Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 29 juin 2017, 16-16.637, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 29 juin 2017, 16-16.637, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 16-16.637
- ECLI:FR:CCASS:2017:C300789
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 29 juin 2017
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 04 février 2016- Président
- M. Chauvin (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 février 2016), que la société Balp, qui exploite des locaux commerciaux, a confié à la société Sunset agencement et travaux (société Sunset) la pose d'un revêtement de sol ; que, se plaignant de désordres, la société Balp a assigné la société Sunset, aujourd'hui en liquidation judiciaire, et son assureur, la MAAF, en paiement du coût des travaux de reprise et en indemnisation de ses préjudices ;
Attendu que la MAAF fait grief à l'arrêt de dire que les désordres engagent la responsabilité décennale de la société Sunset et de la condamner à garantir cette société et à payer diverses sommes ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les désordres affectant le revêtement de sol, élément d'équipement des locaux, consistaient, notamment, en des poinçonnements au droit des points d'appui des meubles, des défauts d'adhérence se matérialisant par un cloquage, des dégradations mécaniques du revêtement, et des défauts d'adhérence, et souverainement retenu que ces différentes dégradations, incompatibles avec la nécessité de procéder au déplacement des meubles, de les mettre en valeur et d'offrir aux clients potentiels un cadre attractif pour inciter à leur achat, rendaient ces locaux impropres à leur destination, la cour d'appel a exactement déduit de ces seuls motifs que ces désordres engageaient la responsabilité décennale de la société Sunset ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société MAAF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la MAAF et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Balp ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Maaf assurances
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué,
D'AVOIR dit que les désordres affectant les revêtements de sol des locaux à l'enseigne Monsieur meuble et Cuir center engagent la responsabilité décennale de la société Sunset agencement travaux et D'AVOIR en conséquence dit que la Maaf doit sa garantie à la société Sunset agencement travaux pour les désordres susvisés et condamné la Maaf à payer à la société Balp la somme de 58 500 euros HT actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction entre le mois d'octobre 2011 et le mois de février 2016, au titre des travaux de reprise ;
AUX MOTIFS QUE sur la responsabilité de la société SUNSET Agencement et Travaux, sur l'existence d'une réception des travaux, aux termes de l'article 1792-6 alinéa 1er du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement ; elle est en tout état de cause prononcée contradictoirement ; que la réception peut être expresse, tacite ou judiciaire ; que la réception tacite suppose une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage ; qu'en l'espèce, la société BALP a pris possession des lieux après achèvement des travaux au cours du mois de juin 2009, les photographies annexées au procès-verbal de constat d'huissier dressé le 4 juillet 2009 concernant le local à l'enseigne Monsieur Meuble montrant la présence de meubles le garnissant, et en tout état de cause, la prise de possession des deux locaux ne faisant pas l'objet de contestations ; que les travaux dans le local à l'enseigne Monsieur Meuble d'un montant total de 41 420, 08 € HT, ont été intégralement réglés, au mois de juin 2009 (facture en date du 9 juin 2009) ; que sur ceux réalisés dans le local à l'enseigne Cuir Center, dont le montant total était de 30 181, 50 € HT, il n'est pas contesté que la société BALP reste redevable de la somme de 14 658, 24 € TTC, après qu'une facture de 21 658, 24 € TTC ait été émise le 15 juillet 2009 et qu'elle ait versé une somme de 7 000 € le 21 août 2009 (mise en demeure adressée à la société BALP par le conseil de la société SUNSET Agencement et Travaux le 27 novembre 2009) ; que le solde dû représente en conséquence environ 17 % du montant des deux devis ; que selon les déclarations faites à l'expert par le conseil de la société BALP, ce non paiement résiduel a été motivé par l'apparition de désordres ; qu'eu égard à la prise de possession des lieux par le maître de l'ouvrage qui s'est concrétisée par l'installation des meubles destinés à la vente, et au paiement d'une part très importante des marchés, la MAAF ne peut utilement soutenir que la volonté du maître de l'ouvrage de réceptionner tacitement les travaux ne serait pas établie et se prévaloir du procès-verbal de constat d'huissier que la société BALP a fait dresser le 4 juillet 2009 : qu'en effet, ce constat a été sollicité postérieurement à la prise de possession et non pas concomitamment à celle-ci, suite à l'apparition de désordres après mise en place des meubles et ne peut remettre en cause a posteriori l'acceptation antérieure des travaux ; que de même, le refus de payer le solde des travaux n'a été formulé qu'ultérieurement à réception de la seconde facture, alors que les désordres étaient déjà survenus ; que dès lors, en l'état d'une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir les travaux fin juin 2009, il convient de retenir l'existence d'une réception tacite des dits travaux à cette date
