Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 21 juin 2017, 15-29.127, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 21 juin 2017, 15-29.127, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 15-29.127
- ECLI:FR:CCASS:2017:CO00953
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 21 juin 2017
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 17 décembre 2015- Président
- Mme Mouillard
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société La Diffusion Sofradif que sur le pourvoi incident relevé par la société Elsevier Masson ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, pour la distribution de ses publications médicales, la société Elsevier Masson (la société Elsevier) a conclu successivement avec la société La Diffusion Sofradif (la société Sofradif) des contrats d'agence commerciale à durée déterminée, les deux derniers venant à échéance le 31 décembre 2011 ; que par lettres des 2 mai et 8 septembre 2011, la société Elsevier a notifié à la société Sofradif le non-renouvellement des contrats à leur terme et engagé des négociations en vue de la conclusion d'un nouveau contrat, qui n'ont pas abouti à un accord ; que se prévalant du non-renouvellement abusif du contrat par la société Sofradif, la société Elsevier l'a assignée en réparation de son préjudice et celle-là a demandé reconventionnellement le paiement d'une indemnité de cessation de contrat ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la société Elsevier fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire alors, selon le moyen :
1°/ que l'abus, par l'agent commercial, de son droit de ne pas renouveler le contrat d'agence commerciale, lorsqu'un accord a d'ores et déjà été conclu sur le principe de ce renouvellement, l'oblige à réparer le préjudice ainsi causé à son mandant, lequel s'analyse en la perte de chiffre d'affaires, diminuée des commissions, que ce mandant pouvait raisonnablement espérer compte tenu de la croyance légitime que le contrat serait renouvelé ; que la cour d'appel, qui a pourtant constaté que "les parties se trouvaient dans une situation de renouvellement des contrats en cours, dont le principe a été accepté par chacune d'elles", a néanmoins jugé que la société Elsevier ne pouvait pas se prévaloir d'un préjudice résultant "du défaut de poursuite des contrats résiliés à leur terme, ni sur celui en cours de négociation" ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ que le préjudice consécutif à un abus du droit de ne pas renouveler la relation commerciale inclut notamment les frais occasionnés par la négociation ; qu'en l'espèce, la société Elsevier faisait valoir qu'elle avait licencié cinq de ses commerciaux afin de libérer des territoires pour la société Sofradif, en considération du nouveau contrat d'agence commerciale à intervenir ; que, pour écarter l'indemnisation de ce chef de préjudice, la cour d'appel, qui a constaté l'existence d'un accord de principe sur le renouvellement du contrat d'agence commerciale, a considéré que "les frais liés à ces licenciements avaient été antérieurs à la rupture et étaient la conséquence de la mise en oeuvre de nouvelles conditions contractuelles et non la rupture des pourparlers eux-mêmes" ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que les frais de licenciement avaient été engagés dans le cadre de la négociation qui n'avait pas abouti par la faute de la société Sofradif, ce dont il résultait qu'ils constituaient un préjudice réparable, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel n'ayant, par des motifs non critiqués, retenu qu'une rupture abusive de pourparlers, le moyen, en ce qu'il invoque un préjudice résultant du non-renouvellement abusif des contrats, est inopérant ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses troisième et quatrième branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande d'indemnité de cessation de contrat de la société Sofradif, l'arrêt retient que celle-ci, qui a refusé de conclure le nouveau contrat proposé par la société Elsevier, ayant été à l'origine de la rupture de leurs relations, ne peut prétendre à cette indemnité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'agent commercial qui refuse de conclure un nouveau contrat à l'expiration du précédent n'a pas l'initiative de la cessation du contrat au sens du second texte susvisé, de sorte qu'il n'est pas privé du droit à indemnité prévu par le premier, la cour d'appel a violé lesdits textes ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
REJETTE le pourvoi incident ;
Et sur le pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnité de cessation de contrat de la société La Diffusion Sofradif, statue sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, l'arrêt rendu le 17 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Elsevier Masson aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société La Diffusion Sofradif la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société La Diffusion Sofradif
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir débouté la société La Diffusion/Sofradif de sa demande tendant à obtenir le versement, par la société Elsevier Masson, de l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L. 134-12 du code de commerce dispose qu'"en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi" ; que ces dispositions visent la cessation des relations entre le mandant et son agent et non le contrat de sorte qu'en présence d'un contrat venu à son terme, son renouvellement, fût-ce sur des bases nouvelles, exclut le droit à commission ; qu'or en l'espèce, les parties ont entendu négocier les nouvelles conditions de leurs relations comme elles l'avaient déjà fait dans le passé nonobstant la résiliation des contrats en cours ; qu'elles ont a cette fin engagé des négociations en cours d'exécution du préavis contractuel ; que si la société Elsevier a alors invoqué sa propre réorganisation, il ne s'ensuit pas pour autant qu'elle a poursuivi son seul intérêt, la société Sofradif n'a d'ailleurs formulé aucune réserve qui l'aurait laissé supposer ; en conséquence les parties se trouvaient dans une situation de renouvellement des contrats en cours, dont le principe a été accepté par chacune d'elles de sorte que la société Sofradif ne saurait se prévaloir de la résiliation