Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 juin 2017, 15-21.008, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu le principe d'égalité de traitement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé à compter du 23 octobre 1989 par la société Laboratoire Chauvin et occupant en dernier lieu les fonctions de responsable administration gestion du personnel, a été licencié par lettre du 7 juin 2010 dans le cadre d'une procédure de licenciement économique collectif avec la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi courant 2009 ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale et a notamment demandé la condamnation de son employeur à lui verser une indemnité pour violation du principe d'égalité de traitement en se prévalant d'une différence injustifiée de montant de l'indemnité complémentaire et de la durée du congé reclassement prévus dans les plans de sauvegarde de l'emploi successifs décidés au sein de l'entreprise, l'un arrêté le 4 mai 2009 dont il relevait et celui arrêté le 3 juin 2010 ;

Attendu que pour faire droit à la demande du salarié, l'arrêt retient que si le montant de l'indemnité complémentaire et la durée de congé de reclassement résultent de plans distincts, ceux-ci conféraient néanmoins des avantages de même nature, que la différence de traitement entre les salariés relevant du plan de sauvegarde de l'emploi arrêté en 2010 et ceux qui avaient fait l'objet d'un licenciement dans le cadre du plan de l'année précédente ne repose sur aucune raison objective et étrangère à toute discrimination prohibée, que pour justifier ces différences de traitement d'un plan par rapport à l'autre, il n'est allégué aucune difficulté particulière de reclassement professionnel ni de niveau de qualification différent des salariés concernés ou d'une dégradation de la situation de l'emploi, que le seul fait de procéder à une réorganisation de l'entreprise en deux licenciements collectifs avec négociation de plans de sauvegarde de l'emploi ne constitue pas une raison objective justifiant une différence de traitement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que deux procédures de licenciement économique collectif avaient été successivement engagées dans l'entreprise accompagnées de plans de sauvegarde de l'emploi distincts, en sorte que le salarié licencié dans le cadre de la première procédure n'était pas dans une situation identique à celle des salariés licenciés dans le cadre de la seconde procédure au cours de laquelle avait été élaboré, après information et consultation des institutions représentatives du personnel, le plan prévoyant les avantages revendiqués, la cour d'appel a violé par fausse application le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Laboratoire Chauvin à payer à M. Y... la somme de 42 060,35 euros au titre de la violation du principe d'égalité de traitement, l'arrêt rendu le 6 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Laboratoire Chauvin

