Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 juillet 2017, 15-28.597, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'aux termes de leurs actes de naissance américains, dressés conformément à un jugement de la cour supérieure de l'Etat de Californie du 17 septembre 2010, Paul et Pierre Y... sont nés le [...]           à Whittier (Californie, Etats-Unis d'Amérique) de M. Y... et de Mme Z..., son épouse, tous deux de nationalité française ; que, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s'étant opposé à leur demande de transcription de ces actes de naissance sur les registres de l'état civil consulaire et du service central d'état civil du ministère des affaires étrangères, en invoquant l'existence d'une convention de gestation pour autrui, M. et Mme Y... l'ont assigné à cette fin ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et neuvième branches :

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, en ce qui concerne la désignation de Mme Y... en qualité de mère, alors selon le moyen :

1°/ que les actes d'état civil établis dans un pays étrangers et rédigés dans les formes usitées dans ce pays font foi sauf s'ils sont irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que seule la réalité juridique et non la réalité biologique doit être prise en compte pour vérifier la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger ; qu'il résultait des termes du jugement de la Cour supérieure de Californie du 17 septembre 2010, qui servait de fondement aux actes de naissance dont la transcription était demandée, que M. et Mme Y... étaient déclarés parents légaux des deux enfants et que la mère biologique avait renoncé à tous droits sur eux ; qu'en retenant que les faits déclarés par les intéressés lors de l'établissement des actes de naissance par le service de l'état civil californien sur la filiation maternelle des enfants ne correspondaient pas à la réalité, cependant que ces actes avaient été établis sur la foi d'une décision de justice rendue légalement en Californie et donnant force exécutoire à un contrat de gestation pour autrui qui attribuait la paternité et la maternité juridiques à M. et Mme Y..., de sorte que le fait que la mère juridique ne soit pas la femme ayant accouché ne caractérisait pas une fausse information, la cour d'appel a violé l'article 47 du code civil ;

2°/ que le ministère public n'avait contesté ni l'opposabilité en France du jugement américain ni la foi à accorder aux actes dressés en Californie et s'était borné à justifier le refus de transcription de l'acte en invoquant l'existence d'un processus contraire à l'ordre public international français impliquant le recours à un contrat de gestation pour autrui ; qu'en refusant de prendre en compte les énonciations du jugement étranger du 17 septembre 2010 en ce qu'il mentionnait Mme Y... comme étant la mère des enfants, après avoir pourtant rappelé que la théorie de la fraude soutenue par le ministère public n'était pas pertinente dès lors que la convention de gestation pour autrui conclue entre un parent d'intention et une mère porteuse ne faisait plus obstacle à la transcription de l'acte de naissance d'un enfant né à l'étranger issu d'une telle convention, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 47 du code civil ;

3°/ que le procureur de la République ne peut refuser une demande de transcription d'un acte d'état civil dressé à l'étranger qu'en établissant qu'il serait « irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité » au regard des formes usitées dans ce pays ; que les actes de naissance des enfants concernés avaient été établis sur la base d'un jugement de la Cour supérieure de Californie du 17 septembre 2010, lui-même conforme au code de la famille californien, déclarant M. et Mme Y... parents légaux des enfants à naître par gestation pour autrui ; qu'ils avaient donc été rédigés dans les formes usitées dans l'Etat de Californie ; qu'en retenant que le procureur de la République pouvait refuser de transcrire les actes de naissance établis dans ces conditions, la cour d'appel a violé l'article 47 du code civil ;

4°/ qu'en examinant la force probatoire des actes de naissance en litige, non pas au regard des dispositions édictées en vue de leur transcription par l'article 47 du code civil, mais par application de la loi désignée par la règle de conflit pour l'établissement de la filiation de l'enfant, la cour d'appel a violé l'article 47 du code civil ;

