Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 juin 2017, 16-12.007 16-12.009 16-12.010 16-12.011 16-12.012 16-12.013 16-12.014 16-12.015 16-12.016 16-12.017 16-12.018 16-12.019 16-12.020 16-12.021 16-12.022 16-12.023 16-12.024 16-12.025 16-12.026 16-12.02

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Vu la connexité, joint les pourvois n° 16-12.007, 16-12.009 à 16-12.058 et 16-12.060 à 16-12.077 ;

Sur le moyen unique :

Vu le principe d'égalité de traitement ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, qu'à la suite d'une réduction significative des prestations confiées par son principal donneur d'ordre courant 2005, la société Geodis logistics ouest ayant pour activité le conditionnement et la distribution de produit de téléphonie, a été conduite à engager une procédure de licenciement économique collectif emportant la suppression de deux cent vingt-quatre postes sur deux cent quatre-vingt-cinq dans son établissement situé à Saint- Berthevin avec la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) en décembre 2005 ; que dans le cadre de cette procédure, M. Z... et soixante-huit autres salariés ont été licenciés pour motif économique en janvier 2006 ; qu'à la suite de la rupture définitive des relations commerciales avec le principal donneur d'ordre, il a été décidé de la fermeture du site de Saint- Berthevin, la mise en place d'une nouvelle procédure de licenciement économique collectif emportant la suppression de cinquante-sept postes de travail sur les soixante-quatre restants sur le site, et l'adoption d'un plan de sauvegarde de l'emploi le 10 avril 2007 prévoyant notamment une indemnité spécifique de fermeture de site de 12 030 euros au bénéfice de l'ensemble des salariés visés par cette seconde procédure ; que, s'estimant lésés par le fait qu'une telle indemnité n'avait pas été prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi du 16 décembre 2005 dont ils avaient bénéficié, M. Z... et soixante-huit autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir notamment le paiement d'une telle indemnité sur le fondement du principe d'égalité de traitement ;

Attendu que pour faire droit à leur demande, les arrêts énoncent en premier lieu qu'une différence de traitement peut être invoquée lorsque deux plans de sauvegarde de l'emploi se succèdent au sein de la même entreprise ; qu'ils retiennent ensuite que la circonstance que le second PSE et la procédure de licenciement collectif pour motif économique qu'il accompagnait se soient inscrits dans le cadre d'une fermeture du site alors que le premier PSE et la première procédure de licenciement collectif pour motif économique s'étaient inscrits dans le cadre de !a suppression d'un grand nombre d'emplois au sein de cet établissement ne suffit pas en soi à caractériser une différence de situation propre à justifier le versement de l'indemnité litigieuse aux seuls salariés licenciés en 2007 ; qu'après une analyse des circonstances économiques et sociales ayant conduit aux procédures de licenciement économique collectif successives, il est considéré qu'au regard de l'objet de l'avantage en cause, les salariés licenciés en 2006 avaient été confrontés à une déception et à un traumatisme moral identiques à ceux vécus par leurs collègues un an plus tard et que la rupture anticipée des relations commerciales avec le principal donneur d'ordre, la fermeture de site, les possibilités de reclassement et de retrouver un nouvel emploi ne constituaient pas des raisons objectives et pertinentes propres à justifier une différence de traitement entre les salariés licenciés en 2007 et ceux licenciés en janvier 2006 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que deux procédures de licenciement économique collectif avaient été successivement engagées dans l'entreprise accompagnées de plans de sauvegarde de l'emploi distincts, en sorte que les salariés licenciés dans le cadre de la première procédure n'étaient pas dans une situation identique à celles salariés licenciés dans le cadre de la seconde procédure au cours de laquelle avait été élaboré, après information et consultation des institutions représentatives du personnel, le plan prévoyant l'avantage revendiqué, la cour d'appel a violé par fausse application le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société Géodis logistics Ouest à verser à chacun des salariés la somme de 12 030 euros brut à titre d'indemnité de rupture anticipée de contrat et de fermeture de site, les arrêts rendus le 17 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne les salariés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Géodis logistics Ouest, demanderesse aux pourvois n° H 16-12.007, J 16-12.009 à N 16-12.058 et Q 16-12.060 à G 16-12.077

