Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 septembre 2017, 16-15.257, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à M. et Mme Z... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. A... et B..., mandataires à la liquidation de la société La Comtoise, et contre les sociétés La Comtoise, Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France, Serenis assurances et Mutuelle centrale d'assurances (MCA) ;

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 février 2016), que M. et Mme Z... étaient propriétaires d'un immeuble acquis en 2001 et comprenant plusieurs appartements donnés en location, notamment à MM. D..., X... et C..., assurés respectivement auprès des sociétés Axa France IARD (la société Axa), Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (la société Macif) et Serenis assurances (la société Serenis) ; que, dans la nuit du 21 au 22 avril 2010, l'immeuble a été détruit par incendie ; que M. et Mme Z... ont été indemnisés par leur assureur, la société La Comtoise, à concurrence de 244 195 euros ; que, soutenant que le coût de reconstruction de l'immeuble s'élevait à 1 132 959 euros, ils ont assigné les sociétés Axa, Macif et Serenis en réparation intégrale de leur préjudice ; que la société La Comtoise, ainsi que MM. A... et B..., mandataires à la liquidation de cette société, sont intervenus volontairement à l'instance ;

Attendu que M. et Mme Z... font grief à l'arrêt de limiter leur indemnisation à la somme de 244 195 euros, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu du principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, le responsable d'un incendie ayant détruit l'immeuble appartenant à autrui doit réparation au propriétaire lésé de tous les chefs de préjudice découlant de cette destruction ; que lorsque la reconstruction de l'immeuble n'est pas possible sur le même terrain, le propriétaire victime peut néanmoins obtenir réparation sur la base de la valeur de reconstruction de son immeuble, susceptible d'être réédifié sur un autre terrain ; qu'en affirmant que l'impossibilité de reconstruire l'immeuble sur le terrain appartenant aux consorts Z..., par suite d'une décision du maire, justifiait une réparation à hauteur de la valeur vénale de l'immeuble, lorsqu'elle devait retenir une indemnisation sur la base de la valeur de reconstruction de l'immeuble, la cour d'appel a violé les articles 1733 et 1734 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

2°/ que les consorts Z..., dont il était constant qu'ils exploitaient l'immeuble litigieux à titre locatif, demandaient réparation d'un préjudice total de 1 132 959 euros incluant notamment, outre la valeur de reconstruction et les frais de démolition et déblai, la perte des loyers, dont le montant non contesté s'élevait à la somme de 39 340 euros ; qu'en se bornant à relever que la valeur vénale de l'immeuble que les consorts Z... avaient perdu pouvait être fixée à la somme de 200 000 euros et qu'ils n'auraient pas dû exposer des frais de démolition et déblai d'un montant évalué sans contestation à 14 591 euros, pour en déduire qu'ils n'établissaient pas subir un préjudice plus important que celui pris en charge à hauteur de 244 195 euros par leur propre assureur, sans à aucun moment s'expliquer sur la perte des loyers subie pour un montant non contesté de 39 340 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1733 et 1734 du code civil et du principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que l'immeuble ne pouvait être reconstruit à l'identique en raison de la dangerosité de sa situation et du refus du maire d'accorder un permis de construire et retenu qu'octroyer aux propriétaires une valeur de reconstruction à neuf dans un autre lieu leur procurerait un avantage indu puisqu'ils bénéficieraient d'un bien équivalent mais mieux situé, la cour d'appel en a exactement déduit, sans violer le principe de la réparation intégrale, que l'indemnisation du préjudice devait s'effectuer selon la valeur vénale de l'immeuble à la date du sinistre ;

Attendu, d'autre part, que M. et Mme Z... n'ayant pas sollicité, dans leurs conclusions, une indemnité au titre de la perte de loyers, la cour d'appel n'était pas tenue de statuer sur ce chef de demande ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Z....