des contrats précédents sauf à démontrer la mauvaise foi de la société Elsevier ; que la société Sofradif soutient que les propositions qui lui ont été faites ne prenaient en compte que les intérêts du mandant en ignorant ses demandes répétées notamment sur l'augmentation de son taux de commissionnement, faisant valoir que la société Elsevier a agi en connaissance de cause afin de provoquer son refus et de lui imputer le non renouvellement des contrats en cours ; qu'il convient de relever que par un courrier du 16 mai 2011 la société Sofradif a envisagé une date de signature de nouveau contrat remplaçant celui de 2004 et ce dès le 15 juillet 2001, calendrier qui a été perturbé du fait de la maladie incurable qui a touché M. A..., le responsable commercial de la société Sofradif ; qu'en même temps la société Elsevier a proposé de nouvelles offres d'ouvrages ce qui était favorable à son mandataire qui les a acceptées et démontre la volonté de chacune des sociétés de poursuivre la relation commerciale, la société Sofradif ne formulant alors aucun grief quant à ses intérêts ; qu'il résulte des courriels échangés en juillet 2011 que les discussions ont alors porté sur la manière dont le réseau pourrait être réorganisé, la société Sofradif préconisait la mise en place de vendeurs supplémentaires pouvant aller jusqu'à 23 prévue en 2012/2013 et précisant alors qu'un même commercial pouvait travailler sur plusieurs départements ; que les négociations qui avaient été menées pour la société Sofradif par son responsable commercial, M. A... se sont poursuivies, en raison de la maladie de celui-ci, à la rentrée 2011, avec le PDG de la société Sofradif, M. B... ; que le 26 septembre 2011, la société Elsevier a adressé un courriel à la société Sofradif pour lui confier avec effet immédiat 15 départements français ; que M. B... a répondu dès le lendemain pour la remercier de la rapidité de sa réaction et pour "la modification des secteurs", précisant avoir libéré la Belgique ; que la société Sofradif n'a pas formulé la moindre réserve sur cette réorganisation sectorielle qu'elle a mise en oeuvre ; qu'elle n'en a pas davantage contesté l'intérêt dans les semaines qui ont suivi, ni formulé les moindres réserves quant à son organisation ; que dès lors la modification du secteur de la société Sofradif résulte de la négociation entreprise entre les parties et de leur accord, le retrait de la Belgique étant la contrepartie de l'attribution de départements supplémentaires ; que le 21 octobre 2011 la société Elsevier a adressé un projet de contrat qui stipulait que d'autres départements non couverts étaient confiés à la société Sofradif avec effet immédiat ce qui avait pour conséquence de doubler le nombre de ses territoires ; que par ailleurs ce projet accordait l'exclusivité de la représentation à la société Sofradif pour tous les territoires couverts par un de ses représentants, l'absence d'exclusivité ne jouant que si sur ces territoires la société Sofradif n'estimait pas devoir y être représentée ; que la société Elsevier ajoutait que dans trois des départements du secteur confié, elle avait précédemment des représentants et qu'ils étaient à forte densité médicale de sorte que le potentiel commercial ouvert à la société Sofradif a fortement augmenté entre le début et la fin de l'année 2011 ; qu'il ne peut être contesté néanmoins que les parties ne sont pas parvenues à un accord final, quand bien même la société Sofradif a redéployé immédiatement son secteur géographique puisque le contrat proposé n'a pas été signé et que de nouvelles réunions se sont tenues entre le 2 et le 14 novembre aboutissant à l'envoi d'une proposition de contrat de distribution que la société Sofradif a refusé, confirmant alors son choix quant au maintien de son statut d'agent commercial mais souhaitant alors une durée non plus de deux ans mais de 5 ans ce qui a été acté par la société Elsevier ; que la société Sofradif fait valoir que le taux de commissionnement était un des éléments essentiels de la négociation ; que toutefois, si M. A... avait écrit dès le 2 décembre 2010 "Puisque vous travaillez sur un avenant concernant la diffusion des traités médicaux, pourquoi ne pas revoir les taux de commission car avec 55 % et 60 %, vous comprendrez qu'en nous demandant de partager votre risque nous serions placés dans un impasse. En 2008 nous perdons -84 000 €, j'ai baissé les commissions drastiquement au risque de perdre des commerciaux. En 2009 nous perdons -34 000 €. Malgré cela nous perdons une somme importante", cette demande a été formulée avant l'évolution du secteur qui lui a été confié et elle ne justifie pas l'avoir ensuite renouvelée lors de son refus du contrat de distribution, son exigence ayant alors porté sur la durée du contrat d'agent commercial renouvelé ; que la société Elsevier fait observer qu'elle avait accepté que la rémunération de la société Sofradif telle que prévue dans le projet initial du 21 octobre soit revue à la hausse, ajoutant que la réduction du taux de commission était au demeurant très limitée puisqu'elle n'a concerné que certains produits et que le taux a été augmenté sur d'autres produits de sorte que la rémunération a augmenté en valeur absolue ; qu'elle a en toute hypothèse proposé un nouveau projet le 14 novembre 2011 améliorant au profit de la société Sofradif sa proposition du 21 octobre en ce qu'elle :
- actait une durée initiale de 5 ans ;
- étendait à tout le territoire français le mandat de la société Sofradif au lieu de 29 départements ;
- les objectifs de vente étaient renvoyés en annexe sans être qualifiés d'objectifs ;
- la rémunération était augmentée soit :
54 % au lieu de 50 % pour les traités EMC et Akos ;
58 % au lieu de 55 % pour le traité du Savoir et des Soins Infirmiers ;
25 % pour les reliures ;
