Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 6 juillet 2017, 16-16.849, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 3 mars 2016), que la société Le Passage 2000, propriétaire d'un lot composé d'un appartement situé au deuxième étage d'un immeuble en copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires Résidence Jean Monnet (le syndicat) en annulation de la décision d'assemblée générale lui ayant refusé l'autorisation d'apposer des plaques professionnelles ; que, reconventionnellement, le syndicat a sollicité qu'il soit constaté qu'en vertu du règlement de copropriété, les locaux situés au deuxième étage, ainsi qu'aux étages supérieurs, ne pouvaient être occupés à titre professionnel ;

Attendu que la société Le Passage 2000 fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ; qu'en jugeant que les lots situés dans les étages de la résidence ne pourraient avoir un usage professionnel au prétexte que l'état descriptif de division inclus dans le règlement de copropriété les décrivait comme des appartements, prétexte inopérant dès lors qu'elle constatait que le règlement de copropriété stipulait que l'immeuble était destiné à « un usage professionnel de bureaux commerciaux ou d'habitation en ce qui concerne les locaux situés aux étages et combles », la cour d'appel a violé les articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;

2°/ que chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives comprises dans son lot, à la seule condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ; qu'en jugeant toutefois que les lots situés au deuxième étage et aux étages supérieurs de l'immeuble, dont le règlement de copropriété stipulait qu'il était à destination mixte et, spécialement en ce qui concerne les étages, à usage de bureaux commerciaux et d'habitation, ne pourraient être affectés à un usage professionnel puisque l'état descriptif de division l'identifiait comme un appartement, sans expliciter en quoi l'affectation choisie par le copropriétaire porterait atteinte aux droits des autres copropriétaires ou à la destination de l'immeuble, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que l'état descriptif de division, auquel le règlement de copropriété avait conféré une valeur contractuelle et qui affectait les lots situés au-dessus du premier étage à une destination exclusive d'habitation, n'était pas en contradiction avec les stipulations du règlement selon lesquelles l'immeuble était destiné à un usage professionnel de bureaux commerciaux ou d'habitation en ce qui concernait les locaux situés aux étages et combles dès lors que les dispositions de l'état descriptif de division étaient plus précises, en ce qu'elles portaient sur chaque lot, et alors que la destination énoncée au règlement l'était de manière générale, sans distinguer les étages au-delà du premier, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu décider qu'en vertu du règlement de copropriété, les locaux situés au deuxième étage, ainsi qu'aux étages supérieurs, ne pouvaient être occupés à titre professionnel ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Le Passage 2000 aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Le Passage 2000 ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Le Passage 2000