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Laboratoire Chauvin à payer à M. Y... la somme de 42 060,35 euros au titre de la violation du principe de l'égalité de traitement ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande fondée sur une inégalité de traitement entre salariés de l'entreprise licenciés pour motif économique : L'employeur ne peut traiter différemment des salariés qui se trouvent dans la même situation au regard d'un avantage qu'à la condition que des raisons objectives et pertinentes justifient cette différence de traitement. M. Y... se prévaut d'une différence de montant de l'indemnité complémentaire et de durée du congé de reclassement prévus dans les plans de sauvegarde de l'emploi successifs décidés au sein de l'entreprise, l'un arrêté le 4 mai 2009 (pièce n° 3 de l'appelant), dont il relevait, et celui arrêté le 3 juin 2010, antérieur à son licenciement intervenu le 7 juin 2010. Le plan 2010 prévoit ainsi : - une indemnité complémentaire de 40 000 euros brut + 1 200 euros par année d'ancienneté ou 15 mois de salaire moyen si plus favorable ; - un congé de reclassement de 12 mois pour les salariés âgés de plus de 50 ans. Le second prévoit : - une indemnité complémentaire de 30 000 euros brut + 900 euros par année d'ancienneté ou 10 mois de salaire moyen si plus favorable ; - un congé de reclassement de 9 mois pour les salariés âgés de plus de 50 ans. La société Laboratoire Chauvin ne conteste pas ces différences, mais soutient que la demande fondée sur le principe de l'égalité de traitement ne peut être accueillie dès lors que M. Y... relevait du plan de 2009 et n'était donc pas en droit de bénéficier des mesures du plan 2010. Si le montant de l'indemnité complémentaire et la durée de congé de reclassement résultent d'accords collectifs distincts, ceux-ci conféraient néanmoins des avantages de même nature. La différence de traitement entre les salariés relevant du plan de sauvegarde de l'emploi arrêté en 2010 et ceux qui avaient fait l'objet d'un licenciement dans le cadre du plan de l'année précédente ne repose sur aucune raison objective et étrangère à toute discrimination prohibée. Pour justifier ces différences de traitement d'un plan par rapport à l'autre, il n'est allégué aucune difficulté particulière de reclassement professionnel ni de niveau de qualification différent des salariés concernés ou d'une dégradation de la situation de l'emploi. Le seul fait de procéder à une réorganisation de l'entreprise en deux licenciements collectifs avec négociation de plans de sauvegarde de l'emploi ne constitue pas une raison objective justifiant une différence de traitement. Aussi, il n'est pas établi par l'employeur que la disparité entre les salariés soit justifiée par la nécessité de compenser une différence dommageable à certains d'entre eux. M. Y... peut donc se prévaloir d'une différence de traitement, peu important la date de notification de son licenciement. En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce chef de demande » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sur l'inégalité de traitement entre les salariés licenciés pour motif économique, la SAS Laboratoire Chauvin fait une proposition de reclassement de M. Y... le 6 mai 2010 ; que M. Y... a été licencié le 7 juin 2010 ; que la SAS Laboratoire Chauvin fait au Comité d'Entreprise une information consultation d'un projet de licenciement collectif pour motif économique le 3 mai 2010 ; que M. Y... a été licencié alors qu'un nouveau plan de sauvegarde de l'emploi est en cours avec des dispositions d'accompagnement plus favorable que celui de 2009 ; que M. Y... est âgé de 52 ans et demi au moment de la rupture de son contrat de travail ; que par lettre du 15 janvier 2010 la SAS Laboratoire Chauvin a averti à M. Y... qu'il serait licencié après avoir fait la formation des sous-traitants Roumains ; que tous les salariés de l'entreprise placés dans une même situation identique au regard d'un avantage par l'employeur à un même instant doivent être égaux sauf cas particulier précisé par écrit ; que la Cour de cassation du 12 juillet 2010 rappelle principe que « si un plan de sauvegarde de l'emploi peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c'est à condition que tous les salariés de l'entreprise dans une situation identique au regard de l'avantage en cause puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu'une différence de traitement soit justifiée par de raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d'attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables » ; que le PSE de 2010 n'indique pas de restriction quant à l'appartenance de salariés dont les cas n'ont pas été traités dans un précédent PSE ; que le Conseil dit que les conditions du PSE sont applicables au licenciement de M. Y... ; que M. Y... ayant reçu une indemnité de rupture correspondant à 10 mois de salaire (50 295.10 €) alors que le PSE 2010 prévoit une indemnité de 15 mois (81 729.45 €) soit un différentiel de 31 434,35 € ; que son congé de reclassement est limité à 9 mois alors que le PSE 2010 prévoit 12 mois soit un différentiel de 10 626 € ; que le conseil condamnera la SAS Laboratoire Chauvin à payer à M. Y... la somme de 42 060,35 € au titre de l'inégalité de traitement et de la violation du principe de l'égalité entre salariés ;

1) ALORS QUE les salariés licenciés dans le cadre d'un premier plan de sauvegarde de l'emploi ne sont pas dans une même situation que ceux licenciés dans le cadre d'un autre plan de sauvegarde adopté ultérieurement, si bien qu'ils ne peuvent invoquer une rupture d'égalité pour bénéficier des mesures prévues dans le cadre du second plan de sauvegarde qui ne leur est pas applicable ; qu'en retenant au contraire que M. Y..., quoique relevant du plan de sauvegarde de l'emploi du 4 mai 2009, pouvait invoquer le principe d'égalité de traitement pour revendiquer le bénéfice des mesures contenues dans un plan de sauvegarde arrêté le 3 juin 2010, au prétexte notamment qu'il avait été effectivement licencié le 7 juin 2010, la cour d'appel a violé par fausse application le principe d'égalité de traitement ;

2) ALORS à tout le moins QUE le salarié licencié dans le cadre d'un premier plan de sauvegarde de l'emploi ne peut se plaindre d'une rupture d'égalité avec des salariés licenciés dans le cadre d'un autre plan de sauvegarde de l'emploi postérieur que s'il aurait pu relever de ce second plan et bénéficier de ses mesures ; qu'à défaut en effet, le salarié licencié dans le cadre d'un premier plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas dans la même situation que les salariés licenciés lors de l'application d'un second plan ; qu'en retenant que M. Y..., quoique relevant du plan de sauvegarde de l'emploi du 4 mai 2009, pouvait invoquer le principe d'égalité de traitement pour revendiquer le bénéfice des mesures contenues dans un plan de sauvegarde arrêté le 3 juin 2010, sans constater qu'il pouvait relever du périmètre de ce second plan, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;

3) ALORS plus subsidiairement QU'une différence de traitement résultant de la mise en oeuvre de deux plans de sauvegarde successifs contenant des mesures différentes, est présumée justifiée de sorte qu'il appartient à celui qui prétend le contraire d'en rapporter la preuve ; qu'en faisant en l'espèce peser sur l'employeur la charge et le risque de la preuve de l'existence de justifications objectives étrangères à toute discrimination prohibée de nature à justifier la différence de contenu entre les plans de sauvegarde de l'emploi successifs, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil, ensemble le principe d'égalité de traitement. ECLI:FR:CCASS:2017:SO01182
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