que la société Sofradif fait valoir que sa rémunération subissait néanmoins une diminution par rapport aux contrats résiliés de 1 % pour les traités EMC et Akos, qu'elle était bloquée à 58 % pour le traité 2S1 alors qu'elle pouvait atteindre 61 % en fonction du nombre d'exemplaires vendus, de 5 % pour les reliures ; qu'elle ajoutait qu'étaient maintenues les clauses de résiliation pour non-respect des objectifs et de partage du risque d'impayés ; qu'il convient de relever que la clause de résiliation en cas de non réalisation des objectifs de chiffre d'affaires figurait déjà dans le contrat du 8 décembre 2004 de même que l'interdiction de prospecter sur les congrès médicaux ; que si le risque d'impayé avait été quelque peu augmenté, il restait très limité puisque ne représentant en moyenne que 1 % du chiffre d'affaires ; qu'en contrepartie la société Sofradif avait vu son territoire et son exclusivité largement étendu ; que par ailleurs elle ne peut prétendre que la promotion et la vente en ligne lui étaient retirées puisque le projet de contrat stipulait une commission au titre des ventes en ligne des produits dont la distribution lui étaient confiés ; qu'enfin si la société Sofradif soutient que ce dernier projet ne lui convenait pas davantage, elle ne produit aucun écrit en ce sens ; qu'elle ne fait état que de contestations orales et ne justifie d'aucune contre-proposition ; qu'elle a seulement écrit le 21 novembre 2011, sans avoir donné de réponse à la dernière proposition qu'elle avait reçue, qu'elle prenait acte des résiliations des deux contrats de 2004 et 2009 en sollicitant une indemnité de résiliation ; que le 9 décembre 2011 la société Elsevier lui a alors indiqué "Comme nous vous l'avons indiqué il (le nouveau contrat) doit vous permettre de dégager une marge supérieure aux contrats précédents. Nous devons vous préciser cependant que si vous souhaitez conserver les mêmes rémunérations que par le passé nous vous confirmons en tant que de besoin notre accord pour maintenir les mêmes rémunérations", courrier auquel la société Sofradif n'a pas répliqué ; qu'il résulte de ces éléments que la société Elsevier a proposé dans des conditions loyales le renouvellement des contrats précédents par un nouveau contrat qui ne remettait pas en cause les intérêts économiques de la société Sofradif et que cette dernière, après en avoir accepté et mis en oeuvre certaines modalités, a décidé de refuser ce renouvellement alors même qu'elle ne démontre pas que ce nouveau contrat modifiait de façon substantielle les conditions économiques de sa relation commerciale avec son mandant ; que la rupture est dès lors de son fait et elle ne saurait pas prétendre à l'indemnité de résiliation ; qu'en conséquence il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Sofradif de ses demandes autres plus amples ou contraires quand bien même il n'a pas visé expressément l'indemnité de rupture » ;
1°/ ALORS QU'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé d'une part, que la résiliation des contrats en cours était intervenue à l'initiative de la société Elsevier (cf. arrêt p. 5 § 9) et d'autre part, que les parties n'étaient pas parvenues à un accord final sur les termes d'un nouveau contrat (cf. arrêt p. 6 dernier §) ; qu'il en résultait que les relations entre la société Sofradif, agent commercial, et la société Elsevier, son mandant, avaient définitivement cessé de sorte que la Sofradif était en droit de percevoir l'indemnité compensatrice légale ; qu'en retenant néanmoins le contraire, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 134-12 du code de commerce ;
2°/ ALORS QUE par exception, l'indemnité compensatrice légale n'est pas due à l'agent commercial dans les cas limitativement énumérés à l'article L. 134-13 du code de commerce que sont la cessation du contrat provoquée par la faute grave de l'agent commercial ou à l'initiative de ce dernier ainsi que la cession des droits et obligations que celui-ci détient en vertu du contrat d'agence à un tiers ; qu'en retenant que la société Sofradif ne pouvait prétendre à l'indemnité compensatrice, sans caractériser aucune de ces exceptions légales, la cour d'appel a violé l'article L. 134-13 du code de commerce ;
3°/ ALORS QUE l'article L. 134-13, 2° du code de commerce, en ce qu'il prévoit que l'indemnité compensatrice légale n'est pas due lorsque « la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent », vise l'hypothèse de la cessation du contrat en cours, et non le défaut de conclusion d'un éventuel nouveau contrat ; qu'en retenant que la société Sofradif ne pouvait prétendre à l'indemnité compensatrice dès lors qu'ayant refusé de conclure le nouveau contrat proposé par la société Elsevier, elle aurait été à l'origine de la rupture de la relation nouée avec ce dernier (cf. arrêt p. 8 § 1), la cour d'appel a violé l'article L. 134-13 du code de commerce, par fausse application de ce texte ;
4°/ ALORS QU'en dehors des exceptions prévues à l'article L. 134-13 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; que cette indemnité est due de plein droit, sans que l'agent commercial n'ait à justifier que la non conclusion d'un nouvel accord serait imputable au comportement du mandant ; qu'en subordonnant le droit à indemnité de l'exposante à la preuve de la mauvaise foi de la société Elsevier lors des pourparlers engagés en vue de la conclusion éventuelle d'un nouveau contrat (cf. arrêt p. 6 § 1), la cour d'appel a violé l'article L. 134-12 du code de commerce ;
5°/ ALORS QUE toute personne est libre de ne pas conclure un contrat sans avoir à justifier sa décision ; qu'en l'espèce, pour retenir que la société Sofradif ne pouvait prétendre à l'indemnité compensatrice légale, la cour d'appel a affirmé que celle-ci ne démontrait pas que le nouveau contrat « modifiait de façon substantielle les conditions économiques de sa relation commerciale avec son mandant » (cf. arrêt p. 8 § 1) ; qu'en privant l'agent commercial de son droit à indemnité au prétexte qu'il ne justifiait pas, par des raisons économiquement pertinentes, son refus de ne pas conclure un nouveau contrat à des conditions différentes des précédents, la cour d'appel a violé le principe de la liberté contractuelle, ensemble l'article L. 134-12 du code de commerce ;
6°/ ALORS QU'un accord de principe n'engage pas son auteur ; qu'ainsi, un accord de principe sur le renouvellement d'un contrat ne vaut pas engagement de conclure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'à la suite de la résiliation des contrats en cours, les parties, ayant souhaité négocier les conditions de leurs nouvelles relations, s'étaient trouvées dans « une situation de renouvellement des contrats en cours, dont le principe a été accepté par chacune d'elles » (cf. arrêt p. 6 § 1) de sorte qu'en refusant, in fine, de conclure ce nouveau contrat, la société Sofradif aurait été à l'origine de la rupture de la relation avec son mandant (cf. arrêt p. 8 § 1) ; qu'en assimilant ainsi un simple « accord de principe » à un engagement ferme et définitif, de la part de l'agent commercial, au « renouvellement » des contrats sur de nouvelles bases restant à définir, la cour d'appel, a violé l'article 1134 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Elsevier Masson