Il est fait grief aux arrêts confirmatifs attaqués d'AVOIR condamné la société GEODIS LOGISTICS OUEST à payer à chacun des 69 salariés défendeurs aux pourvois la somme de 12.030 euros bruts à titre d'indemnité de rupture anticipée de contrat et de fermeture de site et la somme de 100 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Si un plan de sauvegarde de l'emploi peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu'une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles déterminant les conditions d'attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables. Une telle différence de traitement peut être invoquée lorsque, comme en l'espèce, deux plans de sauvegarde de l'emploi se succèdent au sein d'une même entreprise. Le plan de sauvegarde de l'emploi approuvé le 16 décembre 2005 contient la clause suivante : « Le maintien de 61 postes correspond au nouveau périmètre du contrat avec T&A (TCL & ALACATEL) tel qu'exposé au § 2-4-2 et aux activités VALEO et SALMSON. Il est d'ores et déjà convenu que les dispositions du PSE résultant de la procédure en cours s'appliqueraient également dans leur intégralité à tout salarié du site de St-

Berthevin maintenu au titre de cette procédure en cours dont le contrat de travail se trouverait rompu au titre d'un éventuel PSE ou licenciement économique individuel au cours des deux années à venir (2006/2007) ou à la date de rupture du contrat avec T&A. Cette disposition n'est pas applicable pour tout licenciement relevant d'une mesure disciplinaire.». Comme l'indique la société Geodis Logistics Ouest, cette clause doit s'interpréter comme une clause de garantie minimum destinée à assurer les salariés non licenciés en 2006 qu'en cas de rupture de leur contrat de travail pour motif économique dans les conditions et délais prévus par cette clause, ils bénéficieraient à tout le moins des dispositions arrêtées par le PSE du 16 décembre 2005. Elle ne signifie pas qu'un second PSE ne pouvait pas contenir des dispositions supplémentaires ou plus avantageuses au bénéfice des salariés concernés par le second licenciement. Elle ne pose pas non plus le principe d'une égalité de traitement entre les salariés concernés par les deux PSE qui serait de nature à fonder, en quelque sorte de plein droit, la demande formée par l'intimé. La circonstance que le second PSE et la procédure de licenciement collectif pour motif économique qu'il accompagnait se soient inscrits dans le cadre d'une fermeture du site de Saint- Berthevin alors que le premier PSE et la première procédure de licenciement collectif pour motif économique se sont inscrits dans le cadre de !a suppression d'un grand nombre d'emplois au sein de cet établissement ne suffit pas en soi à caractériser une différence de situation propre à justifier le versement de l'indemnité litigieuse aux seuls salariés licenciés en 2007. La dénomination de l'indemnité litigieuse : "indemnité de rupture anticipée de contrat et de fermeture de site", corrobore l'indication de l'employeur selon laquelle son octroi a été justifié par le trouble généré chez les salariés par la résiliation anticipée, de la part de la société T&A, du contrat conclu entre elle et la société Geodis Logistics Ouest le 7 septembre 2005 et par la fermeture subséquente du site de Saint-Berthevin. Il est exact qu'au cours de la deuxième réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 27 mars 2007, dans le cadre de la négociation menée avec la direction, Mme JJJ... a mis en avant le travail réalisé par les salariés en 2006 et l'espoir déçu de maintenir leur emploi après le premier PSE. Il résulte des données du second PSE que : - la part d'activité du site de Saint- Berthevin fournie par la société T&A s'est établie à 94,5 % en 2004, à 86,9 % en 2005, à 89,5 % au premier semestre 2006 et à 83,4 % au second semestre 2006 ; - le second client le plus important était la société VALEO, avec une part d'activité fournie de 4,7 % en 2004, de 10,4 % en 2005, de 6,8 % au premier semestre 2006 et de 8,8 % au second semestre 2006 ; - tous les autres clients réunis ont fourni une part d'activité de 0,8 % en 2004, de 2,7 % en 2005, de 3,7 % au premier semestre 2006 et de 8,8 % au second semestre 2006. Ces données confirment que l'activité du site de Saint- Berthevin était très essentiellement apportée par la société T&A et qu'en dépit des efforts déployés par la société Geodis Logistics Ouest en 2005 et 2006 pour diversifier ses clients I fournisseurs de travail, la part de T&A est demeurée très largement prépondérante. Il est établi par les PSE et par les deux rapports du cabinet d'expertise comptable SYNDEX destinés au comité d'entreprise qu'après la baisse très importante, intervenue au cours du premier semestre 2005, des volumes confiés par la société T&A à la société Geodis Logistics Ouest (division de ces volumes par trois au moins : de 3 millions d'unités environ à 1 million d'unités environ), le nouveau contrat