que sur la nature des désordres, le rapport d'expertise met en évidence les éléments suivants :
- pour le revêtement de sol des surfaces de vente des deux magasins, il a été fait choix par la société BALP d'un revêtement fabriqué par la société BOLON AB, dit Bolon ;
- les désordres constatés consistent en des poinçonnements au droit des points d'appui des meubles, en quelques défauts d'adhérence qui se matérialisent par un cloquage, quelques dégradations mécaniques du revêtement, un encrassement de surface et surtout la présence de taches de natures diverses dont l'élimination n'est pas possible ;
- aucune reconnaissance de sol préalable aux travaux n'a été effectuée (porosité, cohésion, teneur en humidité, planéité, présence ou non de microfissures et fissures), la préparation du support a été très sommaire (ragréage conservé avec des reprises ponctuelles au droit de zones dégradées), ce qui est à l'origine des défauts d'adhérence, l'enduit de ragréage conservé n'étant pas assez cohésif de sorte que le revêtement Bolon collé à ce matériau se décolle ponctuellement ; les travaux n'ont pas été réalisés conformément aux règles de l'art ;
- l'encrassement de surface noir particulièrement visible dans l'un des locaux où le revêtement est d'une teinte plus claire, est dû à de la poussière et des salissures qui se sont déposées à la surface du revêtement Bolon ;
il est consécutif au choix d'un protocole de nettoyage inadapté ;
- les nombreuses taches noires et dans une moindre mesure colorées (rouge et jaune) correspondent à d'anciennes zones d'appuis de meubles ou aux traces générées lors du déplacement de meubles et/ ou de personnes, se sont incrustées dans le revêtement et sont apparues très rapidement (consignées dans le procès-verbal de constat dressé le 4 juillet 2009) ;
la métallisation des surfaces qui n'a pas été conseillée au maître de l'ouvrage, aurait permis un entretien plus aisé ;
- le type de revêtement choisi s'il dispose de propriétés intrinsèques suffisantes pour être mis en oeuvre au niveau des sols d'un magasin de vente de meubles, est cependant sensible au poinçonnement provoqué par des meubles (actions mécaniques du mobilier fixe ou mobile, chutes d'objet), poinçonnement qui a été constaté dès le 4 juillet 2009 ;
son utilisation est trop contraignante pour obtenir une maintenance des sols en très bon état ;
- les dégradations mécaniques constatées à la surface du revêtement sont dues aux frottements générés lors des déplacements de meubles pour réaménager les surfaces de vente des magasins.
que si les travaux réalisés ne constituent pas la réalisation d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, le revêtement de sol ainsi posé est un élément d'équipement des locaux ; que la MAAF ne justifie pas en quoi le Bolon constituerait un revêtement dont la fonction exclusive serait de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans un local au sens de l'article 1792-7 du code civil, spécificité qui ne résulte pas des dossiers techniques le concernant produits dans le cadre de l'expertise ; qu'elle est donc mal fondée à soutenir que les travaux réalisés échapperaient nécessairement de ce fait à la responsabilité décennale ; que les locaux de la société BALP étant destinés à exposer des meubles en vue de leur vente aux particuliers, meubles qui n'ont pas pour vocation d'être fixés à demeure, les différentes dégradations dont le revêtement de sol a fait l'objet très rapidement mais postérieurement à la réception tacite des travaux, à l'exception de l'encrassement auquel il peut être remédié par un nettoyage adapté, sont incompatibles avec la nécessité de procéder au déplacement des meubles, de les mettre en valeur et d'offrir aux clients potentiels un cadre attractif pour inciter à leur achat, même si elles n'interdisent pas une exploitation des locaux ; qu'elles rendent en conséquence lesdits locaux impropres à leur destination au sens de l'article 1792 du code civil ; que la société BALP est en conséquence fondée à rechercher la responsabilité décennale de la société SUNSET Agencement et Travaux, le fait que le Bolon ait été choisi par le maître de l'ouvrage et fourni par celui-ci concernant l'un des locaux n'étant pas de nature à exonérer l'entreprise de sa responsabilité de plein droit édictée par ce texte, faute de preuve de la compétence notoire de la société BALP en la matière ; que la société BALP est en revanche irrecevable à solliciter la condamnation de la société SUNSET Agencement et Travaux à paiement en l'état de la procédure collective dont celle-ci fait l'objet, s'agissant d'une créance antérieure à l'ouverture de cette procédure, en application de l'article L 622-7 du code de commerce ;
que la MAAF ne conteste pas assurer la société SUNSET Agencement et Travaux au titre de la responsabilité civile décennale pour les travaux réalisés en mai et juin 2009.