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'AVOIR débouté la société Elsevier Masson de sa demande de dommages-intérêts pour abus de droit de ne pas renouveler les relations commerciales ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « les parties se trouvaient dans une situation de renouvellement des contrats en cours, dont le principe a été accepté par chacune d'elles » (arrêt, p. 6 § 1) ; « la société Sofradif était en droit de ne pas renouveler son contrat d'agent commercial sauf à le faire de façon non équivoque ; or elle a poursuivi des pourparlers pendant 7 mois, mis en oeuvre la modification de son secteur et alors que les négociations avaient abouti à une proposition économique au moins aussi favorable que celle résultant des précédents contrats, elle a mis fin à ces négociations sans pour autant justifier de son refus ; elle a en conséquence manifestement abusé de son droit ; que si la société Elsevier peut dès lors invoquer un préjudice, celui-ci ne peut résulter que de la rupture des pourparlers et non du défaut de poursuite des contrats résiliés à leur terme, ni sur celui en cours de négociation ; or, elle invoque un préjudice résultant du chiffre d'affaires net non réalisé lequel ne résulte pas de la rupture fautive des pourparlers mais du non renouvellement du contrat précédent sur de nouvelles bases ; elle fait également état du préjudice lié au licenciement de cinq de ses commerciaux, affectés exclusivement aux nouveaux territoires attribués à la société Sofradif ; si elle produit copie de son registre du personnel démontrant que deux d'entre eux l'ont quittée respectivement les 7 novembre et 31 décembre 2011, et qu'elle a engagé des frais d'un montant de 137.500 € pour les licencier, ces frais sont antérieurs à la rupture et sont la conséquence de la mise en oeuvre de nouvelles conditions contractuelles et non de la rupture des pourparlers eux-mêmes » (arrêt, p. 8 § 4 et 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, aux termes du jugement confirmé, « Elsevier ne produit aucune pièce sur le préjudice qu'elle aurait subi » (jugement, p. 6 § 2) ;
ALORS en premier lieu QUE l'abus, par l'agent commercial, de son droit de ne pas renouveler le contrat d'agence commerciale, lorsqu'un accord a d'ores et déjà été conclu sur le principe de ce renouvellement, l'oblige à réparer le préjudice ainsi causé à son mandant, lequel s'analyse en la perte de chiffre d'affaires, diminuée des commissions, que ce mandant pouvait raisonnablement espérer compte tenu de la croyance légitime que le contrat serait renouvelé ; que la cour d'appel, qui a pourtant constaté que « les parties se trouvaient dans une situation de renouvellement des contrats en cours, dont le principe a été accepté par chacune d'elles » (arrêt, p. 6 § 1), a néanmoins jugé que la société Elsevier Masson ne pouvait pas se prévaloir d'un préjudice résultant « du défaut de poursuite des contrats résiliés à leur terme, ni sur celui en cours de négociation » (arrêt, p. 8 § 5) ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquence légale de ses constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS en deuxième lieu, et subsidiairement, QUE le préjudice consécutif à un abus du droit de ne pas renouveler la relation commerciale inclut notamment les frais occasionnés par la négociation ; qu'en l'espèce, la société Elsevier Masson faisait valoir qu'elle avait licencié cinq de ses commerciaux afin de libérer des territoires pour la société Sofradif, en considération du nouveau contrat d'agence commerciale à intervenir (concl., p. 68 et 69) ; que, pour écarter l'indemnisation de ce chef de préjudice, la cour d'appel, qui a constaté l'existence d'un accord de principe sur le renouvellement du contrat d'agence commerciale (arrêt, p. 6 § 1), a considéré que « les frais liés à ces licenciements avaient été antérieurs à la rupture et étaient la conséquence de la mise en oeuvre de nouvelles conditions contractuelles et non la rupture des pourparlers eux-mêmes » (arrêt, p. 8 § 5) ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que les frais de licenciement avaient été engagés dans le cadre de la négociation qui n'avait pas abouti par la faute de la société Sofradif, ce dont il résultait qu'ils constituaient un préjudice réparable, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS en troisième lieu, et à titre également subsidiaire, QUE la rupture abusive des négociations ayant donné lieu à un accord de principe oblige son auteur à indemniser l'autre partie de la perte de chance de conclure un contrat avec un tiers ; qu'en l'espèce, la société Elsevier Masson faisait valoir que la rupture de la société Sofradif, dont la cour d'appel a relevé qu'elle avait « manifestement abusé de son droit » de ne pas renouveler le contrat d'agence commerciale, l'avait laissé sans solution alternative pour la vente de ses produits (concl., p. 67 § 10) ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société Elsevier Masson avait subi un préjudice résultant de la rupture abusive imputable à la société Sofradif, lié à l'impossibilité de trouver un nouvel intermédiaire pour distribuer ses produits sans subir de perte de chiffres d'affaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
ALORS en quatrième lieu QUE le juge est tenu d'analyser, même sommairement, les pièces qui lui sont soumises par les parties ; qu'à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs du jugement selon lesquels la société Elsevier ne produisait aucune pièce sur le préjudice qu'elle avait subi (jugement, p. 6 § 2), tandis que la société Elsevier produisait, à l'appui de ses écritures, plusieurs pièces établissant la réalité de son préjudice, et notamment un tableau relatif à l'évolution du chiffre d'affaires généré par la société Sofradif de 2009 à 2011 et un tableau relatif au chiffre d'affaires pour les 5 premiers mois 2012 (pièce n° 47 et les justificatifs des licenciements engagés en raison des négociations (pièce n° 45), il en résulterait que la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2017:CO00953