5°/ que le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales exige que chacun puisse établir les détails de son identité d'être humain, ce qui inclut sa filiation et sa nationalité ; que la juridiction européenne a retenu que la non-reconnaissance en droit français du lien de filiation entre les enfants conçus par gestation pour autrui et les parents d'intention portait atteinte au respect de leur vie privée, qui implique que chacun puisse établir la substance de son identité, y compris sa filiation ; qu'en limitant l'effet utile du droit au respect de la vie privée et familiale de l'enfant et son droit à l'identité qui inclut la filiation et la nationalité au seul cas où la filiation paternelle est conforme à la vérité biologique, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°/ que l'intérêt supérieur de l'enfant exige que soit transcrit sur les registres d'état civil français l'acte de naissance régulièrement établi à l'étranger et indiquant la filiation paternelle et maternelle ; qu'en retenant que l'intérêt supérieur de l'enfant ne pouvait être utilement invoqué que si la filiation paternelle était conforme à la vérité biologique, la cour d'appel a violé l'article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant ;

7°/ qu'ils faisaient valoir que la filiation de leurs enfants était établie par la possession d'état à leur égard depuis quatre années, ce qui justifiait la transcription des actes de naissance, sauf à porter atteinte au respect de la vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'en refusant la transcription demandée sans répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, selon l'article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;

Que, concernant la désignation de la mère dans les actes de naissance, la réalité, au sens de ce texte, est la réalité de l'accouchement ;

Qu'ayant constaté que Mme Y... n'avait pas accouché des enfants, la cour d'appel en a exactement déduit que les actes de naissance étrangers n'étaient pas conformes à la réalité en ce qu'ils la désignaient comme mère, de sorte qu'ils ne pouvaient, s'agissant de cette désignation, être transcrits sur les registres de l'état civil français ;

Attendu qu'aux termes de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ;

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Attendu que le refus de transcription de la filiation maternelle d'intention, lorsque l'enfant est né à l'étranger à l'issue d'une convention de gestation pour autrui, résulte de la loi et poursuit un but légitime en ce qu'il tend à la protection de l'enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du code civil ;

Attendu que ce refus de transcription ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des enfants, au regard du but légitime poursuivi ; qu'en effet, d'abord, l'accueil des enfants au sein du foyer constitué par leur père et son épouse n'est pas remis en cause par les autorités françaises, qui délivrent des certificats de nationalité française aux enfants nés d'une gestation pour autrui à l'étranger ; qu'ensuite, en considération de l'intérêt supérieur des enfants déjà nés, le recours à la gestation pour autrui ne fait plus obstacle à la transcription d'un acte de naissance étranger, lorsque les conditions de l'article 47 du code civil sont remplies, ni à l'établissement de la filiation paternelle ; qu'enfin, l'adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant, de créer un lien de filiation entre les enfants et l'épouse de leur père ;

Et attendu que la cour d'appel, qui était saisie d'une action aux fins de transcription d'actes de l'état civil étrangers et non d'une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes relatives à la possession d'état des enfants ;

D'où il suit que le moyen, qui critique un motif surabondant en sa quatrième branche, ne peut être accueilli ;

Mais sur la huitième branche du moyen :

Vu l'article 47 du code civil, ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que, pour refuser la transcription des actes de naissance étrangers en ce qu'ils désignent M. Y... en qualité de père, l'arrêt retient qu'en l'absence de certificat médical délivré dans le pays de naissance attestant de la filiation biologique paternelle, d'expertise biologique judiciaire et d'éléments médicaux sur la fécondation artificielle pratiquée, la décision rendue le 17 septembre 2010 par une juridiction californienne le déclarant parent légal des enfants à naître, est insuffisante à démontrer qu'il est le père biologique ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que la transcription des actes de naissance sur les registres de l'état civil français n'était pas subordonnée à une expertise judiciaire, d'autre part, qu'elle constatait que le jugement californien énonçait que le patrimoine génétique de M. Y... avait été utilisé, sans relever l'existence d'éléments de preuve contraire, de sorte que ce jugement avait, à cet égard, un effet de fait et que la désignation de M. Y... dans les actes comme père des enfants était conforme à la réalité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la septième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. et Mme Y... de transcription, sur les registres de l'état civil consulaire et du service central d'état civil du ministère des affaires étrangères, des actes de naissance de Paul et Pierre Y..., nés le [...]           à Whittier (Etats-Unis), en ce qu'ils sont nés de M. Jean-François Y..., né le [...] , l'arrêt rendu le 28 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Ordonne la transcription, sur les registres de l'état civil consulaire français et du service central d'état civil du ministère des affaires étrangères, de :

