 mars 2008, selon les lots ; que, par actes du 28 janvier 2013, elle a exercé son droit de repentir pour les lots 6, 7, 18 et 19 ; qu'elle a assigné la société Sainte-Marthe en constatation d'occupation sans droit ni titre du lot n° 1 à compter de la date d'effet du congé, en expulsion de ce lot et, pour les autres lots, en paiement d'une indemnité d'occupation entre la date d'effet du congé et l'exercice du droit de repentir ;
Sur les deux moyens du pourvoi principal :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article R. 145-23 du code de commerce ;
Attendu que, pour se déclarer matériellement incompétent pour statuer sur la demande en paiement de l'indemnité d'occupation due pour la période s'étant écoulée entre l'échéance du bail et la date du repentir, la cour d'appel a retenu que cette indemnité, régie par les dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, doit être fixée à la valeur locative, qu'elle doit être déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII et qu'elle relève de la compétence exclusive du président du tribunal de grande instance en application de l'article R. 145-23 précité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le tribunal de grande instance est compétent pour statuer sur la fixation d'une indemnité d'occupation due en application des dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes en paiement d'une indemnité d'occupation relatives aux lots n° 6, 7, 18 et 19, l'arrêt rendu le 17 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Sainte-Marthe aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sainte-Marthe et la condamne à payer à la société SDS Salon-de-Provence la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société Sainte-Marthe, demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir constaté que la SARL Sainte-Marthe était occupante sans droit ni titre, depuis le 1er avril 2008, du lot nº 1, et ordonné en conséquence son expulsion dans les 6 mois de la signification du jugement ainsi que de tous occupants de son chef,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Il ressort des pièces produites et des explications des parties, les éléments de fait suivants :
- les consorts X..., aux droits desquels vient la société SCI SDS Salon de Provence, étaient propriétaires d'un immeuble sis à Carpentras, à l'angle de la rue du collège et de la place Sainte-Marthe figurant au cadastre rénové de ladite commune, section CE, lieu-dit rue de la République, nº 341, immeuble mis en copropriété suivant acte en date du 15 décembre 1981, aux termes duquel il a été créé 21 lots numérotés de 1 à 21, et dénommé galerie Saint Yves.
- Aux termes d'un acte en date du 20 février 1993 reçu par Maître Y..., notaire à Carpentras, les consorts X... ont donné à bail à titre commercial à la société B 84 le lot nº 1, soit un emplacement d'environ 34 m² avec 2 vitrines en façade sur la rue de la République, à gauche en entrant dans la galerie, et comprenant une cave en sous-sol, non numérotée, mais portant en fait le lot nº 20 de l'état descriptif de division, pour une durée de 9 années ;
- par acte du 24 avril 1997, la société B84 a vendu à M. et Mme Z... ledit fonds de commerce, étant précisé que Bruno Z... est gérant de la Sarl Sainte-Marthe ;
- selon acte en date du 5 avril 1990, reçu par Maître Y..., notaire à Carpentras, les consorts X... ont donné à bail à titre commercial, à la société B84 un emplacement de 25 m² en bordure de la rue de la République à droite à l'entrée de la galerie, et une cave en sous-sol d'une surface de 20 m² environ, à l'effet d'exploiter un commerce de briocherie et petite restauration et ce, pour une durée de 9 années à compter du 1er avril 1990, bail qui a été renouvelé par acte sous seing privé en date du 25 avril 1999 à effet rétroactif du 1er avril 1999, pour une durée de 9 années ;
- par acte en date du 24 avril 1997, la société B84 a vendu à M. et Mme Z... ledit fonds de commerce connu sous l'enseigne « Les 3 Brioches » ;
- par acte du 29 avril 1999 reçu par Maître Y..., notaire à Carpentras, les consorts X... ont donné à bail aux époux Z... deux caves situées en sous-sol portant les numéros 18 et 19 de l'état descriptif de division de la galerie Sainte Yves ;
- aux termes d'un acte reçu par Maître Y..., notaire à Carpentras, le 13 mai 1998, les consorts X... ont donné à bail à la Selarl Pharmacie de l'Esculape des locaux commerciaux d'une superficie globale de 200 m² constituant le lot nº 7 et la partie sud du lot nº 6 de l'état descriptif de division de la galerie marchande pour l'exploitation d'un commerce de pharmacie, pour une durée de 9 années à compter du 1er avril 1998 ;
- selon acte reçu par Maître Y..., notaire à Carpentras, le 23 avril 2004, la Selarl Pharmacie de l'Esculape a cédé ledit fonds de commerce à la Sarl Sainte-Marthe ;
- par exploit délivré le 29 août 2006, la SCI SDS Salon de Provence, venant aux droits des consorts X..., a fait délivrer congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction à la Sarl Sainte-Marthe, en application de l'article L 145-14 du code de commerce, à effet du 30 avril 2007, pour le bail du 29 avril 1999 portant sur les lots nº 18 et 19 ;
- par exploit également délivré le 29 août 2006, la SCI SDS Salon de Provence, venant aux droits des consorts X..., a fait délivrer congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction à la Sarl Sainte-Marthe, en application de l'article L 145-14 du code de commerce, à effet du 31 mars 2007, pour le bail du 13 mai 1998 portant sur le lot nº 7 et partie du lot nº 6 ;
- saisi par exploit des 31 mars et 30 avril 2009, le tribunal de grande instance de Carpentras, par jugement du 30 décembre 2009, a déclaré recevables, d'une part, l'action engagée par celle-ci en fixation d'une indemnité d'occupation au titre des lots nº 6 et 7, 18 et 19 au titre des baux commerciaux des 13 mai 1998 et 29 avril 1999, non renouvelés, et d'autre part, la demande reconventionnelle faite par la Sarl Sainte-Marthe, en fixation d'une indemnité d'éviction au titre des lots nº 6 et 7,18 et 19, et avant dire droit sur le chiffrage des indemnités, a ordonné une expertise confiée à Mme Béatrice A... ;
- cette décision a été confirmée par arrêt prononcé par la cour d'appel de Nîmes le 15 septembre 2011 ;
- par arrêt du 18 décembre 2012, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé par la SCI SDS Salon de Provence à l'encontre de l'arrêt du 15 septembre 2011 ;
- au cours des opérations d'expertise, la SCI SDS a notifié à la Sarl Sainte-Marthe un droit de repentir par exploits du 28 janvier 2013 portant, d'une part, sur les lots 6 et 7, et d'autre part, sur les lots 18 et 19, en offrant de consentir au renouvellement du bail pour une durée de 9 années.