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société La Diffusion Sofradif que sur le pourvoi incident relevé par la société Elsevier Masson ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, pour la distribution de ses publications médicales, la société Elsevier Masson (la société Elsevier) a conclu successivement avec la société La Diffusion Sofradif (la société Sofradif) des contrats d'agence commerciale à durée déterminée, les deux derniers venant à échéance le 31 décembre 2011 ; que par lettres des 2 mai et 8 septembre 2011, la société Elsevier a notifié à la société Sofradif le non-renouvellement des contrats à leur terme et engagé des négociations en vue de la conclusion d'un nouveau contrat, qui n'ont pas abouti à un accord ; que se prévalant du non-renouvellement abusif du contrat par la société Sofradif, la société Elsevier l'a assignée en réparation de son préjudice et celle-là a demandé reconventionnellement le paiement d'une indemnité de cessation de contrat ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la société Elsevier fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire alors, selon le moyen :
1°/ que l'abus, par l'agent commercial, de son droit de ne pas renouveler le contrat d'agence commerciale, lorsqu'un accord a d'ores et déjà été conclu sur le principe de ce renouvellement, l'oblige à réparer le préjudice ainsi causé à son mandant, lequel s'analyse en la perte de chiffre d'affaires, diminuée des commissions, que ce mandant pouvait raisonnablement espérer compte tenu de la croyance légitime que le contrat serait renouvelé ; que la cour d'appel, qui a pourtant constaté que "les parties se trouvaient dans une situation de renouvellement des contrats en cours, dont le principe a été accepté par chacune d'elles", a néanmoins jugé que la société Elsevier ne pouvait pas se prévaloir d'un préjudice résultant "du défaut de poursuite des contrats résiliés à leur terme, ni sur celui en cours de négociation" ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ que le préjudice consécutif à un abus du droit de ne pas renouveler la relation commerciale inclut notamment les frais occasionnés par la négociation ; qu'en l'espèce, la société Elsevier faisait valoir qu'elle avait licencié cinq de ses commerciaux afin de libérer des territoires pour la société Sofradif, en considération du nouveau contrat d'agence commerciale à intervenir ; que, pour écarter l'indemnisation de ce chef de préjudice, la cour d'appel, qui a constaté l'existence d'un accord de principe sur le renouvellement du contrat d'agence commerciale, a considéré que "les frais liés à ces licenciements avaient été antérieurs à la rupture et étaient la conséquence de la mise en oeuvre de nouvelles conditions contractuelles et non la rupture des pourparlers eux-mêmes" ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que les frais de licenciement avaient été engagés dans le cadre de la négociation qui n'avait pas abouti par la faute de la société Sofradif, ce dont il résultait qu'ils constituaient un préjudice réparable, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel n'ayant, par des motifs non critiqués, retenu qu'une rupture abusive de pourparlers, le moyen, en ce qu'il invoque un préjudice résultant du non-renouvellement abusif des contrats, est inopérant ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses troisième et quatrième branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande d'indemnité de cessation de contrat de la société Sofradif, l'arrêt retient que celle-ci, qui a refusé de conclure le nouveau contrat proposé par la société Elsevier, ayant été à l'origine de la rupture de leurs relations, ne peut prétendre à cette indemnité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'agent commercial qui refuse de conclure un nouveau contrat à l'expiration du précédent n'a pas l'initiative de la cessation du contrat au sens du second texte susvisé, de sorte qu'il n'est pas privé du droit à indemnité prévu par le premier, la cour d'appel a violé lesdits textes ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
REJETTE le pourvoi incident ;
Et sur le pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnité de cessation de contrat de la société La Diffusion Sofradif, statue sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, l'arrêt rendu le 17 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Elsevier Masson aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société La Diffusion Sofradif la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société La Diffusion Sofradif
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir débouté la société La Diffusion/Sofradif de sa demande tendant à obtenir le versement, par la société Elsevier Masson, de l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L. 134-12 du code de commerce dispose qu'"en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi" ; que ces dispositions visent la cessation des relations entre le mandant et son agent et non le contrat de sorte qu'en présence d'un contrat venu à son terme, son renouvellement, fût-ce sur des bases nouvelles, exclut le droit à commission ; qu'or en l'espèce, les parties ont entendu négocier les nouvelles conditions de leurs relations comme elles l'avaient déjà fait dans le passé nonobstant la résiliation des contrats en cours ; qu'elles ont a cette fin engagé des négociations en cours d'exécution du préavis contractuel ; que si la société Elsevier a alors invoqué sa propre réorganisation, il ne s'ensuit pas pour autant qu'elle a poursuivi son seul intérêt, la société Sofradif n'a d'ailleurs formulé aucune réserve qui l'aurait laissé supposer ; en conséquence les parties se trouvaient dans une situation de renouvellement des contrats en cours, dont le principe a été accepté par chacune d'elles de sorte que la société Sofradif ne saurait se prévaloir de la résiliation des contrats précédents sauf à démontrer la mauvaise foi de la société Elsevier ; que la société Sofradif soutient que les propositions qui lui ont été faites ne prenaient en compte que les intérêts du