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué D'AVOIR rejeté la demande de M. et Mme Z... tendant à obtenir la condamnation de la société Axa France Iard à leur payer une somme de 908.764 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la valeur de reconstruction à neuf de leur immeuble,

AUX MOTIFS QUE le tribunal a jugé que le préjudice subi devait être fixé au montant de la reconstruction, vétusté déduite ; qu'il est de principe que la réparation d'un dommage doit placer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si le dommage n'était pas survenu, l'indemnisation du préjudice ne devant générer ni perte ni profit ; qu'or en l'espèce, en l'absence d'incendie, M. et Mme Z... auraient toujours été en possession d'un bien dont seule la valeur vénale aurait été prise en compte dans leur patrimoine et n'auraient pas dû exposer de frais de démolition et déblai, évalués sans contestation à 14 591 euros. M. et Mme Z... ne peuvent, par conséquent, demander le coût d'une reconstruction qui serait en tout état de cause impossible en raison du lieu d'implantation du bien, et leur octroyer une valeur de reconstruction dans un autre lieu reviendrait à leur procurer un avantage indû, puisqu'ils auraient ainsi un bien équivalent mais mieux situé ; que c'est donc bien sur la base de la valeur vénale de l'immeuble qu'ils doivent être indemnisés ; que M. et Mme Z... ont accepté, à titre transactionnel, l'évaluation de leur bien (acheté 60 979 euros en 2001) à 200 000 euros dans leurs rapports avec La Comtoise, prenant bien soin d'indiquer qu'ils se réservaient la faculté de contester la valeur vénale de ce bien (nécessairement à l'égard des tiers) ; qu'au regard de la vétusté du bien, révélée par les photos produites et la modestie des loyers pratiqués, de sa situation en bordure d'une route extrêmement passante, ce qui a conduit le maire de la commune à refuser toute reconstruction, et de son voisinage non contesté avec une usine, cette évaluation doit être retenue ; qu'il en résulte que M. et Mme Z... n'établissent pas subir un préjudice plus important que celui qui a été pris en charge au titre de leur contrat d'assurance par La Comtoise ; qu'ils seront donc déboutés de toutes leurs demandes et le jugement sera infirmé sur ce point.

1°) ALORS QU'en vertu du principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, le responsable d'un incendie ayant détruit l'immeuble appartenant à autrui doit réparation au propriétaire lésé de tous les chefs de préjudice découlant de cette destruction ; que lorsque la reconstruction de l'immeuble n'est pas possible sur le même terrain, le propriétaire victime peut néanmoins obtenir réparation sur la base de la valeur de reconstruction de son immeuble, susceptible d'être réédifié sur un autre terrain ; qu'en affirmant que l'impossibilité de reconstruire l'immeuble sur le terrain appartenant aux consorts Z..., par suite d'une décision du maire, justifiait une réparation à hauteur de la valeur vénale de l'immeuble, lorsqu'elle devait retenir une indemnisation sur la base de la valeur de reconstruction de l'immeuble, la cour d'appel a violé les articles 1733 et 1734 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE les consorts Z..., dont il était constant qu'ils exploitaient l'immeuble litigieux à titre locatif, demandaient réparation d'un préjudice total de 1.132.959 euros incluant notamment, outre la valeur de reconstruction et les frais de démolition et déblai, la perte des loyers, dont le montant non contesté s'élevait à la somme de 39.340 euros (cf. conclusions des consorts Z... p. 12 § IV al. 1 et procès-verbal de constatations relatives à l'évaluation des dommages : production n° 11) ; qu'en se bornant à relever que la valeur vénale de l'immeuble que les consorts Z... avaient perdu pouvait être fixée à la somme de 200.000 euros et qu'ils n'auraient pas dû exposer des frais de démolition et déblai d'un montant évalué sans contestation à 14591 euros, pour en déduire qu'ils n'établissaient pas subir un préjudice plus important que celui pris en charge à hauteur de 244.195 euros par leur propre assureur, sans à aucun moment s'expliquer sur la perte des loyers subie pour un montant non contesté de 39.340 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1733 et 1734 du code civil et du principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. ECLI:FR:CCASS:2017:C300891
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