Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 22 juin 2017, 16-16.622, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 3 mars 2016), que M. Michel X..., qui avait donné à bail à M. et Mme Y... des parcelles de terre, leur a délivré un congé pour reprise au profit de son fils, M. Olivier X..., à effet du 30 novembre 2008 ; que M. et Mme Y... ont contesté ce congé ;

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt d'annuler le congé ;

Mais attendu qu'ayant retenu qu'il résultait de la décision de la cour d'appel administrative du 7 août 2013 que la reprise par M. Olivier X... n'était pas soumise à autorisation préalable et que celui-ci remplissait les conditions de capacité et d'expérience professionnelle exigées par l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant sur la date à laquelle devait être appréciée la condition de détention d'un bien pour pouvoir prétendre au régime de la déclaration préalable, a pu en déduire que le congé devait être validé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Y... et les condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y....

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a validé le congé du 23 mai 2007, décidé qu'il produisait son entier effet, constaté la résiliation du bail, ordonné l'expulsion, sauf à préciser que la résiliation devait être fixée au 30 novembre 2013 ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'« il résulte de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime que le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué au profit d'un enfant majeur ; que M. Michel X... Verse aux débats un courrier en date du 30 août 2015 par lequel son fils Olivier X... confirme qu'il souhaite exploiter les parcelles de terre objet du congé, et qu'il convient de ne pas tenir compte d'un précédent courrier produit par les époux Y..., dans lequel il écrivait le contraire sous le coup de la fatigue et du découragement ; qu'il résulte ensuite de la décision rendue par la cour administrative d'appel de Douai le 7 août 2013 que la reprise litigieuse n'est pas soumise à autorisation préalable, mais seulement à déclaration ; que c'est vainement que les époux Y... tentent de remettre en cause la superficie retenue par la juridiction administrative, d'autant, comme le note M, X..., qu'ils voudraient ajouter une superficie reprise par M. X... en 2013 pour modifier l'appréciation de la superficie totale par la juridiction administrative au 30 novembre 2008, date d'effet du congé ; que par ailleurs, non seulement la cour administrative d'appel a précisé qu'Olivier X... répondait aux conditions de capacité et d'expérience professionnelle de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, mais c'est tout aussi vainement que les appelants prétendent que M. X... ne détiendrait pas les parcelles depuis plus de 9 ans alors qu'il en est propriétaire depuis 2000, et que cette durée s'apprécie au regard de la date de la déclaration, laquelle n'est pas encore intervenue puisqu'ils exploitent encore les parcelles » ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« il se déduit de l'interprétation de l'article 1351 du Code civil que la chose jugée par les juridictions administratives s'impose au juge civil, de sorte que la décision du juge administratif ne peut être remise en cause, même indirectement, par le juge civil au travers de l'examen des mêmes faits, ou de faits nouveaux ne relevant pas de son pouvoir d'appréciation ; qu'en l'espèce, il est constant que saisi par Monsieur Olivier X..., bénéficiaire du congé pour reprendre délivré par Monsieur Michel X... aux époux Y..., Monsieur le Préfet du Nord a, par arrêté en date du 25 septembre 2008, refusé à celui-ci l'autorisation de procéder à l'exploitation des terres initialement données à bail à Monsieur et Madame Y... ; que par jugement en date du 21 juin 2012, le Tribunal administratif de Lille a rejeté le recours en annulation de cet arrêté, et, corrélativement, celle tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ; que par arrêt du 7 août 2013, la Cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement, en estimant que Monsieur Olivier X... n'était pas tenu de solliciter l'autorisation préalable d'exploiter exigée par l'article L. 331-2 du CRPM ; que pour ce faire, la Cour a considéré en substance que l'opération envisagée n'avait pas pour effet de ramener la superficie de l'exploitation en deçà du seuil fixé à 55 ha par l'article L. 331-2 du CRPM, et que Monsieur X... remplissait la condition de capacité ou d'expérience professionnelle requise, avant de relever que le seuil de 10 km fixé par les dispositions de l'article 7 du. schéma départemental des structures agricoles n'était pas atteint ; qu'en l'absence de nécessité d'une autorisation préalable, la Cour administrative d'appel en a déduit qu'elle ne pouvait être refusée à Monsieur Olivier X..., puisqu'il n'en avait pas besoin pour exploiter les terres en litige ; que le présent tribunal ne peut, sans remettre en cause cette décision, prendre en considération les éléments relatifs à la superficie, dans la mesure où seules l'autorité ou les juridictions administratives ont le pouvoir d'apprécier la condition de superficie de l'article L. 331-2, qui échappe donc à la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux ; que le moyen pris de la durée de l'exploitation, et de la circulaire du 8 août 2006 relative à l'application de l'article L. 331-2 qui soumet la mise en valeur d'un bien agricole entre parents ou alliés à une déclaration préalable lorsqu'aucune autorisation administrative n'est exigée ne peut pas davantage être retenu, puisque l'article R. 331-7 du CRPM dispose que la déclaration préalable à la mise en valeur des biens doit être adressée par le bénéficiaire de la reprise dans le mois qui suit le départ effectif du preneur en place ; qu'il s'ensuit que le tribunal ne peut pas apprécier, sans excéder ses pouvoirs, si les conditions de la déclaration préalable sont remplies, au regard notamment de la date depuis laquelle Monsieur Michel X... est le propriétaire exclusif des biens objet de la reprise ; que Monsieur et Madame Y... seront, en conséquence, déboutés de leur demande d'annulation du congé rural délivré le 23 mai 2007 » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, le point de savoir si le bénéficiaire de la reprise est dans une situation régulière au regard des règles régissant les structures agricoles, s'apprécie à la date d'effet du congé ; qu'en décidant que le moyen tiré de l'absence de détention pendant neuf ans était inopérant, quand ils constataient eux-mêmes que la date d'effet du congé était le 30 novembre 2008 et qu'à cette date, l'acquisition étant intervenue en 2000, le délai de neuf ans n'était pas expiré, les juges du fond ont violé les articles L. 331-2 et L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction à l'époque de la délivrance du congé ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, il incombe aux juges judiciaires, en examinant au besoin cette question d'office, de déterminer si, eu égard à la situation de fait, le bénéficiaire de la reprise relève du régime de la déclaration ou de l'autorisation ; qu'en opposant à cet égard la décision du juge administratif, les premiers juges, méconnaissant leurs pouvoirs, ont violé les articles L. 331-2 et L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction à l'époque de la délivrance du congé ;

ET ALORS QUE, TROISIEMEMENT, et en tout cas, l'arrêt de la Cour administrative d'appel de DOUAI du 7 août 2013 qui s'est contenté de prendre parti sur la légalité d'une décision refusant l'autorisation, s'est ainsi borné à faire disparaître le refus d'autorisation ; qu'en toute hypothèse, les premiers juges, et les juges du second degré, ne pouvaient se fonder sur cette décision pour refuser d'examiner si l'auteur du congé était détenteur des biens depuis neuf ans à la date d'effet du congé et si dès lors, le régime de la déclaration pouvait être appliqué ; que de ce point de vue également, l'arrêt encourt la censure pour violation des articles L. 331-2 et L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction à l'époque de la délivrance du congé.

ECLI:FR:CCASS:2017:C300746
Retourner en haut de la page