commercial conclu entre les parties le 7 septembre 2005 à effet au 1er septembre précédent pour une durée de 28 mois renouvelable 12 mois fournissait à la société Geodis Logistics Ouest, pour un effectif de 61 salariés, des garanties de fonctionnement et de pérennité du site de Saint- Berthevin au moins jusqu'au 31 décembre 2007 en ce que : - il prévoyait le traitement d'environ 45 000 unités commerciales par mois ; - il était assorti d'un niveau minimum de facturation composé d'un forfait de charges fixes mensuelles d'un montant de 135 756 € et d'un forfait hebdomadaire de conditionnement d'un montant de 42 000 €. En janvier 2006, après trois mois d'inactivité liée aux négociations du premier PSE approuvé le 16 décembre 2005, et jusqu'en mars 2006 inclus, la production sur le site de Saint-Berthevin a repris à un niveau d'activité conforme aux termes du contrat nouvellement négocié. L'activité des mois d'avril et mai 2006 s'est caractérisée par une chute aussi importante que subite et, après avoir été normale en juin, elle a de nouveau périclité de façon constante pour, au cours du quatrième trimestre 2006, n'occuper qu'à peine 30 % de l'effectif dédié à la société T&A laquelle a finalement résilié le nouveau contrat le 13 novembre 2006, soit au bout de 14,5 mois au lieu des 28 mois convenus au minimum, et a cessé de fournir du travail à la société Geodis Logistics Ouest à compter du 28 février 2007 ce qui, compte tenu du poids très largement prépondérant de T&A dans l'activité du site de Saint-Berthevin rendait sa fermeture inéluctable . Ces éléments sont certes de nature à caractériser de façon objective l'atteinte morale et la déception importante subies par les salariés maintenus dans leur emploi qui, en dépit des efforts qu'ils ont déployés ont, très rapidement après le premier PSE, vécu une situation de sous-production persistante liée au désengagement du principal client et qui ne laissait pas de doute quant à une fermeture anticipée du site et, par voie de conséquence, à la perte de leur emploi. Toutefois, il ressort des PSE et des deux rapports du cabinet SYNDEX qu'à compter du premier semestre 2005, les salariés licenciés en 2006 ont été confrontés à une déception et à un traumatisme moral identiques à ceux vécus par leurs collègues un an plus tard. En effet, en juin 2004, la société Geodis Logistics Ouest avait remporté l'appel d'offres lancé par la société T&A sur la base de prévisions mensuelles de charges de 500 000 unités commerciales en 2004, de 540 000 unités commerciales en 2005 et de 575 000 unités commerciales en 2006. La tarification appliquée par l'appelante avait été définie en considération des prévisions de volumes ainsi annoncées par la société T&A et elle comportait un minimum de facturation garanti. En considération du démarrage de cette nouvelle prestation, la société Geodis Logistics Ouest a réalisé des investissements, d'une part, en matériel pour un montant de 1,5 millions d'euros, d'autre part, en personnel par l'embauche de 17 salariés pour couvrir une partie des missions nouvelles et par la mise en place de formations complémentaires afin d'adapter le personnel aux nouvelles missions, enfin, en termes d'engagements locatifs. Cette situation qui s'inscrivait dans le sens d'une augmentation de l'activité du site était très rassurante pour les salariés et de nature à les porter à l'optimisme par rapport à leur emploi. Or, alors que le volume annuel confié avait été de 6 172 979 unités en 2003 et de 4 378 960 unités en 2004 et qu'il devait être de l'ordre de 6 480 000 unités en 2005, les volumes confiés par T&A à la société Geodis Logistics Ouest ont en réalité rapidement chuté de façon importante et constante au cours du premier semestre 2005 en raison d'un changement de structure capitalistique et de stratégie commerciale au sein de la société T&A laquelle a, en outre, réintégré certaines activités de personnalisation et de conditionnement des nouveaux produits au sein des unités de production de la société chinoise TCT. Par courrier du 17 mai 2005, le client T&A a informé l'appelante de sa décision de remettre en cause le minimum de facturation garanti. C'est dans ces circonstances que cette dernière n'a finalement pas eu d'autre choix que d'engager avec T&A des négociations qui ont abouti, dans le cadre du contrat de prestation de services conclu le 7 septembre 2005, à la définition d'un nouveau schéma logistique ne lui assurant plus qu'un volume d'activité mensuel réduit à 45 000 unités commerciales au lieu des 540 000 convenues et permettant d'assurer la pérennité de 61 postes seulement sur les 285 emplois de l'établissement. Ce niveau d'activité réduit de façon drastique n'était en outre garanti que pour une durée de 28 mois renouvelable 12 mois. Il suit de là que les salariés concernés par le premier PSE et par les licenciements de 2006 ont subi de la part de la société T&A, au cours de l'année 2005, un désengagement