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR constaté qu'en vertu du règlement de copropriété, les locaux situés au deuxième étage ainsi qu'aux étages supérieurs ne peuvent être occupés à titre professionnel ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte des articles 8 de la loi du 10 juillet 1965 et 2 et 3 du décret du 17 mars 1967 qu'un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l'état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes ; que l'état descriptif de division n'a pas de valeur contractuelle quand bien même il est établi dans le règlement de copropriété ; que, toutefois, l'état descriptif de division peut revêtir un caractère contractuel quand les dispositions qu'il comporte relatives à l'affectation des lots sont reprises dans le règlement de copropriété et que celui-ci stipule en outre que les copropriétaires entendent attribuer à cet état descriptif de division un caractère conventionnel ; qu'or, en l'espèce tel est bien le cas dès lors que le dernier alinéa de l'article 8, ledit article constituant l'article unique du chapitre relatif à la destination de l'immeuble du règlement de copropriété, prévoit : « L'état descriptif de division, ci-inclus, dont chaque copropriétaire a eu connaissance et accepté les termes, a même valeur contractuelle que le règlement lui-même : il détermine l'affectation particulière de chaque lot dépendant du groupe de bâtiments que son propriétaire s'oblige à respecter » ; qu'il suit de là que les copropriétaires ont entendu conférer, par une disposition spéciale du règlement de copropriété, une valeur contractuelle à l'état descriptif de division et à l'affectation des lots déterminée par cet état ; qu'or, il résulte de l'énumération faite dans l'état descriptif de division que tous les lots se trouvant au 2ème étage et au-delà sont qualifiés d'appartements et que la désignation de locaux commerciaux et professionnels ne concerne que des lots situés au rez-de-chaussée et premier étage ; que la désignation d'appartement correspond, par opposition à celle de locaux commerciaux ou professionnels, à une destination d'habitation ; qu'en outre, il convient d'observer que dans l'état descriptif de division, les locaux commerciaux et professionnels sont qualifiés comme tels sans autre précision, sauf pour certains la mention d'un wc, alors qu'il est noté pour les appartements leur composition (entrée, wc, douche, salle de bains, cuisine, séjour, nombre de chambres), cette composition caractérisant des locaux à usage d'habitation ; qu'il importe encore de relever que si l'état descriptif de division détermine l'affectation particulière de chaque lot et si cette affectation oblige les copropriétaires selon les énonciations de l'article 8, dernier alinéa, du règlement de copropriété, c'est qu'un usage est associé au terme d' « appartement », cet usage ne pouvant être que d'habitation au regard des considérations précédentes ; qu'il résulte ainsi de la combinaison de l'article 8 dernier alinéa inclus dans le règlement de copropriété et de l'état descriptif de division que les parties ont conventionnellement et de manière contraignante affecté les lots situés au-dessus du premier étage à une destination exclusive d'habitation ; que cela n'apparaît pas contradictoire avec l'alinéa premier de ce même article 8 selon lequel l'immeuble est destiné à un usage professionnel de bureaux commerciaux ou d'habitation en ce qui concerne les locaux situés aux étages et combles et avec l'article 18 contenu dans le règlement de copropriété cité dans l'exposé du litige dès lors que, comme l'a relevé le premier juge, les dispositions de l'état descriptif de division sont simplement plus précises, en ce qu'elles portent sur chaque lot, alors que la destination énoncée à l'alinéa premier l'est de manière générale, sans distinguer les étages au-delà du premier ; qu'en toute hypothèse, la règle suivant laquelle le règlement de copropriété doit prévaloir sur l'état descriptif de division est inopérante ici puisque comme indiqué supra, en vertu d'une disposition spéciale du règlement de copropriété, l'état descriptif a même valeur contractuelle que le règlement de copropriété ; et que l'affectation particulière résultant de l'état descriptif de division étant celle qui, selon le règlement de copropriété lui-même, oblige les copropriétaires pour chacun des lots, il convient de se référer aux énonciations de l'état descriptif de division ; qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que les locaux situés au deuxième étage et aux étages supérieurs ne peuvent être occupés à titre professionnel, la société Le Passage 2000 devant être déboutée de sa demande contraire ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application de l'article 1134 du code civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » ; qu'en l'espèce, aux termes de l'article 8 de l'acte notarié du 16 avril 2003, situé dans la deuxième partie, intitulée « règlement de copropriété » : « l'état descriptif de division ci-inclus, dont chaque copropriétaire a eu connaissance et accepté les termes, a même valeur contractuelle que le règlement de copropriété lui-même. Il détermine l'affectation particulière de chaque lot dépendant du groupe de bâtiments que son propriétaire s'oblige à respecter » ; que cet état descriptif a donc bien en l'espèce une force contraignante, contrairement à ce que soutient la demanderesse ; qu'il détaille la destination de chacun des lots ; qu'il en résulte très clairement que seul les lots situés au premier étage sont des locaux professionnels (ou commercial dans le cas du lot 210 du bâtiment B), les lots situés aux étages supérieurs étant tous des appartements, c'est à dire destinés à l'habitation ; que ces dispositions ne sont pas en contradiction avec celles des articles 8 et 18, qui évoquent l'affectation des étages et combles en général à un « usage professionnel de bureaux commerciaux ou d'habitation », les dispositions de l'état descriptif, prévoyant la destination exacte de chaque lot, étant simplement plus précises ; que les destinations des lots prévues dans l'état descriptif sont au surplus conformes tant à l'exposé préliminaire figurant dans l'acte notarié qu'à celles reprises dans les actes de vente des lots, qui peuvent s'analyser en un engagement pris par la Sarl Le Passage 2000, promoteur de l'opération, à l'égard des acquéreurs, futurs copropriétaires ; que le règlement de copropriété s'oppose donc bien à ce que le lot appartenant à la Sarl Le Passage 2000, situé au deuxième étage, soit affecté à un usage professionnel de bureaux commerciaux ;

1°) ALORS QUE le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ; qu'en jugeant que les lots situés dans les étages de la résidence ne pourraient avoir un usage professionnel au prétexte que l'état descriptif de division inclus dans le règlement de copropriété les décrivait comme des appartements, prétexte inopérant dès lors qu'elle constatait que le règlement de copropriété stipulait que l'immeuble était destiné à « un usage professionnel de bureaux commerciaux ou d'habitation en ce qui concerne les locaux situés aux étages et combles », la cour d'appel a violé les articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;

2°) ALORS QUE chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives comprises dans son lot, à la seule condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l'immeuble ; qu'en jugeant toutefois que les lots situés au deuxième étage et aux étages supérieurs de l'immeuble, dont le règlement de copropriété stipulait qu'il était à destination mixte et, spécialement en ce qui concerne les étages, à usage de bureaux commerciaux et d'habitation, ne pourraient être affectés à un usage professionnel puisque l'état descriptif de division l'identifiait comme un appartement, sans expliciter en quoi l'affectation choisie par le copropriétaire porterait atteinte aux droits des autres copropriétaires ou à la destination de l'immeuble, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965. ECLI:FR:CCASS:2017:C300828
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