La société appelante ne conteste pas qu'un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction portant sur le lot nº un lui a été délivré le 29 août 2006 à effet du 31 mars 2008. Elle ne conteste pas davantage ne pas avoir saisi le tribunal aux fins de voir fixer le montant de l'indemnité d'éviction auxquelles elle pouvait prétendre et ce, dans le délai de 2 ans prévu par l'article L. 145-9 code de commerce, à peine de forclusion. Elle ne peut plus dès lors prétendre à l'octroi d'une indemnité d'éviction et ne peut donc se prévaloir d'un quelconque droit à un maintien dans les lieux en application de l'article L. 145-28 du code du commerce.
Plusieurs procédures ont opposé les parties en ce qui concerne les autres lots donnés à bail, et la société SDS Salon de Provence a effectivement exercé son droit de repentir, de sorte que les relations contractuelles se sont poursuivies. La société Sainte-Marthe ne saurait cependant en tirer une quelconque conséquence en ce qui concerne le lot nº un, objet de la présente procédure, dès lors qu'elle n'a jamais formulé de demande d'indemnité d'éviction, n'a pas saisi le juge à cette fin, et n'a pas contesté le congé qui lui a été délivré. Il s'ensuit que le bail a nécessairement pris fin le 31 mars 2008, date d'effet du congé. Comme l'ont justement relevé les premiers juges, il ne peut être fait grief au bailleur d'une absence d'initiative procédurale, en ce qui concerne le lot nº un, les dispositions de l'article L 145-9 du code du commerce ayant été expressément rappelées dans le congé délivré le 29 août 2006.
Le moyen tiré de l'existence d'un droit de repentir est tout aussi mal fondé, puisque celui-ci s'est exercé sur les lots 6/7/18 et 19, à l'issue d'une procédure tendant à la fixation de l'indemnité d'éviction due à la locataire, et ayant donné lieu à plusieurs décisions. La société Sainte-Marthe est en effet locataire en vertu de plusieurs baux distincts, plusieurs congés distincts ont été délivrés pour chacun des lots. Le droit de repentir de la bailleresse ne saurait donc avoir d'effet en ce qui concerne le congé donné pour le lot nº un.
La société Sainte-Marthe se prévaut, d'autre part, d'une occupation paisible qui serait caractérisée par le règlement du loyer et l'accord tacite du bailleur sur le maintien dans les lieux du locataire.
S'il est constant que la bailleresse n'a pas mis en oeuvre la procédure d'expulsion à la date d'expiration du bail et a perçu une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer durant plusieurs années en laissant s'exercer l'activité commerciale, la société Sainte-Marthe échoue à démontrer une quelconque volonté du bailleur de renoncer à son congé et de poursuivre le bail. Le congé est en effet un acte unilatéral qui obéit à des règles de forme strictes, et a un caractère définitif sauf renonciation exprimée sans aucune ambiguïté. Il n'est pas davantage établi qu'un accord tacite serait intervenu entre les parties sur le maintien dans les lieux du locataire. La bailleresse a, au contraire, expressément mentionné sur les quittances qui ont été adressées qu'il s'agissait d'indemnité d'occupation. En l'absence de tout élément, la société Sainte-Marthe est donc mal fondée à soutenir que la société SDS Salon de Provence aurait renoncé au congé délivré. L'occupation, même à la supposer paisible, ne peut, en tout état de cause, avoir pour effet de faire naître un nouveau bail.
Le premier juge a donc justement considéré que le bail avait été résilié au 1er avril 2008 par l'effet du congé délivré.
La société Sainte-Marthe soutient, enfin, que les locaux donnés à bail constituent un ensemble indissociable et qu'ainsi, dès lors que la société SDS Salon de Provence aurait exercé son droit de repentir pour les autres locaux, un seul et même traitement doit être conféré à l'ensemble des baux, ce qui exclut qu'elle puisse être considérée comme occupante sans droit ni titre du lot nº 1.
Il est justifié qu'en janvier 2004, le bailleur a autorisé la société Sainte-Marthe à effectuer des travaux tendant à transformer le fonds de commerce de pharmacie (constituant le lot nº 7 et la partie sud du lot nº 6 de l'état descriptif de division de la galerie marchande) qu'elle avait acquis, pour y créer un fonds de commerce de restauration rapide. Il n'est cependant pas démontré que les travaux auraient effectivement réuni les deux fonds, et auraient créé un ensemble matériellement indissociable. La société Sainte-Marthe ne justifie pas davantage que le local constituant le lot nº 1 serait effectivement indispensable à l'exploitation du fonds de commerce de restauration rapide, et réciproquement. Elle ne peut enfin valablement soutenir que le lot nº 1 ne peut présenter le moindre intérêt pour être donné en location à un tiers, alors que ce fonds de commerce a été exploité pendant de nombreuses années sans que lui soit adjoint d'autres activités »,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Sur le bien-fondé de la demande d'expulsion.