Les désordres ayant un caractère décennal, elle doit donc sa garantie et sera condamnée à paiement envers la société BALP ;
que sur le montant des réparations, l'expert judiciaire a conclu à la nécessité de reprendre les travaux de revêtement de sol en Intégralité, impliquant l'élimination du revêtement Bolon, ainsi que celle de l'enduit de ragréage non adhérent ; qu'il a chiffré le montant des travaux de reprise à la somme de 58 500 € HT, en optant pour la pose de carrelage afin d'adapter le revêtement aux contraintes d'exploitation des magasins et en incluant la reprise des peintures une fois le carrelage et les plinthes posées ; qu'il a également précisé que les travaux de reprise nécessitaient le déménagement puis le réaménagement des meubles et impliquaient la fermeture des locaux pendant deux semaines environ ; qu'il convient d'entériner cette préconisation, dès lors que la remise en place d'un revêtement Bolon ne permettrait pas de remédier aux désordres de façon pérenne et que son remplacement par du carrelage est seul de nature à y mettre fin ; que les travaux de reprise doivent porter sur les deux locaux commerciaux dès lors que la société SUNSET Agencement et Travaux y a posé un revêtement inadapté et sans respecter les règles de l'art ; que la société BALP doit être déboutée de sa demande tendant à ajouter à ce montant la somme de 80 000 € HT au titre des frais de déménagement, celle de 15 000 € HT au titre du démontage des cloisons et celle de 19 100 € HT au titre des frais de neutralisation des installations électriques, faute d'être justifiées, dès lors que ces sommes résultent d'une estimation faite par un architecte, ne sont pas corroborées par des devis et ne comportent aucun détail technique, comme l'a relevé Monsieur X...dans un courrier adressé aux parties le 10 octobre 2011, cette demande lui ayant été soumise après le dépôt de son rapport ; qu'elle doit également être déboutée de sa demande au titre de la perte économique, dans la mesure où le seul document qu'elle produit est une attestation de son expert comptable en date du 30 septembre 2011, qui fait état d'une marge commerciale moyenne de 12 098, 95 € par semaine au vu du bilan clos le 30 juin 2011, document insuffisant à établir que la fermeture des magasins pendant deux semaines durant les travaux générera une perte effective de ce montant, la fermeture pouvant être faite pendant les mois de moindre activité et aucune pièce ne permettant de déterminer quel serait alors l'impact financier ; que la MAAF sera en conséquence condamnée au paiement de la somme de 58 500 € HT actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction entre le mois d'octobre 2011 et le mois de février 2016, la condamnation devant être prononcée hors taxes, comme sollicité par la MAAF, en l'absence de justification par la société BALP de ce qu'elle ne récupère pas la TVA ;
1°) ALORS QUE les prestations portant sur la fourniture et la pose d'éléments qui, comme les revêtements de sol, sont inertes et dont les défectuosités sont sans conséquences fonctionnelles pour l'ouvrage, ne peuvent être assimilés à un ouvrage au sens des articles 1792 et suivants du code civil, et relèvent exclusivement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les désordres incriminés affectaient « le revêtement de sol des surfaces de vente de deux magasins », la société Balp ayant choisi un revêtement « fabriqué par la société […] Bolon », qui avait rapidement été affecté de désordres consistant dans des « poinçonnements au droit des points d'appui des meubles, […] quelques défauts d'adhérence […] se matérialis [a] nt par un cloquage, quelques dégradations mécaniques du revêtement, un encrassement de surface et surtout la présence de taches de natures diverses dont l'élimination n'[était] pas possible » ; que dès lors en déclarant que ces désordres, dont la cour d'appel a constaté qu'il résultaient de manquements de la société Sunset aux règles de l'art, relevaient de la garantie décennale, la cour d'appel, qui a du reste par ailleurs retenu que les travaux de pose de revêtement litigieux « ne constituaient pas la réalisation d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil », n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1792 et suivants du code civil ;