mandant en ignorant ses demandes répétées notamment sur l'augmentation de son taux de commissionnement, faisant valoir que la société Elsevier a agi en connaissance de cause afin de provoquer son refus et de lui imputer le non renouvellement des contrats en cours ; qu'il convient de relever que par un courrier du 16 mai 2011 la société Sofradif a envisagé une date de signature de nouveau contrat remplaçant celui de 2004 et ce dès le 15 juillet 2001, calendrier qui a été perturbé du fait de la maladie incurable qui a touché M. A..., le responsable commercial de la société Sofradif ; qu'en même temps la société Elsevier a proposé de nouvelles offres d'ouvrages ce qui était favorable à son mandataire qui les a acceptées et démontre la volonté de chacune des sociétés de poursuivre la relation commerciale, la société Sofradif ne formulant alors aucun grief quant à ses intérêts ; qu'il résulte des courriels échangés en juillet 2011 que les discussions ont alors porté sur la manière dont le réseau pourrait être réorganisé, la société Sofradif préconisait la mise en place de vendeurs supplémentaires pouvant aller jusqu'à 23 prévue en 2012/2013 et précisant alors qu'un même commercial pouvait travailler sur plusieurs départements ; que les négociations qui avaient été menées pour la société Sofradif par son responsable commercial, M. A... se sont poursuivies, en raison de la maladie de celui-ci, à la rentrée 2011, avec le PDG de la société Sofradif, M. B... ; que le 26 septembre 2011, la société Elsevier a adressé un courriel à la société Sofradif pour lui confier avec effet immédiat 15 départements français ; que M. B... a répondu dès le lendemain pour la remercier de la rapidité de sa réaction et pour "la modification des secteurs", précisant avoir libéré la Belgique ; que la société Sofradif n'a pas formulé la moindre réserve sur cette réorganisation sectorielle qu'elle a mise en oeuvre ; qu'elle n'en a pas davantage contesté l'intérêt dans les semaines qui ont suivi, ni formulé les moindres réserves quant à son organisation ; que dès lors la modification du secteur de la société Sofradif résulte de la négociation entreprise entre les parties et de leur accord, le retrait de la Belgique étant la contrepartie de l'attribution de départements supplémentaires ; que le 21 octobre 2011 la société Elsevier a adressé un projet de contrat qui stipulait que d'autres départements non couverts étaient confiés à la société Sofradif avec effet immédiat ce qui avait pour conséquence de doubler le nombre de ses territoires ; que par ailleurs ce projet accordait l'exclusivité de la représentation à la société Sofradif pour tous les territoires couverts par un de ses représentants, l'absence d'exclusivité ne jouant que si sur ces territoires la société Sofradif n'estimait pas devoir y être représentée ; que la société Elsevier ajoutait que dans trois des départements du secteur confié, elle avait précédemment des représentants et qu'ils étaient à forte densité médicale de sorte que le potentiel commercial ouvert à la société Sofradif a fortement augmenté entre le début et la fin de l'année 2011 ; qu'il ne peut être contesté néanmoins que les parties ne sont pas parvenues à un accord final, quand bien même la société Sofradif a redéployé immédiatement son secteur géographique puisque le contrat proposé n'a pas été signé et que de nouvelles réunions se sont tenues entre le 2 et le 14 novembre aboutissant à l'envoi d'une proposition de contrat de distribution que la société Sofradif a refusé, confirmant alors son choix quant au maintien de son statut d'agent commercial mais souhaitant alors une durée non plus de deux ans mais de 5 ans ce qui a été acté par la société Elsevier ; que la société Sofradif fait valoir que le taux de commissionnement était un des éléments essentiels de la négociation ; que toutefois, si M. A... avait écrit dès le 2 décembre 2010 "Puisque vous travaillez sur un avenant concernant la diffusion des traités médicaux, pourquoi ne pas revoir les taux de commission car avec 55 % et 60 %, vous comprendrez qu'en nous demandant de partager votre risque nous serions placés dans un impasse. En 2008 nous perdons -84 000 €, j'ai baissé les commissions drastiquement au risque de perdre des commerciaux. En 2009 nous perdons -34 000 €. Malgré cela nous perdons une somme importante", cette demande a été formulée avant l'évolution du secteur qui lui a été confié et elle ne justifie pas l'avoir ensuite renouvelée lors de son refus du contrat de distribution, son exigence ayant alors porté sur la durée du contrat d'agent commercial renouvelé ; que la société Elsevier fait observer qu'elle avait accepté que la rémunération de la société Sofradif telle que prévue dans le projet initial du 21 octobre soit revue à la hausse, ajoutant que la réduction du taux de commission était au demeurant très limitée puisqu'elle n'a concerné que certains produits et que le taux a été augmenté sur d'autres produits de sorte que la rémunération a augmenté en valeur absolue ; qu'elle a en toute hypothèse proposé un nouveau projet le 14 novembre 2011 améliorant au profit de la société Sofradif sa proposition du 21 octobre en ce qu'elle :
- actait une durée initiale de 5 ans ;
- étendait à tout le territoire français le mandat de la société Sofradif au lieu de 29 départements ;
- les objectifs de vente étaient renvoyés en annexe sans être qualifiés d'objectifs ;
- la rémunération était augmentée soit :
54 % au lieu de 50 % pour les traités EMC et Akos ;
58 % au lieu de 55 % pour le traité du Savoir et des Soins Infirmiers ;
25 % pour les reliures ;