- l'acte de naissance dressé le 16 novembre 2010 sous le numéro [...], de Paul, X...,  Y..., né le [...]           à Whittier (Comté de Los Angeles, Etat de Californie, Etats-Unis d'Amérique) de M. Jean-François Y..., né [...] , [...]        arrondissement),

- l'acte de naissance dressé le 16 novembre 2010 sous le numéro [...], de Pierre, A..., Y..., né le [...]           à Whittier (Comté de Los Angeles, Etat de Californie, Etats-Unis d'Amérique) de M. Jean-François Y..., né [...] , [...]        arrondissement) ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y... tant en leur nom personnel qu'ès qualités

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté un couple (M. et Mme Y..., les exposants) de leur demande de transcription des actes de naissance de leurs enfants (Paul et Pierre Y...), nés le [...]           à Whittier (Etats-Unis), sur les registres d'état civil consulaires et du service d'état civil du ministère des affaires étrangères ;

AUX MOTIFS QU'il convenait de rappeler que l'article 47 du code civil visait l'acte instrumentaire lui-même, lequel faisait foi de ses seules constatations matérielles ; qu'il ne concernait nullement les questions d'état, telles que le lien de filiation, lesquelles devaient être résolues conformément au statut personnel des parties ; que devait être appliquée la loi désignée par la règle de conflit pour l'établissement de la filiation d'un enfant, énoncée à l'article 311-14 du code civil selon lequel « la filiation (était) régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; si la mère n'(était) pas connue, par la loi personnelle de l'enfant » ; que si la mère d'intention pouvait également être la mère biologique (procréatrice mais non gestatrice), la loi de la mère s'entendait comme la loi de la mère désignée dans l'acte de naissance, c'est-à-dire celle ayant accouché de l'enfant, cette interprétation étant conforme aux dispositions des articles 311-25, 325 et 332 du code civil ; que, contrairement aux prétentions des époux Y... qui se prévalaient de l'illégalité du refus opposé par le procureur de la République à la demande de transcription, les actes de naissance litigieux, faits en pays étranger ne faisaient pas foi, dès lors que les faits qui y étaient déclarés ne correspondaient pas à la réalité, au sens de l'article 47 du code civil, ce qui justifiait le refus opposé par le ministère public ; que les actes d'état civil américains mentionnant des faits déclarés qui ne correspondaient pas à la réalité ne pouvaient, par voie de conséquence, être transcrits sur les registres français et le jugement était confirmé de ce chef ; que, en tout état de cause, l'intérêt supérieur de l'enfant que garantissait l'article 3, § 1, de la convention internationale des droits de l'enfant, le respect de la vie privée et familiale de l'enfant et son droit à une identité qui incluait la filiation et la nationalité au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne pouvaient être utilement invoqués que si la filiation paternelle était conforme à la vérité biologique, comme résultant d'une expertise biologique judiciairement établie selon les modalités de l'article 16-10 du code civil, confiée à un laboratoire dûment agréé ; qu'en effet, il importait de rechercher si le père désigné dans l'acte comme étant M. Jean-François Y..., était le père biologique des enfants Paul et Pierre quand, d'une part, il n'avait été produit aucun certificat médical délivré dans le pays de naissance attestant de la filiation biologique paternelle, d'autre part, la femme qui figurait sur l'acte de naissance comme étant Mme Y... n'était pas celle qui avait accouché de l'enfant par opposition au principe mater semper certa est, tel que résultant des dispositions de l'article 325, alinéa 2, du code civil ; que la cour estimait que la décision rendue par la Cour supérieure de l'Etat de Californie (comté de San Diego) du 17 septembre 2010 concernant les époux Y... et les époux C... et D... B... au sujet d'une paternité et d'une maternité de substitution (paternity et maternity via gestational surrogacy), déclarant les époux Y... parents légaux d'enfants à naître entre le 1er août 2010 et le 1er janvier 2011, précisant que le patrimoine génétique de M. Y... avait été utilisé (propre sperme), était insuffisante à démontrer que le père d'intention était le père biologique en l'absence d'éléments médicaux concernant le programme de fécondation artificielle qui avait été pratiquée et ne pouvait justifier de faire produire en France les effets juridiques dérivant de droits irrégulièrement acquis à l'étranger sur la base de déclarations mensongères ; que, par ailleurs, les parties n'avaient pas débattu de l'article 509 du code de procédure civile selon lequel les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers étaient exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi ; que la demande tendant à la transcription d'un acte de naissance d'un enfant né d'une gestation pour autrui, établi par une autorité étrangère, n'était pas une action d'état et ne pouvait servir de support à la prescription d'une mesure d'expertise génétique, l'action en établissement ou en contestation d'un lien de filiation (article 336 du code civil) étant une action autonome ; qu'en l'état actuel du droit positif, la fiction légale de la filiation adoptive, non conforme à la vérité biologique, qui tendait à assimiler l'adopté à un enfant légitime, ne pouvait être transposée au cas de l'enfant né d'une gestation pour autrui, de façon à effacer dans l'intérêt supérieur de l'enfant, la filiation de la mère de substitution au profit de la filiation de la mère d'intention qui n'avait pas accouché, en l'absence de statut propre de l'enfant né par gestation pour autrui à l'étranger et vivant en France au sein d'un foyer familial qui pourvoyait à son éducation et à son entretien ; que, par voie de conséquence, le jugement était confirmé, mais par substitution de motifs, en ce qu'il avait débouté les époux Y... de leur demande de transcription des actes de naissance de Paul et de Pierre Y... ;