Il est constant, à la lecture de la pièce numéro 2 de la demanderesse, qu'un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction, portant sur le lot numéro 1 et la cave situés à Carpentras, 32, place Sainte-Marthe, galerie Saint-Yves, cadastré section CE numéro 341, a été délivré le 29 août 2006 et que la société Sainte-Marthe n'a pas saisi le tribunal dans le délai de la prescription biennale tel qu'édicté par l'article L. 145-60 du code de commerce.
Pour s'opposer à la demande d'expulsion et voir reconnaître l'existence d'un nouveau bail, la société Sainte-Marthe développe plusieurs moyens en droit ou en fait, tenant à l'existence d'un droit de repentir visant les lots 6, 7, 18 et 19, l'absence de toute initiative procédurale portant sur le lot numéro 1 depuis la notification du congé en 2006, une occupation paisible des locaux, l'existence d'un accord tacite du bailleur au maintien du preneur par l'effet du délai écoulé entre la date d'effet du congé et la signification de l'exploit introductif d'instance et au caractère indissociable de l'ensemble loué par la société SDS Salon de Provence à la société Sainte-Marthe.
Le moyen tiré de l'existence d'un droit de repentir ne peut prospérer ; ce dernier, qui s'est exercé uniquement sur les lots 7/8/18 et 19, ne pouvant opérer aucun effet juridique sur d'autres lots alors qu'il s'agit de baux distincts puisque le lot numéro 1 et la cave ont été donnés à bail par acte sous seing privé du 25 avril 2000.
Ainsi que le conclut à juste titre le bailleur, il ne peut être fait grief d'une absence d'initiative procédurale en ce qui concerne le lot numéro 1 alors qu'il a été rappelé, dans le congé délivré le 29 août 2006, les dispositions de l'article L. 145-9 du code de commerce;
Pour revendiquer l'existence d'un nouveau bail à compter du 1er avril 2008, date de prise d'effet du congé au loyer plafonné, il est argué d'une occupation paisible par le règlement du loyer et de l'accord tacite du bailleur sur le maintien dans les lieux du locataire.
Il est rappelé que le contrat de bail n'est soumis à aucune forme particulière. Il se caractérise par la mise en jouissance du local par le bailleur et le paiement d'un loyer par le preneur.
Il s'avère en l'espèce que, par l'effet du congé, le bail a été résilié au 1er avril 2008.
Il convient de rechercher la volonté des parties. Il est constant que le bailleur n'a pas mis en oeuvre la procédure d'expulsion à la date d'expiration du bail et qu'il a perçu une indemnité d'éviction équivalente au montant du loyer durant plusieurs années en laissant s'exercer l'activité commerciale.
Pour autant, la perception d'une indemnité d'occupation clairement mentionnée sur les quittances ne permet pas de l'assimiler à un loyer.
Si des négociations entre les mêmes parties ont porté sur les lots voisins et qu'elles ont finalement donné lieu à l'exercice du droit de repentir, il n'est pas démontré par les pièces versées aux débats – en particulier, la pièce n° 9 et les clichés photographiques, ainsi que la destination effective des lots, que le local constituant le lot numéro 1 est indispensable à l'exploitation du fonds de commerce de restauration traditionnelle, puisqu'il s'agit d'un fonds de commerce de restauration rapide (vente à emporter), étant observé, ainsi que le rappelle à juste titre la demanderesse, que le droit au bail acquis initialement concernait, d'une part, une pharmacie et, d'autre part, un fonds de commerce de restauration.
L'occupation paisible n'a pas pour effet de faire naître un nouveau bail. Il ne peut donc se déduire de ces éléments, et plus particulièrement des quittances délivrées, la volonté non équivoque du bailleur d'octroyer un nouveau bail au preneur.
Il s'ensuit que la demande d'expulsion est fondée et qu'elle sera ordonnée selon les modalités spécifiées au dispositif de la présente décision »,
1) ALORS QUE la renonciation à un droit résulte d'actes manifestant sans équivoque la volonté de leur auteur de renoncer; qu'en écartant la renonciation du bailleur à se prévaloir des effets du congé délivré le 29 août 2006 à propos du lot numéro un de l'immeuble situé 32 place Sainte Marthe, après avoir pourtant constaté qu'il n'avait pas mis en oeuvre la procédure d'expulsion à la date d'expiration du bail et avait perçu une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer durant plusieurs années en laissant le preneur exercer dans les lieux son activité commerciale, d'où résultait une renonciation non équivoque du bailleur à se prévaloir des effets du congé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 145-9 du code de commerce,
2) ALORS QUE si, à l'expiration d'un bail commercial, le preneur reste ou est laissé en possession des lieux, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du statut des baux commerciaux ; qu'en accueillant la demande en expulsion du preneur après avoir pourtant constaté que celui-ci était resté dans les lieux, d'où résultait la mise en place d'un nouveau bail commercial entre les parties, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 145-1 du code de commerce et 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par la société Sainte-Marthe à l'égard de la société SDS Salon de Provence,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Sur la demande de dommages-intérêts de la société Sainte-Marthe.
La société Sainte-Marthe sollicite une somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts en soutenant que la société SDS Salon-de-Provence a abusé de son droit de mettre en oeuvre une procédure aux fins d'expulsion, dans le seul but de lui nuire.
La société Sainte-Marthe qui n'a elle-même exercé aucune action à l'égard de la société SDS Salon de Provence aux fins de voir fixer l'indemnité d'éviction, à laquelle elle pouvait prétendre, et/ou contester le congé, est mal fondée à se prévaloir, en l'absence de tout élément d'une prétendue attitude constitutive d'une faute ou d'un abus de droit de la bailleresse. Le seul fait pour cette dernière de n'avoir formulé aucune réclamation pendant plusieurs années ne peut en soi être caractéristique d'un abus, ce d'autant moins, que le présent litige s'inscrit dans un conflit plus vaste perdurant depuis près de 10 ans.