subit, source d'une baisse d'activité de l'ordre de 90 %, qui a été pour eux à l'origine d'un traumatisme moral et d'une déception tout aussi importants que ceux infligés par ce client en 2006 aux salariés concernés par le second PSE. Compte tenu de leur importance, le désengagement du client essentiel T&A et la baisse d'activité en résultant pour le site ne pouvaient laisser aux salariés aucun doute sur les suppressions massives d'emplois qui en résulteraient nécessairement. D'autre part, compte tenu de la durée très limitée dans laquelle était enfermé le contrat conclu le 7 septembre 2005 pour un volume d'activité maintenu très faible et compte tenu du poids majeur que représentait le client T&A pour l'activité du site, il apparaît que, dès septembre 2005, la fermeture de celui-ci s'avérait inéluctable à l'horizon fin 2007, au mieux, fin 2008. S'agissant des possibilités de reclassement et de la situation de l'emploi, si les 224 salariés licenciés en 2006 constituaient une population très majoritairement jeune (70 % de salariés âgés de 35 ans et moins et, parmi eux, 43 % âgés de 30 ans et moins) et féminine (2/3 de femmes) alors que la moyenne d'âge des 64 salariés (36 femmes et 28 hommes) licenciés en 2007 s'établissait à 36 ans de sorte que, compte tenu de leurs situations de famille, leur mobilité était plus faible, il s'avère que les offres de reclassement étaient, en 2007, proportionnellement très comparables à celles de 2006, à savoir : - en 2006, 123 postes de reclassement offerts au sein de la société Geodis Logistics Ouest, dont 11 sur Laval et tous les autres dans 7 départements (Sarthe, Loire-Atlantique, Ille et Vilaine, Morbihan, Orne, Indre et Loire et Maine et Loire) et 300 postes de reclassement offerts au sein du groupe Geodis ; - en 2007, 30 postes de reclassement offerts au sein de la société Geodis Logistics Ouest, dont 8 en Mayenne et les autres en Sarthe et dans l'Orne, et 266 possibilités de reclassement au sein du groupe. Les données fournies par les deux rapports SYNDEX au sujet de la situation du bassin d'emploi lavallois ne sont pas suffisamment précises pour établir qu'en considération de la population concernée par les licenciements en cause, notamment de la qualification des salariés et de leur âge, cette situation aurait;été objectivement moins favorable en 2007 qu'en 2006. En effet, il apparaît que le bassin d'emploi a enregistré des difficultés dès 2002 et qu'à compter du début de l'année 2005, les entreprises des secteurs électronique/métallurgie/ textile-habillement ont été fragilisées par la concurrence asiatique et les emplois menacés par les délocalisations. Les 1200 suppressions d'emploi enregistrées à la fin de l'année 2005, rapport qualifié de "très élevé" par le cabinet SYNDEX pour un bassin comptant environ 90 000 habitants, compromettaient déjà les possibilités des salariés licenciés en 2006 de retrouver du travail. Il résulte d'ailleurs du second rapport SYNDEX qu'en mars 2007, sur les 224 salariés licenciés en 2006, 14 avaient été reclassés et 141 avaient retrouvé un emploi de sorte qu'un tiers environ des salariés licenciés demeurait sans emploi un peu plus d'un an après leur licenciement. Il ressort de ces développements qu'au regard de l'avantage en cause, les salariés concernés par le premier PSE et licenciés en 2006 étaient placés dans une situation identique à ceux concernés par le second PSE et licenciés en 2007. La rupture anticipée du contrat du 7 septembre 2005, la fermeture du site, les possibilités de reclassement et de nouvel emploi ne constituent pas des raisons objectives et pertinentes propres à justifier la différence de traitement litigieuse caractérisée par le versement aux seuls salariés licenciés en 2007 d'une indemnité de rupture anticipée de contrat et de fermeture de site. Le jugement entrepris doit dès lors être confirmé en ce qu'il a alloué à M. Y... Z... la somme de 12 030 €. Le second PSE prévoyant expressément l'allocation de cette somme en brut, le salarié est mal fondé à en solliciter son paiement en net. Le jugement déféré sera donc précisé en ce sens que la somme allouée s'entend d'un montant brut » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU' « en 2005, le rapport SYNDEX constate la bonne santé économique du groupe GEODIS, maison mère de la Société GEODIS LOGISTIC OUEST ; que la Société GLO s'est trouvée marginalisée dans le groupe GEODIS et qu'aucune mesure n'a été prise pour relancer le site de LAVAL ; qu'en 2006, T&A a divisé par 2 le volume d'affaires confié à GLO LAVAL qui ne représentait plus de 87 % du chiffre d'affaires, contre 94 % en 2005 ; que dans ce contexte, la société GEODIS n'a pas fait preuve d'une réelle volonté à chercher de nouveaux clients ; qu'il en ressort que dès 2005 la fermeture du site était prévisible ; que par conséquence, les droits accordés aux salariés licenciés en 2007 doivent également bénéficier aux salariés licenciés en 2005 » ;