ALORS QUE, de première part, les actes d'état civil établis dans un pays étrangers et rédigés dans les formes usitées dans ce pays font foi sauf s'ils sont irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que seule la réalité juridique et non la réalité biologique doit être prise en compte pour vérifier la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger ; qu'il résultait des termes du jugement de la Cour supérieure de Californie du 17 septembre 2010, qui servait de fondement aux actes de naissance dont la transcription était demandée, que les exposants étaient déclarés parents légaux des deux enfants et que la mère biologique avait renoncé à tous droits sur eux ; qu'en retenant que les faits déclarés par les intéressés lors de l'établissement des actes de naissance par le service de l'état civil californien sur la filiation maternelle des enfants ne correspondaient pas à la réalité, cependant que ces actes avaient été établis sur la foi d'une décision de justice rendue légalement en Californie et donnant force exécutoire à un contrat de gestation pour autrui qui attribuait la paternité et la maternité juridiques aux exposants, de sorte que le fait que la mère juridique ne soit pas la femme ayant accouché ne caractérisait pas une fausse information, la cour d'appel a violé l'article 47 du code civil ;

ALORS QUE, de deuxième part, le ministère public n'avait contesté ni l'opposabilité en France du jugement américain ni la foi à accorder aux actes dressés en Californie et s'était borné à justifier le refus de transcription de l'acte en invoquant l'existence d'un processus contraire à l'ordre public international français impliquant le recours à un contrat de gestation pour autrui ; qu'en refusant de prendre en compte les énonciations du jugement étranger du 17 septembre 2010 en ce qu'il mentionnait l'exposante comme étant la mère des enfants, après avoir pourtant rappelé que la théorie de la fraude soutenue par le ministère public n'était pas pertinente dès lors que la convention de gestation pour autrui conclue entre un parent d'intention et une mère porteuse ne faisait plus obstacle à la transcription de l'acte de naissance d'un enfant né à l'étranger issu d'une telle convention, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 47 du code civil ;