Il convient en conséquence de confirmer la décision qui a justement rejeté la demande de dommages-intérêts »,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts.
La genèse du litige telle que rappelée ci-avant ne permet pas de considérer l'existence d'un abus de droit de la part du bailleur, alors que le preneur s'est abstenu de toute initiative, de sorte que la demande de dommages et intérêts formulée par la société Sainte-Marthe ne peut prospérer »,
1) ALORS QUE, par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen emportera la censure du chef de l'arrêt ayant débouté le preneur de sa demande de dommages et intérêts pour mise en oeuvre d'une procédure d'expulsion en vue de lui nuire, dès lors que ce chef de dispositif entretient un lien de dépendance nécessaire avec le chef ayant constaté que le preneur était occupant sans droit ni titre du local numéro un et par conséquent, ordonné son expulsion ;
2) ALORS QU'est abusive la demande tendant à l'expulsion du preneur à bail commercial suite à la délivrance d'un congé avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction lorsque, par son inertie et son comportement déloyal, le bailleur a privé le preneur de la possibilité de céder son fonds de commerce ; qu'en rejetant la demande indemnitaire du preneur dirigée contre le bailleur, après avoir constaté que celui-ci avait délivré trois congés portant sur des baux relatifs à des locaux contigus, qu'une action aux fins de fixation d'une indemnité d'occupation n'avait été engagée que pour deux d'entre eux, ce qui avait entretenu le preneur dans l'idée que le bailleur renonçait au congé concernant le lot numéro un et l'avait conduit à ne pas solliciter le paiement de l'indemnité d'éviction légalement due, le bailleur lui opposant par la suite la prescription de cette action pour solliciter son expulsion, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée (cf conclusions d'appel de la société Sainte-Marthe du 2 février 2015, p. 7) si l'ensemble de ces éléments n'avait pas eu pour effet, en conduisant à une scission du fonds de commerce, de priver le preneur de la possibilité de le céder, de sorte qu'était ainsi caractérisé le comportement fautif du bailleur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société SDS Salon-de-Provence, demanderesse au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Carpentras en ce qu'il s'est déclaré incompétent matériellement pour statuer sur les demandes de la société SDS Salon de Provence relatives aux lots nos 6, 7, 18 et 19 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur l'indemnité d'occupation, la société SDS Salon-de-Provence avait formé devant les premiers juges une demande tendant à obtenir la condamnation de la société Sainte-Marthe à lui payer la somme de 63 971,02 euros au titre du différentiel dû pour les lots 18, 19, 6 et 7, entre la date d'effet du congé et le repentir, et à titre subsidiaire la somme de 50 149,60 euros TTC, outre la désignation d'un expert ayant pour mission de déterminer le montant du loyer renouvelé sur les lots 6, 7, 18 et 19 à compter de la date d'exercice du droit de repentir et d'analyser l'ensemble des causes de déplafonnement conformément aux dispositions de l'article L. 145-33 et suivants du code de commerce ; que la société SDS Salon-de-Provence a certes renoncé à sa demande d'expertise, mais elle maintient celle tendant à la condamnation de la société Sainte-Marthe au paiement d'une somme de 63 971,02 € TTC au titre de l'indemnité d'occupation annuelle qui serait due par cette dernière entre la date d'effet du congé et l'exercice du droit de repentir ; que s'il est incontestable, qu'une indemnité d'occupation est effectivement due pour la période s'étant écoulée entre l'échéance du bail et la date du repentir. Il y a lieu de rappeler que cette indemnité doit être fixée à la valeur locative, et est régie par les dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, de sorte que comme l'ont justement retenu les premiers juges, cette indemnité doit être déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII, et est donc de la compétence exclusive du président du tribunal de grande instance en application de l'article R. 145-23 du code de commerce ; que les premiers juges ont donc justement décidé que cette demande n'entrait pas dans leur domaine de compétence , ce d'autant moins qu'en l'espèce la demande ne peut être considérée comme une demande accessoire aux demandes principales ; qu'en effet, la présente procédure porte exclusivement sur le lot n° 1, aux fins de voir constater que le bail a été résilié et obtenir l'expulsion de la locataire, en exécution d'un bail en date du 25 avril 2000, et ne concerne pas les lots 6, 7, 18 et 19 ; que la décision doit être confirmée sur ce point également » ;
Et,
AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE « sur la fixation du loyer des baux portant sur les lots numéro 6, 7, 18 et 19, ainsi que le conclut à bon droit la SARL Sainte-Marthe, cette demande ressort de la compétence exclusive du président du tribunal de grande instance conformément à l'article R. 145-23 du code de commerce ce qui ne permet pas de l'examiner devant ce tribunal » ;
ALORS QUE la fixation d'une indemnité d'occupation, prévue par les dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance ; qu'en considérant, pour juger irrecevables les demandes de la société SDS Salon de Provence relatives aux lots nos 6, 7, 18 et 19, que la fixation de l'indemnité d'occupation qu'elle sollicite, sur le fondement des dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, relève de la compétence exclusive du président du tribunal de grande instance, quand celui-ci ne dispose d'une compétence exclusive que pour la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, la cour d'appel a violé l'article R. 145-23 du code de commerce.ECLI:FR:CCASS:2017:C300947
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 mars 2016), que, par actes du 29 août 2006, la société SDS Salon-de-Provence, propriétaire dans un immeuble des lots numéros 1, 6, 7, 18 et 19 et donnés à bail commercial à la société Sainte-Marthe, lui a délivré, pour l'ensemble de ces lots, des congés avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction pour les 31 mars et 30 avril 2007 et 31 mars 2008, selon les lots ; que, par actes du 28 janvier 2013, elle a exercé son droit de repentir pour les lots 6, 7, 18 et 19 ; qu'elle a assigné la société Sainte-Marthe en constatation d'occupation sans droit ni titre du lot n° 1 à compter de la date d'effet du congé, en expulsion de ce lot et, pour les autres lots, en paiement d'une indemnité d'occupation entre la date d'effet du congé et l'exercice du droit de repentir ;