2°) ALORS en outre et en toute hypothèse QUE, lorsqu'ils affectent un élément d'équipement dissociable, les désordres ne peuvent relever de la garantie décennale que s'ils rendent l'ouvrage en son entier impropre à sa destination ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que le revêtement de sol litigieux était « un élément d'équipement des locaux » affecté de désordres consistant dans des « poinçonnements au droit des points d'appui des meubles, […] quelques défauts d'adhérence […] se matérialis [a] nt par un cloquage, quelques dégradations mécaniques du revêtement, un encrassement de surface et surtout la présence de taches de natures diverses dont l'élimination n'[était] pas possible », ces désordres ne permettait pas de procéder au déplacement des meubles en les mettant en valeur et en offrant aux clients un cadre attractif les incitant à l'achat, mais « n'interdis [ant] pas une exploitation des locaux » ; que dès lors, en déclarant que les désordres litigieux relevaient de la garantie décennale, la cour d'appel, qui n'a nullement caractérisé une impropriété de l'ouvrage en son entier à sa destination, n'a, en retenant la responsabilité décennale de la société Sunset, pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1792 et suivants du code civil ;
3°) ALORS en tout état de cause également QUE les désordres purement esthétiques ne sauraient relever de la garantie décennale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les désordres affectant le revêtement litigieux consistaient dans des « poinçonnements au droit des points d'appui des meubles, […] quelques défauts d'adhérence […] se matérialis [a] nt par un cloquage, quelques dégradations mécaniques du revêtement, un encrassement de surface et surtout la présence de taches de natures diverses dont l'élimination n'[était] pas possible », ces désordres n'interdisant pas une exploitation des locaux ; que dès lors, en retenant la responsabilité décennale de la société Sunset, cependant qu'il résultait de ses constatations que les désordres litigieux affectant le revêtement de sol étaient purement esthétiques, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1792 et suivants du code civil.ECLI:FR:CCASS:2017:C300789
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 février 2016), que la société Balp, qui exploite des locaux commerciaux, a confié à la société Sunset agencement et travaux (société Sunset) la pose d'un revêtement de sol ; que, se plaignant de désordres, la société Balp a assigné la société Sunset, aujourd'hui en liquidation judiciaire, et son assureur, la MAAF, en paiement du coût des travaux de reprise et en indemnisation de ses préjudices ;
Attendu que la MAAF fait grief à l'arrêt de dire que les désordres engagent la responsabilité décennale de la société Sunset et de la condamner à garantir cette société et à payer diverses sommes ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les désordres affectant le revêtement de sol, élément d'équipement des locaux, consistaient, notamment, en des poinçonnements au droit des points d'appui des meubles, des défauts d'adhérence se matérialisant par un cloquage, des dégradations mécaniques du revêtement, et des défauts d'adhérence, et souverainement retenu que ces différentes dégradations, incompatibles avec la nécessité de procéder au déplacement des meubles, de les mettre en valeur et d'offrir aux clients potentiels un cadre attractif pour inciter à leur achat, rendaient ces locaux impropres à leur destination, la cour d'appel a exactement déduit de ces seuls motifs que ces désordres engageaient la responsabilité décennale de la société Sunset ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société MAAF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la MAAF et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Balp ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Maaf assurances
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué,
D'AVOIR dit que les désordres affectant les revêtements de sol des locaux à l'enseigne Monsieur meuble et Cuir center engagent la responsabilité décennale de la société Sunset agencement travaux et D'AVOIR en conséquence dit que la Maaf doit sa garantie à la société Sunset agencement travaux pour les désordres susvisés et condamné la Maaf à payer à la société Balp la somme de 58 500 euros HT actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction entre le mois d'octobre 2011 et le mois de février 2016, au titre des travaux de reprise ;