1. ALORS QUE si le principe d'égalité de traitement s'applique aux mesures prévues par un même plan de sauvegarde de l'emploi, il ne s'applique pas aux mesures résultant de deux plans de sauvegarde de l'emploi différents, adoptés à des époques différentes dans le cadre de procédures de licenciement collectif ayant une cause différente ; qu'en retenant, en l'espèce, qu'une différence de traitement peut être invoquée lorsque deux plans de sauvegarde de l'emploi se succèdent au sein d'une même entreprise et que l'employeur doit en conséquence justifier par des raisons objectives et pertinentes les différences de traitement entre salariés licenciés dans le cadre de deux plans de sauvegarde de l'emploi différents, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement ;

2. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la différence de traitement entre des salariés licenciés à l'occasion d'une réorganisation d'un établissement et ceux licenciés postérieurement, lors de la fermeture de ce même établissement, peut être justifiée par le préjudice moral plus important souffert par ces derniers ; qu'en l'espèce, la société GEODIS LOGISTICS OUEST soutenait que l'indemnité « de rupture anticipée de contrat et de fermeture de site » avait été attribuée, à la demande des représentants du personnel, aux salariés licenciés dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi adopté en avril 2007, lors de la fermeture du site de Saint-Berthevin, pour compenser le préjudice moral subi par ces derniers qui, après avoir vu leur emploi menacé par une première réorganisation d'ampleur ayant conduit à la suppression de plus des trois quarts du site, avaient dû se remobiliser dans leur travail pour assurer les prestations du contrat conclu avec la société T&A en octobre 2005 et avaient finalement vu leurs espoirs déçus par l'activité très faible confiée par la société T&A puis la résiliation anticipée du contrat par la société T&A ; que, pour retenir que ce préjudice moral ne constituait pas une raison objective et pertinente propre à justifier la différence de traitement avec les salariés licenciés dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi adopté en décembre 2005, la cour d'appel a relevé que ces derniers ont été confrontés à une déception et un traumatisme moral identiques du fait de l'inexécution par la société T&A des engagements qu'elle avait, pris en juin 2004, de confier au site de Saint- Berthevin un important volume d'activité ; qu'en raisonnant de la sorte, cependant que les salariés licenciés en 2007, qui étaient présents en 2005, avaient eux aussi déjà souffert cette première déception, de sorte qu'ils avaient subi deux fois ce même préjudice moral, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement ;