Sur les deux moyens du pourvoi principal :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article R. 145-23 du code de commerce ;
Attendu que, pour se déclarer matériellement incompétent pour statuer sur la demande en paiement de l'indemnité d'occupation due pour la période s'étant écoulée entre l'échéance du bail et la date du repentir, la cour d'appel a retenu que cette indemnité, régie par les dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, doit être fixée à la valeur locative, qu'elle doit être déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII et qu'elle relève de la compétence exclusive du président du tribunal de grande instance en application de l'article R. 145-23 précité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le tribunal de grande instance est compétent pour statuer sur la fixation d'une indemnité d'occupation due en application des dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes en paiement d'une indemnité d'occupation relatives aux lots n° 6, 7, 18 et 19, l'arrêt rendu le 17 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Sainte-Marthe aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sainte-Marthe et la condamne à payer à la société SDS Salon-de-Provence la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société Sainte-Marthe, demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir constaté que la SARL Sainte-Marthe était occupante sans droit ni titre, depuis le 1er avril 2008, du lot nº 1, et ordonné en conséquence son expulsion dans les 6 mois de la signification du jugement ainsi que de tous occupants de son chef,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Il ressort des pièces produites et des explications des parties, les éléments de fait suivants :
- les consorts X..., aux droits desquels vient la société SCI SDS Salon de Provence, étaient propriétaires d'un immeuble sis à Carpentras, à l'angle de la rue du collège et de la place Sainte-Marthe figurant au cadastre rénové de ladite commune, section CE, lieu-dit rue de la République, nº 341, immeuble mis en copropriété suivant acte en date du 15 décembre 1981, aux termes duquel il a été créé 21 lots numérotés de 1 à 21, et dénommé galerie Saint Yves.
- Aux termes d'un acte en date du 20 février 1993 reçu par Maître Y..., notaire à Carpentras, les consorts X... ont donné à bail à titre commercial à la société B 84 le lot nº 1, soit un emplacement d'environ 34 m² avec 2 vitrines en façade sur la rue de la République, à gauche en entrant dans la galerie, et comprenant une cave en sous-sol, non numérotée, mais portant en fait le lot nº 20 de l'état descriptif de division, pour une durée de 9 années ;
- par acte du 24 avril 1997, la société B84 a vendu à M. et Mme Z... ledit fonds de commerce, étant précisé que Bruno Z... est gérant de la Sarl Sainte-Marthe ;
- selon acte en date du 5 avril 1990, reçu par Maître Y..., notaire à Carpentras, les consorts X... ont donné à bail à titre commercial, à la société B84 un emplacement de 25 m² en bordure de la rue de la République à droite à l'entrée de la galerie, et une cave en sous-sol d'une surface de 20 m² environ, à l'effet d'exploiter un commerce de briocherie et petite restauration et ce, pour une durée de 9 années à compter du 1er avril 1990, bail qui a été renouvelé par acte sous seing privé en date du 25 avril 1999 à effet rétroactif du 1er avril 1999, pour une durée de 9 années ;
- par acte en date du 24 avril 1997, la société B84 a vendu à M. et Mme Z... ledit fonds de commerce connu sous l'enseigne « Les 3 Brioches » ;
- par acte du 29 avril 1999 reçu par Maître Y..., notaire à Carpentras, les consorts X... ont donné à bail aux époux Z... deux caves situées en sous-sol portant les numéros 18 et 19 de l'état descriptif de division de la galerie Sainte Yves ;
- aux termes d'un acte reçu par Maître Y..., notaire à Carpentras, le 13 mai 1998, les consorts X... ont donné à bail à la Selarl Pharmacie de l'Esculape des locaux commerciaux d'une superficie globale de 200 m² constituant le lot nº 7 et la partie sud du lot nº 6 de l'état descriptif de division de la galerie marchande pour l'exploitation d'un commerce de pharmacie, pour une durée de 9 années à compter du 1er avril 1998 ;
- selon acte reçu par Maître Y..., notaire à Carpentras, le 23 avril 2004, la Selarl Pharmacie de l'Esculape a cédé ledit fonds de commerce à la Sarl Sainte-Marthe ;
- par exploit délivré le 29 août 2006, la SCI SDS Salon de Provence, venant aux droits des consorts X..., a fait délivrer congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction à la Sarl Sainte-Marthe, en application de l'article L 145-14 du code de commerce, à effet du 30 avril 2007, pour le bail du 29 avril 1999 portant sur les lots nº 18 et 19 ;
- par exploit également délivré le 29 août 2006, la SCI SDS Salon de Provence, venant aux droits des consorts X..., a fait délivrer congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction à la Sarl Sainte-Marthe, en application de l'article L 145-14 du code de commerce, à effet du 31 mars 2007, pour le bail du 13 mai 1998 portant sur le lot nº 7 et partie du lot nº 6 ;
- saisi par exploit des 31 mars et 30 avril 2009, le tribunal de grande instance de Carpentras, par jugement du 30 décembre 2009, a déclaré recevables, d'une part, l'action engagée par celle-ci en fixation d'une indemnité d'occupation au titre des lots nº 6 et 7, 18 et 19 au titre des baux commerciaux des 13 mai 1998 et 29 avril 1999, non renouvelés, et d'autre part, la demande reconventionnelle faite par la Sarl Sainte-Marthe, en fixation d'une indemnité d'éviction au titre des lots nº 6 et 7,18 et 19, et avant dire droit sur le chiffrage des indemnités, a ordonné une expertise confiée à Mme Béatrice A... ;
- cette décision a été confirmée par arrêt prononcé par la cour d'appel de Nîmes le 15 septembre 2011 ;
- par arrêt du 18 décembre 2012, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé par la SCI SDS Salon de Provence à l'encontre de l'arrêt du 15 septembre 2011 ;
- au cours des opérations d'expertise, la SCI SDS a notifié à la Sarl Sainte-Marthe un droit de repentir par exploits du 28 janvier 2013 portant, d'une part, sur les lots 6 et 7, et d'autre part, sur les lots 18 et 19, en offrant de consentir au renouvellement du bail pour une durée de 9 années.