AUX MOTIFS QUE sur la responsabilité de la société SUNSET Agencement et Travaux, sur l'existence d'une réception des travaux, aux termes de l'article 1792-6 alinéa 1er du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement ; elle est en tout état de cause prononcée contradictoirement ; que la réception peut être expresse, tacite ou judiciaire ; que la réception tacite suppose une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage ; qu'en l'espèce, la société BALP a pris possession des lieux après achèvement des travaux au cours du mois de juin 2009, les photographies annexées au procès-verbal de constat d'huissier dressé le 4 juillet 2009 concernant le local à l'enseigne Monsieur Meuble montrant la présence de meubles le garnissant, et en tout état de cause, la prise de possession des deux locaux ne faisant pas l'objet de contestations ; que les travaux dans le local à l'enseigne Monsieur Meuble d'un montant total de 41 420, 08 € HT, ont été intégralement réglés, au mois de juin 2009 (facture en date du 9 juin 2009) ; que sur ceux réalisés dans le local à l'enseigne Cuir Center, dont le montant total était de 30 181, 50 € HT, il n'est pas contesté que la société BALP reste redevable de la somme de 14 658, 24 € TTC, après qu'une facture de 21 658, 24 € TTC ait été émise le 15 juillet 2009 et qu'elle ait versé une somme de 7 000 € le 21 août 2009 (mise en demeure adressée à la société BALP par le conseil de la société SUNSET Agencement et Travaux le 27 novembre 2009) ; que le solde dû représente en conséquence environ 17 % du montant des deux devis ; que selon les déclarations faites à l'expert par le conseil de la société BALP, ce non paiement résiduel a été motivé par l'apparition de désordres ; qu'eu égard à la prise de possession des lieux par le maître de l'ouvrage qui s'est concrétisée par l'installation des meubles destinés à la vente, et au paiement d'une part très importante des marchés, la MAAF ne peut utilement soutenir que la volonté du maître de l'ouvrage de réceptionner tacitement les travaux ne serait pas établie et se prévaloir du procès-verbal de constat d'huissier que la société BALP a fait dresser le 4 juillet 2009 : qu'en effet, ce constat a été sollicité postérieurement à la prise de possession et non pas concomitamment à celle-ci, suite à l'apparition de désordres après mise en place des meubles et ne peut remettre en cause a posteriori l'acceptation antérieure des travaux ; que de même, le refus de payer le solde des travaux n'a été formulé qu'ultérieurement à réception de la seconde facture, alors que les désordres étaient déjà survenus ; que dès lors, en l'état d'une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir les travaux fin juin 2009, il convient de retenir l'existence d'une réception tacite des dits travaux à cette date
que sur la nature des désordres, le rapport d'expertise met en évidence les éléments suivants :
- pour le revêtement de sol des surfaces de vente des deux magasins, il a été fait choix par la société BALP d'un revêtement fabriqué par la société BOLON AB, dit Bolon ;
- les désordres constatés consistent en des poinçonnements au droit des points d'appui des meubles, en quelques défauts d'adhérence qui se matérialisent par un cloquage, quelques dégradations mécaniques du revêtement, un encrassement de surface et surtout la présence de taches de natures diverses dont l'élimination n'est pas possible ;
- aucune reconnaissance de sol préalable aux travaux n'a été effectuée (porosité, cohésion, teneur en humidité, planéité, présence ou non de microfissures et fissures), la préparation du support a été très sommaire (ragréage conservé avec des reprises ponctuelles au droit de zones dégradées), ce qui est à l'origine des défauts d'adhérence, l'enduit de ragréage conservé n'étant pas assez cohésif de sorte que le revêtement Bolon collé à ce matériau se décolle ponctuellement ; les travaux n'ont pas été réalisés conformément aux règles de l'art ;
- l'encrassement de surface noir particulièrement visible dans l'un des locaux où le revêtement est d'une teinte plus claire, est dû à de la poussière et des salissures qui se sont déposées à la surface du revêtement Bolon ;
il est consécutif au choix d'un protocole de nettoyage inadapté ;
- les nombreuses taches noires et dans une moindre mesure colorées (rouge et jaune) correspondent à d'anciennes zones d'appuis de meubles ou aux traces générées lors du déplacement de meubles et/ ou de personnes, se sont incrustées dans le revêtement et sont apparues très rapidement (consignées dans le procès-verbal de constat dressé le 4 juillet 2009) ;
la métallisation des surfaces qui n'a pas été conseillée au maître de l'ouvrage, aurait permis un entretien plus aisé ;
- le type de revêtement choisi s'il dispose de propriétés intrinsèques suffisantes pour être mis en oeuvre au niveau des sols d'un magasin de vente de meubles, est cependant sensible au poinçonnement provoqué par des meubles (actions mécaniques du mobilier fixe ou mobile, chutes d'objet), poinçonnement qui a été constaté dès le 4 juillet 2009 ;
son utilisation est trop contraignante pour obtenir une maintenance des sols en très bon état ;
- les dégradations mécaniques constatées à la surface du revêtement sont dues aux frottements générés lors des déplacements de meubles pour réaménager les surfaces de vente des magasins.