3. ALORS QUE la différence de traitement entre des salariés licenciés à l'occasion d'une réorganisation destinée à assurer la pérennité du site et ceux licenciés postérieurement, lors de la fermeture du site, peut être justifiée par le préjudice moral plus important souffert par ces derniers ; qu'en affirmant encore, pour écarter cette justification objective, que compte tenu de la durée limitée dans laquelle était enfermé le contrat conclu le 7 septembre 2005 pour un volume d'activité maintenu très faible et compte tenu du poids majeur que représentait le client T&A pour l'activité su site, il apparaît que, dès septembre 2005, la fermeture de celui-ci s'avérait inéluctable à l'horizon 2007, au mieux, fin 2008, la cour d'appel s'est fondée sur un motif impropre à faire ressortir que les salariés licenciés en 2006 ne pouvaient pas légitimement espérer conserver leur emploi pendant au moins trois ans et n'avaient pas vu cet espoir déçu lors de la résiliation du contrat conclu le 7 septembre 2005 ; qu'elle a en conséquence encore violé le principe d'égalité de traitement ;

4. ALORS QUE la différence de traitement entre des salariés licenciés à l'occasion d'une réorganisation d'un établissement et ceux licenciés quelques mois plus tard lors de la fermeture de ce même établissement, peut être justifiée par le fait que ces derniers n'ont pas pu bénéficier immédiatement des mesures de reclassement interne et externe du plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en l'espèce, il est constant que les 54 salariés dont l'emploi a été maintenu jusqu'à la fermeture du site, en 2007, n'ont pas pu bénéficier des mesures de reclassement interne et externe du premier plan de sauvegarde de l'emploi mis en place en décembre 2005, à l'occasion d'une réorganisation du site ; qu'ils n'ont bénéficié de mesures de reclassement interne et externe qu'à compter d'avril 2007 et ont été licenciés quelques mois seulement après les 224 salariés concernés par le premier plan, dans un bassin d'emploi fortement dégradé ; que ce retard dans l'accès aux mesures de reclassement interne et externe était donc de nature à justifier l'octroi d'une indemnisation complémentaire ; qu'en affirmant que la différence de traitement résultant de cette indemnisation n'était pas justifiée par les possibilités de reclassement et de nouvel emploi moindres des salariés licenciés en 2007, dès lors que les postes de reclassement identifiés dans les deux plans de sauvegarde de l'emploi étaient proportionnellement équivalents et qu'il n'était pas justifié d'une situation de l'emploi objectivement moins favorable en 2007 qu'en 2006, cependant que le seul décalage dans l'accès aux mesures de reclassement interne et externe suffisait à justifier la différence de traitement contestée, la cour d'appel a encore violé le principe d'égalité de traitement ;

5. ALORS QUE la différence de traitement entre des salariés licenciés à l'occasion d'une réorganisation d'un établissement et ceux licenciés postérieurement, lors de la fermeture de cet établissement, peut être justifiée par les difficultés de reclassement, plus importantes, subies par ces derniers ; qu'en l'espèce, la société GEODIS LOGISTICS OUEST indiquait que l'indemnité de rupture anticipée de contrat et de fermeture de site avait également vocation à réparer les difficultés de reclassement plus importantes des salariés licenciés en 2007 dont la situation familiale notamment limitait la mobilité et rendait le reclassement interne ou externe plus difficile et qui, d'autre part, avaient été licenciés dans un contexte plus difficile pour retrouver un emploi ; qu'en affirmant que les possibilités de reclassement et de nouvel emploi ne constituent pas des raisons objectives et pertinentes propres à justifier la différence de traitement entre les salariés licenciés en 2006 et ceux licenciés en 2007, dès lors que les offres de reclassement interne figurant dans les deux plans de sauvegarde de l'emploi étaient proportionnellement comparables et que les éléments produits sont insuffisants à établir que la situation de l'emploi dans le bassin d'emploi aurait été objectivement moins favorable en 2007 qu'en 2006, cependant qu'elle constatait que la mobilité des salariés licenciés en 2007 était plus faible et qu'à la date de leur licenciement, la situation de l'emploi était particulièrement dégradée dans le bassin d'emploi puisqu'un tiers des salariés licenciés un an plus tôt était encore sans emploi, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé le principe d'égalité de traitement ;

6. ALORS QU' en retenant encore, par motifs adoptés, que la fermeture du site était prévisible dès 2005, ce qui n'était de nature à faire ressortir, ni que les salariés licenciés en 2005 et 2007 étaient placés dans une situation identique au regard de l'indemnité de rupture anticipée de contrat et de fermeture de site, ni que l'octroi de cette indemnité aux seuls salariés licenciés en 2007 n'était pas justifié par des raisons objectives et pertinente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement. ECLI:FR:CCASS:2017:SO01183
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