La société appelante ne conteste pas qu'un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction portant sur le lot nº un lui a été délivré le 29 août 2006 à effet du 31 mars 2008. Elle ne conteste pas davantage ne pas avoir saisi le tribunal aux fins de voir fixer le montant de l'indemnité d'éviction auxquelles elle pouvait prétendre et ce, dans le délai de 2 ans prévu par l'article L. 145-9 code de commerce, à peine de forclusion. Elle ne peut plus dès lors prétendre à l'octroi d'une indemnité d'éviction et ne peut donc se prévaloir d'un quelconque droit à un maintien dans les lieux en application de l'article L. 145-28 du code du commerce.
Plusieurs procédures ont opposé les parties en ce qui concerne les autres lots donnés à bail, et la société SDS Salon de Provence a effectivement exercé son droit de repentir, de sorte que les relations contractuelles se sont poursuivies. La société Sainte-Marthe ne saurait cependant en tirer une quelconque conséquence en ce qui concerne le lot nº un, objet de la présente procédure, dès lors qu'elle n'a jamais formulé de demande d'indemnité d'éviction, n'a pas saisi le juge à cette fin, et n'a pas contesté le congé qui lui a été délivré. Il s'ensuit que le bail a nécessairement pris fin le 31 mars 2008, date d'effet du congé. Comme l'ont justement relevé les premiers juges, il ne peut être fait grief au bailleur d'une absence d'initiative procédurale, en ce qui concerne le lot nº un, les dispositions de l'article L 145-9 du code du commerce ayant été expressément rappelées dans le congé délivré le 29 août 2006.
Le moyen tiré de l'existence d'un droit de repentir est tout aussi mal fondé, puisque celui-ci s'est exercé sur les lots 6/7/18 et 19, à l'issue d'une procédure tendant à la fixation de l'indemnité d'éviction due à la locataire, et ayant donné lieu à plusieurs décisions. La société Sainte-Marthe est en effet locataire en vertu de plusieurs baux distincts, plusieurs congés distincts ont été délivrés pour chacun des lots. Le droit de repentir de la bailleresse ne saurait donc avoir d'effet en ce qui concerne le congé donné pour le lot nº un.
La société Sainte-Marthe se prévaut, d'autre part, d'une occupation paisible qui serait caractérisée par le règlement du loyer et l'accord tacite du bailleur sur le maintien dans les lieux du locataire.
S'il est constant que la bailleresse n'a pas mis en oeuvre la procédure d'expulsion à la date d'expiration du bail et a perçu une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer durant plusieurs années en laissant s'exercer l'activité commerciale, la société Sainte-Marthe échoue à démontrer une quelconque volonté du bailleur de renoncer à son congé et de poursuivre le bail. Le congé est en effet un acte unilatéral qui obéit à des règles de forme strictes, et a un caractère définitif sauf renonciation exprimée sans aucune ambiguïté. Il n'est pas davantage établi qu'un accord tacite serait intervenu entre les parties sur le maintien dans les lieux du locataire. La bailleresse a, au contraire, expressément mentionné sur les quittances qui ont été adressées qu'il s'agissait d'indemnité d'occupation. En l'absence de tout élément, la société Sainte-Marthe est donc mal fondée à soutenir que la société SDS Salon de Provence aurait renoncé au congé délivré. L'occupation, même à la supposer paisible, ne peut, en tout état de cause, avoir pour effet de faire naître un nouveau bail.
Le premier juge a donc justement considéré que le bail avait été résilié au 1er avril 2008 par l'effet du congé délivré.
La société Sainte-Marthe soutient, enfin, que les locaux donnés à bail constituent un ensemble indissociable et qu'ainsi, dès lors que la société SDS Salon de Provence aurait exercé son droit de repentir pour les autres locaux, un seul et même traitement doit être conféré à l'ensemble des baux, ce qui exclut qu'elle puisse être considérée comme occupante sans droit ni titre du lot nº 1.
Il est justifié qu'en janvier 2004, le bailleur a autorisé la société Sainte-Marthe à effectuer des travaux tendant à transformer le fonds de commerce de pharmacie (constituant le lot nº 7 et la partie sud du lot nº 6 de l'état descriptif de division de la galerie marchande) qu'elle avait acquis, pour y créer un fonds de commerce de restauration rapide. Il n'est cependant pas démontré que les travaux auraient effectivement réuni les deux fonds, et auraient créé un ensemble matériellement indissociable. La société Sainte-Marthe ne justifie pas davantage que le local constituant le lot nº 1 serait effectivement indispensable à l'exploitation du fonds de commerce de restauration rapide, et réciproquement. Elle ne peut enfin valablement soutenir que le lot nº 1 ne peut présenter le moindre intérêt pour être donné en location à un tiers, alors que ce fonds de commerce a été exploité pendant de nombreuses années sans que lui soit adjoint d'autres activités »,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Sur le bien-fondé de la demande d'expulsion.