que si les travaux réalisés ne constituent pas la réalisation d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, le revêtement de sol ainsi posé est un élément d'équipement des locaux ; que la MAAF ne justifie pas en quoi le Bolon constituerait un revêtement dont la fonction exclusive serait de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans un local au sens de l'article 1792-7 du code civil, spécificité qui ne résulte pas des dossiers techniques le concernant produits dans le cadre de l'expertise ; qu'elle est donc mal fondée à soutenir que les travaux réalisés échapperaient nécessairement de ce fait à la responsabilité décennale ; que les locaux de la société BALP étant destinés à exposer des meubles en vue de leur vente aux particuliers, meubles qui n'ont pas pour vocation d'être fixés à demeure, les différentes dégradations dont le revêtement de sol a fait l'objet très rapidement mais postérieurement à la réception tacite des travaux, à l'exception de l'encrassement auquel il peut être remédié par un nettoyage adapté, sont incompatibles avec la nécessité de procéder au déplacement des meubles, de les mettre en valeur et d'offrir aux clients potentiels un cadre attractif pour inciter à leur achat, même si elles n'interdisent pas une exploitation des locaux ; qu'elles rendent en conséquence lesdits locaux impropres à leur destination au sens de l'article 1792 du code civil ; que la société BALP est en conséquence fondée à rechercher la responsabilité décennale de la société SUNSET Agencement et Travaux, le fait que le Bolon ait été choisi par le maître de l'ouvrage et fourni par celui-ci concernant l'un des locaux n'étant pas de nature à exonérer l'entreprise de sa responsabilité de plein droit édictée par ce texte, faute de preuve de la compétence notoire de la société BALP en la matière ; que la société BALP est en revanche irrecevable à solliciter la condamnation de la société SUNSET Agencement et Travaux à paiement en l'état de la procédure collective dont celle-ci fait l'objet, s'agissant d'une créance antérieure à l'ouverture de cette procédure, en application de l'article L 622-7 du code de commerce ;
que la MAAF ne conteste pas assurer la société SUNSET Agencement et Travaux au titre de la responsabilité civile décennale pour les travaux réalisés en mai et juin 2009.
Les désordres ayant un caractère décennal, elle doit donc sa garantie et sera condamnée à paiement envers la société BALP ;
que sur le montant des réparations, l'expert judiciaire a conclu à la nécessité de reprendre les travaux de revêtement de sol en Intégralité, impliquant l'élimination du revêtement Bolon, ainsi que celle de l'enduit de ragréage non adhérent ; qu'il a chiffré le montant des travaux de reprise à la somme de 58 500 € HT, en optant pour la pose de carrelage afin d'adapter le revêtement aux contraintes d'exploitation des magasins et en incluant la reprise des peintures une fois le carrelage et les plinthes posées ; qu'il a également précisé que les travaux de reprise nécessitaient le déménagement puis le réaménagement des meubles et impliquaient la fermeture des locaux pendant deux semaines environ ; qu'il convient d'entériner cette préconisation, dès lors que la remise en place d'un revêtement Bolon ne permettrait pas de remédier aux désordres de façon pérenne et que son remplacement par du carrelage est seul de nature à y mettre fin ; que les travaux de reprise doivent porter sur les deux locaux commerciaux dès lors que la société SUNSET Agencement et Travaux y a posé un revêtement inadapté et sans respecter les règles de l'art ; que la société BALP doit être déboutée de sa demande tendant à ajouter à ce montant la somme de 80 000 € HT au titre des frais de déménagement, celle de 15 000 € HT au titre du démontage des cloisons et celle de 19 100 € HT au titre des frais de neutralisation des installations électriques, faute d'être justifiées, dès lors que ces sommes résultent d'une estimation faite par un architecte, ne sont pas corroborées par des devis et ne comportent aucun détail technique, comme l'a relevé Monsieur X...dans un courrier adressé aux parties le 10 octobre 2011, cette demande lui ayant été soumise après le dépôt de son rapport ; qu'elle doit également être déboutée de sa demande au titre de la perte économique, dans la mesure où le seul document qu'elle produit est une attestation de son expert comptable en