ALORS QUE, de troisième part, le procureur de la République ne peut refuser une demande de transcription d'un acte d'état civil dressé à l'étranger qu'en établissant qu'il serait « irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité » au regard des formes usitées dans ce pays ; que les actes de naissance des enfants concernés avaient été établis sur la base d'un jugement de la Cour supérieure de Californie du 17 septembre 2010, lui-même conforme au code de la famille californien, déclarant les exposants parents légaux des enfants à naître par gestation pour autrui ; qu'ils avaient donc été rédigés dans les formes usitées dans l'Etat de Californie ; qu'en retenant que le procureur de la République pouvait refuser de transcrire les actes de naissance établis dans ces conditions, la cour d'appel a violé l'article 47 du code civil ;

ALORS QUE, de quatrième part, en examinant la force probatoire des actes de naissance en litige non pas au regard des dispositions édictées en vue de leur transcription par l'article 47 du code civil mais par application de la loi désignée par la règle de conflit pour l'établissement de la filiation de l'enfant, la cour d'appel a violé l'article 47 du code civil ;

ALORS QUE, de cinquième part, le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme exige que chacun puisse établir les détails de son identité d'être humain, ce qui inclut sa filiation et sa nationalité ; que la juridiction européenne a retenu que la non-reconnaissance en droit français du lien de filiation entre les enfants conçus par gestation pour autrui et les parents d'intention portait atteinte au respect de leur vie privée, qui implique que chacun puisse établir la substance de son identité, y compris sa filiation ; qu'en limitant l'effet utile du droit au respect de la vie privée et familiale de l'enfant et son droit à l'identité qui inclut la filiation et la nationalité au seul cas où la filiation paternelle est conforme à la vérité biologique, la cour d'appel a violé l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;

ALORS QUE, de sixième part, l'intérêt supérieur de l'enfant exige que soit transcrit sur les registres d'état civil français l'acte de naissance régulièrement établi à l'étranger et indiquant la filiation paternelle et maternelle ; qu'en retenant que l'intérêt supérieur de l'enfant ne pouvait être utilement invoqué que si la filiation paternelle était conforme à la vérité biologique, la cour d'appel a violé l'article 3, § 1, de la convention internationale des droits de l'enfant ;

ALORS QUE, de septième part, le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations ; que le ministère public ne contestait pas que l'exposant était le père biologique des enfants Paul et Pierre sur la foi du jugement de la Cour supérieure de Californie du 17 septembre 2010 et n'avait pas davantage soutenu que la vérité biologique de la filiation paternelle devait résulter d'une expertise judiciairement établie selon les modalités de l'article 16-10 du code civil ; qu'en retenant que l'intérêt supérieur de l'enfant et le respect de sa vie privée ne pouvaient être utilement invoqués que si la filiation paternelle était conforme à la vérité biologique comme résultant d'une expertise judiciairement selon les modalités de l'article 16-10 du code civil et que la filiation biologique de l'exposant n'était pas établie en l'absence d'un certificat médical en attestant et d'éléments médicaux concernant le programme de fécondation artificielle pratiquée, relevant ainsi d'office un moyen sans avoir invité préalablement les parties à en discuter, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, en outre, aucune disposition légale ne subordonne la transcription d'un acte d'état civil étranger sur les registres d'état civil français à la preuve de la filiation biologique paternelle par une expertise biologique judiciairement établie, l'article 16-10 du code civil ne concernant que les expertises génétiques ordonnées dans le cadre d'une action d'état ; qu'en soumettant dès lors la transcription d'un acte de naissance étranger à la condition que la filiation biologique paternelle résulte d'une expertise génétique judiciairement établie, la cour d'appel a violé les articles 16-10 et 47 code civil ;

ALORS QUE, enfin, les exposants faisaient valoir (v. leurs concl. signifiées le 26 mai 2015, p. 6, § 4, et p. 7) que la filiation de leurs enfants était établie par la possession d'état à leur égard depuis quatre années, ce qui justifiait la transcription des actes de naissance, sauf à porter atteinte au respect de la vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'en refusant la transcription demandée sans répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2017:C100824
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