que la société Sofradif fait valoir que sa rémunération subissait néanmoins une diminution par rapport aux contrats résiliés de 1 % pour les traités EMC et Akos, qu'elle était bloquée à 58 % pour le traité 2S1 alors qu'elle pouvait atteindre 61 % en fonction du nombre d'exemplaires vendus, de 5 % pour les reliures ; qu'elle ajoutait qu'étaient maintenues les clauses de résiliation pour non-respect des objectifs et de partage du risque d'impayés ; qu'il convient de relever que la clause de résiliation en cas de non réalisation des objectifs de chiffre d'affaires figurait déjà dans le contrat du 8 décembre 2004 de même que l'interdiction de prospecter sur les congrès médicaux ; que si le risque d'impayé avait été quelque peu augmenté, il restait très limité puisque ne représentant en moyenne que 1 % du chiffre d'affaires ; qu'en contrepartie la société Sofradif avait vu son territoire et son exclusivité largement étendu ; que par ailleurs elle ne peut prétendre que la promotion et la vente en ligne lui étaient retirées puisque le projet de contrat stipulait une commission au titre des ventes en ligne des produits dont la distribution lui étaient confiés ; qu'enfin si la société Sofradif soutient que ce dernier projet ne lui convenait pas davantage, elle ne produit aucun écrit en ce sens ; qu'elle ne fait état que de contestations orales et ne justifie d'aucune contre-proposition ; qu'elle a seulement écrit le 21 novembre 2011, sans avoir donné de réponse à la dernière proposition qu'elle avait reçue, qu'elle prenait acte des résiliations des deux contrats de 2004 et 2009 en sollicitant une indemnité de résiliation ; que le 9 décembre 2011 la société Elsevier lui a alors indiqué "Comme nous vous l'avons indiqué il (le nouveau contrat) doit vous permettre de dégager une marge supérieure aux contrats précédents. Nous devons vous préciser cependant que si vous souhaitez conserver les mêmes rémunérations que par le passé nous vous confirmons en tant que de besoin notre accord pour maintenir les mêmes rémunérations", courrier auquel la société Sofradif n'a pas répliqué ; qu'il résulte de ces éléments que la société Elsevier a proposé dans des conditions loyales le renouvellement des contrats précédents par un nouveau contrat qui ne remettait pas en cause les intérêts économiques de la société Sofradif et que cette dernière, après en avoir accepté et mis en oeuvre certaines modalités, a décidé de refuser ce renouvellement alors même qu'elle ne démontre pas que ce nouveau contrat modifiait de façon substantielle les conditions économiques de sa relation commerciale avec son mandant ; que la rupture est dès lors de son fait et elle ne saurait pas prétendre à l'indemnité de résiliation ; qu'en conséquence il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Sofradif de ses demandes autres plus amples ou contraires quand bien même il n'a pas visé expressément l'indemnité de rupture » ;
1°/ ALORS QU'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé d'une part, que la résiliation des contrats en cours était intervenue à l'initiative de la société Elsevier (cf. arrêt p. 5 § 9) et d'autre part, que les parties n'étaient pas parvenues à un accord final sur les termes d'un nouveau contrat (cf. arrêt p. 6 dernier §) ; qu'il en résultait que les relations entre la société Sofradif, agent commercial, et la société Elsevier, son mandant, avaient définitivement cessé de sorte que la Sofradif était en droit de percevoir l'indemnité compensatrice légale ; qu'en retenant néanmoins le contraire, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 134-12 du code de commerce ;
2°/ ALORS QUE par exception, l'indemnité compensatrice légale n'est pas due à l'agent commercial dans les cas limitativement énumérés à l'article L. 134-13 du code de commerce que sont la cessation du contrat provoquée par la faute grave de l'agent commercial ou à l'initiative de ce dernier ainsi que la cession des droits et obligations que celui-ci détient en vertu du contrat d'agence à un tiers ; qu'en retenant que la société Sofradif ne pouvait prétendre à l'indemnité compensatrice, sans caractériser aucune de ces exceptions légales, la cour d'appel a violé l'article L. 134-13 du code de commerce ;
3°/ ALORS QUE l'article L. 134-13, 2° du code de commerce, en ce qu'il prévoit que l'indemnité compensatrice légale n'est pas due lorsque « la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent », vise l'hypothèse de la cessation du contrat en cours, et non le défaut de conclusion d'un éventuel nouveau contrat ; qu'en retenant que la société Sofradif ne pouvait prétendre à l'indemnité compensatrice dès lors qu'ayant refusé de conclure le nouveau contrat proposé par la société Elsevier, elle aurait été à l'origine de la rupture de la relation nouée avec ce dernier (cf. arrêt p. 8 § 1), la cour d'appel a violé l'article L. 134-13 du code de commerce, par fausse application de ce texte ;
4°/ ALORS QU'en dehors des exceptions prévues à l'article L. 134-13 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; que cette indemnité est due de plein droit, sans que l'agent commercial n'ait à justifier que la non conclusion d'un nouvel accord serait imputable au comportement du mandant ; qu'en subordonnant le droit à indemnité de l'exposante à la preuve de la mauvaise foi de la société Elsevier lors des pourparlers engagés en vue de la conclusion éventuelle d'un nouveau contrat (cf. arrêt p. 6 § 1), la cour d'appel a violé l'article L. 134-12 du code de commerce ;
5°/ ALORS QUE toute personne est libre de ne pas conclure un contrat sans avoir à justifier sa décision ; qu'en l'espèce, pour retenir que la société Sofradif ne pouvait prétendre à l'indemnité compensatrice légale, la cour d'appel a affirmé que celle-ci ne démontrait pas que le nouveau contrat « modifiait de façon substantielle les conditions économiques de sa relation commerciale avec son mandant » (cf. arrêt p. 8 § 1) ; qu'en privant l'agent commercial de son droit à indemnité au prétexte qu'il ne justifiait pas, par des raisons économiquement pertinentes, son refus de ne pas conclure un nouveau contrat à des conditions différentes des précédents, la cour d'appel a violé le principe de la liberté contractuelle, ensemble l'article L. 134-12 du code de commerce ;
6°/ ALORS QU'un accord de principe n'engage pas son auteur ; qu'ainsi, un accord de principe sur le renouvellement d'un contrat ne vaut pas engagement de conclure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'à la suite de la résiliation des contrats en cours, les parties, ayant souhaité négocier les conditions de leurs nouvelles relations, s'étaient trouvées dans « une situation de renouvellement des contrats en cours, dont le principe a été accepté par chacune d'elles » (cf. arrêt p. 6 § 1) de sorte qu'en refusant, in fine, de conclure ce nouveau contrat, la société Sofradif aurait été à l'origine de la rupture de la relation avec son mandant (cf. arrêt p. 8 § 1) ; qu'en assimilant ainsi un simple « accord de principe » à un engagement ferme et définitif, de la part de l'agent commercial, au « renouvellement » des contrats sur de nouvelles bases restant à définir, la cour d'appel, a violé l'article 1134 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Elsevier Masson