date du 30 septembre 2011, qui fait état d'une marge commerciale moyenne de 12 098, 95 € par semaine au vu du bilan clos le 30 juin 2011, document insuffisant à établir que la fermeture des magasins pendant deux semaines durant les travaux générera une perte effective de ce montant, la fermeture pouvant être faite pendant les mois de moindre activité et aucune pièce ne permettant de déterminer quel serait alors l'impact financier ; que la MAAF sera en conséquence condamnée au paiement de la somme de 58 500 € HT actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction entre le mois d'octobre 2011 et le mois de février 2016, la condamnation devant être prononcée hors taxes, comme sollicité par la MAAF, en l'absence de justification par la société BALP de ce qu'elle ne récupère pas la TVA ;
1°) ALORS QUE les prestations portant sur la fourniture et la pose d'éléments qui, comme les revêtements de sol, sont inertes et dont les défectuosités sont sans conséquences fonctionnelles pour l'ouvrage, ne peuvent être assimilés à un ouvrage au sens des articles 1792 et suivants du code civil, et relèvent exclusivement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les désordres incriminés affectaient « le revêtement de sol des surfaces de vente de deux magasins », la société Balp ayant choisi un revêtement « fabriqué par la société […] Bolon », qui avait rapidement été affecté de désordres consistant dans des « poinçonnements au droit des points d'appui des meubles, […] quelques défauts d'adhérence […] se matérialis [a] nt par un cloquage, quelques dégradations mécaniques du revêtement, un encrassement de surface et surtout la présence de taches de natures diverses dont l'élimination n'[était] pas possible » ; que dès lors en déclarant que ces désordres, dont la cour d'appel a constaté qu'il résultaient de manquements de la société Sunset aux règles de l'art, relevaient de la garantie décennale, la cour d'appel, qui a du reste par ailleurs retenu que les travaux de pose de revêtement litigieux « ne constituaient pas la réalisation d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil », n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1792 et suivants du code civil ;
2°) ALORS en outre et en toute hypothèse QUE, lorsqu'ils affectent un élément d'équipement dissociable, les désordres ne peuvent relever de la garantie décennale que s'ils rendent l'ouvrage en son entier impropre à sa destination ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que le revêtement de sol litigieux était « un élément d'équipement des locaux » affecté de désordres consistant dans des « poinçonnements au droit des points d'appui des meubles, […] quelques défauts d'adhérence […] se matérialis [a] nt par un cloquage, quelques dégradations mécaniques du revêtement, un encrassement de surface et surtout la présence de taches de natures diverses dont l'élimination n'[était] pas possible », ces désordres ne permettait pas de procéder au déplacement des meubles en les mettant en valeur et en offrant aux clients un cadre attractif les incitant à l'achat, mais « n'interdis [ant] pas une exploitation des locaux » ; que dès lors, en déclarant que les désordres litigieux relevaient de la garantie décennale, la cour d'appel, qui n'a nullement caractérisé une impropriété de l'ouvrage en son entier à sa destination, n'a, en retenant la responsabilité décennale de la société Sunset, pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1792 et suivants du code civil ;
3°) ALORS en tout état de cause également QUE les désordres purement esthétiques ne sauraient relever de la garantie décennale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les désordres affectant le revêtement litigieux consistaient dans des « poinçonnements au droit des points d'appui des meubles, […] quelques défauts d'adhérence […] se matérialis [a] nt par un cloquage, quelques dégradations mécaniques du revêtement, un encrassement de surface et surtout la présence de taches de natures diverses dont l'élimination n'[était] pas possible », ces désordres n'interdisant pas une exploitation des locaux ; que dès lors, en retenant la responsabilité décennale de la société Sunset, cependant qu'il résultait de ses constatations que les désordres litigieux affectant le revêtement de sol étaient purement esthétiques, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1792 et suivants du code civil.