Il est constant, à la lecture de la pièce numéro 2 de la demanderesse, qu'un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction, portant sur le lot numéro 1 et la cave situés à Carpentras, 32, place Sainte-Marthe, galerie Saint-Yves, cadastré section CE numéro 341, a été délivré le 29 août 2006 et que la société Sainte-Marthe n'a pas saisi le tribunal dans le délai de la prescription biennale tel qu'édicté par l'article L. 145-60 du code de commerce.
Pour s'opposer à la demande d'expulsion et voir reconnaître l'existence d'un nouveau bail, la société Sainte-Marthe développe plusieurs moyens en droit ou en fait, tenant à l'existence d'un droit de repentir visant les lots 6, 7, 18 et 19, l'absence de toute initiative procédurale portant sur le lot numéro 1 depuis la notification du congé en 2006, une occupation paisible des locaux, l'existence d'un accord tacite du bailleur au maintien du preneur par l'effet du délai écoulé entre la date d'effet du congé et la signification de l'exploit introductif d'instance et au caractère indissociable de l'ensemble loué par la société SDS Salon de Provence à la société Sainte-Marthe.
Le moyen tiré de l'existence d'un droit de repentir ne peut prospérer ; ce dernier, qui s'est exercé uniquement sur les lots 7/8/18 et 19, ne pouvant opérer aucun effet juridique sur d'autres lots alors qu'il s'agit de baux distincts puisque le lot numéro 1 et la cave ont été donnés à bail par acte sous seing privé du 25 avril 2000.
Ainsi que le conclut à juste titre le bailleur, il ne peut être fait grief d'une absence d'initiative procédurale en ce qui concerne le lot numéro 1 alors qu'il a été rappelé, dans le congé délivré le 29 août 2006, les dispositions de l'article L. 145-9 du code de commerce;
Pour revendiquer l'existence d'un nouveau bail à compter du 1er avril 2008, date de prise d'effet du congé au loyer plafonné, il est argué d'une occupation paisible par le règlement du loyer et de l'accord tacite du bailleur sur le maintien dans les lieux du locataire.
Il est rappelé que le contrat de bail n'est soumis à aucune forme particulière. Il se caractérise par la mise en jouissance du local par le bailleur et le paiement d'un loyer par le preneur.
Il s'avère en l'espèce que, par l'effet du congé, le bail a été résilié au 1er avril 2008.
Il convient de rechercher la volonté des parties. Il est constant que le bailleur n'a pas mis en oeuvre la procédure d'expulsion à la date d'expiration du bail et qu'il a perçu une indemnité d'éviction équivalente au montant du loyer durant plusieurs années en laissant s'exercer l'activité commerciale.
Pour autant, la perception d'une indemnité d'occupation clairement mentionnée sur les quittances ne permet pas de l'assimiler à un loyer.
Si des négociations entre les mêmes parties ont porté sur les lots voisins et qu'elles ont finalement donné lieu à l'exercice du droit de repentir, il n'est pas démontré par les pièces versées aux débats – en particulier, la pièce n° 9 et les clichés photographiques, ainsi que la destination effective des lots, que le local constituant le lot numéro 1 est indispensable à l'exploitation du fonds de commerce de restauration traditionnelle, puisqu'il s'agit d'un fonds de commerce de restauration rapide (vente à emporter), étant observé, ainsi que le rappelle à juste titre la demanderesse, que le droit au bail acquis initialement concernait, d'une part, une pharmacie et, d'autre part, un fonds de commerce de restauration.
L'occupation paisible n'a pas pour effet de faire naître un nouveau bail. Il ne peut donc se déduire de ces éléments, et plus particulièrement des quittances délivrées, la volonté non équivoque du bailleur d'octroyer un nouveau bail au preneur.
Il s'ensuit que la demande d'expulsion est fondée et qu'elle sera ordonnée selon les modalités spécifiées au dispositif de la présente décision »,
1) ALORS QUE la renonciation à un droit résulte d'actes manifestant sans équivoque la volonté de leur auteur de renoncer; qu'en écartant la renonciation du bailleur à se prévaloir des effets du congé délivré le 29 août 2006 à propos du lot numéro un de l'immeuble situé 32 place Sainte Marthe, après avoir pourtant constaté qu'il n'avait pas mis en oeuvre la procédure d'expulsion à la date d'expiration du bail et avait perçu une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer durant plusieurs années en laissant le preneur exercer dans les lieux son activité commerciale, d'où résultait une renonciation non équivoque du bailleur à se prévaloir des effets du congé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 145-9 du code de commerce,
2) ALORS QUE si, à l'expiration d'un bail commercial, le preneur reste ou est laissé en possession des lieux, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du statut des baux commerciaux ; qu'en accueillant la demande en expulsion du preneur après avoir pourtant constaté que celui-ci était resté dans les lieux, d'où résultait la mise en place d'un nouveau bail commercial entre les parties, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 145-1 du code de commerce et 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par la société Sainte-Marthe à l'égard de la société SDS Salon de Provence,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Sur la demande de dommages-intérêts de la société Sainte-Marthe.
La société Sainte-Marthe sollicite une somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts en soutenant que la société SDS Salon-de-Provence a abusé de son droit de mettre en oeuvre une procédure aux fins d'expulsion, dans le seul but de lui nuire.
La société Sainte-Marthe qui n'a elle-même exercé aucune action à l'égard de la société SDS Salon de Provence aux fins de voir fixer l'indemnité d'éviction, à laquelle elle pouvait prétendre, et/ou contester le congé, est mal fondée à se prévaloir, en l'absence de tout élément d'une prétendue attitude constitutive d'une faute ou d'un abus de droit de la bailleresse. Le seul fait pour cette dernière de n'avoir formulé aucune réclamation pendant plusieurs années ne peut en soi être caractéristique d'un abus, ce d'autant moins, que le présent litige s'inscrit dans un conflit plus vaste perdurant depuis près de 10 ans.
Il convient en conséquence de confirmer la décision qui a justement rejeté la demande de dommages-intérêts »,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts.
La genèse du litige telle que rappelée ci-avant ne permet pas de considérer l'existence d'un abus de droit de la part du bailleur, alors que le preneur s'est abstenu de toute initiative, de sorte que la demande de dommages et intérêts formulée par la société Sainte-Marthe ne peut prospérer »,
1) ALORS QUE, par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen emportera la censure du chef de l'arrêt ayant débouté le preneur de sa demande de dommages et intérêts pour mise en oeuvre d'une procédure d'expulsion en vue de lui nuire, dès lors que ce chef de dispositif entretient un lien de dépendance nécessaire avec le chef ayant constaté que le preneur était occupant sans droit ni titre du local numéro un et par conséquent, ordonné son expulsion ;
2) ALORS QU'est abusive la demande tendant à l'expulsion du preneur à bail commercial suite à la délivrance d'un congé avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction lorsque, par son inertie et son comportement déloyal, le bailleur a privé le preneur de la possibilité de céder son fonds de commerce ; qu'en rejetant la demande indemnitaire du preneur dirigée contre le bailleur, après avoir constaté que celui-ci avait délivré trois congés portant sur des baux relatifs à des locaux contigus, qu'une action aux fins de fixation d'une indemnité d'occupation n'avait été engagée que pour deux d'entre eux, ce qui avait entretenu le preneur dans l'idée que le bailleur renonçait au congé concernant le lot numéro un et l'avait conduit à ne pas solliciter le paiement de l'indemnité d'éviction légalement due, le bailleur lui opposant par la suite la prescription de cette action pour solliciter son expulsion, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée (cf conclusions d'appel de la société Sainte-Marthe du 2 février 2015, p. 7) si l'ensemble de ces éléments n'avait pas eu pour effet, en conduisant à une scission du fonds de commerce, de priver le preneur de la possibilité de le céder, de sorte qu'était ainsi caractérisé le comportement fautif du bailleur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société SDS Salon-de-Provence, demanderesse au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Carpentras en ce qu'il s'est déclaré incompétent matériellement pour statuer sur les demandes de la société SDS Salon de Provence relatives aux lots nos 6, 7, 18 et 19 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur l'indemnité d'occupation, la société SDS Salon-de-Provence avait formé devant les premiers juges une demande tendant à obtenir la condamnation de la société Sainte-Marthe à lui payer la somme de 63 971,02 euros au titre du différentiel dû pour les lots 18, 19, 6 et 7, entre la date d'effet du congé et le repentir, et à titre subsidiaire la somme de 50 149,60 euros TTC, outre la désignation d'un expert ayant pour mission de déterminer le montant du loyer renouvelé sur les lots 6, 7, 18 et 19 à compter de la date d'exercice du droit de repentir et d'analyser l'ensemble des causes de déplafonnement conformément aux dispositions de l'article L. 145-33 et suivants du code de commerce ; que la société SDS Salon-de-Provence a certes renoncé à sa demande d'expertise, mais elle maintient celle tendant à la condamnation de la société Sainte-Marthe au paiement d'une somme de 63 971,02 € TTC au titre de l'indemnité d'occupation annuelle qui serait due par cette dernière entre la date d'effet du congé et l'exercice du droit de repentir ; que s'il est incontestable, qu'une indemnité d'occupation est effectivement due pour la période s'étant écoulée entre l'échéance du bail et la date du repentir. Il y a lieu de rappeler que cette indemnité doit être fixée à la valeur locative, et est régie par les dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, de sorte que comme l'ont justement retenu les premiers juges, cette indemnité doit être déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII, et est donc de la compétence exclusive du président du tribunal de grande instance en application de l'article R. 145-23 du code de commerce ; que les premiers juges ont donc justement décidé que cette demande n'entrait pas dans leur domaine de compétence , ce d'autant moins qu'en l'espèce la demande ne peut être considérée comme une demande accessoire aux demandes principales ; qu'en effet, la présente procédure porte exclusivement sur le lot n° 1, aux fins de voir constater que le bail a été résilié et obtenir l'expulsion de la locataire, en exécution d'un bail en date du 25 avril 2000, et ne concerne pas les lots 6, 7, 18 et 19 ; que la décision doit être confirmée sur ce point également » ;
Et,
AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE « sur la fixation du loyer des baux portant sur les lots numéro 6, 7, 18 et 19, ainsi que le conclut à bon droit la SARL Sainte-Marthe, cette demande ressort de la compétence exclusive du président du tribunal de grande instance conformément à l'article R. 145-23 du code de commerce ce qui ne permet pas de l'examiner devant ce tribunal » ;
ALORS QUE la fixation d'une indemnité d'occupation, prévue par les dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance ; qu'en considérant, pour juger irrecevables les demandes de la société SDS Salon de Provence relatives aux lots nos 6, 7, 18 et 19, que la fixation de l'indemnité d'occupation qu'elle sollicite, sur le fondement des dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, relève de la compétence exclusive du président du tribunal de grande instance, quand celui-ci ne dispose d'une compétence exclusive que pour la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, la cour d'appel a violé l'article R. 145-23 du code de commerce.