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'AVOIR débouté la société Elsevier Masson de sa demande de dommages-intérêts pour abus de droit de ne pas renouveler les relations commerciales ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « les parties se trouvaient dans une situation de renouvellement des contrats en cours, dont le principe a été accepté par chacune d'elles » (arrêt, p. 6 § 1) ; « la société Sofradif était en droit de ne pas renouveler son contrat d'agent commercial sauf à le faire de façon non équivoque ; or elle a poursuivi des pourparlers pendant 7 mois, mis en oeuvre la modification de son secteur et alors que les négociations avaient abouti à une proposition économique au moins aussi favorable que celle résultant des précédents contrats, elle a mis fin à ces négociations sans pour autant justifier de son refus ; elle a en conséquence manifestement abusé de son droit ; que si la société Elsevier peut dès lors invoquer un préjudice, celui-ci ne peut résulter que de la rupture des pourparlers et non du défaut de poursuite des contrats résiliés à leur terme, ni sur celui en cours de négociation ; or, elle invoque un préjudice résultant du chiffre d'affaires net non réalisé lequel ne résulte pas de la rupture fautive des pourparlers mais du non renouvellement du contrat précédent sur de nouvelles bases ; elle fait également état du préjudice lié au licenciement de cinq de ses commerciaux, affectés exclusivement aux nouveaux territoires attribués à la société Sofradif ; si elle produit copie de son registre du personnel démontrant que deux d'entre eux l'ont quittée respectivement les 7 novembre et 31 décembre 2011, et qu'elle a engagé des frais d'un montant de 137.500 € pour les licencier, ces frais sont antérieurs à la rupture et sont la conséquence de la mise en oeuvre de nouvelles conditions contractuelles et non de la rupture des pourparlers eux-mêmes » (arrêt, p. 8 § 4 et 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, aux termes du jugement confirmé, « Elsevier ne produit aucune pièce sur le préjudice qu'elle aurait subi » (jugement, p. 6 § 2) ;
ALORS en premier lieu QUE l'abus, par l'agent commercial, de son droit de ne pas renouveler le contrat d'agence commerciale, lorsqu'un accord a d'ores et déjà été conclu sur le principe de ce renouvellement, l'oblige à réparer le préjudice ainsi causé à son mandant, lequel s'analyse en la perte de chiffre d'affaires, diminuée des commissions, que ce mandant pouvait raisonnablement espérer compte tenu de la croyance légitime que le contrat serait renouvelé ; que la cour d'appel, qui a pourtant constaté que « les parties se trouvaient dans une situation de renouvellement des contrats en cours, dont le principe a été accepté par chacune d'elles » (arrêt, p. 6 § 1), a néanmoins jugé que la société Elsevier Masson ne pouvait pas se prévaloir d'un préjudice résultant « du défaut de poursuite des contrats résiliés à leur terme, ni sur celui en cours de négociation » (arrêt, p. 8 § 5) ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquence légale de ses constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS en deuxième lieu, et subsidiairement, QUE le préjudice consécutif à un abus du droit de ne pas renouveler la relation commerciale inclut notamment les frais occasionnés par la négociation ; qu'en l'espèce, la société Elsevier Masson faisait valoir qu'elle avait licencié cinq de ses commerciaux afin de libérer des territoires pour la société Sofradif, en considération du nouveau contrat d'agence commerciale à intervenir (concl., p. 68 et 69) ; que, pour écarter l'indemnisation de ce chef de préjudice, la cour d'appel, qui a constaté l'existence d'un accord de principe sur le renouvellement du contrat d'agence commerciale (arrêt, p. 6 § 1), a considéré que « les frais liés à ces licenciements avaient été antérieurs à la rupture et étaient la conséquence de la mise en oeuvre de nouvelles conditions contractuelles et non la rupture des pourparlers eux-mêmes » (arrêt, p. 8 § 5) ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que les frais de licenciement avaient été engagés dans le cadre de la négociation qui n'avait pas abouti par la faute de la société Sofradif, ce dont il résultait qu'ils constituaient un préjudice réparable, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS en troisième lieu, et à titre également subsidiaire, QUE la rupture abusive des négociations ayant donné lieu à un accord de principe oblige son auteur à indemniser l'autre partie de la perte de chance de conclure un contrat avec un tiers ; qu'en l'espèce, la société Elsevier Masson faisait valoir que la rupture de la société Sofradif, dont la cour d'appel a relevé qu'elle avait « manifestement abusé de son droit » de ne pas renouveler le contrat d'agence commerciale, l'avait laissé sans solution alternative pour la vente de ses produits (concl., p. 67 § 10) ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société Elsevier Masson avait subi un préjudice résultant de la rupture abusive imputable à la société Sofradif, lié à l'impossibilité de trouver un nouvel intermédiaire pour distribuer ses produits sans subir de perte de chiffres d'affaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
ALORS en quatrième lieu QUE le juge est tenu d'analyser, même sommairement, les pièces qui lui sont soumises par les parties ; qu'à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs du jugement selon lesquels la société Elsevier ne produisait aucune pièce sur le préjudice qu'elle avait subi (jugement, p. 6 § 2), tandis que la société Elsevier produisait, à l'appui de ses écritures, plusieurs pièces établissant la réalité de son préjudice, et notamment un tableau relatif à l'évolution du chiffre d'affaires généré par la société Sofradif de 2009 à 2011 et un tableau relatif au chiffre d'affaires pour les 5 premiers mois 2012 (pièce n° 47 et les justificatifs des licenciements engagés en raison des négociations (pièce n° 45), il en résulterait que la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile.